En Turquie
10 mois sur l'Iéna Création novembre 2010

Introduction de Bernard

Casimir a 26 ans :

De gros événements se succédaient rapidement en Orient. La reprise de la lutte entre la vieille Turquie et la jeune Égypte, créée par le génie de Mehmet-Ali, venait d’aboutir à la défaite définitive des Turcs à la bataille de Nézib, défaite bientôt suivie de la mort du Sultan Mahmoud, le dernier des vigoureux autocrates de la race d’Othman. De ces complications et des rivalités qu’elles excitaient entre l’Angleterre et la Russie, grandes puissances orientales toutes deux, une action des flottes européennes pouvait surgir. Aussi le gouvernement de Louis-Philippe envoya-t-il une flotte, sous les ordres de l’Amiral Lalande, en croisière aux Dardanelles pour être prêt à faire bonne figure le cas échéant. Le Papin partit de Toulon, fin juin, pour rejoindre l’Escadre.

Je suis resté six mois en croisière devant les Dardanelles, d’abord sur l’Iéna et ensuite sur la Belle Poule venue pour rejoindre l’escadre et dont j’avais pris le commandement. Six mois qui, en dehors de la routine et des devoirs du métier, ne furent pas d’une gaité folle.

Cependant cette monotonie fut interrompue par l’apparition de la flotte Turque, que nous vîmes forte de quarante voiles, déboucher des Dardanelles, naviguant en désordre, poussée par une forte brise, et offrant un spectacle grandiose.

Nous allâmes nous mettre en travers devant elle, en saluant le Capitan-Pacha, qui, de son côté, ordonna À sa flotte de mettre en panne, mouvement exécuté au milieu d’une magnifique confusion. Aussitôt un vapeur s’approcha dû « Iéna », il portait le commandant en second de la flotte, Osman Pacha, chargé par le Capitan-Pacha de proposer une entrevue à l’amiral Lalande. Celui-ci accepta, m’emmena avec lui et nous passâmes sur le bateau turc.

Pendant le trajet vers le vaisseau du Capitan-Pacha, Osman Pacha. Nous fîmes descendre dans la cabine, ferma mystérieusement toutes les portes et avec le concours d’un jeune Drogman arménien, nous raconta une longue histoire que je résume en deux mots. Selon lui, Constantinople était à feu et à sang. À la mort du sultan Mahmoud, Kosrew-Pacha, simple agent russe, s’était emparé du pouvoir. Rien ne lui coûtait pour s’y maintenir ; les têtes de tous les vrais Turcs, de tous les vrais Musulmans tombaient par centaines. Le chef de la religion lui-même, le Scheik-Islam n’avait pas été épargné – pour avoir refusé de sacrer le nouveau Sultan tant qu’il ne se coifferait pas du turban vénéré d’Othman, au lieu du « fez » révolutionnaire, on l’avait étranglé à minuit, en grande pompe, il est vrai, et au bruit des salves d’artillerie dues à son rang, (pauvre consolation, pensais-je). La tête d’Osman-Pacha lui-même, et celle de son chef, le Capitan-Pacha, ne tenaient qu’à un fil. Aussi l’un et l’autre s’étaient-ils résolus, au lieu de combattre Mehmet-Ali, comme tout le monde le croyait, à faire cause commune avec lui pour unir toutes les forces musulmanes et faire une de ces concentrations rêves de tous les temps et de tous les pays déchirés par les révolutions. En bon français, les deux chefs entraînaient, à son insu, la flotte dans une défection destinée à sauver leurs têtes. Ils demandaient à l’Amiral son approbation, qu’il refusa, puis un navire de guerre français, pour les accompagner, comme une sorte de bateau de sauvetage qu’il promit, et surtout qu’aucun mot, aucun geste, aucun regard ne trahit, pendant la visite que nous allions faire, le secret qu’on nous confiait. Nous passâmes alors sur le vaisseau du Capitan-Pacha, ou la réception fut bien orientale, nous seuls possédant le secret de ce chef, qui allait trahir, au milieu de la foule des courtisans, des officiers et représentants étrangers qui l’entouraient. Le soir, la flotte turque disparut à l’horizon.

En mer de Marmara, le 8 juillet 1839, à bord du Papin

Mon cher père,

Je suis parti de Toulon beaucoup plus vite que je m’y attendais. Ludovic a dû vous donner de mes nouvelles. Pas eu le temps de vous écrire par lui, il est venu me surprendre la veille du départ, en outre j’étais de service et très occupé, comme il a pu le voir et vous le dire. J’ai bien regretté de ne pouvoir passer quelques jours avec lui, mais il est écrit que tous ceux qui viennent me voir doivent arriver des jours d’inspection ou bien dans les incertitudes d’un départ prochain.

Notre traversée de Toulon aux Dardanelles a duré 8 jours, en y comprenant trois jours de relâche. Nous avons trouvé prés de Smyrne le prince de Joinville allant prendre les fonctions de chef d’état-major, véritable sinécure. Son aide de camp ne fait pas même son service. Le sous-chef continue, comme par le passé d’expédier les ordres et de les faire exécuter.

Smyrne (dont le nom turc est Izmir) est une des plus anciennes cités d’Asie Mineure.

Nous avons trouvé l’Amiral dans le sud des Dardanelles attendant le passage de la flotte turque. Il nous a envoyés au cap Baba, où nous sommes restés mouillés neuf jours. Nous communiquions avec lui au moins une fois par jour ; l’arrivée de la flotte turque est venue mettre un terme à sa croisière. Le cinq, le Capitan-Pacha, quoique sachant qu’on voulait le rappeler à Constantinople, a quitté son mouillage des Dardanelles et a pris le large.

L’amiral Lalande a été à son bord, et après avoir fait ses salutations, est arrivé au plus vite au cap Baba, une heure après son arrivée nous partions pour Constantinople ayant à bord le chef d’Etat-major de l’Amiral, Monsieur Guyot, capitaine de Corvette. Nous avons su que Mohamed était mort le 1er juillet et que son successeur n’était pas encore nommé. Nous sommes arrivés hier matin à Constantinople. Les diplomates turcs et européens ont été abasourdis du départ du Capitan-Pacha à qui on venait d’expédier l’ordre de rallier Constantinople. Nous avons dû nous bonder de charbon et être prêts à partir le soir à 7 h ½.

L’armée turque en est venue aux mains avec Ibrahim et est en pleine déroute. Les puissances sont intervenues comme en 1834, mais le départ du Capitan-Pacha peut aggraver les événements. La flotte Égyptienne est supérieure à la Turque d’un bon tiers. Ses équipages sont exercés, tandis que pour armer la flotte turque il a fallu employer le même moyen que les anglais : la presse. Tout ce qu’on a ramassé dans les rues de Constantinople a été embarqué il y a quelques mois. Si ces deux armées en viennent aux mains, le succès ne peut manquer d’être du côté du-Pacha d’Égypte et alors les turcs sont anéantis et sans armée et sans marine à la discrétion de la Russie, qui a une escadre formidable dans la mer noire.

