Maison d'Hautpoul Mise à jour septembre 2023
Fil des révisions
  • septembre 2023
    Corrections diverses, principalement de formet dont le masquage de la frise
  • octobre 2018
    Refonte de la page à l'occasion de l'introduction de la frise à tiroir
  • octobre 2015
    Création de la page

L'une des pages les plus visitée du site, les premières générations auraient pu inspirer Walter Scott.

Par la suite, Victor Hugo aurait pu trouver matière sur la façon dont Pauline et ses frères ont traversé la Révolution et l'Empire.

Notre lignée agnatique depuis l'époque féodale se compose de 21 générations :

  1. Croisade, se distingue au siège d’Antioche et meurt de la peste.

    Pierre-Raymond 1er, †1105 à Antioche, il prit part à la 1re croisade et se distingua au siège d’Antioche où Raymond de Toulouse le mit à la tête de l’avant-garde avec le vicomte de Castillon. Il mourut de la peste. Armes à la salle des croisades à Versailles.

  2. Pierre-Raymond II /1098, il fit don en 1098 avec son frère Arnaud-Raymond de l’église, des dîmes et des droits seigneuriaux de Saint-Amand de Valloret en albigeois aux bénédictins de Caunes.

    Arrivée à Hautpoul ?
  3. Bernard-Raymond II /1110-1136. Il souscrivit en 1130 un accord entre Roger vicomte de Carcassonne et Raymond Trencavel, vicomte de Béziers. Il fit hommage du château d’Hautpoul à la vicomtesse de Béziers, Cécile Trencavel et à son fils Raymond-Roger le 16 novembre 1136

  4. Guillaume-Pierre Ier †1153,

  5. Pierre-Raymond III †1188, Chevalier en 1156. Il était présent à la vente du château de Brusque en 1156 par Arnaud et Adémar vicomtes de Bruniquel à Raymond Trencavel, vicomte de Béziers. Il est cité également en 1158, 1162, 1163, le 26/05/1175 en 1176 et en 11/1179.

    Victime de Simon de Montfort pendant la croisade des Albigeois.
  6. Izarn, Seigneur d’Hautpoul et d’Aussillon. Il fut tué en 1212 lors de la prise de son château par Simon de Montfort pendant la croisade albigeoise.

  7. Guillaume-Pierre II

  8. Pierre-Raymond IV, marié en 1337

  9. Arnaud-Raymond Ier

  10. Guillaume Pierre, baron d’Hautpoul, seigneur d’Auxillon et de Félines, rendit hommage en 1387 pour ses terres d’Auxillon, Félines, Cassagnol et Ventajou, transigea en 1396 avec Hugues seigneur d’Arpajon, vicomte de Lautrec, et testa en 1396

    Laisse Hautpoul au fils de son frère ainé et part à Félines
  11. Auger, second fils, chevalier, seigneur d’Auxillon, coseigneur de la baronnie d’Hautpoul. Émancipé par son père en 1414, échangea les terres de Félines, Ventajou et Cassagnole contre celles d’Hautpoul, la Bruguière et Auxillon avec son neveu Pierre-Raymond par acte du 9 mai 1418.

  12. Gaston, chevalier, seigneur de Félines, de Ventajou et de Cassagnoles, teste en 1442

  13. Jean, marié en 1446

  14. Jean, seigneur de Cassagnoles et Ventajou, marié en 1501

  15. Jean, seigneur de Félines et de Cassagnoles, marié en 1525

  16. Charles, seigneur de Cassagnoles, marié en 1551

  17. Jean, seigneur d’Argentières

  18. Jean Antoine, seigneur de Ventajou et de Cassagnoles et Félines.

    1659 – AD 11, B 152 Ordonnances et sentences rendues sur procès civils, poursuivis par noble Jean-Antoine de Hautpoul, seigneur de Caumon, en liquidation des intérêts d’une somme de 3 000 livres, à lui subrogée par noble Gaspard de Saint-Jean-de-Moussoulens, sieur de Lagarde, baron de Bouisse, en tant moins du décret de 47 000 livres obtenu du Parlement de Toulouse sur la baronnie de Bouisse.

