Claire Salaman
souvenirs 1870-1900 Mise à jour février 2019
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Claire Salaman (1865-1956), collatérale, fille de Louise Lamarque et la femme de Edmond de la Soujeolle.

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Pour mes petits-enfants j’ai eu la pensée d’écrire ces afin rendre vivantes pour eux les années passés et de faire revivre ce passé-qui fut et qui se meurt, qui nous échappe, qui ne sera plus pour eux qu’un rien inconnu. J’ai voulu qu’ils connaissent ces parents, ces faits de la vie familiale qui ne sont connus guère que de moi, il me semble prolonger la vie de tous ces êtres chers disparus, en en perlant à ces enfants qui ne les connaîtrons jamais et qui apprendront à les aimer, à penser à eux, à prier pour eux.

Ce sera une chaîne entre le passé, le présent et aussi l’avenir.

Clary Laperrine

Le souvenir le plus lointain de ma. vie est celui de ma grand-mère maternelle, bonne-maman Lamarque . J’étais sa filleule, elle m’aimait beaucoup. J’avais 4 ans quand elle mourut. Quelques jours avant on m’amena de Moussoulens à Carcassonne pour la voir.

Clary Laperrine (1808-1862), épouse de Ferdinand Lamarque

Je fis le voyage avec mon Père ce qui m’impressionna beaucoup et je me vois encore dans la grande chambre grand-mère près de son lit, montée sur le petit tabouret. Je n’ai jamais pu oublier les longs regards si tristes de ses grands yeux et encore à cette heure je me vois dans ce décor, aussi exactement qu’a cette minute qui a imprimé en moi une telle impression.

Maman et tante Marie travaillaient près de la fenêtre grande’ ouverte pour donner un peu d’air à la malade et qui quand on vint me chercher et me retirer de près du lit j’oubliais tout ce qui se passait ensuite et ne me rappelait plus que bonne-maman. Je me disais tout à l’heure avant d’écrire ces lignes, que peut-être moi aussi, bientôt je serai rappelée auprès du Bon Dieu et que peut-être aussi de petits enfants aux grand yeux rêveurs et aux petites mains caressantes viendraient près de mon lit. Et il m’est doux de penser qu’un fugitif souvenir pouvait pendant toute une vie leur rappeler Grand’mère pour laquelle ils ont été une si douce consolation.

sa sœur, épouse de Gustave Maraval

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Moussoulens

Les premières années de ma. vie se passèrent principalement à Moussoulens avec mon Père, ma Mère et mon petit frère Henri.

De Pâques à Noël nous y faisions notre grand séjour coupé par 3 ou 4 mois d’hiver à Carcassonne. Moussoulens était pour nous un petit paradis terrestre. C’était une propriété de famille à laquelle mon Père tenait beaucoup. Tout Moussoulens le haut et le bas appartenait au Grand-père de mon Grand-père Salaman, M. Tremolliere, qu’on nommait communément M. de Moussoulens il partagea cette propriété entre ces trois filles Mme Salaman, Mme de Veye, et Mme de Roquefère.

Moussoulens le haut était partagé entre Mme Salaman et Mme de Veye. Plus tard mon Père acheta la part de son cousin Théodore de Veye et eut Moussoulens le haut en entier Il se consacra uniquement à l’organisation de cette propriété et en fit le beau domaine d’aujourd’hui qui était sa joie et son orgueil.

Il y tenait par-dessus tout et son souci le plus grand était d’en assurer après lui la possession aux siens. Pour rien au monde, il n’aurait voulu qu’il soit vendu, et c’est pour moi une satisfaction de penser qu’après lui j’en, continue la gestion espérant qu’après moi il restera aux miens.

J’aimais beaucoup mon Père et j'en étais très fière. Il me paraissait très beau et en effet, grand, élégant, distingué il incarnait en lui ces qualités d’une race qui disparaît.

Irréprochable dans sa tenue, qu’il aille assister à une réunion mondaine ou qu’il aille faire l’a tournée de ses travailleurs. Un peu cérémonieux, comme on l’était autrefois, plein d’attentions quand il recevait des visites, il avait l’air d’un grand seigneur quand il offrait son bras aux dames pour les aider à descendre l’escalier, ou pour faire quatre pas pour monter en voiture. J’en étais tout impressionnée, enfant, et je me disais vraiment que j’avais un Papa d’un chic incomparable (le mot de chic n’avait pas cour chez lui).

Adolescent il avait passé quelques années Paris chez son grand-oncle le Général Armand d’Hautpoul qui s’était beaucoup occupé de lui ; il l’avait conduit dans la haute société royaliste la plus pure et la plus noble de la capitale.

