Lieutenant à Mogador
8 mois Création novembre 2010

Introduction de Bernard

Casimir a 30 ans, ses états de service sont :

  • à terre du 1er juin 1843 au 1er novembre 1843 – 11 jours au port, 5 mois.

Puis comme Lieutenant de Vaisseau :

  • à terre, du 1er novembre 1843 au 1er mars 1844 – 4 mois,

  • Équipages de Ligne, du 1er mars 1844 au 19 mars 1844 – 18 jours,

  • sur la Minerve du 19 mars 1844 au 1er juin 1844 – 14 jours en mer, 1 mois et 25 jours dans le port,

  • sur le Cassard du 1er juin 1844 au 5 février 1845 – Expédition du Maroc et Méditerranée, 3 mois et 9 jours en mer, 4 mois et 25 jours en guerre.

Ce ne fut qu’en avril 1843 que, toujours Enseigne de vaisseau, il regagna la France, après une campagne de dix-huit mois aux Antilles. Venu se reposer pendant un semestre de congé à Saint-Pons, il put apporter ses soins les plus tendres à la santé de son père, qu’il assista à ses derniers moments (15 mai 1843). Dernière consolation qu’il ne devait pas avoir lors de la mort de sa sœur Élisa et de son excellente mère.

Après un séjour à Luchon, il abandonna les siens vers la fin d’octobre, fut nommé Lieutenant de vaisseau à son arrivée à Toulon (1er novembre 1843) et continua son service à terre comme commandant de la 9e Compagnie permanente, avec laquelle il embarqua le 19 mars 1844 à bord de la Minerve.

Contrairement à ce que pensait Bernard, les relevés de la marine ainsi que la lettre suivante laissent à penser que Casimir était toujours à bord de l’Oreste le 15 mai, le jour de la mort de son père.

Saint Pons, le 4 juin 1843

Monsieur le Ministre,

D4l1c_xxx_002

De retour en France après une campagne de 19 mois, j’ai été subitement rappelé dans famille pour la mort de mon père. Mes intérêts nécessitant pour quelques temps ma présence à Saint-Pons. J’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien m’accorder un congé de six mois dont dans ma position actuelle, j’ai le plus grand besoin.

J’ai l’honneur d’être Monsieur le Ministre, votre très humble et très obéissant serviteur.

Casimir de Bonne, Enseigne de vaisseau

10 juin 1843, lettre de service

Monsieur le Ministre,

D4l1e_xxx_002

J’ai l’honneur de transmettre ci-joint à votre excellence, la demande d’une prolongation de congé formée par l’Enseigne de vaisseau de Bonne actuellement dans sa famille à Saint-Pons. Les graves motifs sur lesquels cette demande est fondée, et la longue campagne que vient de faire M. de Bonne aux Antilles sur l’Alerte et l’Oreste, me portent à prier votre excellence de bien vouloir accorder ces congés dont cet officier a besoin pour régler ces affaires, toutefois en réduisant à quatre mois la prolongation demandée.

Agréez, Monsieur le Ministre, l’assurance de tout mon respect.

Le C.R. préfet maritime de Toulon

D4l1e_xxx_004

Recommandation

D4l1g_xxx_002
Répondre sans s’engager

Monsieur et cher Collègue, M. de Bonne, Enseigne depuis cinq ans, entré dans la marine en 1831, désire obtenir le grade de lieutenant de vaisseaux. M. de Bonne vient de revenir en France avec le Capitaine Jeannin, après avoir rempli, pendant deux ans, les fonctions de second sur les deux bricks l’Oreste et l’Alerte qui faisaient partie de l’escadre des Antilles. M. l’amiral de Moges, commandant de cette station, a rendu une entière justice à la capacité de cet officier et s’est empressé d’appuyer sa demande d’avancement. Je vous le recommande particulièrement et j’espère qu’il vous sera possible de seconder l’intérêt que je lui porte.

Agréez, Monsieur et cher Collègue, l’assurance de ma haute considération et mon sincère attachement.

Cuizar

Mogador, le 17 août 1844, à bord du Cassard

Mon cher Louis

Je t’écris du champ de bataille. Nous avons encore une fois indignement brossé les Maures Marocains. La résistance a été plus forte qu’à Tanger, néanmoins à trois heures les batteries ennemies avaient été abandonnées et nos matelots s’étaient emparés d’une ile qui contenait quatre batteries, dans lesquelles ils ont fait 150 prisonniers.

Nous sommée arrivés ici le 12 et avons essuyé un coup de vent qui a duré trois jours. La mer était affreuse, il était impossible d’avoir les batteries des vaisseaux ouvertes. Les marocains ont eu beau jeu pour préparer leur défaite.