    1665 – AD 11, B 803 Jugements sur causes civiles ressortissant à la juridiction directe du Présidial, rendus à la requête : de Jean-Antoine d’Hautpoul, seigneur de Caumon, poursuivant la restitution de 50 charges vaisselle vinaire, ou paiement de sa valeur estimée à dire d’experts

  19. Joseph (1648-1742), seigneur de Félines, Cassagnoles et Ventajou, et enfin, en 1734 marquis d’Hautpoul.

    Obtient son jugement de maintenu à Montpellier le 6 juin 1669, puis, sous Louis XV, l’érection de ses terres de Félines, Cassagnoles et Ventajou en marquisat d’Hautpoul par lettres patentes de mai 1734 en récompense des services de ses ancêtres et des siens d’après la formule en vigueur.

    Cette page et les paragraphes suivant illustrent ce que j’ai, à ce jour, trouvé de mieux pour illustrer ces services.

    1688-1754 – AD 11, B 276 Décrets perpétuels et irrévocables, verbaux de mise en possession concernant l’adjudication de la terre de Villarlong, saisie aux demoiselles Françoise et Hippolyte de Nigry et adjugée à noble Joseph d’Hautpoul, seigneur de Sallèles, pour la somme de 7 000 livres.

    1696 – AD11, B 425 Procédures et sentences poursuivies au criminel par messire Joseph d’Hautpoul, seigneur de Félines et Cassagnoles, pour raison de fait de chasse dans « les terriers défendus ».

    1713 – AD 11, B 451 Procédures et sentences poursuivies au criminel par noble Joseph d’Hautpoul, seigneur de Félines et Cassagnoles, à raison d’un vol de moutons commis à son préjudice par son berger.

    1725 – AD 11, B 482 Procédures et sentences poursuivies au criminel par messire Joseph d’Hautpoul, seigneur de Félines, pour raison de vols de foin commis à son préjudice dans sa grange de La Salette.

  1. Jean Antoine II (1684-1772), marquis d’Hautpoul, seigneur de Ventajou, de Félines, de Cassagnoles, d’Argentières, de Besplas et de Callong, Page du Roi le 2 avril 1712

    1751 – AD 11, B 1403 – Procédures en matière criminelle, poursuivies à la requête de messire Jean Antoine d’Hautpoul, marquis d’Hautpoul, propriétaire du domaine de La Bouriette, au consulat de Caunes, contre le pâtre François Maurice qui avait fait paître le troupeau confié à sa garde dans les terres dépendant de ce domaine.

    1752-1769 – AD11, B 254 Enquêtes, informations, auditions, verbaux de vérification et d’expertise, de prestation et de réception de cautions et serments, et autres actes faits, sur commissions rogatoires, dans les procès civils poursuivis devant le Parlement de Toulouse, par Joseph Amalvy, pour obtenir vérification et mise en possession régulière des terres et seigneurie de Cassagnoles, saisies au marquis d’Hautpoul par messire Depins, baron de Caucalières.

    1763-1764 – AD 11, B 1411 Procédures en matière criminelle, poursuivies à la requête de Guillaume Quittié, agent de M. le marquis d’Hautpoul-Félines, Pierre Averous, métayer à la métairie de Lasaigne, appartenant à Madame d’Aiguefonde, au terroir de Saint-Pierre, et autres, contre des jeunes gens de Caunes qui les avaient poursuivis à grands coups de pierre et les avaient forcés à abandonner leurs bœufs et charrettes chargées qu’ils menaient à la foire de Caunes.

  2. Jean Henri (1724-1804), seigneur de Lasbordes. Puiné, il ira dans l’armée au régiment Royal-Picardie ou il fera carrière. En 1770 il est rentré dans le midi et, à 45 ans, il épouse Henriette de Foucaud.

    Alphonse, son fils, se souvient :

    Je suis né à Versailles le 4 janvier 1789. Mon père, ancien colonel du régiment de Royal-Picardie, avait épousé Mlle de Foucaud dont le père, capitaine au régiment Royal-Dragons, avait trouvé une mort glorieuse à Fontenoy. Ma généalogie paternelle remonte à l’an 936, où un Bernard d’Hautpoul fonda et dota l’abbaye de Saint-Pons en Languedoc. Lors de la première croisade, Raymond d’Hautpoul, ami de Raymond de Saint-Gilles comte de Toulouse, et l’un de ses principaux compagnons, fut gouverneur d’Antioche sous Godefroy de Bouillon, roi de Jérusalem. Depuis cette époque tous les d’Hautpoul ont été militaires de père en fils. Cette nombreuse famille s’est divisée en trois branches, conservant toujours les mêmes armes, sortant toutes de la même origine : le pays Hautpoulois, formant aujourd’hui plusieurs communes limitrophes dans les départements du Tarn et de l’Hérault. La branche à laquelle j’appartiens porte le nom et le titre de marquis d’Hautpoul-Félines ; elle a acquis une certaine célébrité dans l’ordre des chevaliers de Malte où plusieurs de ses membres ont été commandeurs et chefs de la marine.[…]