Nous aurons de la peine à pénétrer dans les Dardanelles, les vents du N.E. règnent constamment dans cette saison. Dans la mer de Marmara les courants de la même partie sont très forts et l’escadre anglaise est à Malte. Son Amiral n’a aucune instruction de son gouvernement, ni le nôtre non plus ; on veut se réserver de leur donner sur les doigts s’ils font mal.

Nous avons 6 vaisseaux et 3 petits bâtiments, on attend deux autres vaisseaux, deux frégates, deux corvettes et trois Brigs. J’ignore les forces de l’escadre anglaise.

Les esprits sont à la paix à Constantinople ; deux partis sont en présence : le parti réformateur et l’ancien parti des janissaires qui voudraient revenir aux anciennes institutions. On a fait à peu près 600 arrestations dans ce parti et coupé une centaine de têtes. Le divan a élu le fils de Mahmoud, âgé de 16 ans ½ Abdul-Medjeik 1er . Son premier soin a été de destituer le grand vizir et de nommer À sa place le vieux Sereskier-Pacha, conseiller intime de son père et l’auteur de toutes les réformes qui se sont faites à partir de l’exécution des janissaires, qui fut son œuvre. Il a nommé aussi un de ses oncles, Séraskim-Pacha (Ministre de la Guerre). On doit lui donner l’investiture jeudi, sa mère devant arriver aujourd’hui et prendre son rang de Sultane validé ou Douairière.

Nous sommes partis hier soir de Constantinople et nous allons rejoindre l’Amiral à Ourlac. Nous avons embarqué le Mustaphar, ou major général de la flotte turque, je ne sais pas où nous le menons ; nous ne pourrons le savoir qu’après avoir rallié l’Amiral et par conséquent remis nos lettres. Néanmoins il y a quelques mystères dans notre départ nocturne. Un officier anglais, envoyé par le commandant de l’escadre d’avant-garde, est venu, hier, nous demander passage, trois fois dans la journée. On lui a répondu que nous ne partions que dans trois jours et de prendre le paquebot français, qui part de Constantinople aujourd’hui. Ayant plaisanté le commandant Guyot sur son mensonge, il m’a dit « j’étais loin d’avoir besoin de ce gaillard-là, il nous aurait beaucoup gêné ». Néanmoins, nous ne pouvons aller ailleurs qu’à Alexandrie ou sur les côtés de Syrie, soit pour porter des ordres au Capitan-Pacha ou pour faire des propositions à Méhémet-Ali ou Ibrahim de la part du Divan. Voilà quelles sont les nouvelles ou du moins ce qu’on nous laisse savoir, nous profanes.

Malgré le peu de temps que nous avons passé à Constantinople, j’ai été favorisé pour voir une bonne partie du Bosphore. L’Ambassadeur français ne réside pas en ville, son palais a été brûlé il y a une dizaine d’années, il habite à Térapia un palais dont Mohamed fit cadeau au général Sébastian quand il fortifia les Dardanelles.

Nous avons dû aller déposer là le Chef d’Etat-major et revenir en ville faire notre charbon.

J’avais beaucoup entendu parler et lu beaucoup de description du Bosphore, j’ai néanmoins été émerveillé de la beauté des points de vue qu’il offre dans toute sa longueur. Je doute qu’il y ait dans le monde quelque chose de pareil. Les deux rives sont bordées de palais, de kiosques et d’édifices de tout genre d’une architecture très élégante ; au lieu de lourdes murailles et de toits ou d’ardoises ou de briques, tout est bâti en planches et terminé par des terrasses garnies de balustrades découpées à jour, qui rendent l’édifice singulièrement léger. Chaque maison est peinte à l’huile en couleur assez claire sans toutefois être criarde, ce qui répand une grande variété dans le paysage et détache parfaitement les premiers plans du fond. Les plans intermédiaires sont peuplés d’arbres principalement verts sur lesquels tranchent les nombreuses coupoles blanchies des lourdes mosquées hérissées de minarets minces et déliés comme des flèches. Cette variété de tons et de formes flatte singulièrement la vue ; aussi on devrait se tenir au large de Constantinople, pour ne pas détruire la première impression qu’on éprouve à son aspect, et faire comme Chefdebien ou ces anglais qui sont venus à Constantinople et ont eu la force d’âme de ne pas descendre à terre.

mais quelqu’un qui veut tout voir est désagréablement surpris par l’irrégularité et la saleté des rues, le nombre prodigieux d’insectes : punaises, puces, etc., etc. que renferme chaque maison, le ridicule du costume turc qui n’est ni franc ni oriental. Tout ce peuple, ou sa grande partie, porte des pantalons et des redingotes étriquées avec un énorme bonnet rouge. Mahmoud aurait bien dû, dans ses réformes, écarter la question de la barbe et des habits. Il a peuplé Constantinople de caricatures, il s’est imaginé en faisant porter des bretelles et des bottes à ses sujets les mettre au niveau de l’Europe et les civiliser ; il s’est bien gardé de leur apprendre à chacun leur métier, loin de là. Son Capitan-Pacha était batelier à Constantinople, il doit bien connaître la tactique navale, et son Mustapha, ou major général, que nous avons à bord, n’est jamais sorti de Constantinople, qu’il n’a pas su reconnaître dans nos cartes.

Il fait sa première campagne à bord du Papin. Voilà de grands éléments de succès contre Méhémet-Ali qui a une flotte exercée, composée d’officiers européens et de naturels qu’il a fait élever en Europe. Si les deux armées de terre sont composées de la même façon, on s’explique facilement la diminution de l’empire Turc qui, en 15 ans, a perdu la Grèce, l’Archipel, l’Égypte, la Syrie et les états barbaresques.

Le nouveau Sultan n’est jamais sorti de l’enceinte du Sérail. Il a eu pour compagnon un nain qu’il s’est empressé de doter richement et de décorer d’ordres à son avènement, on pense qu’il conservera une grande influence sur lui.

On raconte comme un trait caractéristique et comme un grand pas fait dans la civilisation qu’il n’ait pas fait étrangler les médecins qui ont tué son père. On les a mandés au Sérail et le chef des médecins leur a dit que le Sultan, très mécontent de la manière ignorante dont ils avaient traité, son père, les disgraciait.

On leur a arraché les décorations et leurs insignes ; après quoi on les a mis à la porte. Un d’entre eux, qui passait pour un âne et qu’on avait toujours tenu éloigné pour cela, a été élevé en grade et a reçu, devant ses collègues, les décorations qu’on venait d’enlever à l’un d’eux. C’est un système de bascule.