Mon père avait beaucoup vu, beaucoup écouté et beaucoup appris ; son éducation s’était formée et son esprit apprit aussi à se former aussi auprès de son grand-oncle, homme d’élite d’intelligence et de cœur qui arrivait de Frosdorf après une année passée auprès du Duc de Bordeaux. Il avait déplu à la cour de Charles X. Il avait déplu par ses idées libérales et était rentré à Paris un peu meurtri, un peu aigri contre certains royalistes et certaines méthodes du gouvernement. Il s’appliqua à former les opinions politiques de mon père, encore bien jeune mais qui ne devait jamais oublier ses leçons.

Ferdinand Lamarque

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Ferdinand… le fla-fla et ses beaux-frères très brillants et aimant le luxe nos oncles Charles et Armand Laperrine le raillaient de cette simplicité qui ne manquait pas de distinction et de noblesse. Enfant il avait été très délicat et il continuait de prendre pour sa santé des précautions peut être exagérés mais qui lui permirent de vivre jusqu’à 86 ans. Il venait tous les soirs après diner passer les soirées chez nous et c’était avec mon père d’infinies discussions sur la politique principalement. J’écoutais et j’apprenais beaucoup de choses tout en m’amusant sans rien dire. Très bon agriculteur, il gérait avec amour son domaine de Sainte Eulalie ; à sa petite métairie de Manzot, il élevait de volailles en quantité entre autres un troupeau de dindes. Au carnaval il prit l’habitude de distribuer à chaque ménage de la famille une superbe dinde comme d’un repas de famille. C’était une occasion de réunion et on serait étonné ou l’on reçoit si simplement de ces diners de carnaval, poissons superbes, truffes, entremets exquis, petits fours et bonbons incomparables etc. etc. Sans oublier de superbes surtouts de fleurs au milieu de la table. Ma mère nous prenait toujours ne nous laissant jamais, nous étions très sages et très fiers d’être invités.

Paul Lamarque

Au carnaval ma tante Pauline Lamarque veuve du frère ainé de Maman, venait avec ses quatre enfants : Fernand, Gabriel, Raymond et Marie-Thérèse. Ma petite cousine était de mon âge, ses frères plus âgés, on les fêtait et on les recevait en famille ; leur visite était aussi motif à réunion.

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Pauline d’Hautpoul

Bonne-maman Laperrine, fille du Marquis d’Hautpoul avait conservé toutes les idées de l’ancien régime et elle entourait d’une grande préférence l’ainé de ses fils et l’ainée de ses filles que les enfants jalousaient beaucoup. Le plus jalousé de tous était l’oncle Charles et sa femme née Guiraud de Saint-Marsal n’était pas très aimée non plus du reste de la famille.

Charles de la Soujeole

Claire raconte la disparition de son fils Charles de la Soujeolle en 1916

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Ensuite mon arrière-grand-mère, bonne-maman Laperrine. Autour d’elle s’était déroulée la vie de tous ceux que j’ai nommés jusqu’ici. Elle était l’aïeule respectée, le vrai chef de famille après la mort de son mari auquel elle survécut de longues années. C’était une figure de l’ancien régime, ardente royaliste ayant beaucoup souffert pendant la Révolution, elle avait horreur et une frayeur de la République qu’elle avait communiquée à tous les siens. Elle recevait beaucoup dans sa grande maison de la rue de la mairie où toute la bonne société du pays se donnait rendez-vous chez elle. Elle mourut peu de temps après ma naissance.

Victor Castel

Un oncle de mon grand-père Lamarque, M. Victor Castel laisse plus d’un souvenir et je me souviens très bien de lui. Ancien officier du 1er Empire il racontait souvent que la cavalerie prussienne lui avait passé sur le corps Waterloo et qu’il n’avait eu la vie sauve que par miracle. Ardent impérialiste, il s’était retiré de l’armée après la chute de l’Empereur et il passait son temps entre la propriété des Ilhes et la maison de la rue de la Gare à où il vivait avec son frère l’Oncle Hyppolite qui était un grand savant et deux sœurs Félicité et Antoinette.

Il resta seul les dernières années de sa vie ayant survécu à tous avec deux servantes fidèles et dévoués Tonton (Marguerite) et la tante et la nièce. Ces deux braves filles me comblaient de bonbons et de gâteaux quand j’allais voir mon vieil arrière-grand-oncle qui lui avait une bonbonnière à ma disposition. Les désastres de 1870 et la chute du second empire lui causèrent une émotion immense et il mourut très rapidement. Il laissa sa fortune à ma mère et à ma tante Maraval. Sa propriété des Ilhes en pleine montagne noire que ces dames aimaient beaucoup fit leur bonheur pendant de longues années.

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