    Anne-Henriette-Elisabeth de Foucaud, née à Sérignan le 30 août 1751, fille de Jean-Baptiste-Antoine de Foucaud, chevalier de Saint-Louis, ancien capitaine de cavalerie du régiment Royal-Dragons, et de Anne-Marie-Elisabeth de Taintenier

    Mon père avait quitté le Languedoc, sa province, en 1788, il était en retraite depuis plusieurs années. Ayant une nombreuse famille, il était venu à la Cour pour placer ses enfants. C’est en raison de cette circonstance que je suis né à Versailles. Nous étions quatre frères :

    • L’aîné qui était premier page du comte d’Artois, mourut au commencement de la Révolution ;

      Marie-Henri-Antoine d’Hautpoul, né au château d’Hautpoul-Félines, le 7 septembre 1772, fut premier page de la chambre de S. A. R, Monseigneur le comte d’Artois. Nommé officier de cavalerie en sortant des pages, il se disposait à émigrer lorsqu’il mourut à Meudon, le 28 janvier 1791.

    • Le second entra à l’Ecole polytechnique en 1798, il en sortit en 1800 dans l’artillerie à cheval. Il a fait avec distinction toutes les campagnes de l’Empire, a été officier d’ordonnance de l’Empereur et colonel-major de l’artillerie de la Garde impériale. Il s’est particulièrement distingué aux batailles d’Austerlitz et de Wagram, à la retraite de Moscou, à la défense de Paris en 1814. À la Restauration, mon frère eut le commandement de l’artillerie à cheval de la Garde royale et ensuite celui de l’Ecole d’artillerie. En 182., il fut nommé commandant de l’Ecole d’état-major à Paris. C’est dans cette position que le trouva la révolution de Juillet. Attaché de cœur à la branche aînée des Bourbons, il prit sa retraite étant depuis nombre d’années maréchal de camp, commandeur de la Légion d’honneur et chevalier de Saint-Louis. En 1834, il fut vivement sollicité par S. A. R. Madame la Dauphine d’accepter les fonctions de gouverneur du duc de Bordeaux. Il se rendit donc à Prague où il resta quelques mois auprès du Prince et rentra ensuite en France. En 1849, il est revenu auprès du duc de Bordeaux, et parcourant avec lui les principaux champs de bataille de l’Allemagne, a expliqué au Prince les mouvements stratégiques de nos armées. Il l’a revu à Londres en 1843 ; il vit depuis fort retiré, à Paris, très souffrant de ses blessures et fatigué de ses nombreuses campagnes.

      Marie-Constant-Fidèle-Henri-Amand, marquis d’Hautpoul-Félines, né au château de Lasbordes le 25 septembre 1780, général d’artillerie, fit les campagnes de l’Empire, fut en 1834 quelques mois précepteur du duc de Bordeaux à Prague. Ses mémoires qui sont la propriété de son neveu, M. Hennet de Bernoville, ont été publiés récemment par le comte Fleury.
      Le marquis Amand d’Hautpoul est mort en janvier 1853.

    • Mon troisième frère entra de bonne heure dans la marine comme aspirant, il fut fait enseigne de vaisseau sous l’amiral Latouche-Tréville à la prise du fort Diamant à la Martinique. Il fut tué à la bataille de Trafalgar à bord du Scipion à l’âge de vingt-deux ans.

      César-Henri-Marie-Joseph d’Hautpoul, né au château de Lasbordes le 5 mars 1786, trop jeune pour suivre ses parents à Versailles en 1788, resta pendant la Révolution en Languedoc chez sa tante Madame de Lamée ; il entra dans la marine comme aspirant en 1803.

    • J’étais le plus jeune. Les premiers mots que j’entendis autour de mon berceau furent des mots de terreur. La Révolution commençait.

