Lamarque Mise à jour octobre 2018
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Marchands dans le Béarn, les Lamarque ont compris que le XVIIIe appartiendrait aux marchands drapiers de Carcassonne, voici leur histoire.

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Marie Fortie
Guillaume, marchand de Morlaàs en Béarn, épouse Marie, fille de marchands drapiers de Toulouse. Nos marchands sont souvent sur les routes, à la recherche de produits ou ensuite de clients. Guillaume voyage ainsi avec son frère Michel, ses fils Jacques et Michel, son neveu Paul Lajur, son beau-frère Bertand Fortie
Jacques
  Lemayre
Marie Lemayre
Michel et son frère Jacques s'installent vers 1660 à Carcassonne alors en plein essor. Ils étaient certainement en affaire avec Antoine Lemayre et son fils Bernard ; le mariage de Michel et Marie a renforcé leur alliance. Trente années ont passé, et le testament de Michel en fait le bilan : Antoine, fils ainé docteur en théologie, Jacques et Jean, clé fondamentale du testament poursuivent l'activité, une somme significative pour chacun des 9 enfants. Enfants qu'il confie à son frère Jacques, l'associé de toujours.
Lemayre
Jean Lemayre
Suzanne Vines
Antoine Lemayre
  Razissal
Jeanne Razissal
Marchand drapier de Carcassonne, if fait pendant une dizaine d’années à partir de 1644 des acquisitions à Ventenac-Cabardès. La famille en a conservé les actes. Peut-être était-ce pour installer les artisans qui travaillaient pour lui
Razissal
Bernard Razissal
Florette Cabaret
Marchand drapier, installé à Carcassonne dans une maison de la Place Carnot à l'angle de la rue Clémenceau. Bernard a vécu assez longtemps pour assister au mariage de Marie sa petite-fille Marie
Jeanne Razissal
Antoine Lemayre
Marie Lemayre
Michel Lamarque
Marie reçoit de son père le jour de son mariage, outre 2 000 livres de dot, une robe de draps de soie et un cotillon de satin bleu. Antoine, l'ainé de leurs dix enfants sera
  Delmas
Jean, va diriger, associé à François Bourlat, de 1700 à 1720 la manufacture royale de Pennautier. Il épouse en 1713 à 43 ans, Jeanne Delmas. En 1731, il achète Sainte Eulalie. Ils établiront tous leurs enfants.
Delmas
Jean Delmas
Guillaume
Denis
  Samary
Anne Samary
Jean et Denis disposent d'un fond de boutique à Perpignan, c’est-à-dire une échoppe avec un nombre très varié de tissus. Ils font aussi commerce de laine du Roussillon. Jean mourra en 1693 dans l'année de leur mariage, Anne se retrouve pour de longues années en justice contre ses beaux-frères Denis et Guillaume. Il est question d'argent, de dorures, bagues, habits mais aussi d'un diamant donné à Anne mais encore dans les mains de Denis.
Samary
Antoine Samary
Paule Coudon
Marchand drapier, consul de Carcassonne en 1699. En juin 1688, Maître Christofle Charrière ,  fermier général des Domaines et Poursuites et Diligence dans le Pays de Roussillon , découvrit que deux commerçants de Carcassonne, Anthoine Samary et Francis Bourlat, avaient acheté à Jean et Denis Delmas Frères, commerçants de Perpignan, des balles de laine et s'étaient mis d'accord pour frauder les droits de la leude. Sa femme Paule, lancera en 1707, une procédure contre Jean Coudon, marchand drapier, qui a détourné 20 000 livres dans la société au capital de 40 000 livres qu'il avait formé le 1er avril 1700 avec ledit Samary.
Anne Samary
Jean Delmas
Anne épouse donc un marchand qui était en affaires avec son père. Elle reçoit à cette occasion une dot significative de 6 000 livres, il fallait bien s'aligner avec la fortune des frères Delmas.
Denis est devenu tuteur de Jeanne dont l'héritage est très important, il la placera dans un couvent à Toulouse où elle restera jusqu'à ses 12 ans avant de pouvoir retrouver sa mère, s'en suivra un long procès dont la famille a conservé les documents.
  Laporterie
Jeanne Laporterie
Antoine, se formera pendant deux ans à la manufacture de Pennautier avant d’être admis marchand en 1731. Epouse sa voisine Laporterie à Sainte Eulalie mais vivra plutôt à Ventenac Cabardès. Six fille dont Marie, Victoire, Jeanne Marie et Suzon qui atteindront l’âge adulte resteront dans l’état de demoiselles
Laporterie
Antoine Laporterie
Marie Ramel
Etablis à Fares dans le canton de Sainte Eulalie, Antoine est marchand drapier. Nous n'avons pu établir aucun lien avec d'autres Laporterie de Carcassonne. Même chose pour Marie qui porte le nom d'une famille drapière mais que nous n'avons su relier à personne. Marie , devenue veuve, est supérieure Franciscaine entre 1761 et 1766.
Jeanne Laporterie
Antoine Lamarque
  Castel
