Qui dans la famille a perdu la propriété dont il portait le nom ? Jules bien sûr, l‘ancêtre républicain qui a osé s‘opposer à Napoléon III.
Mal lui en a pris, il sera huit années assigné à résidence à Sorèze.
Mal nous en a pris qui sommes réduits à passer devant Langautier sans nous arrêter.
Cela dit, on s‘en fiche !
Hubert (2023)
Voir aussi Alix et Joseph Vivent.
En 1835, à la mort d'Henriette, Jules partage avec sa sœur Alix les sommes considérables venant des Auriol. Devenu propriétaire rentier, Jules a pris la vie du bon côté ce qui pour lui se résumait dans ce vers qu'il a conservé : Ami, pour bien passer la vie, Il faut des femmes et du vin
.
En 1836, Alix épouse Joseph-François Vivent , minotier, activiste républicain proche des rédacteurs du journal l'Emancipation. Les deux beaux-frères partagent les mêmes idées républicaines, Joseph-François sera le mentor de Jules.
VIVENT (Joseph-François), minotier, membre du conseil municipal de la commune de Toulouse durant quinze ans, membre de la Chambre de commerce, juge au Tribunal de commerce, membre de la Commission départementale de 1848, administrateur des hospices, signataire de la protestation contre le coup-d'Etat, fut arrêté le 3 décembre à cause de ses opinions républicaines, et ensuite condamné par la Commission mixte, le 21 février 1852, à l'expulsion temporaire du territoire français. Cette peine fut commuée en celle de la surveillance, par décret du 4 avril 1852. Il avait été interné en Afrique. Il est inutile de faire l'éloge de cet honorable-citoyen que tout le monde aime et estime à Toulouse.
Source Gallica
Minotier à la barrière de Paris, fait faillite en 1855 L'entraide généalogique. Réside à Leguevin
En plus de sa fortune, Jules devait avoir quelques charmes et épouse en 1840 Félicie Olivier qui lui donnera Albert en 1841, puis Denise et enfin Marcellin en 1849.
Le train de vie du ménage, ou peut être seulement celui de Jules, dérape assez vite. Les emprunts se succèdent ainsi que les défauts de paiement ; en mai 1848, Jules est endêté à hauteur de 150 000 francs, c’est-à-dire l'équivalent des 2/3 des biens qu'il possède. La thèse de Marcellin d'un Jules ne pouvant s’occuper de son exploitation agricole, a été littéralement ruiné
ne tient pas. Tout comme Jean-Pierre son père, Jules se ruinera tout seul.
A défaut d'une activité lucrative, Jules se lance dans la politique. Nous le retrouvons, pour ce qu'il nous est donné d'en voir, en mars 1848 au club de la Fraternité
, puis le 16 juin 1849 à la création du cercle de Nauzières
à Revel. De temps en temps, il devait aussi être nécessaire de participer à des banquets républicains ce que Jules devait apprécier.
Jules devait y retrouver régulièrement quatre habitants du canton de Caraman : Laflèche, pharmacien ; Germier, notaire ; Panavayre, instituteur révoqué, Trantoul, voyageur de commerce
qui s'alignaient sur son action politique.
Jules nous a aussi laissé des liasses d'écrits. Il convient d'en dire que leur notoriété a du être très restreinte.
Le 23 février 1848, les choses sérieuses se passaient à Toulouse autour du journal l'Emancipation :
La République est proclamée. L'Emancipation cesse d'être un journal d'opposition, il devient à son tour organe du pouvoir. Son directeur, ses rédacteurs, ses amis se voient attribuer les principales fonctions administratives de la région. Plusieurs vont être élus députés à la Constituante. Comment l'Emancipation devient devenue journal officieux, va elle défendre la République ?
Jacques Godechot (1964) Aux origines de la presse républicaine à Toulouse : la première Émancipation via Persée
Joseph François Vivent faisait partie du premier cercle, et au petit matin du 26 février 1848, il s'est agit de prendre le pouvoir, et vite. Jules est beau-frère de Vivent, c'est à cette parenté et aux suggestions de l’ex-proconsul Joly qu’il doit le désagrément d’avoir abandonné son existence heureuse pour se jeter dans les aventures du républicanisme
.
Jules se présentera à Villefranche dans la matinée muni d'une lettre de Joly, se fera ouvrir les portes et s'installera lui-même comme sous-préfet.
Révolte des ouvriers à Paris et nouvelle soirée à l'Emancipation, décisions adaptatés aux nouvelles circonstances et confirmation de Jules à Villefranche.
Sur ordre où sur initiative personnelle, Jules dissout depuis plus de deux mois toutes les municipalités
. Ces mesures ne passent pas et les attaques personnelles contre Jules ne tardent pas.