Nous avons visité une partie du sérail, on nous a même assuré qu’ordinairement les étrangers ne pénétraient pas aussi loin. Nous avons fait le tour de la seconde enceinte, nous avons pu voir les murs du Harem et un grand nombre de villas sur le Bosphore où le Sultan habite pendant 8 ou 15 jours, sans pour cela sortir de chez lui. Tout le sérail forme un parc assez grand où se trouvent disposées toutes ces habitations. L’enceinte du milieu renferme le harem ou habitation des femmes, Nous avons vu les écuries, qui sont assez mal tenues et ne renferment pas de bons chevaux. Il y a peu de casernes qui ne soient mieux, et il faut sans doute être connaisseur pour apprécier les chevaux, car je n’en n’ai pas vu trois ou quatre qui eussent l’apparence de « Fingal » de Ludovic. Le sérail possède beaucoup de gazelles, cerfs apprivoisés, qui ne se dérangent même pas quand on passe, tout cela est fort mal tenu, beaucoup de gazelles ont la gale. Les allées sont remplies de culs de bouteilles, de pierres, de tessons et autres immondices qu’on ne s’attendait pas à trouver là. Ce n’est pas magnifique mais c’est oriental. Je distinguerai dorénavant ces deux adjectifs que jusqu’ici j’avais cru synonymes.

Nous avons été repoussés de Sainte Sophie et autres mosquées. Néanmoins, malgré la consigne, nous avons pénétré au marché des femmes. On ne nous a laissé voir que les négresses. À notre retour, avec le prince de Joinville, nous pourrons entrer partout. Je me propose d’ouvrir les yeux comme des portes cochères.

Ce qui m’a le plus intéressé, dans mon voyage, sont les forts des Dardanelles dont tout le monde parle aujourd’hui. Nous nous sommes arrêtés, après réflexion, à l’opinion suivante : les Dardanelles ne peuvent être forcées par mer que vent arrière. Néanmoins il faudrait se résigner à de fortes pertes. Vent debout et en louvoyant ce serait une folie de le tenter. Un moyen plus facile et presque immanquable serait de flaire un débarquement dans le sud du château d’Asie et d’enlever le château par terre. Il n’a pas un seul canon de ce côté ; en aurait-fil qu’ils se trouveraient masqués par la ville qui le touche. Le seul moyen de se défendre serait de placer de petits canons sur une tour carrée qui s’élève au milieu du fort. La batterie du côté de la mer à 63 pièces dont 12 ont la bouche plus grande que des mortiers : ils lancent des boulets de marbre de deux et trois pieds de diamètre, dit-on, cela me parait absurde.

À l’entrée du détroit des Dardanelles sont le château d’Europe et le château d’Asie proprement dits. Leurs batteries ne croisent pas et ce n’est pas avec des artilleurs tarés qu’on pourrait craindre quelque chose. Le point sérieux est au point le plus étroit, à la ville des Dardanelles, à peu près au milieu du détroit. Ce passage est défendu par des forts, un de chaque côté ; après les avoir dépassés il en reste encore quatre autres, mais qui ne sont rien. Le point le plus étroit a, à peu près, une portée de canon de largeur. Défendu par des canonnières russes ce passage est, comme je vous le disais, impénétrable vent debout. Il faudrait enlever le fort d’Asie, celui d’Europe ne serait pas accessible au débarquement.

Les forts des Dardanelles ont été construits à partir 1770 par le Baron Tott, diplomate et général français, attaché à l’ambassade de Vergennes en Turquie, il travailla activement à entretenir la lutte des Turcs contre la politique envahissante de la Russie. Le sultan s’en remit à lui du soin de réformer l’artillerie, le génie et la marine ottomane.

J’apprends à l’instant que l’escadre part d’Ourlac dans trois jours, nous partons tout à l’heure avec le Mustabar, pour aller à la recherche de l’escadre turque, lui porter l’ordre de rentrer de la part du Sultan. On ne comprend rien à la politique anglaise. L’escadre est à Malte. Smyrne est tranquille – on a coupé 4 têtes et fait peu d’arrestations. La seule chose qui nous assomme c’est notre activité continuelle et la gêne que nous éprouvons pour notre linge que nous ne pouvons faire blanchir ne restant jamais nulle part.

Adieu, mon cher Papa, embrassez pour moi ma mère, mes frères et mes sœurs. Je vous souhaite une bonne santé, je vous tiendrai au courant de ce qui se passera de remarquable ici.

Je vous embrasse et suis avec respect votre affectionné fils

Constantinople, le 14 août 1839 au soir, à bord du Papin

Mon cher père,

Je reçois à l’instant votre lettre du 20 et celle de Louis du 16 juillet. Je vois avec plaisir que vous vous trouvez en bonne santé et que les amusements ne vous manquent pas ; je ne peux pas en dire autant. Le Levant est fort ennuyeux. Néanmoins, nous avons dans ce moment-ci une bonne aubaine. Le prince de Joinville est à bord, et par son canal nous avons pu visiter tout Constantinople, jusqu’au harem du grand Seigneur. Il est vrai de dire que c’est dans le sérail où il n’habite pas actuellement.

Nous avons eu le 9 un incendie qui a dévoré de 1.800 à 2.000 maisons dans le quartier de Pera. Notre équipage est descendu à terre avec celui du Brig l’Argus et sous les ordres du Prince, nous avons démoli tout un quartier, j’ai sur mon compte deux ou trois maisons. Cette opération a sauvé toute la ville Franque qui, sans cela, y serait passée en entier avec le violent vent du Nord qui a soufflé.

Nous partons dans deux heures pour Médianée, de là le Prince doit aller à Brousse, ancienne résidence du Sultan avant la priée de Constantinople ; je voudrais bien être invité à cette partie. Le Prince est très prévenant pour nous.

Je vous écrirai plus longuement par le prochain courrier. Je me porte bien, prévenez ma mère et ces demoiselles que je leur ai acheté des babouches délicieuses. Néanmoins, elles laisseront le choix à Justine à qui je vous prie de faire mes compliments.

Adieu, mon cher père, je vous embrasse, votre fils affectionné.

Je ne puis d’ici quelques jours porter ma à l’Amiral. Nous ne reviendrons à l’Escadre que lundi ou mardi.

Il est bruit ici que l’escadre Anglo-française va remonter et mouiller à Dolmah-Diré à l’entrée de la mer noire. Le Prince a voulu hier, à diner, tenir un pari là-dessus, et ce qui est plus certain c’est que le fournisseur français a reçu l’ordre de l’ambassade de se tenir au courant pour alimenter une escadre.