Seul garçon après une série de six filles, prendra la suite de son père. Entre dans l’affaire de ses cousins Pech et installe sa propre prospérité. Ceci lui permettra de s’installer et de s’étendre à Sainte Eulalie, mais aussi de se montrer généreux avec son entourage, y compris ses 4 sœurs célibataires.
Castel
Paul Castel
Sans doute le Paul Castel consul de Carcassonne en 1739. Le 1er septembre 1782, deux pièces de draps fabriquées par 'Castel et fils' sont arrêtées par l'inspecteur de Montauban et les fabricants protestent de leur bonne foi :  Il y a longtemps que nous fabriquons de ces draps ainsi que plusieurs de nos confrères de cette ville et nos acheteurs ont toujours été très contents… sieur Castel père qui parvenu à l'âge de 80 ans n'a jamais éprouvé aucune difficulté dans aucun bureau, au contraire, par sa probité nous fait jouir, dans l'intérieur du Royaume que dans tout le Levant d'une réputation distinguée…  En 1783, l'affaire n'est pas terminée et les Castel argumentent qu'aucune loi n'interdit aux fabricants carcassonnais de faire des draps à l'instar de ceux de Sedan, Louviers, Elbeuf,… oubliant de préciser que les coupons faisant l'objet du litige n'ont pas la longueur voulue.
Victor Castel
Marc-Antoine
Thomas Victor ainé, négociants en draps de Carcassonne en association avec son frère Marc-Antoine. Sur les registres de l'emprunt forcé de 1793, les frères Castel sont au nombre de la dizaine de négociants qui ont assez de capitaux pour se livrer au seul négoce. Les affaires ayant mal tourné, son gendre Dominique se retrouvera en 1816 à dédommager les créanciers de Victor.
Anne Castel
Dominique Lamarque
Anne a été largement dotée lors de son mariage en 1805 par son père. Sans doute des problèmes de santé du côté Castel avec Anne qui le laissera veuf plus de 35 ans et avec laquelle ils n’auront que deux enfants dont Victoire qui n’atteindra pas l’adolescence et Ferdinand qui toute sa vie se ménagera.
  Laperrine
Propriétaire pendant un siècle de rentier, vivra simplement en s’occupant d’agriculture à Sainte Eulalie. Son acte de décès mentionne une profession d’avocat, ce qui lui a peut-être permis de rencontrer François Alard.
Ferdinand et Clary auront une nombreuse descendance via les Salaman et les Maraval
Laperrine
Guillaume Laperrine
Françoise Laborie
Issu d’une famille de juristes, saisit l’opportunité de l’essor de cette industrie en ce début de XVIIIe pour devenir marchand drapier.
Jean-Dominique Laperrine
Jeanne Ramel
Associé avec les Ramel à une autre famille de drapiers, va développer très largement ses affaires ce qui lui permettra d’en transformer une partie en terres à l’occasion des différentes dispersions faites pendant la Révolution.
Dominique Laperrine
  Hautpoul
Pauline d’Hautpoul
Notable, il étend son système d’alliances par son mariage avec Pauline. Il prendra aussi à sa charge l’éducation de son jeune beau-frère Alphonse. Il deviendra banquier, fera un peu de politique
Hautpoul
Joseph Hautpoul
Marthe de Roux
Obtient l'érection de ses terres de Félines, Cassagnoles et Ventajou en marquisat d'Hautpoul (mai 1734) en récompense des services de ses ancêtres et des siens d’après la formule en vigueur.
Son épouse Marthe était la fille de Pierre d'une famille de noblesse de robe du diocèse de Mirepoix.
Jean Antoine Hautpoul
Catherine de Bermond
Entre aux Pages du roi en 1712
Jean Henri Hautpoul
Henriette Foucaud Alzon
Puiné, il ira d'abord passer 20 années au Royal Picardie dont il finira colonel avant d'épouser Henriette et de s'installer à Versailles afin d'assurer l'avenir de leurs enfants. La Révolution les y surprendra, ils devront se cacher et vivre dans le dénuement. De retour à Carcassonne au début de l'Empire il y trouvera un mari pour Pauline
Pauline Hautpoul
Dominique Laperrine
Pauline devient ensuite l'aïeule respectée, le vrai chef de famille après la mort de son mari auquel elle survécut de longues années. Elle recevait beaucoup dans sa grande maison de la rue de la mairie où toute la bonne société du pays se donnait rendez-vous
Clary Laperrine
Peu de traces de Clary si ce n’est qu’ils vont avoir quatre enfants pour une vie à l’intérieur du clan Laperrine ce qui va conduire leur fille ainée Louise à épouser son cousin germain Charles Salaman.
  Alard
Paul, sans doute propriétaire et avocat lui aussi, a dû partager son temps entre Carcassonne et Rieucros. Il décède à 38 ans et laisse Pauline seule avec une fille et 3 garçons. Ces derniers rentiers sans revenu mangeront tranquillement leur capital
Alard
Joseph Alard
Jeanne Billard
Marchand
Pierre Alard
  Guilhemat
Françoise Guilhemat
Avocat à Mirepoix – receveur des décimes

