Jean-François et Charlotte
père et fille sous l'Empire Création mai 2021

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Notice biographique sur Jean-François Demarest, aïeul maternel de Jean Louis Rouis en septembre 1891.

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Jean François Demarest naquit à La Fère en Picardie en 1742. Fils d’un riche marchand farinier, il se maria de bonne heure avec une femme qui mourut peu de temps après, sans lui laisser d’enfants.

S’étant rendu à Paris vers le milieu du règne de Louis XVI, il s’établit rue Saint-Nicaise, N° 19, près des Tuileries, devint tailleur de la maison du roi et épousa en secondes noces mademoiselle Géraldine Lem, dont la famille était originaire de Liège.

De ce second mariage, naquirent, en premier, en 1786 une première fille, mademoiselle Jeanne Catherine D. qui épousa en décembre 1811 M. Loiseaux, négociant à Chauny et y mourut ; en second, le 24 mars 1792, une deuxième fille, mademoiselle Jeanne Charlotte Demarest, ma mère, baptisée le 26 du même mois à l’église Saint-Germain l’Auxerrois ; en troisième, un fils, Sébastien Gérard Demarest qui fut assassiné à Limoges en 1832, et dont le seul enfant mâle périt en 1855 durant la guerre de Crimée, à l’assaut de Malakoff.

Prise de la Bastille

Compris dans la garde nationale de Paris en 1789, Demarest entra l’un des premiers à la Bastille, et contribua à sauver plusieurs défenseurs de cette forteresse.

Le 10 août 1792, lorsque le château des Tuileries fut attaqué par les masses révolutionnaires, sa compagnie était de service au guichet de l’Échelle, et il se trouvait lui-même de garde à ce guichet quand le château fut envahi. Là encore, il parvint à sauver un certain nombre de Suisses à mesure que ces malheureux se présentaient pour fuir, il les prenait au collet avec une brutalité affectée, puis les remettait au dehors à d’autres Gardes nationaux qui leur procuraient des moyens d’évasion.

Mais, ni lui ni ses camarades ne purent faire davantage. Ils durent se résigner à voir saccager le château ; ils ne purent même pas empêcher le pillage de ces objets ; et ce pillage fut tel qu’un industriel, qui acheta les débris de porcelaine dorées, en retira pour trois mille francs d’or.

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Privé de sa position professionnelle par les événements, et ne voyant pas à Paris le moyen d’y suppléer, Demarest prit le parti de se livrer au commerce des denrées coloniales à La Fère, sa ville natale. Il y retourna en conséquence au mois d’avril 1792. Ses débuts dans ce nouveau genre d’affaires furent malheureux. Il s’était fait expédier ses marchandises par eau jusqu’à Chauny ; une partie en fut pillée la nuit dans le bateau même de transport. Bientôt après la loi sur le maximum força mon grand-père à vendre à perte. Enfin, il ne fut point remboursé d’une somme de 90 000 francs qu’il avait prêté sur première hypothèque prise à la Fère avant 1789, à un noble du pays, M. de Coupigny. Pour cela, il recourut à l’hypothèque consentie en sa faveur à La Fère. Mais alors on apprit que M. de Coupigny avait emprunté ultérieurement à cette hypothèque une somme non moins considérable à une personne de Château Thierry, avec une première hypothèque également. Or, suivant la coutume encore valable alors dans la contrée, l’hypothèque de Château Thierry passait devant celle de La Fère.

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La situation du débiteur paraissant frauduleuse, Demarest crut devoir recourir aux tribunaux. Il poussa même l’affaire jusqu’à la Cour de cassation ; mais il y fut définitivement débouté de sa demande, et sa créance se trouva perdue. En apprenant l’issue de ce procès, son épouse fut frappée d’une attaque d’apoplexie, aux suites de laquelle, elle succomba en 1810. Après ce malheur, Demarest se retira des affaires. Profondément patriote et libéral, il ne vit pas sans douleur la fin du premier Empire.

Siège de La Fère en 1814

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L’invasion de 1814 l’exposa à des exigences outrées de la part des Prussiens, qui, sans l’intervention de sa fille cadette, devenue plus tard ma mère, lui eussent infligé les plus mauvais traitements. Pendant l’invasion de 1815, il se trouva fortuitement séparé de sa fille cadette pendant deux mois. Il était allé se promener dans la campagne sans se douter que les alliés prenaient leurs dispositions pour investir La Fère. Quand il voulut y rentrer, il ne put traverser les lignes de l’assiégeant, et il dût réclamer l’hospitalité de sa fille ainée à Chauny.

Pendant qu’il séjournait ainsi dans cette dernière ville, sa fille cadette, restée à La Fère, fut mise en réquisition, comme toutes les autres personnes valides, pour aider la garnison. Employée à porter des munitions sur les remparts, elle s’acquitta de ce devoir jusqu’au moment où un boulet de l’ennemi, lui ayant effleuré la tête, la fit tomber par terre sans connaissance ; au bout de trois heures cependant, elle reprit ses sens. L’ennemi n’ayant pas pu réduire la place par la force, se borna ultérieurement à la bloquer. Faute de vivres, la garnison et les habitants en vinrent à manger un à un les chevaux qui s’y trouvaient. Cette dernière ressource touchait elle-même à sa fin, quand un jour, à 5 heures du matin, M. Loiseaux, de Chauny, gendre de Demarest, vint informer un portier-consigne, M. Perrin-Leclerc, que les troupes alliées avaient levé le siège depuis plus de deux heures. Le fait était exact ; Demarest put alors rentrer dans son domicile.

Le 14 mai 1817, il maria sa fille cadette à mon père Gilles Rouis, puis se retira chez son gendre à Chauny. Il y mourut paralytique, le 26 avril 1825, à l’âge de 82 ans.

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Mon grand-père Demarest était petit, maigre et extrêmement vif. Doué d’un tempérament nerveux, il possédait une activité exceptionnelle, une perspicacité rare, mais qu’une trop grande confiance dans les autres neutralisa souvent. Aux qualités de l’homme, il joignait celles du citoyen formé à toutes les épreuves au centre même de la grande Révolution et par les conséquences qu’elle eut pour lui.