    Mon père, atteint de la cataracte n’émigra pas ; il quitta Versailles en 1791 et fut se réfugier dans une petite campagne qu’il avait achetée à Fontenay-le-Fleury près de Saint-Cyr. Là, ma famille fut en butte à bien des inquiétudes. Sous le rapport de la fortune, mon père eut à essuyer une perte énorme. Il avait vendu en Languedoc une terre considérable, celle de Lasbordes; elle n’avait point été payée par l’acquéreur . Celui-ci profita de la loi sur les assignats pour en rembourser le prix en papier presque sans valeur. Il y avait peine de mort contre quiconque refusait les assignats, mon père fut donc obligé de les accepter. Il perdit en même temps tous les droits seigneuriaux qu’il avait sur la terre d’Hautpoul. Son frère le commandeur d’Argentières qui devait vivre avec lui en lui abandonnant des revenus considérables venait de mourir. Toutes ces circonstances firent une bien grande brèche à notre fortune. La position de ma famille à la Cour était perdue.

    Alphonse n’a pas donné le nom de l’acquéreur indélicat de 1786, nous le pouvons : Jean François Bertrand de Cavailhès
    Henri-Anne d’Hautpoul, né le 26 juillet 1784, reçu chevalier de Malte de minorité le 24 avril 1747, lieutenant des vaisseaux de la Religion en 1770, puis commandeur de Malte sous le titre de commandeur d’Argentières.

    En plus de mes trois frères, j’avais quatre sœurs :

    1. Anne-Henriette-Claire d’Hautpoul, née au château d’Hautpoul-Félines, le 26 novembre 1774. Elle ne se maria jamais et vécut retirée à Carcassonne où elle est morte en 1860 ;

    2. Henriette-Rose d’Hautpoul, appelée en famille Minette, née à Carcassonne le 10 mars 1777, morte à Dourdan, sœur de charité de Saint-Vincent de Paul, le 7 février 1804.

    3. Pauline-Joséphine-Henriette d’Hautpoul, née au château de Lasborde, le 4 juin 1783. Mariée à M. Laperrine.

    4. Adèle-Marthe d’Hautpoul, née à Versailles, le  trois  décembre 1792, y mourut en août 1794

    Ma mère, au milieu de toutes ses angoisses, leur prodiguait les soins les plus tendres, mais souvent elle ne pouvait, malgré toute sa sollicitude, pourvoir à leurs besoins. Les années 1793 et 1794 furent terribles à passer. Il y avait une loi dite des accapareurs, qui défendait d’avoir chez soi plus de 20 livres de grains ou farine ; la disette était à son comble, nous n’avions pour toute subsistance qu’un sac de riz de 5o à 60 livres. Un jour, la guillotine ambulante s’arrêta devant notre porte ; quelques individus de la troupe révolutionnaire qui l’escortaient se détachèrent pour venir faire une visite domiciliaire. Le danger était imminent ; si le sac de riz avait été trouvé, mon père et ma mère eussent été déclarés accapareurs et guillotinés sur-le-champ. Ma mère, les larmes aux yeux, dut jeter le riz seule subsistance de toute la famille. Les visiteurs ne trouvant rien, la guillotine s’éloigna ; mais à quelques portes plus loin elle s’arrêta, et un ami de mon père, inoffensif comme lui, fut immolé. Sans aucune ressource nous fûmes réduits à la plus affreuse misère.

    Mon frère aîné, Amand, sortait la nuit, et, en échange de quelques bijoux, rapportait un peu de farine .

    Le jeune d’Hautpoul fut pendant plusieurs années garçon jardinier, travaillant la terre toute la journée, allant vendre à Versailles l’excédent des fruits et des légumes qu’il récoltait, et faisant vivre ainsi sa nombreuse famille.
    Source : Biographie des hommes du jour, Par Germain Sarrut, H. Krabe, 1838

    Ce fut à cette époque que la plus jeune de mes sœurs mourut. Enfin, la chute de Robespierre permit à mon père de retourner à Versailles et de reprendre son nom qu’il avait dû quitter pour être moins suspect dans sa retraite.