Guilhemat
Antoine Guilhemat
Jeanne Levié
Marchand du lieu de Rieucros où il possède maison et terres qu'il complétera sa vie durant. En 1752, il est intallé à Mirepoix.
Jean-Joseph Guilhemat
Marie-Thérèse Daran
Avocat au parlement haut de Pamiers, a conservé ses biens à Rieucros.
Françoise Guilhemat
Pierre Alard
François Alard
  Larue
Antoinette Larue
Avocat à Pamiers

Larue
Joseph Larue
Jean-Paul Larue
Très certainement collatéraux, guillotinés sous la Terreur, voir ci-dessous
Joseph Larue
Suzanne Grave
Avocat et avoué, juge suppléant au tribunal de première instance de Pamiers
Antoinette Larue
François Alard
Pauline Alard
Paul Lamarque
La tradition familiale dit de Pauline qu’elle était une sainte
Bernard de Bonne
Marie-Thérèse deviendra l’épouse Bernard de Bonne qui avait été en classe avec son frère Raymond

Sur une carte

États de Languedoc et département de l’Aude, 1818

Le 2 septembre 1666, les principaux fabricants de cette ville, assemblés sous la présidence du juge-mage, rédigèrent un règlement en soixante et onze articles, par lequel furent fixées les longueurs et largeurs des différentes qualités de draps, les laines à employer dans chaque qualité, le nombre de fils que devait avoir la chaîne, les lisières, foulages, teintures, et tous les procédés de la fabrication.

Ils établirent une police rigide contre la négligence et la fraude des ouvriers ; enfin ils arrêtèrent que quatre d’entre eux seraient élus annuellement sous le nom de Bayles (depuis farcir-gardes) pour surveiller l’exécution des règlements. Ces statuts, approuvés par le conseil d’état, furent confirmés par lettres-patentes du roi, enregistré au parlement de Toulouse le 17 décembre de la même année. Ils ont été depuis ou confirmés de nouveau ou modifiés suivant les circonstances, par différents arrêts du conseil d’état des 13 août 1669, 15 mai 1676, 22 octobre 1697, 20 octobre 1708, 15 janvier 1732, 29 janvier 1737.