Nous avons eu le 9 un incendie qui a dévoré de 1.800 à 2.000 maisons dans le quartier de Pera. Notre équipage est descendu à terre avec celui du Brig l’Argus et sous les ordres du Prince, nous avons démoli tout un quartier, j’ai sur mon compte deux ou trois maisons. Cette opération a sauvé toute la ville Franque qui, sans cela, y serait passée en entier avec le violent vent du Nord qui a soufflé. Voyant que l’incendie gagnait toujours et léchait déjà les premières maisons de Pera, du quartier européen, j’envoyai l’ordre de débarquer aux équipages de. l’Argus et le Papin mouillés à Tophana ; je passai mon uniforme et me mis à leur tête décidé à essayer de sauver, la ville franque. Il faisait calme, heureusement, sans cela, l’essai eut été superflu, mais le soleil s’était couché rouge et présageait du vent, il fallait agir vite. J’arrivai au pas de course avec cent cinquante marins, déjà les premières maisons de Pera étaient en flammes des deux côtés, mais on m’indiqua, à douze ou quinze maisons en arrière, un endroit où cette rue était resserrée entre une mosquée en pierre et des jardins, et où, en abattant huit ou dix maisons intermédiaires on pouvait espérer faire une coupure qui arrêterait le feu. Je n’hésitai pas à ordonner cette démolition ; mes hommes s’y mirent avec ardeur, lorsque survint, avec ses troupes, un des généraux de la garnison, Sélim-Pacha, qui se mit en fureur à la vue de notre travail. Je le saisis alors par la main et suivi du Drogman de l’Ambassade, Monsieur Lauxerois, je l’entraînais au haut du minaret de la mosquée, ou je dis au Drogman : « Montrez à cet imbécile de-Pacha que la coupée que nous taisons est la seule chance capable de sauver Pera » et comme Monsieur Lauxerois me traduisait en turc ; « c’est inutile » dit Sélim-Pacha en très bon français, « je comprends ». Je lui demandai pardon de mon épithète, mais, de la fureur il était passé subitement à l’enthousiasme ; il descendit quatre à quatre, et je le vis bientôt, ayant ôté sa redingote, en pantalon à bretelle de lisière, prenant sa part de notre démolition et donnant à ses soldats l’exemple de la plus grande activité.

Les maisons tombaient les unes après les autres, nos marins étaient admirables. La chute d’une maison turque donna lieu à une bonne scène : le propriétaire voulait absolument s’y opposer ; il vous frappait, vous injuriait, s’arrachant la barbe ; cette destruction anticipée l’exaspérait. Voyant qu’on ne l’écoutait pas il appela à son aide ses femmes qui accoururent, comme des furies d’abord, puis changeant de tactique, se jetèrent sur nos officiers, les prirent dans leurs bras en les couvrant de baisers, de caresses et essayant sur eux de toutes, façon le pouvoir de leurs charmes

Bézika, le 24 août 1839, à bord du Papin

Mon cher père,

Nous sommes de retour à l’escadre depuis dimanche. J’ai été voir l’Amiral et lui ai remis la lettre de Madame d’Aversein. J’ai été assez poliment reçu parce qu’il ne pouvait pas décemment me mettre à la porte, mais ou la lettre me recommandait fort peu ou bien le patronage de Madame d’Aversein est peu puissant auprès de l’Amiral, qui m’a offert ses services en me faisant remarquer qu’il agissait ainsi pour tout le monde, qu’il tenait à contenter les officiers placés tous ses ordres, que le service gagnait à cela. Il ne m’a pas même engagé à diner, ni même à aller le voir. J’ai néanmoins écrit à Monsieur de Villeneuve que j’avais été parfaitement accueilli et l’ait vivement remercié. Je suis très reconnaissant envers lui de cette attention, il a voulu m’être utile et il a fait de son mieux.

Le séjour de Bézika est des plus assommants nous, avons spectacles, le dimanche, à bord de l’Amiral et de l’Hercule. C’est à peu près la seule distraction qu’on trouve ici. Cela réunit les officiers une fois par semaine. Depuis que je navigue je n’avais jamais eu l’occasion de voir un spectacle à bord. Je vous assure que c’est quelque chose de curieux et bien baroque même pour des marins.

Nous avons déjà eu des vents du Sud, nous sommes donc en mesure de franchir les Dardanelles, quand nous voudrons, jusqu’à la fin d’octobre ou les vents reviennent au Nord. D’ici à une dizaine de jours il sera décidé si nous remontons jusqu’au Bosphore ou non. Cela a été dit par l’Amiral qui en grill d’envie. Nous pensons tous qu’on ne tirera pas un seul coup de canon. Les Turcs de la garnison du château n’ont pas l’air méchant du tout. Les officiers ont même dit que les escadres pouvaient passer quand elles voudraient sans la moindre opposition de leur part.

Nous venons d’achever un joli voyage et qui eut été bien plus agréable pour nous si Monsieur Lugeol, dont Louis est coiffé parce qu’il lui a dit qu’il jouait bien du piano et qu’il était un grand musicien, s’était mieux conduit, vis à vis de nous, à l’égard du Prince dont il a cherché à nous éloigner le plus qu’il a pu. Il a fallu que ce dernier marquât un mécontentement formel de notre absence, dans les premières courses à Constantinople, pour qu’il se résolut à amener deux de nous tous les jours chez le Prince qui a été parfait pour nous et pour lui aussi ; il lui a donné un beau porte crayon en or orné d’un diamant énorme entouré de 5 ou 10 petits. Nous évaluons cela au moins à mille francs.

Mes camarades sont fort sensibles au souvenir de Louis et lui font leurs compliments. Écrivez-moi un peu plus souvent, vous avez Louis qui en a le temps et les courriers partent de Marseille le 1er, le 11 et 21 de tous les mois. Les lettres pour l’escadre ou de l’escadre ne payent aucun port depuis ou jusqu’à Marseille.

Adieu, mon cher père, embrassez ma mère, mes frères et sœurs, faites, je vous prie, mes compliments à Justine sur son sixième enfant, si toutefois il est arrivé. Je ne sais comment vous expédier des babouches pour ma mère, Justine et ces demoiselles. Je crains bien de les voir se faner à bord si nous ne rentrons bientôt en France.

Adieu, mon cher père, je vous embrasse de tout mon cœur,

Votre affectueux fils.

Bézika, le 14 septembre 1839, à bord du Papin

Mon cher père,

Je ne reçois plus de vos lettres depuis un mois, j’espère néanmoins que vous vous trouvez en bonne santé avec une bonne récolte dans le grenier, etc., un sous-lieutenant dans la famille (Henri).

J’ai appris aujourd’hui, par Frézals, l’heureux accouchement de Justine, sans qu’il ait su me dire, pour cela, la date de la naissance de ma nièce (Marie Thérèse de Carbonnel). Si Dieu bénit les nombreuses familles, j’espère que la nôtre a droit à ses bénédictions, néanmoins je végète ici comme un champignon. J’ai voulu faire un coup de diplomatie qui a totalement échoué. J’ai voulu me lancer à bord de la Belle Poule et frayer avec son altesse royale, par une sotte délicatesse, qu’on n’aurait pas eue pour moi peut-être en pareil cas, je suis arrivé trop tard.