C’est le 15 à 1 h 45 que notre mouvement a commencé. L’Amiral a défilé devant toutes les batteries ennemies le premier pour aller prendre son poste. Je n’ai jamais rien vu d’aussi imposant que le spectacle du Triton et du Suffren allant vent arrière, sous petites voiles, prendre leur position d’embossage. Ils ont essuyé plusieurs fois le feu de toute la ville sans paraître y faire attention. Après avoir mouillé, ils ont préparé leur embossage toujours sans répondre au feu, et une fois au poste ils ont commencé leur besogne.

Le Cassard devait forcer l’entrée de la rade en passant à l’arrière du Suffren et suivant la Belle Poule, nous avons eu là on moment un peu critique ; abrités par le vaisseau le vent nous a manqué et nous sommes restés, sans défense, enfilés par une batterie de 6 pièces. Heureusement que le Suffren avait prévu le coup et qu’il avait disposé dans la chambre des officiers deux obusiers de trente qui.ont sifflé sur nos têtes pendant notre passage et empêché les batteries de tirer plus longtemps. Nous avons alors repris de l’Etre et sommes arrivés par le travers de notre batterie (8 pièces). Le brave Roque (de Roquemaurel) s’est posté à 300 mètres au plus. J’ai ouvert le feu et en 20 mn au plus elle était sinon abandonnée, du moins éteinte. Je suis ravi de mes canonniers, ils tirent comme des sauvages. Le débarquement s’est opéré après et je n’ai eu à m’occuper qu’à mitrailler les bédouins qui tachaient de rentrer dans la batterie. Nous avons passé la nuit avec la Belle Poule tirant un obus toutes, les cinq minutes. Le lendemain, 16, nous avons été nous embosser devant la porte de la ville ou il y a un poste de 12 pièces et à midi nous avons recommencé : le bateau à vapeur au large, la Belle Poule dans la passe, et le Cassard dans la rade. C’est alors que la marine a débarqué sur les remparts pour enclouer les pièces. Cette opération s’est achevée très heureusement.

Toutes les fortifications ont été abandonnées au point que ce matin j’ai pu aller avec un canot et quelques fusils débarquer à la porte de la ville pour embarquer le Consul d’Angleterre sa femme et ses enfants. J’ai fait deux voyages sans être inquiété.

À la lumière des luttes d’influences entre la France et l’Angleterre, il est possible de se poser la question des motifs de cet « embarquement » qui est peut-être plus une expulsion qu’un sauvetage ?

Le Cassard n’a pas eu un homme égratigné, mais il a reçu deux boulets à la flottaison dont l’un a traversé ma chambre et m’a fait des dégâts pour 150 frs. casquette, chapeau d’uniforme, bottes, etc. etc. ont été broyés. Roquemaurel a eu un boulet dans son office, mais il n’a eu que des assiettes et des cristaux de cassés.

L’escadre va rentrer ; l’ile reste occupée.

On attend des bâtiments de Brest qui resteront en station sous le feu du fort. Nous allons rentrer à Malaga ou peut-être à Toulon, car n’y a pas d’autres pièce de 24 que les nôtres dans l’escadre et nous ne pouvons pas remplacer nos consommations.

Adieu, je me porte bien, mes compliments à Madame Louis, à Hauterive, à Gaïx.

J’adresse ma lettre à Saint-Pons pour que ma mère en prenne connaissance, au cas où tu n’y serais pas. Dans tous les cas embrasse ma mère et mes sœurs.

Négationnisme historique

Pour l’amusement, voici comment en 2008 certains tentent de réécrire l’histoire, trouvé sur un site marocain :

Le romancier et essayiste mexicain Alberto Ruy Sanchez vient de signer un cinquième et dernier roman, ‘‘la main du feu’’, qui plante le décor encore une fois dans la ville de Mogador, à laquelle il se dit très attaché.

Ruy Sanchez s’attarde sur l’histoire de Mogador et de « ses murailles impressionnantes et inviolables ». Il raconte pour l’anecdote l’histoire d’une expédition militaire française qui avait tenté de s’emparer en vain de la ville au 19 siècle. À l’époque, l’amiral français Prince de Joinville avait fait croire à ses supérieurs à Paris qu’il a pris Mogador, mais en fait il s’était emparé de l’île de Mogador et non de la ville, infranchissable depuis toujours. Le tableau qui célèbre cette bataille dans le musée de la marine à Paris est un « mensonge », car la ville n’a jamais été prise par ce militaire français, a affirmé Ruy Sanchez.