Il y avait un siècle que des gentilshommes, du nom de Saptes, avaient établi, auprès de Carcassonne, une manufacture de draps. M. de Varennes qui la dirigeait au moment où Colbert s’occupait à ranimer cette branche d’industrie, alla puiser en Hollande, des principes de fabrication, en ramena de bons ouvriers qui firent des étoffes propres pour le Levant ; elles y furent reçues avec plaisir : bientôt cet exemple fut imité par d’autres fabricants, et les envois se multiplièrent.

Les Hollandais, les Anglais, les Vénitiens, tentèrent vainement d’arrêter cet essor ; vainement ils donnèrent leurs étoffes à bas prix, même à 25% de perte : enfin ils en altérèrent la qualité, et cette opération les décria au point qu’ils perdirent toute concurrence.

Les succès de notre commerce en Levant avaient exigé de grands sacrifices de la part des manufacturiers ; le gouvernement vint à leur secours : la manufacture des Saptes reçut le titre de manufacture royale. Les États de Languedoc qui, lorsqu’ils n’avaient pas eu la première idée d’une mesure utile, avaient toujours le mérite de l’accueillir et de l’adopter, partagèrent avec les fabricants les frais du premier établissement, firent des avances sans intérêt, et accordèrent une prime d’encouragement de 10 francs pour chaque pièce de drap expédiée dans le Levant.

Les marchands de Marseille achetaient les draps des manufactures de Carcassonne, à payer au terme de huit mois ou d’une année. Quand le manufacturier était pressé par le besoin d’argent, il accordait au marchand avec lequel il traitait un escompte de 1% par mois, et recevait sur-le-champ son paiement; mais le plus souvent il attendait le terme.

Ces avantages, la province les devait donc, pour la plus grande partie, au corps des fabricants de Carcassonne. En effet, qu’était le commerce du Levant depuis 1680 jusqu’en 1700 ? Deux seules manufactures travaillaient ; mais depuis que les fabricants de Carcassonne, excités par M. de Basville, intendant de Languedoc, se furent adonnés à ce genre d’industrie, il augmenta bientôt à vue d’œil ; c’est du milieu de ce corps que sortirent presque toutes les autres manufactures ; c’est delà qu’on tirait ceux qui les dirigeaient, c’est à lui qu’on fut redevable de la perfection de la marchandise. On lui dut encore la subsistance des ouvriers, lorsque des diminutions de prix et des pertes considérables amenèrent l’interruption du travail.

Les règlements de Colbert furent longtemps la sauvegarde du commerce ; les ministres tenaient à leur fidèle exécution, et, dans des lettres instructives adressées, le 14 février 1765, par le contrôleur général aux inspecteurs des Jurandes de Carcassonne, on voit avec quelle sollicitude il recommande l’observation exacte de ces mesures auxquelles la France devait un commerce qu’il estime à 12 000 000.

La liberté et la bonne foi, dit ce ministre, sont également utiles dans le commerce : il convient d’attirer le consommateur en lui présentant différentes espèces de marchandises qui, par leur variété, puissent contenter les différents goûts. Mais il faut avoir grand soin de ne pas l’écarter pour toujours en le trompant dans la qualité de chaque espèce. On ne peut donc trop veiller sur la fidélité des marques qui ont obtenu la confiance du public ou auxquelles on veut la concilier. La célérité des opérations du commerce et l’ignorance du véritable consommateur sont des raisons essentielles pour veiller à cette fidélité et pour conserver cette confiance.

Le plus bas compte des draps est celui des 16m. On pourrait autoriser la fabrication des 16, 18, 20, 22 et 24m, si fait ce n’a été, pourvu que les fabricants le demandent, que ces draps contiennent réellement le nombre des fils en chaîne et que leur nom indique, qu’ils aient des marques distinctives tant aux chefs que dans les lisières, qu’ils soient revêtus d’un plomb de visite qui indique leur qualité, et qui n’autorise pas les vendeurs à les vendre pour draps de qualité supérieure ; on n’aperçoit pour lors aucun inconvénient à ces différentes fabriques, et l’industrie des fabricants a un libre espace pour s’étendre ; on applaudira même à ses succès, dès qu’ils ne seront pas fondés sur une erreur de nom et sur des soustractions de matières qui ne manqueraient pas, au bout d’un terme plus court qu’on ne le croit, d’écarter le consommateur et de ruiner cette branche importante d’un commerce solidement établi.