Le 26 août suivant, Jules est destitué.
Ce soir là, Jules est dans les locaux de l'Emancipation. Il ne participe pas aux manifestations mais signe une proclamation contre le coup-d'état. Coup d'épée dans l'eau, mais la répression s'abat lourdement et Jules doit se cacher pour échapper à la police qui le recherche.
Les séïdes du pouvoir impérial peuvent désormais se lacher contre Jules :
Sous-préfet Ballu, 13 janvier 1852 : Le nombre des anarchistes que révèle le canton de Caraman ne permet pas de douter qu’il n’y ait eu là affiliation aux sociétés secrètes : je vais faire procéder dès demain à l’arrestation de quelques-uns d’entre eux
Préfet Galli, le 17 janvier 1852 : Le sieur Pebernad a été pendant 3 années, le chef avoué de l’anarchie dans l’arrondissement. L’esprit de désorganisation pas d’agent plus actif et c'est surtout dans son canton Caraman qu’il exerçait avec le plus d’ensemble et de succès
.
Procureur général Dufresne et conseiller de préfecture Pujol, le 23 février 1852 : Attendu qu’il résulte de l’information que Pebernad, propriétaire, a signé avec parfaite connaissance de cause la proclamation du 3 décembre et qu’ainsi, il peut être considéré comme ayant pris part au complot dont cet acte a manifesté l’existence ; que d’ailleurs est inculpé par l’exaltation de ses opinions politiques et la propagande à laquelle il se livre, exerce une regrettable influence sur les habitants de la campagne dans l’arrondissement de Villefranche voisin de ses propriétés.
Arrête qu’il sera interné et mis sous la surveillance de Monsieur le ministre de la police générale.
Le 21 janvier 1852, le commissaire de police Cazeaux avait pourtant un avis plus mesuré : À part, l’exagération de ces opinions et son antipathie pour le pouvoir actuel, Pebernad est un citoyen irréprochable
.
A Paris, le nouveau gouvernement qui n'en demandait pas tant en matière de répression, envoie à Toulouse le colonel Espinasse pour calmer le jeu. Celui-ci, le 4 avril 1852 atténue la peine de Jules : Pebernad Jules, condamné à l’internement, la peine a été commuée en surveillance. Rien ne s’oppose à ce qu’il rentre La Salvetat où il possède une propriété, mais il doit être maintenu sous surveillance.
Jules cherche à se faire oublier et déclare : j'habite Sorèze de mon plein gré et je ne me suis occupé nullement de politique
, mais il est reste soumis à la vindicte des affidés du nouvel empire :
Le 11 avril 1854, le préfet Migneret de la Haute-Garonne veut le déplacer de Sorèze à Albi.
La résistance s'organise :
Le 17 avril, Labadens maire de Sorèze confirme qu'il ne m'est jamais été donné connaissance que M. Pebernad Langautier fut interné à Sorèze et par suite placé sous notre surveillance, le 20 avril, les habitants de Sorèze signent une pétition en faveur de Jules, le.
Le 1er juin 1854, le directeur de la sûreté générale confirme que le sieur Pebernad en effet, n’étant pas en rupture de ban, ne peut être soumis à l’internement par mesure administrative
Le 16 juin, c'est Alix d'intervenir auprès du préfet et le 20 juin auprès de Favré, avocat à Toulouse. Ce dernier ira à Paris rencontrer le directeur de la sureté générale qui s'avoue impuissant devant l'erreur et la détermination du préfet Migneret.
Le 16 juin 1854, le préfet du Tarn Montou invente des décisions qui ne peuvent être : par décision de Monsieur le préfet de la Haute-Garonne tout séjour dans ce département et rigoureusement interdit au sieur Pebernad. et prend l'initiative d'en durcir l'application par des ordres [] donnés à la gendarmerie pour le faire arrêter dans le cas où il serait trouvé sans être muni d'une autorisation régulière.
Et Jules devra encore de longues années subir l'acharnement injustifié d'une administration implacable ! La levée des sanctions interverviendra en 1859, mais pour Jules, ce sera trop tard.
Dès novembre 1859, la santé mentale de Jules a dégénéré en imbécillité. A la demande de Félicie, il sera mis sous tutelle. Les difficultés pour Félicie dureront jusqu'au décés de Jules le 5 mars 1861 à l'âge de 50 ans. Jean de Langautier, instruit sans doute par la tradition familiale, assurait que la syphillis en était la cause.
Difficile de parler de Félicie, qui a subi sans nous laisser de traces les difficultés de Jules, la disparition de Denise autour de ses 10 ans, les dettes d'Albert et le coût de l'éducation de Marcellin.
Elle s'éteindra en 1874, seulement agée de 60 ans.