Frégate surtout connue pour avoir ramené le corps de Napoléon de Sainte-Hélène en France en 1840.

Un de nos amis embarqué à bord de cette frégate vient d’être nommé Lieutenant de vaisseau et devait nécessairement débarquer. Quelqu’un de mal informé me dit que le Prince le gardera à bord si personne ne réclame le dessus. Je crois mon affaire finie et je m’endors. Je vais voir mon ami le surlendemain et il me dit que l’Amiral n’a pas consenti à la demande du Prince et qu’on le renvoie en France.

Je vais trouver l’Amiral et lui rappelle qu’il m’a promis de m’embarquer quand je trouverais un embarquement à mon goût. Il n’a pas été sobre de belles paroles, m’a dit que cet embarquement était très convenable pour moi, qu’il était fâché de ne pas y avoir pensé, mais que le Prince lui avait demandé depuis de n’embarquer personne, qu’il faisait venir un officier de France, que j’aurais dû lui faire cette demande plus tôt et que j’aurais réussi. Néanmoins, il n’est pas parti de courrier depuis l’arrivée de la Belle Poule et un mot de lui aurait pu empêcher la lettre de Joinville de partir. Je lui ai donné cette idée, à laquelle il n’a pas voulu mordre. J’ai fini par lui dire que j’espérais que le hasard me servirait mieux à Toulon, où, dit-on, nous devons aller. Il a fait semblant de ne pas comprendre cette comparaison du hasard et de sa bonne volonté ; il m’a dit d’autres choses avant que je le quitte. J’ai la mesure complète de ses bonnes intentions. Cet embarquement pouvait décider de mon avenir. Le Prince a fait donner beaucoup d’avancement à ceux qui ont voyagé avec lui. Il n’y a à bord que de jeunes lieutenants de vaisseau et des enseignes qui le seront avant la fin de la campagne. À l’ancienneté, il n’y avait que moi dans mon grade sur qui put tomber une faveur. Quoique je connaisse le Prince je n’ai pas voulu lui faire une demande moi-même un refus direct aurait été trop désagréable.

Les nouvelles sont au statu quo, nous tuons le temps. Nos équipages ont les fièvres intermittentes. On joue la comédie tous les dimanches et jeudis. Le vaisseau le Trident a une troupe qui ne serait pas mauvaise à Toulon. Les femmes sont jouées par un mousse qui sort du théâtre de Monsieur Comb

Dimanche dernier, le prince a envoyé sa fameuse musique à bord, nous avons eu une soirée charmante.

Elle lui coûte cinquante mille francs par an

L’Amiral Lalande est arrivé à bord du Monté Bello – 120 pièces, La Belle Poule – 60 et le Suv 80, ce qui nous fait neuf vaisseaux, une frégate, 2 corvettes…. Brigs, une goélette, deux bateaux à vapeur, à peu près 900 pièces de canon, dont un tiers de 14 et le reste de 24, 30, 36 et 80. On attend l’Alger de Toulon et le vaisseau de Brest.

Frezals, qui va venir dans quelques jours de Constantinople, se charge de porter et de vous adresser une boite contenant des babouches brodées, des pastilles du Sérail et de l’essence de rose. J’indiquerai la destination de chaque objet.

Je vous prie de me donner de vos nouvelles, vous allez avoir un second secrétaire dans Henri. Pour ces demoiselles, elles sont sans doute trop paresseuses pour prendre la peine de m’écrire, sinon de leur part, du moins de celle de maman et de la vôtre. Si comme on le dit, et l’Amiral ne l’a pas nié, nous revenons nous réparer en France, j’aurai le temps de venir vous voir.

Je vous prie de faire mes compliments à Henri qui doit être rentré à Lostange, d’embrasser ma mère, mes frères et sœurs, ma tante la religieuse, présentez, je vous prie, mes respects à Gaïx

Votre affectueux fils

À la mer, le 9 novembre 1839, à bord du Papin

Mon cher père

J’ai reçu une lettre de Mathilde ainsi qu’un petit billet que vous m’écriviez. Je suis fâché qu’elle ne me soit pas parvenue à Constantinople, j’aurais pu peut-être m’y procurer les chapelets que maman me demande, mais le paquet du Papin était resté à la poste aux Dardanelles. Ce n’est qu’en descendant qu’il nous a été remis. Si je n’ai pas de chapelets, je pourrai toujours lui donner des pierres de Ste Sophie. Ce sont des émaux dorés qu’on détache des mosaïques qui garnissent la coupole et le chœur. Comme les Turcs n’ont aucun ornement dans leurs mosquées, ces mosaïques sont cachées sous un épais badigeon depuis que, d’église Chrétienne, Sainte Sophie s’est transformée en mosquée.

Les Chrétiens du Levant y attachent une espèce de vertu, ils les enchâssent dans des bagues ou les font monter en épingles. Lors de ma visite à cette mosquée je n’ai pu m’en procurer que deux, mais depuis j’ai eu occasion de faire un marché fort avantageux. J’ai vendu un de mes dessins représentant la pointe du Sérail pour vingt-six de ces pierres. L’acquéreur, qui est mon camarade, a je crois fait un pauvre marché,

Nous venons de passer deux jours à Constantinople. Nous avons été témoins du serment de Hatti-shérif ou charte que le nouveau sultan octroie à ses sujets. C’est un grand pas que les Turcs viennent de faire dans la civilisation si c’est autre chose qu’un leurre. Voici à peu près les principaux articles. Lui ne peut être emprisonné ou mis à mort sans jugement. Les confiscations au profit de l’État sont abolies. Les crimes sont personnels et les familles des criminels ne seront plus pendues. Les tribunaux seront organisés ainsi qu’une conscription militaire. La durée du service sera de cinq ans. Tous les sujets de l’empire ottoman sans distinction de religion ou de secte pourront posséder et seront régis par les mêmes lois. L’impôt sera établi régulièrement et tout le monde y contribuera, etc. etc. Les Juifs, Arméniens, Grecs etc. doivent bénir tous les jours Kosrew et Reschid-Pacha qui sont les auteurs de cette charte, pour les retirer de l’état d’abjection et de misère dans lequel ils croupissaient depuis si longtemps. L’aristocratie des Turcs, déjà ébranlée par le massacre des janissaires, vient de recevoir le coup de grâce. Néanmoins, le préjugé survivra encore longtemps et les Juifs et les Grecs continueront à être bastonnés pendant bien des années encore. La différence de costume, d’habitude et l’isolement dans lequel se tient chacun de ces peuples, vis à vis de l’autre, seront toujours des obstacles insurmontables pour opérer une fusion et former une nation de ce ramassis de fripons et d’imbéciles. Je doute que jamais un Truc secoue son indolence au point de faire quelque chose pour gagner sa vie, il aimera mieux s’emparer de ce qu’il lui faut pour son existence, chez ceux qui en ont. Cela s’est pratiqué jusqu’à aujourd’hui. Ce sont plutôt les mœurs que la constitution qui demanderaient à être réformés. Et d’abord, je voudrais établir un impôt sur le tabac et faire pendre tous les marchands de pipes. On ne peut pas se faire une idée de la quantité de tabac à fumer qu’un Turc consomme dans un jour. Aussi est-il toujours dans un état de somnolence perpétuelle. Le Sultan Mahmoud avait défendu à tous les soldats de se servir de pipes plus longues de 10 pouces. Il y a dix mois qu’il est mort et le moindre capitaine ne marche dans les rues qu’accompagné de deux ou trois porteurs de pipes aussi longues qu’un fusil. Ces hommes ne peuvent pas vivre sans fumer, aussi ne font-ils pas autre chose. Il n’y a pas dans le monde un peuple aussi ignorant, a peine si, dans les classes élevées, on trouve un sentiment quelconque comme l’amour filial ou tout autre. Voici un fait qui s’est passé devant plusieurs d’entre nous :