Prenez bien garde que ces nouvelles espèces proposées n’approchent pas trop des anciennes et ne puissent pas être confondues avec elles, au préjudice du consommateur…

Je sais, ajoute-t-il, que les circonstances de la dernière guerre et le mauvais exemple de plusieurs fabricants ont donné lieu à des relâchements considérables dans la fabrique. Mon intention est de réparer au plutôt ce désordre. Le même jour 14 février I765, M. le duc de Praslin annonçait à M. de Vergennes, ambassadeur à la Porte, que les ordres les plus précis étaient donnés pour remettre les fabriques en règle.

Parmi les différentes qualités de draps, celle des Londrins seconds avait le plus de cours ; elle était presque la seule demandée. M. de Volney, dans la seconde édition de son voyage en Égypte, assure que l’importation en Levant s’élevait, année commune, à 96 000 pièces, formant 8 000 ballots.

Les fabriques de Carcassonne faisaient quelques envois dans nos colonies d’Amérique et de l’île de France. Elles fournissaient un certain nombre de ballots en assortiments bizarres pour la traite des nègres. Pendant longtemps, il fut exporté de fortes parties de draps aux Indes Orientales, et cette consommation alla jusqu’à 8 ou 900 ballots pour la seule ville de Carcassonne.

La Russie paraissait vouloir essayer aussi des draps de ce pays. On avait fait demander de Saint-Pétersbourg des échantillons des différentes couleurs, le prix des draps, et des renseignements relatifs à ce commerce. Malheureusement le vaisseau chargé de ce paquet périt sur les côtes de la Russie ; il était parti de Cette en 1780.

Un grand nombre de communes prenaient part aux bénéfices de la fabrication. Indépendamment des draps qui se faisaient dans huit manufactures royales et dans les fabriques particulières de Carcassonne, il en sortait une quantité considérable des villes, bourgs ou villages de Cabrespine, Castans, Caudebronde, Caunes, Cenne, Chalabre, Fraisse, Labastide, Latourrette, Les Ihles, Limoux, Limousis, Mas-Calgardès, Miraval, Montolieu, Pradelles, Roquefère, Saissac, Sallèles, Salsigne, Trassanel, Villanière, Villardonnel. Une partie de ces communes formait ce qu’on appelait la Montagne de Carcassonne, et leurs draps étaient connus aussi sous le nom de draps de la Montagne.

L’exagération des principes de la liberté du commerce porta un coup funeste à la prospérité manufacturière de ce pays. La surveillance se relâchant de toutes parts, les règlements furent violés, la cupidité put se livrer impunément à ses spéculations.

Les Anglais, attentifs à profiter de nos erreurs et de nos fautes, jaloux de la préférence que nos Londrins obtenaient dans les marchés de la Turquie et dans les caravanes de la Perse et de l’Inde, essayèrent pour nous la ravir, un nouveau genre de fabrication appelé Cluilons, en demi-largeur des draps ordinaires, et composés de laines communes nationales. Ces nouvelles étoffes furent bientôt accréditées dans le Levant et diminuèrent la consommation des Londrins.

Dans le cours des années 1783 et 1784, le commerce de France entreprit une expédition pour la Chine. Cette expédition avait été décidée par un arrêt du conseil d’état du roi rendu le 21 juillet 1783. Le gouvernement prêta au commerce trois vaisseaux du port de 1 200 à 1 500 tonneaux ; ce furent le Triton et la Provence de 64 canons, et le Sagittaire de 5o canons. Le Triton et le Sagittaire furent expédiés de Brest ; la Provence le fut de Toulon. Ce dernier vaisseau, dont la cargaison était de 2 172 540 Fr. fut le seul qui prit des draps de Carcassonne, et il en prit pour 477 506 Fr. L’expédition fut heureuse ; les vaisseaux arrivèrent en Chine, et les draps furent vendus ainsi que les autres marchandises dont les trois vaisseaux avaient été chargés.

