François et Gabrielle Création mai 2012

De François et Gabrielle, il nous reste un contrat de mariage, un acte de donation et quelques documents à caractère commercial. C’est une base suffisante pour dégager une chronologie et préciser une réussite financière très significative. C’est une base insuffisante pour nous faire rentrer dans le récit de leur vie.

François et Gabrielle ont grandi tous les deux aux Canet d’Aude où leurs parents sont cultivateurs. Ils se marient très jeunes et pour au moins deux ans s’engagent à « vivre en commun à même pot et feu » chez les parents de François. Nous les retrouvons 14 ans plus tard à Toulouse où François achète une maison et s’installe comme marchand de vins.

Le château des Rosiers acheté par un François de 60 ans nous renvoie l’image d’un homme qui installe sa réussite et s’autorise un confort certain. Ses deux fils, Léon et Auguste, habitent avec lui et ont progressivement pris une part significative à l’affaire familiale. Tous les trois vont continuer de s’activer 15 ans encore à développer leur activité de négoce.

François qui a alors 77 ans, peut se retirer des affaires et partager ses biens entre ses deux fils et sa fille ainée Germaine. Le père et les fils avaient, déjà depuis deux ans, décidé d’arrêter le négoce et de transformer leur capital en immobilier. Avaient-ils vu en 1875 que les belles années étaient passées ou que sans leur père ce serait trop difficile, ont-ils considéré qu’ils en avaient assez pour profiter de la vie, nous ne le sauront pas.

François vivra encore 9 ans dans une annexe de son château des Rosiers et s’éteindra à 89 ans.

Dans le détail :

Négociant en vin en Languedoc

François a dû s’adosser à la situation établie des parents et beaux-parents pour développer une activité bien plus lucrative dans le commerce du vin.

Les petits propriétaires restent nombreux depuis le xviiie. Les propriétaires d’importance tendent à concentrer les terres. Faisant grimper les prix, ils sont les seuls à pouvoir acheter ce qui se vend. Parmi eux, les négociants ou courtiers du village, peu importe le vocable utilisé, assurent l’achat de la production de chacun. Les négociants connaissaient couramment la composition des caves en vaisselle vinaire, on « savait que tel foudre bonifiait davantage le vin, si bien qu’on était enclin à vouloir acheter le vin de ce dernier plutôt que le contenu de tel autre ». Cette régulation patronnée durera la première moitié du xxe siècle. Elle assure aux uns la maîtrise du pouvoir économique et aux autres garantit une certaine stabilité. « Après des manœuvres subtiles entre vendeur et acheteur, un accord verbal est conclu, qui durant une vie de négociant, n’a jamais été enfreint par l’une ou l’autre des parties ». Cet état des rapports de forces, solidifié par et dans le temps, où les grands garantissent les petits et où les « presque rien » confortent ceux qui sont « presque tout », caractérise la configuration viticole locale du début du siècle.

Reçus

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Je soussigné, Jean Louis Marie Giquer, notaire à Narbonne, reconnais avoir reçu de M. François Guillou, négociant à Toulouse, la somme de 443 francs pour les frais et honoraires de l’acte de vente à lui consenti devant moi par messieurs Rolland frères, le 19 février courant.

Narbonne, ce 27 février 1847

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Je soussigné, Jean Planet, contrôleur de la Barque de poste sur le canal du Midi, déclare avoir reçu de M. François Guillou, négociant à Toulouse, la somme de 6 000 francs pour le montant de vingt actions que je lui cède, chacune de 300 francs, provenant de l’emprunt que l’administration du Canal du midi a fait en 1855 et je lui garantis le capital et les intérêts à 5 % jusqu’à intégral et parfait paiement des titres cédés.

Toulouse, le 9 janvier 1857, Planet Jean

Les affaires sont les affaires

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Extrait d’un jugement publié dans le Journal de Toulouse, le 2 décembre 1847 :

… Ces derniers cédèrent à leur tour à au sieur François Guillou, marchand de vins, demeurant à Toulouse, leur créance sur ledit Dansan par acte du 13 septembre 1845…

Ledit Dansan ne s’étant pas libéré envers le sieur Guillou, des sommes à lui dues, il lui a fait signifier le 13 dudit mois de novembre, le bordereau de collocation, cession et autres titres avec commandement de payer ledit bordereau en capital et intérêts, conformément au jugement du 27 août 1847.

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Extrait d’un jugement publié dans le Journal de Toulouse, le 25 janvier 1852 :

Par exploit du 21 janvier 1852, de Lézat, enregistré, le sieur François Guillou, marchand de vins, habitant à Toulouse, a fait signifier… duquel il résulte que le dit sieur Guillou est devenu adjudicataire, au prix de 525 francs,… d’une pièce de terre en nature de jardin potager, d’une contenance approximative de 5 ares, situé au dit Toulouse, quartier du Busca, rue dite du Préfet, dont la vente par expropriation était poursuivie à sa requête, au préjudice du sieur Jean-Pierre Lussan, propriétaire, habitant au dit Toulouse.…

1847 – Projet d’un débarcadère pour le chemin de fer dans le faubourg Saint-Etienne

Il nous amuse de penser que François a été l’un de ces habitants du faubourg Saint-Etienne qui a œuvré sur ce projet de débarcadère.

L’arrivée du chemin de fer dans la ville de Toulouse a soulevé des discussions animées dans la commission d’enquête du département de la Haute-Garonne. Le conseil municipal est d’avis que la station soit établie entre les ponts Guillemery et Montaudran, situés sur le canal du Midi.

La Chambre de commerce demande que le débarcadère à Toulouse forme deux établissements : l’un, destiné aux convois de grande vitesse pour les voyageurs, serait établi près de l’École vétérinaire ; l’autre, affecté aux marchandises, serait placé dans le faubourg Saint-Etienne.

La commission d’enquête appuie cette proposition ; mais M. le préfet de la Haute-Garonne fait observer que l’examen de la question des gares à établir à Toulouse est prématuré et il ajourne son avis a une époque ultérieure.

Nous avons entendu un délégué des habitants du quartier du faubourg Saint-Etienne de Toulouse, qui nous a distribué un mémoire dans l’intérêt d’un débarcadère à établir entre les deux ponts Montaudran et Guillemery, et qui nous a fourni les renseignements les plus détaillés sur ce projet.

M. le ministre des Travaux-publics, avec lequel nous en avons conféré, nous a demandé de vouloir ne pas nous prononcer sur cette question, qui n’était pas suffisamment étudiée. Il nous a dit qu’il allait s’occuper de provoquer tous les renseignements qui pourraient l’éclairer, tant sur les intérêts commerciaux que sur les véritables besoins de la population de Toulouse dans ses relations avec le chemin de fer ; il espère être en mesure de nous faire connaître ses résolutions au moment de la discussion du projet de loi dans la session prochaine.

Le choix de l’emplacement du débarcadère à Toulouse devant avoir une grande influence sur les intérêts les plus essentiels de cette ville, sur son mouvement commercial, sur les habitudes de son importante population, nous avons pensé que, puisque M. le ministre des travaux publics ne se trouvait pas suffisamment édifié par les premières études faites et par les renseignements qu’il avait reçus et qu’il demandait un ajournement, nous ne pouvions nous empêcher de déférer à cette proposition, et de nous abstenir de prononcer sur l’emplacement de l’embarcadère à Toulouse.

Cet avis a prévalu.

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