Le prince de Joinville est allé faire une visite au Sultan. Deux officiers par bâtiment l’ont accompagné chez sa Hautesse. Après les premiers compliments échangés, le Sultan lui demanda pourquoi il n’était pas venu le voir à son premier voyage. Le Prince lui dit que la mort de son père était récente et qu’il avait voulu respecter sa douleur. Cette réponse étonna le Sultan qui se la fit répéter, il se mit à rire, au grand scandale de tous nos camarades. Plus je vois ce peuple et plus il me semble que son existence est impossible. Voilà à peu près 10 ans que la Providence le gouverne, mais cela ne peut pas toujours durer. C’est vraiment quelque chose de monstrueux. La comédie du monde renversé est ici en action. Le Capitan-Pacha ou grand Amiral, était batelier, sa figure plut à Mahmoud qui le fit colonel de cavalerie, ensuite Capitan-Pacha.

Kosrew et Hasif sont deux esclaves circassiens. L’un est grand Vizir et l’autre Seraskier et beau-frère du Sultan ; il en est de même le tous les emplois. Si on feint d’accueillir les étrangers qui viennent remplir des postes importants et faire les affaires de paye, on ne tarde pas à les dégoûter par toutes sortes d’outrages. Le chef de l’arsenal, un américain, qui avait rendu de grands services, s’est retiré après des avanies dégoûtantes. Tous les employés sont d’une avidité inconcevable. On peut tout avec quelques pièces de 1 franc. Le Capitaine de garde à la porte du Sérail m’a fait entrer, malgré la défense, pour une pièce de vingt-cinq sols. Je crois qu’il m’aurait vendu la sultane favorite si j’avais pu le payer assez grassement. Tous ces gens ont bien dégénéré depuis Mahomet II et Soliman. La Chrétienté n’a plus besoin de ses chevaliers de Rhodes pour les empêcher d’envahir l’Occident. Du reste à Constantinople tout le monde est bien tranquille, on ne dirait qu’il est question de dépecer cet empire et d’en partager les habitants, comme un bétail, entre les diverses puissances. Il n’y a rien de nouveau si ce n’est qu’Odessa suspend ses envois de grains et que le pain renchérit, faute d’approvisionnement.

La Turquie pourrait être facilement et promptement affamée par la Russie, qui, de temps à autres, suspend ses envois pour établir, en temps du, les prix, néanmoins cela n’est qu’une spéculation et cette disette n’a aucune portée politique.

Nous suivons l’escadre qui se rend à Smyrne, nous partons demain pour Syra a pour remettre les dépêches de l’Amiral. Nos machines sont en bien mauvais état et nécessitent notre rappel en France, nous ne pourrions-nous réparer ici, et nous serions tout à fait inutiles au service. J’ai bon espoir d’aller à Toulon prochainement et de venir à Saint-Pons avant qu’Henri n’en parte.

Je viens de me faire cadeau d’une belle robe de chambre en étoffe de Perse, mais comme elle est faite à la Turque, je suis obligé d’attendre d’être en France pour la faire refaire et entrer en possession de ma propriété, ce qui me contrarie sensiblement..

Embrassez pour moi, je vous prie, ma mère, mes frères et sœurs, présentez mes respects à Monsieur de Villeneuve, Ronel, dites aussi bien des choses à Ludovic et Raynaud.

Je vous embrasse et vous souhaite une bonne santé

Votre affectueux fils

Syra, le 10

Le bateau à vapeur arrivé cette nuit d’Alexandrie annonce que la flotte Turque doit être rendue par le-Pacha d’Égypte. Elle doit partir incessamment pour Constantinople. Cette nouvelle est de la plus grande importance et annonce la conclusion de la paix et l’ajournement indéfini de la question d’Orient.

Nous partons demain pour l’escadre qui est aux environs de Matelin, je pense que de là nous nous rendrons à Smyrne et l’Escadre aux îles d’Ourlac .

Aujourd’hui Urla, à côté de Smyrne

Notes de Bernard

Le 1er décembre 1839 le Papin rentrait à Toulon pour réparer ses machines. En passant à Smyrne l’Enseigne de vaisseau de Bonne, reçut l’ordre de débarquer du bateau à vapeur le Papin et d’embarquer sur le vaisseau Amiral l’Iéna.

Il reprenait la navigation à la voile, mais il jouait de chance, le Papin, dont il était débarqué, termina brusquement sa carrière, comme il est relaté dans les ouvrages des « Naufrages célèbres ». Il était commandé par Monsieur de l’Angle, lieutenant de vaisseau et disparut avec tout son équipage sur les côtes du Maroc.

Cette perte produisit un grand émoi dans la marine. Tous ceux, et ils étaient alors la majorité, qui, vieux manœuvriers de la voile, voyaient avec scepticisme l’introduction de la vapeur dans la navigation, attribuèrent cette perte au trop de confiance dans les machines qui fit que Monsieur de l’Angle, se croyant à sa volonté, assuré de reprendre du large, suivit constamment les cotes.

Ils en concluaient que les bateaux à vapeur subiraient, de ce chef, des pertes plus fréquentes que les autres.

Ourlac, le 22 janvier I840, à bord de l’Iéna

Ma chère mère,

J’ai appris avec plaisir que vous aviez enfin reçu les objets que je vous avais envoyés depuis si longtemps. J’étais inquiet du retard qu’ils ont éprouvé, et j’avais déjà écrit à Toulon pour en avoir des nouvelles. Je suis enchanté que vous ayez trouvé les pantoufles jolies. Elles ont beaucoup de vogue dans le Levant, et à présent elles doivent être communes en France, car l’Escadre française en a fait des envois considérables.

Les affaires sont toujours dans le même état, 6 vaisseaux anglais nous ont quittés pour aller hiverner à Malte. Nous sommée encore à Ourlac pour un mois à peu prés. L’amiral a été blessé dernièrement à la jambe dans un exercice à feu à bord de la corvette la Brillante. Il sera malade encore une vingtaine de jours, et alors seulement nous pourrons aller a Smyrne.