Ce débouché eût continué sans doute à produire de grands avantages ; mais en 1785, M. de Calonne obtint du roi, en faveur de douze capitalistes de Paris, le privilège du commerce de l’Inde et de la Chine. Il était naturel d’espérer que cette compagnie s’empresserait de porter dans ces contrées lointaines les productions de l’industrie française. Cependant elle ne fit aucune expédition des draps de Languedoc, les seuls appropriés à la consommation des Indes. Les Anglais envahirent tout le commerce d’exportation ; la compagnie française n’était qu’une société de marchands privilégiés qui achetaient des Anglais et dans leurs ports les marchandises des Indes et de la Chine, pour les faire vendre dans le port de Lorient comme produits de leur armement. On peut assurer que jusqu’à l’époque de la révolution, les négociants de Marseille expédiaient annuellement à la Chine pour environ 500,000 Fr. de draps de Carcassonne, et la même quantité pour l’Inde.

Une rivalité nouvelle s’était élevée en Allemagne contre les fabriques du Midi ; Eupen et tout le Limbourg, le duché de Juliers, Verviers, et surtout Aix-la-Chapelle, avaient fait d’heureux essais pour le Levant ; et, par une fatalité inconcevable, tandis que, sur les bords du Rhin, des manufacturiers éclairés mettaient tous leurs soins au perfectionnement de l’art, ceux qui jusqu’alors avaient été en possession de fournir à la consommation de la Turquie, semblaient, par leur négligence ou leur infidélité, ne chercher que les moyens de hâter la décadence de leur commerce.

Révolution française

C’est au milieu de cet aveuglement que vint les surprendre la Révolution. Dès ce moment tout frein fut brisé et le mal fut à son comble. La guerre acheva de détruire ces utiles et antiques relations, et l’industrie de Carcassonne fut entièrement paralysée ou réduite à prendre une direction nouvelle. De tant de fabriques autrefois si fameuses, à peine celle de Bize existe-t-elle encore de nom.

L’établissement de Montolieu, fondé par Louis Pascal, fut érigé en manufacture royale par lettres-patentes du roi, le 12 janvier 1734.

Ce fut la douzième des manufactures royales que possédait la province de Languedoc. Elle obtint, comme elles onze autres, le don annuel et gratuit de 3 000 Fr., à titre d’encouragement.

Devenue pour le pays où elle était établie et pour tous les bourgs et villages qui l’avoisinent, une source de prospérité, elle fut encore la rivale la plus redoutable des Anglais dans le Levant, par la finesse et la perfection de ses draps. Aucun sacrifice ne coûtait à Pascal pour parvenir à détruire la concurrence de ces insulaires.

Un trait fera connaître son caractère et ses vues : Il avait conçu le projet de fabriquer des draps en poil de lapin. Il en fait faire deux pièces en blanc de cygne, qu’il destine à être présentées au grand-seigneur par l’ambassadeur de France à Constantinople. Les draps partent pour le Levant. La France était en guerre avec l’Angleterre, les vaisseaux qui les transportent sont pris. Pascal apprend cette nouvelle : « Tant mieux, dit-il, les Anglais verront qu’il y a en France des fabricants qui valent les leurs. La mort le surprit au milieu de sacrifices et de pertes de tout genre ; il ne laissa d’autre héritage qu’un nom célèbre parmi les fabricants.

Les derniers propriétaires, MM. Thoron, prirent, en I756, la direction de cette manufacture. Ils employèrent tous leurs soins et leurs moyens pour soutenir la réputation des draps Pascal, ils réussirent même à l’augmenter encore. À l’exposition générale des produits de l’industrie française en 1801, ils firent connaître les draps nationaux qui avaient obtenu la prééminence en Turquie, et le gouvernement leur décerna la médaille d’argent.

Forcés par le malheur des circonstances de suspendre la fabrication de ces belles étoffes, ils ont préféré ce parti à celui d’en altérer la perfection. Le haut prix de l’argent en France, la suppression de toute consommation dans l’étranger, la perte des nouveaux débouchés qu’ils avaient ouverts, la rentrée des fonds du Levant à des changes avilis et ruineux, enfin la stagnation presque entière du commerce, laissent depuis quelque temps sans activité un établissement précieux qui s’était accru du double de ce qu’il était à la mort de son fondateur.