    Tous les établissements publics d’enseignement étant fermés, il prit pour précepteur de mon frère aîné un jeune homme qui se cachait pour se soustraire à la réquisition ; il a eu depuis quelque célébrité sous le nom d’abbé Liautard Ce fut lui qui m’apprit à lire. Nous passâmes ainsi deux années à Versailles dans la retraite la plus absolue. Mon père avait retiré de Saint-Cyr, lors de la suppression du couvent, une de ses nièces, Adèle d’Hautpoul , qu’il regardait comme un de ses enfants.

    Fondateur du collège Stanislas à Paris.
    Adèle d’Hautpoul, fille de Joseph-Marie, marquis d’Hautpoul, baron du Hautpoulois, d’Auxillon, etc., et de Marie d’Hautpoul Rennes ; née le 17 décembre 1775, morte à Toulouse en 1856.

    Ma pauvre mère, qui avait été l’une des femmes les plus remarquables de son temps pour son esprit et sa beauté, n’avait pu résister à toutes ces épreuves. N’avait-elle pas été un jour obligée de recevoir chez nous un nommé Gouzian, professeur de dessin de mes sœurs, qui portait à sa boutonnière le doigt d’un évêque tué par lui lors du massacre des prisonniers d’Orléans dans la rue de l’Orangerie à Versailles ? Elle avait vu mourir deux de ses enfants . Sa fortune perdue et l’inquiétude qui la minait sur le sort de sa famille altérèrent profondément sa santé. Elle sentit que sa fin approchait et nous réunit tous autour de son lit de douleur. Ses adieux furent déchirants. J’étais son Benjamin, j’avais alors huit ans ; je me souviens toujours avec émotion qu’elle voulut m’embrasser et me donner sa bénédiction. Quelques moments après, elle rendit son âme à Dieu, à l’âge de quarante-huit ans en 1797. Cette perte fut immense pour nous. Ma sœur Henriette, l’aînée de la famille, dut consoler mon vieux père et fut pour nous une seconde mère.

    Henri-Antoine (1791) et Adèle-Marthe 1794).

    Enfin, en 1798, nous pûmes obtenir des passeports et retourner en Languedoc. Nous quittâmes cette terre le deuil où depuis dix ans nous versions des larmes, la famille fut alors s’établir à Carcassonne et mon père vécut dans la même maison que sa belle-sœur Mme de Lamée dont le mari fut bientôt après nommé maire de la ville. Ce fut à cette époque que mon frère Amand d’Hautpoul entra à l’Ecole polytechnique. L’ordre commençait à se rétablir en France ; Bonaparte revenu d’Egypte avait renversé le Directoire. Les événements du 18 brumaire sont assez connus ; ce n’est point ici le lieu d’en parler. Depuis ma naissance, je n’avais vu autour de moi que pleurs et angoisses continuelles occasionnées par les malheurs du temps et la perte d’une mère, d’un frère et d’une sœur. Si, sous le rapport politique ma famille était maintenant plus tranquille, il ne lui restait pas moins de cruelles épreuves à soutenir. En 1800, je perdis ma grand-mère maternelle, Mme de Foucaud . Deux ans après, M. de Lamée, beau-frère de mon père mourut d’une manière bien malheureuse, de la morsure d’un chien enragé. Sa femme, ma tante de Lamée, ne lui survécut guère. Ce fut à cette époque qu’un moment de bonheur vint consoler mon père : ma plus jeune sœur épousa en 1803 M. Laperrine, de Carcassonne. Cette joie fut bientôt troublée par la nouvelle de la mort de mon frère César, tué à la bataille de Trafalgar. Un an avant, était morte ma seconde sœur, Rose, entrée en 1802 comme sœur de charité dans la communauté des filles de Saint-Vincent de Paul où elle fut un sujet d’édification.

    Née de Foucaud, sœur de Mme d’Hautpoul.
    Née de Taintenier.

    Enfin ce fut mon père qui nous quitta vers la fin de 1804, à l’âge de quatre-vingts ans, ayant servi quarante-huit ans avec honneur et distinction dans l’arme de la cavalerie. Mon frère, sorti de l’Ecole polytechnique était officier d’artillerie, ma sœur Pauline était richement mariée, ma sœur Henriette avait son sort assuré ; moi seul je donnais une profonde inquiétude à mon père à son lit de mort. Je restais orphelin et sans fortune ayant à peine quinze ans. Mon éducation avait été complètement négligée. Né dans les premiers temps de la Révolution, il avait été impossible à mon père de me placer dans un collège ; il n’en existait pas alors. Depuis que ma famille était revenue à Carcassonne, j’avais bien été dans quelques mauvaises pensions, mais, à peine sorties de la tourmente révolutionnaire, elles se ressentaient des malheurs du temps. L’instruction y était aussi négligée que l’éducation. Je ne fis point mes classes de latinité, mais je fis des progrès en mathématiques, en histoire et en géographie. Mon goût était bien prononcé pour la carrière des armes ; je voulais m’engager, je l’eusse fait si mon âge me l’avait permis.

