Nos Pebernad étaient déjà à Dourgne au xvie. Pour deux siècles ils seront marchands, dans une petite région où l’on ne savait fabriquer qu’un drap grossier, le cordelât de Dourgne. Ils étaient à leur place parmi cette population entreprenante qui devait à la fois financer, suivre la fabrication et en assurer le débouché. Ils étaient sur les marchés de Castres ou Castelnaudary, et se sont sans doute déplacés jusqu’à Montpellier, Perpignan. Là, ils vendaient leurs draps, mais aussi achetaient laines, teintures, et pourquoi pas aussi toutes sortes de produits à revendre au retour. Revenus à Dourgne, ils reprenaient le suivi de la fabrication auprès de ces artisans souvent peu compétents et toujours tentés par la fraude ou la dissimulation.
Cette activité risquée ne pouvait s’entreprendre qu’en associations que renforçaient les mariages des enfants. Si quelques bénéfices avaient pu être mis de côté, ils étaient investis dans la terre. Terre qu’il parfois fallait vendre ou faire vendre un débiteur insolvable.
Hubert, 2018
Voici donc la litanie Pebernad jusqu’à nos jours :
Ménager au Canet-d'Aude
Cultivateur au Canet-d'Aude où ils possèdent de petites surfaces
François et Gabrielle se marient très jeunes et commencent dans la vie avec très très peu. En 1834, ils s'installent à Toulouse pour y faire commerce de vins, par la suite, il y associera ses fils Léon et Auguste. En 1876, il prend sa retraite et ses fils ont désormais assez pour cesser de travailler
Après leur mariage, achètent Cepet et y mènent une vie de propriétaire terrien qui s'intéressent et investissent dans leur exploitation
En 1914, sa santé fragile lui évite la conscription et il reprend l'exploitation de Cepet qu'il développera toute sa vie. Il épouse Henriette avec qui il aura 4 enfants. Il mène une vie recluse et disparaît tôt
Source : Armorial général des familles nobles du Pays Toulousain.
Représentants actuels : M. Henri de Sahuqué, rue Croix-Baragnon, 10 ; M. Paul de Sahuqué, rue Vélane, 5 ; M. Louis de Sahuqué, ft, ancien officier, rue du Taur, 38, à Toulouse ; M. Charles de Sahuqué, capitaine des cuirassiers, à Versailles (Seine- et-Oise), et leurs fils demeurant au faubourg Saint-Etienne N° 350.
fermier général des Domaines et Poursuites et Diligence dans le Pays de Roussillon, découvrit que deux commerçants de Carcassonne, Anthoine Samary et Francis Bourlat, avaient acheté à Jean et Denis Delmas Frères, commerçants de Perpignan, des balles de laine et s'étaient mis d'accord pour frauder les droits de la leude. Sa femme Paule, lancera en 1707, une procédure contre Jean Coudon, marchand drapier, qui a détourné 20 000 livres dans la société au capital de 40 000 livres qu'il avait formé le 1er avril 1700 avec ledit Samary.
Il y a longtemps que nous fabriquons de ces draps ainsi que plusieurs de nos confrères de cette ville et nos acheteurs ont toujours été très contents… sieur Castel père qui parvenu à l'âge de 80 ans n'a jamais éprouvé aucune difficulté dans aucun bureau, au contraire, par sa probité nous fait jouir, dans l'intérieur du Royaume que dans tout le Levant d'une réputation distinguée…En 1783, l'affaire n'est pas terminée et les Castel argumentent qu'aucune loi n'interdit aux fabricants carcassonnais de faire des draps à l'instar de ceux de Sedan, Louviers, Elbeuf,… oubliant de préciser que les coupons faisant l'objet du litige n'ont pas la longueur voulue.
Anne est toujours parmi nous, elle adore lire ces lignes auxquelles elle a beaucoup contribué par ses souvenirs
Le Lauragais produit du pastel et l’exporte dès le xive siècle. À partir des années 1330, une fois terminée la prohibition des sorties des matières premières et des colorants, ce pastel est vendu à Perpignan et dans les pays de la couronne d’Aragon. Il arrive régulièrement à Perpignan par la route terrestre des pays de l’Aude et, éventuellement, par la mer depuis Narbonne.