Pennautier

La manufacture de Pennautier n’avait pas eu des commencements si brillants. Sa fondation date de 1696, et est due à Pierre-Louis de Rech de Pennautier, trésorier-général de la Province de Languedoc.

Elle n’obtint qu’en 1727 le titre de manufacture royale, avec tous les privilèges qui y étaient attachés. Régie successivement par divers entrepreneurs, elle se soutint à l'aide d’une fabrication médiocre jusques vers l’année I759, où le décrit de ses draps la fit abandonner.

Ce fut à la fin de cette même année que Joseph Tarbouriech entreprit de relever cette manufacture ; il y parvint à force de persévérance et de sacrifices, et dans l’espace de sept à huit ans, la fabrique de Pennautier devint la rivale des premières manufactures de Languedoc : toutes les qualités de draps propres à la consommation du Levant, y acquirent la perfection dont elles étaient susceptibles, et ne contribuèrent pas peu à la réputation des draps français chez l’étranger.

Tarbouriech, animé, comme Louis Pascal, du génie de son état, fabriqua diverses sortes d’étoffes capables de satisfaire le goût de la nation; bientôt sortirent de ses ateliers […]

Il entreprit d’imiter les Châlons anglais, mais la mort ne lui laissa pas le temps d’éprouver jusqu’à quel point il aurait pu atteindre à ce genre d’industrie.

La manufacture de Pennautier fabriquait, année commune, cent balles de draps, dans lesquels il entrait environ 3/5 de laine d’Espagne et 2/5 de laine de France. Elle occupait 3 000 personnes. Elle a cessé d’être en activité depuis 1799, sans avoir rien perdu de sa renommée.

Plusieurs années auparavant, les manufactures privilégiées des Saptes et de Cuxac avaient abandonné leurs travaux. La Révolution porta le dernier coup aux établissements de la Trivalle, de Roquecourbe, de Villardonnel et de Fourtou.

Au reste, de quelque importance que soient ces grands ateliers, quelques encouragements qu’ils méritent de la part du gouvernement, parce que ce n’est que là qu’on peut embrasser à la fois tous les travaux et atteindre plus facilement le perfectionnement de la fabrication, on ne saurait cependant se dissimuler qu’ils exigent de vastes édifices et des avances considérables, et qu’ils sont, en général, d’un entretien trop coûteux pour soutenir la concurrence des fabricants particuliers : ceux-ci font travailler bien plus économiquement au domicile des ouvriers qu’ils emploient. C’est par ces considérations sans doute que la plupart des entrepreneurs avaient abandonné les manufactures royales longtemps avant la crise désastreuse qui acheva la ruine des fabriques de ce département.

Espagne

L’Espagne offrait aussi un débouché intéressant aux draps de Carcassonne. De temps immémorial ce royaume en faisait une assez grande consommation, qui fut diminuée par l’interruption de la fabrication des draps teints en laine ; mais des consommateurs et surtout les armateurs espagnols adoptèrent les londrins seconds, dont la finesse et la légèreté convenaient à l’habillement des colonies ; cet article devint pour la consommation annuelle un objet de 2 500 à 3 000 pièces.

En 1792, les droits d’entrée de ces londrins avaient été fixés à 27 maravédis par varre castillanne.

Une résolution des premiers jours d’avril 1806 est venue tout-à-coup arrêter l’exportation. Cette mesure du roi d’Espagne assujettit la draperie française à un droit qui peut être regardé comme une prohibition véritable

En effet, le premier tarif établissait un. droit de 7 réaux 6 maravédis, ou 1 f. 75 c. la varre, et 10 réaux 3 maravédis, ou 2 Fr. 5o c. l’aune.

Le second impose 28 réaux ou 7 Fr. par varre, et 39 réaux ou 9 Fr. 75 c. par aune.

Or cette fixation de droits frappant tous les draps de fabrique française, sans distinction des londrins, dont la valeur est de 11 Fr. le mètre ou 15 Fr. l’aune, d’avec les draps de Sedan, Abbeville et Louviers, dont le prix s’élève depuis 40 jusqu’à 6o Fr. ; il en résulte que le consommateur espagnol a, depuis cette époque, rejeté les premiers sur lesquels son gouvernement avait triplé l’imposition.