Nous avons eu peu de froid jusqu’ici je n’ai pas encore vu de glace, nous sommes réduits à nous donner des dîners de bâtiment à bâtiment. Les vents ne nous permettent pas toujours d’aller promener à terre, ce qui achève de rendre notre station assommante. Il m’est arrivé, l’autre jour, une aventure qui m’a-montré ce qu’était la justice turque.

J’avais avec deux de mes camarades, loué 3 chevaux pour aller au village d’Ourlac. Nous avions payé d’avance l’aller et le retour. Arrivés à Ourlac, nous laissâmes nos chevaux aux trois propriétaires qui nous avaient escortés. Un des trois se sauva avec son cheval de sorte que quand nous voulûmes partir, un de nous se trouvait à pied. Furieux d’être ainsi dupé, je me rends chez l’Aga et lui demande la punition du voleur. Je m’appuyai du nom de l’Amiral et lui déclinai mes titres de français et d’officier du vaisseau Amiral. Il me fit servir du café et des pipes, et donna l’ordre d’appréhender au corps les trois loueurs de chevaux, et de les bastonner d’importance. Je voulus lui expliquer que je ne me plaignais que d’un seul et que celui-là seul devait être puni ; il me répondit qu’il les ferait bastonner tous les trois parce qu’il tenait à être agréable aux Français et surtout à l’Amiral. Je ne pus le tirer de là, et en effet, le lendemain matin, nos trois gaillards reçurent chacun une cinquantaine de coups de bâton. Voilà comment on observe la nouvelle charte en Turquie. J’ai dû faire une visite à l’Aga, parce qu’enfin une politesse en vaut une autre,

Nous venons d’apprendre que le 1er Drogman du Capitan-Pacha, qui est maintenant à Constantinople, a adressé un mémoire aux Ambassadeurs des puissances, pour leur raconter la conversation de l’Amiral Lalande avec son patron, lorsque celui-ci quitta les Dardanelles pour aller à Alexandrie. Il ajoute que c’est l’Amiral Lalande qui a conseillé au Capitan-Pacha cette démarche importante et qu’il a surtout dit beaucoup de mal du gouvernement Anglais. On pense que cette pièce a été faite à l’instigation de Lord Ponsomby et de Monsieur de Boutinoff, pour pouvoir demander à notre gouvernement le rappel en France de l’Amiral dont l’habileté les gêne. C’est un agent de Méhémet-Ali qui a prévenu l’Amiral de cette manœuvre.

Je serais bien aise qu’on put me, trouver 6 ou 7 de ces monnaies qu’on découvrit en si grand nombre à Sérigno en 1837. Si vous le pouviez faites le moi savoir, je vous prie.

Adieu ma chère mère, j’embrasse mon père, mes frères et mes sœurs, donnez-moi des nouvelles de la santé de ma tante la religieuse à laquelle je m’intéresse vivement, faites mes compliments à mes cousins et amis. Présentez mes respects à Mme Figuères et à M. Figuères.

Je vous embrasse et suis avec respect votre tendre fils.

1845, Revue des deux mondes

Ainsi, soit négligence, soit confiance, il est certain que cette fois les Anglais songèrent trop tard à accroître leurs forces, et qu’ils nous furent un instant, dans la Méditerranée, numériquement inférieurs. Leur position au mois de juillet 1840 était, on le voit, des plus périlleuses. Ce qui la rendait plus critique encore, c’est que leur escadre, qu’ils avaient longtemps tenue réunie à l’entrée des Dardanelles ou dans la rade d’Ourlac, était alors dispersée à Malte, à Thasos et sur la côte de Syrie, tandis que les onze vaisseaux que nous avions rassemblés dans le Levant formaient une force compacte et imposante.

Ces vaisseaux avaient été, pendant plus d’un an, sous les ordres d’un homme qui avait fait du commandement d’une escadre l’espoir et la pensée de toute sa vie : ces vaisseaux avaient exercés par un chef qui comptait bien s’en servir un jour. Tous ceux qui ont connu M. l’amiral Lalande savent avec quelle joie fiévreuse il sentit sous sa main cette réunion de onze vaisseaux, la plus considérable qu’eût eue la France depuis 1815 il savait que les combats de mer sont avant tout de combats d’artillerie. Aussi, persuadé que le succès devait appartenir à celui qui manœuvrerait le mieux ses canons, il avait consacré tous ses soins à l’instruction militaire de l’escadre : sur les îles désertes qui ferment la rade d’Ourlac du côté de l’est, il avait élevé des simulacres de vaisseaux en pierres sèches. Avec leurs larges raies de batterie peintes à la chaux, ces bâtiments simulés rappelaient les mannequins, coiffés d’un turban et le yatagan à la ceinture, avec lesquels Suwarow habituait ses grenadiers à charger les Osmanlis à la baïonnette. L’amiral les donnait à détruire à ses canonniers, mais il leur promettait de les mettre bientôt aux prises avec des vaisseaux plus faciles à entamer. Ce fut lui qui, frappé des résultats que les Américains avaient obtenus en 1812 par la rapidité de leur tir, introduisit dans notre marine la charge précipitée, consistant à enfoncer à la fois la gargousse et le boulet dans l’âme de la pièce. Il habitua nos matelots à faire voler leurs canons au sabord, leur répétant sans cesse qu’il fallait chercher vite, mais pointer avec calme. Aussi, l’élan de nos équipages, le degré d’instruction auquel ils étaient arrivés, inspiraient à tous nos officiers une confiance extrême ; et lorsque notre escadre fut rappelée à Toulon, il leur sembla qu’on leur ravissait une victoire assurée.

Revue des Deux Mondes, tome 10, 1845, E. Jurien de la Gravière, La marine militaire de la France en 1845

Ourlac, le 10 avril 1840, à bord de l’Iéna

Mon cher père,

Nous sommes partis de Smyrne depuis le 4 pour faire des évolutions. Cette sortie n’a pas été heureuse. Les passes de Smyrne sont assez étroites, aussi dans le premier jour 4 vaisseaux se sont abordés et 3 autres se sont échoués. Il est vrai que nous n’avions peu de brise et que personne n’a fait de fortes avaries. Fort heureusement toutes ces maladresses ont eu lieu sous les yeux des Anglais. Malgré les relations amicales dans lesquelles ils cherchent à se tenir avec nous, il est à craindre qu’ils ne les aient vues avec plaisir. Depuis le départ de Monsieur de Brunon d’Angleterre, nous sommes envahis par les états major anglais. Comme nous avons le malheur d’être le vaisseau Amiral, c’est à l’Iéna qu’ils adressent leurs ennuyeuses visites. Je ne connais rien de plus ennuyeux que d’avoir ces Messieurs à bord si ce n’est d’aller chez eux.