L’exportation, au début du xve siècle, s’effectue toujours, en partie, par Narbonne : 1500 à 2000 charges quittent la ville annuellement. Le pastel du Lauragais va vers le Roussillon, le comté d’Empúries mais aussi Barcelone ; en 1427, par exemple, trois marchands de Villefranche-de-Lauragais, Ramon Donat, Johan Bonet et Izarn Bonet devaient livrer à Perpignan 210 charges de pastel à Pere Daltello, un Barcelonais, celui-ci avait encore passé deux autres contrats avec Izarn Bonet. Ce pastel était livré sous forme d’agranat.
Le pastel n’est pas le seul produit exporté, du drap est fabriqué en Lauragais et aux alentours : Castelnaudary, Sorèze, Avignonet, Villepinte, Fanjeaux, Montréal, Saint-Félix, Le Mas-Saintes-Puelles, Revel sont des villes drapantes. De nombreux articles des coutumes de Castelnaudary traitent de la fabrication des draps, de la qualité de la laine vendue. Plusieurs rubriques de la réglementation du poids public sont consacrées au pesage de la laine filée et à filer. Un règlement de la draperie et de la parerie est inclus dans le cartulaire de la ville. Les produits nécessaires à la teinture des draps sont présents sur le marché : pastel, garance (roya), produits localement, brasil et alun qui sert de fixateur. Le lin et le chanvre sont cultivés ; on fabrique des toiles et aussi des futaines car le coton (coto) est vendu sur le marché. Des moulins drapiers sont installés sur les cours d’eau.
Des moulins drapiers sont installés sur les cours d’eau de la Montagne Noire, à Cenne, sur le Lampy 25, à Labécède et Issel, sur l’Argentouire, le ruisseau de Bassens, à Verdun, sur le Tenten. Des tendoirs à draps sont vendus, loués.[…]
Les draps du Lauragais, de qualité moyenne, sont exportés au xive siècle vers Perpignan, la Catalogne, Valence, Majorque. Les marchands de Villefranche et du Mas-Saintes-Puelles se rendent dans les années 1339-43 à Perpignan, des commerçants valenciens vont jusqu’à Carcassonne et Montolieu pour acheter des draps de fabrication locale. Les draps du Lauragais sont aussi vendus en Italie et dans le Levant. […] L’exportation des draps languedociens est alors réalisée, pour l’essentiel, par des marchands italiens qui sont allés à Montpellier.
Les marchands chauriens repérés à Perpignan achètent et vendent aussi des draps. Ils font tisser la laine qu’ils ont achetée ou tirée de leurs troupeaux et font apprêter les draps par les pareurs locaux.[…]
À Prato, au xive siècle, des exemples montrent que trois personnes, le maître tisserand, sa femme ou un apprenti, plus un gamin pour les canettes, tissent, sur un métier de deux mètres. Il faut 15 jours au maximum pour tisser une pièce de 34 m[…]
Ces marchands qui achètent laine et pastel, font tisser ou apprêter les draps, sont parfois propriétaires de teintureries, devenant ainsi maîtres de tout le processus de fabrication.
Le négociant trafique de tout
Le négociant trafique de tout, il n’est pas spécialisé dans le drap ou l’agranat (poudre prête à l’emploi), même s’il s’agit des deux produits rapportant le plus. Il achète en Lauragais des produits vivriers (froment), des matières premières (laine), du bétail (on le voit consentir des baux à cheptel d’ovins qui lui permettent de récupérer une partie de la laine qui sera valorisée).