Notre gouvernement pouvait user de représailles en imposant des droits proportionnés sur les bestiaux qui sortent des départements du Midi pour approvisionner les boucheries de la Catalogne, de l’Aragon et de la Navarre. L’exportation journalière de bêtes à laine, depuis Perpignan jusqu’à Bayonne, était incalculable, et par son excès exposait les campagnes à manquer de troupeaux, ou à les payer à des prix onéreux pour l’agriculture.

Italie

L’Italie semble ouvrir un nouveau débouché à nos fabriques. En portant à Naples des ouvrages manufacturés, les négociants du département de l’Aude peuvent tirer du royaume des deux Sicile des matières premières utiles à leurs fabriques, les laines de la Pouillé, des Abruzzes et de la Basilicate, les huiles de la Calabre et celles de la terre d’Otrante connues sous le nom d’huiles de Gallipoli.

Les exportations de nos provinces méridionales pour le Levant cc sont bien plus avantageuses à l’État que celles de la Belgique. Les draps des départements réunis sont expédiés en Turquie par terre, «à travers l’Allemagne et la Hongrie, ou quelquefois, embarqués sur le Rhin et le Danube ; ils vont à Trieste pour être chargés sur des bâtiments autrichiens. Dans l’un et l’autre cas, tous les frais de ces envois tournent au profit des étrangers. Au contraire, les draps du département de l’Aude et de tout le ci-devant Languedoc, voiturés par terre jusqu’à Marseille, sont adressés à des commissionnaires, qui les chargent sur des navires français, en font assurer la valeur sur la place. Ainsi ce commerce forme des matelots à notre marine et n’enrichit que des Français.

Pour que le commerce qui se fait de nation à nation soit utile à un état, il faut qu’il se compose de marchandises du cru du pays ou de ses manufactures, et que ces marchandises soient le fruit de l’industrie et du travail des sujets ; qu’on retire du pays où on les transporte d’autres marchandises en échange, et qu’on emploie le moins d’argent possible à la solde de ce commerce. On peut dire que celui des Français dans le Levant a tous ces avantages et encore un plus grand, c’est que les Turcs avec lesquels ils trafiquent n’étant point adonnés à la navigation, leur laissent toute futilité qui peut revenir du transport des marchandises que l’on prend dans leur pays.

Levant

Le département de l’Aude est placé au centre des meilleures laines de France ; les siennes propres sont renommés ; on estime partout les laines de Narbonne et des Corbières. La supériorité de ses teintures n’est pas contestée, et les Turcs regrettent toujours les brillantes couleurs de ses draps. La plus grande partie de ceux de Carcassonne se consommaient à Constantinople et à la cour même du Grand-Seigneur.

On ne peut guère évaluer avec précision l’état actuel de la fabrication des draps destinés pour le Levant. Depuis la suppression des jurandes et des inspecteurs des manufactures, les moyens de recensement échappent et ne sauraient être suppléés que par des données approximatives plus ou moins exactes. M. de Barante porte à 9 060 pièces la quantité de draps pour le Levant, qui furent fabriqués en 1800 dans l’arrondissement de Carcassonne. Ces 9 060 pièces, de 34 à 36 aunes, équivalent à environ 20 mille demi-pièces de 15 à 17 aunes. Ce n’est que le tiers de la fabrication antérieure à 1789.

L’empire

La paix d’Amiens permit aux fabricants de Carcassonne de faire quelques envois dans les Échelles. Ils obtinrent du succès : encouragés par ce début, ils firent tous des londrins, et dans le cours de l’année 1802, il en fut fabriqué 25 à 26 mille pièces. La reprise des hostilités ayant arrêté les expéditions, porta le coup le plus funeste au commerce de cette ville ; il en résulta la ruine d’un grand nombre de maisons et des pertes considérables pour toutes.

25 mars 1802 - 18 mai 1803

L’année suivante, le découragement était général, et il ne se fabriqua que 9 à 10 mille demi-pièces de draps.

En 1806 et 1807, la fabrication s’est élevée de 16 à 17 mille demi-pièces, dont 2 à 3000 pour le Levant. Dans ce moment elle n’est pas beaucoup plus considérable, quoique la ville de Carcassonne compte environ 25 à 30 fabricants.