    […1813] Je pus enfin écrire à ma famille et demander de l’argent dont j’avais le plus grand besoin. En Angleterre, tous les officiers prisonniers sur parole étaient envoyés dans des cantonnements ; ils recevaient sans distinction de grade, le sous-lieutenant comme le général, 1 Fr. 5o par jour. Cette modique somme était à peine suffisante pour ne pas mourir de faim dans un pays où tout est très cher, car il fallait avec cela se loger, se vêtir et se nourrir. Mon beau-frère ne me fit point attendre longtemps une réponse. Comme sa lettre me fit du bien ! Il y avait plus de six mois que je n’avais reçu de nouvelles de ma famille ! Cette lettre me marquait qu’après la bataille des Arapiles, on m’avait cru mort ; mon cheval et mes effets avaient été vendus à l’encan et le produit envoyé à Carcassonne. Mes sœurs désolées avaient pris mon deuil ; ma lettre leur avait fait un plaisir inouï, car toujours nous avons été très unis. Mon beau-frère ajoutait qu’il m’envoyait 4.000 francs ; il les avait fait déposer à Paris chez le banquier Perregaux, qui était le seul autorisé à correspondre avec un banquier de Londres du nom de Coutz, pour tout ce qui était relatif aux intérêts des prisonniers de guerre des deux nations. Quelque temps après, je fus appelé par le commissaire anglais, chef de notre établissement, qui me remit mes 4 000 francs, mais en papier. C’était, à ce moment, 25 p. 100 de perte, c’est-à-dire que dans les magasins, lorsque l’on achetait, on payait un quart en sus en papier. Je réclamai au commissaire la différence de valeur, il me répondit fort insolemment que le papier anglais valait autant que l’argent de France et que, si je me permettais d’attaquer encore le crédit de la banque, il me ferait conduire aux pontons ; il fallut bien me résigner.

    Laperrine

    […pendant les Cent jours] Arrivé à Pézenas, je rencontrai mon beau-frère et ma sœur aînée qui étaient venus au- devant de moi en chaise de poste. Nous dînions ensemble à la table d’hôte, lorsque des gendarmes entrèrent. Le maréchal des logis me regardait beaucoup, il me demanda : « Ne vous nommez-vous pas le colonel d’Hautpoul ? » je lui répondis que oui ; alors il me dit de le suivre, que j’étais arrêté. Je lui dis qu’il se trompait ; ma sœur se trouva mal ; je tirai de ma poche le sauf-conduit du général Radet. Après l’avoir bien examiné, le maréchal des logis me dit qu’il allait le porter à son lieutenant ; il revint un moment après en me disant que je pouvais continuer ma route.

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  1. Pauline (1783-1865) qui épousera Dominique Laperrine au début de l’empire. La situation devenait très difficile pour son père qui était déjà un vieillard très diminué. Le riche mariage de Pauline était plus que nécessaire. Le nouveau gendre était attentionné et deviendra deux ans plus tard à la mort de son beau-père le tuteur d’Alphonse dont il pourvoira aux frais de son éducation.

    Qualifié comme tel par Alphonse dans ses mémoires.

    Souvenirs de Claire Salaman

    Mon arrière-grand-mère, bonne-maman Laperrine, fille du Marquis d’Hautpoul avait conservé toutes les idées de l’ancien régime. C’était une ardente royaliste ayant beaucoup souffert pendant la Révolution, elle avait horreur et une frayeur de la République qu’elle avait communiquée à tous les siens. Autour d’elle s’était déroulée la vie de tous ceux que j’ai nommés jusqu’ici. Elle était l’aïeule respectée, le vrai chef de famille après la mort de son mari auquel elle survécut de longues années. Elle recevait beaucoup dans sa grande maison de la rue de la mairie où toute la bonne société du pays se donnait rendez-vous.

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