Ils achètent probablement, comme les autres Languedociens, à Perpignan ou Collioure et dans les pays de la couronne d’Aragon, riz, orge, fèves, anis, safran, miel, fruits séchés, huile d’olive, cuirs et peaux, animaux de bât et de selle, mercure, cochenille. L’achat de laine d’Aragon qui complète la production locale est aussi pratiqué.[…]
Les acheteurs de pastel agranat viennent en Lauragais, parfois à l’occasion des foires, et en profitent peut-être pour vendre des draps. En effet, si l’on voit les Chauriens vendre eux-mêmes des draps moyens à des acheteurs locaux, ils en achètent, probablement de meilleure qualité, à Toulouse, et on note la présence, lors des foires, de marchands étrangers vendeurs de draps[…] Les marchands du Lauragais peuvent rencontrer les Perpignanais aux foires de Montagnac et Pézenas où ils viennent proposer leurs draps[…]
Tout le groupe de commerçants est lié par des associations, montées indifféremment avec l’un ou avec l’autre[…]
Le commerce ne constitue qu’une partie des activités de ces négociants du Lauragais. Il entraîne l’accumulation de capitaux qui vont être valorisés de diverses façons, réinvestis dans les affaires bien sûr, mais aussi utilisés pour l’achat de biens fonciers (maisons, moulins pastelier, domaines agricoles qui permettent la production de pastel ou l’élevage d’ovins) […]
Tous ces marchands ont des relations professionnelles mais aussi, souvent, s’allient par mariage[…]
Marie-Claude Marandet (2013) Les négociants du Lauragais au début du xve siècle via CAIRN Info
Les hommes de loi ont été les grands vainqueurs de la lutte pour le contrôle des terres : notaires, procureurs, avocats, juges (mages et autres), huissiers, greffiers, scribes de tous ordres se retrouvent au détour de chaque procédure, de chaque séquestre et de beaucoup d'achats consécutifs à des mises en vente sur décision de justice.
La notion d'ingérence leur semblait totalement étrangère. Au contraire, la capacité à la fabriquer faisait monter le prix des offices quasiment indexés sur leur rendement présumé. En créant le présidial, Catherine [de Médicis] avait voulu installer un relais de son pouvoir personnel et accroître son prestige ; la reine disparue – et même de son vivant – les magistrats se sont prioritairement occupés d'assurer leur fortune personnelle, leur promotion sociale et celle des leurs.[…]
Dès lors, les grandes maisons pastellières rentrent dans un cycle irréversible de récession. L'espace pastellier va chercher d'autres vocations, le pouvoir va changer de mains.
Au moment où les pastelliers engrangent les mauvaises nouvelles bien des hommes de lois en récoltent de bonnes, souvent les mêmes.
En Lauragais, la reine Catherine a créé le comté, nommé un sénéchal et fondé le présidial : que d'offices à prendre ! Pour les rentabiliser on pourra toujours racheter les terres des pastelliers en difficulté, d'autant que beaucoup d'entre elles sont confisquées pour fait d'hérésie. Les combats entre Huguenots et Papistes font rage : beaucoup de domaines tombent entre des mains bien chétives, nos procureurs, présidents, avocats,… se dévoueront pour… les accaparer.
La conjonction de la crise pastellière et de la crise protestante s'est traduite par un transfert massif de pouvoir au profit des officiers de justice qui vont se placer bien sûr en voie d'anoblissement accéléré. Ils vont se trouver à la tête des plus beaux morceaux de l'espace Lauragais, qui, s'il ne produit plus (ou peu) de pastel, est capable de fournir de grandes quantité de blé.[…] Le pouvoir qui a retrouvé ses appuis dans la ville, rationalise l'espace rural pour faire fructifier ce qui est redevenu l'essentiel : la rente foncière.
Roger Maguer (2003) De la cocagne au blé
Dourgne, à la frontière entre la montagne Noire et le Lauragais était avant la révolution une ville riche qui vivait d’une part du commerce de la laine que lui permettait les élevages proches et l’eau qu’elle avait en quantité et d’autre part des céréales cultivées dans les plaines qui s’étendaient à ses pieds.
Dourgne ne disposait pas des compétences nécessaires et ne fabriquait qu’un cordelât de qualité inférieure. Ceci ne les empêche pas de tricher un peu et en 1728, des fabricants de Dourgne adoptent pour leur cordelât la lisière bleue de Mazamet
Rémy Cazals (2010) Cinq siècles de travail de la laine à Mazamet 1500-2000 via Editions midi-pyrénéennes
Pendant les luttes protestantes du XVIème siècle, Dourgne se tint sous la bannière catholique si bien que par deux fois les moines bénédictins de Sorèze s’y réfugièrent après la prise de Sorèze par les troupes protestantes. A partir de l’époque d’Henri IV, vers 1605, la ville de Dourgne était gérée par des Consuls,[…]. A cette époque Dourgne était encore entourée d’une muraille. Dourgne était une ville riche grâce au commerce de la laine et à ses élevages.
A la veille de la Révolution la population est d’environ 1800 personnes qui vivent du textile mais aussi de la culture du blé et du seigle. On prépare la réunion des Etats Généraux et quatre députés sont élus pour y représenter notre commune : Antoine Caraven, Jean Jacques Raynaud, Jean Picarel et Pierre Germain Pebernad.
Patrimoine Lauragais
Depuis 1685, le canal du midi est ouvert à la circulation, ouvrant ainsi une voie de communication vers Bordeaux ou vers Sète. Vauban, lors d’une inspection, relèvera de nombreuses lacunes qu’il fera corriger par des travaux qui s’échelonneront jusqu’en 1694.
Les voyageurs peuvent emprunter la malle-poste qui relie Toulouse à Sète en moins de 4 jours.
Mais le canal ainsi qu’un gros effort sur les routes permet surtout le commerce des marchandises dont sont demandeurs les ports de Bordeaux et Marseille. Ceci permet d’un côté d’alimenter le Lauragais en sucres, cafés, épices et autres produits importés, et de l’autre d’obtenir les céréales et draps à exporter.
Ce commerce se faisait de proche en proche, du bourg à côté des lieux de productions comme Dourgne ou Revel vers Castelnaudary, centre relais qui permettait la jonction avec le canal du midi où la marchandise s’embarquait vers Bordeaux ou Marseille.
Canal du midi via Wikipedia
Dès les xvie et xve siècle, l’industrie textile castraise avait acquis une grande réputation :
Une fois apprêtées, les étoffes revenaient entre les mains du « marchand facturier » seul propriétaire de la marchandise et qui avait payé, pour qu’ils la travaillassent, fileuses, tisserands, teinturiers, pareurs. C’est lui qui vendait les draps, soit sur place, soit dans les grandes foires de la région. Ces draps étaient ou des cordelais fort épais, faits de bonne laine sans déchet et destinés à l’habillement des paysans et des artisans aisés, ou des bayettes, draps plus fins de « bonne laine fine ».
Florissante au début du xviie siècle la fabrication castraise va décliner dans le courant du siècle et cela surtout à cause de la carence de l’organisation chargée de surveiller la fabrication : la Bouille. Trop souvent, les « préposés de la Bouille » se laissèrent acheter par de peu scrupuleux « marchands facturiers » et la qualité de la fabrication baissa.
Les ordonnances de Colbert n’apportèrent pas de remède à cet état de choses. Seuls quelques points de détail de la fabrication furent modifiés par elles (remplacement des étoffes de grande largeur par des étoffes de petite largeur). Les fraudes continuèrent à se produire. La décadence de l’industrie castraise ne fit que s’accentuer, encore qu’à la fin du siècle il y eut près de 1.000 ouvriers (soit 1/6° de la population) qui travaillassent au « lanifice ». Parmi ces ouvriers beaucoup étaient ignorants et savaient à peine signer leur nom : cette ignorance n’était pas faite non plus pour faire progresser l’industrie castraise. Enfin une nouvelle cause de décadence apparut, à partir de 1675, avec les persécutions contre les protestants. Beaucoup durent abandonner leur métier.»
Robert Hubac (1934) L’industrie castraise via Persée