Nos affaires d’Orient reçoivent leur impulsion de France, aussi vous êtes sans doute plus au courant que nous de ce qui se fait ou se fera. Notre Amiral a, un moment, craint ton rappel. Monsieur Roussin (ministre de la marine) et lui n’ont pas été d’accord l’année passée on ne sait s’il est bien remis de sa frayeur, mais le bruit court, dans l’escadre, qu’il ne doit rentrer en France qu’à la fin de l’année. J’ai diné chez lui avant hier, il m’a annoncé la mort affreuse d’une des demoiselles d’Aversein. Il parait très attaché à cette famille, néanmoins, je n’ai pas grande idée du bon vouloir de l’Amiral pour moi, et j’avoue qu’il me serait tout à fait indifférent de le voir arriver au ministère.

Les journaux ont beaucoup parlé des avances faites par le roi à Monseigneur de Bonald. Êtes-vous assez bien avec son père ou avec lui pour qu’il puisse faire une demande pour moi. Monsieur de Puymaurin est très bien avec le Baron Charles Dupin qu’il a fait nommer professeur à l’École des Arts et Métiers. Cela pourrait aussi me donner de grandes chances.

Le 10 mai j’aurai accompli les conditions voulues pour être nommé Lieutenant de vaisseau. J’ai été infiniment retardé, mais si cette année ou l’autre je pouvais être avancé, j’aurais devant moi une superbe carrière. Le temps perdu serait réparé. J’ai déjà deux de mes camarades, entrés avec moi à l’école, lieutenant de vaisseau, si du reste je ne pouvais être nommé de suite, ma demande ne pourrait me faire que du bien. C’est une espèce d’inscription que je prendrais. Voyez ce que vous jugerez convenable de faire après le 10 mai toutefois.

J’ai reçu une longue lettre d’Henri depuis son installation. Il me parait très occupé pour un sous-lieutenant. Je m’abonnerais, néanmoins, quoique j’ai 10 ans de service et un grade de plus que lui, à n’avoir pas plus d’ouvrage et autant de distractions qu’il en a sous la main.

On a écorché deux fois le quadrille de Louis, il a eu tort d’accueillir ma demande. Il est dur, pour un auteur, de se voir, ou plutôt de se savoir ainsi estropié. Il faut croire que nos musiciens ont pris le quadrille de travers car, ordinairement, ils jouent fort bien ce genre de musique.

Dites à ma mère, à mes frères et à mes sœurs que je les embrasse et leur souhaite une bonne santé. La mienne est un peu dérangée depuis quelques jours. Je suis très échauffé. Je me bourre d’oranges et je prends des bains tous les deux jours ; il me tarde d’arriver à la belle saison pour prendre des bains de mer.

Je vous prie de me rappeler au souvenir de mes cousins et de mes amis, de présenter mes respects à mes tantes Figuères et de Bonne, etc.

Je vous embrasse, mon cher père, et suis avec respect votre affectueux fils.

Ourlac, le 20 juillet 1840, à bord de l’Iéna

Mon cher père,

Je me suis un peu trop pressé de vous annoncer mon retour en France. Le départ de l’Amiral Rosenveld a été suspendu à la suite dit-on, d’une altercation entre Messieurs. Roussin et Thiers. Celui-ci aurait reproché au Ministre de la Marine d’avoir remplacé le commandant de l’escadre sans l’en informer et aurait vivement blâmé la nomination de l’incapable Rosenveld à ce poste important.

On nous assure qu’on a imaginé une mission pour Tunis et qu’on l’a lai a confiée pour avoir l’air de le croire bon à quelque chose. Cependant si les affaires s’arrangent nous rentrerons bientôt. La haine de l’Amiral Roussin pour l’Amiral Lalande veille toujours et saisira la première occasion qui se présentera pour le déposter.

Vous avez sans doute appris par les journaux les événements de Beyrouth. Notre Consul a amené son pavillon et s’est réfugié à bord de la Diligente à la suite du mauvais traitement qu’avaient subis nos nationaux ; il est parti pour Alexandrie avec beaucoup d’entre eux. Des bruits venant de l’escadre Anglaise annoncent que le Pacha a chassé les Druses de Beyrouth et que la tranquillité est rétablie. Je ne sais trop jusqu’à quel point on peut ajouter foi à ces assertions. L’Amiral Dopford est de retour à bord de la Princesse Charlotte. L’Escadre Anglaise va être porté à 14 vaisseaux. Je ne comprends pas trop ce déploiement de forces sur les Turcs quand ils ont le port de Malte si prés. Ce grand nombre de bâtiments va nous gêner singulièrement dans la rade d’Ourlac où nous avons déjà tant de peine à nous alimenter d’eau. Notre escadre vient de s’augmenter de deux vaisseaux, nous sommes neufs pour le moment, voici, leur nom et leur force :

Iéna 92 canons, Montebello 120 canons, Suffren 90 canons, Hercule 100 canons, Jupiter 80 canons, Neptune 80 canons, Alger 74 canons, Santi-Pétri 80 canons, Les petits bateaux sont : Lavoisier 220 chevaux, Diligente 18 canons, Argus 10 canons, Bougainville 10 canons, Mélange 8 canons.

Nous venons de Smyrne ou nous avons passé une quinzaine de jours. Trois vaisseaux ont donné chacun un bal, ou malgré la chaleur du mois de juillet, on a dansé et mangé comme en plein hiver. Le plaisir le plus goûté par l’escadre en ce moment est le bain. Je ne manque pas d’en prendre un tous les jours, quelques fois deux.

La promenade est presque impossible par les chaleurs brûlantes que nous éprouvons,

J’ai pensé à la commission que Louis m’avait donnée dans le temps. J’ai acheté pour lui une semaine, ou boite contenant rasoirs anglais. Je ne puis pas lui dire s’ils seront bons, car il sera obligé de les faire affiler ou repasser avant de s’en servir. Je n’ai aucune nouvelle d’Henri depuis longtemps, je pense qu’il est en bonne santé et en odeur de sainteté auprès de son colonel.

J’ai annoncé à l’Amiral l’envoi de Monsieur de Villeneuve. J’attends la brochure par tous les courriers.

Embrassez pour moi ma mère, mes frères et sœurs, dites leur combien je suis contrarié du retard qu’éprouve mon retour en France. Présentez mes respects à M, de Villeneuve, Gaïx, etc., etc.

Toulon, le 25 Aout 1840, à bord de l’Iéna

Mon cher père,

Nous sommes arrivés à Toulon cette nuit, après vingt jours de traversée, nous avons trouvé beaucoup de calme sur la côte d’Italie à l’entrée du phare de Messine et du détroit de Bonifacio.

Nous avons quitté le Levant trois jours après avoir reçu l’ordre de revenir, Nous avons appris en mer le traité de la quadruple alliance et les armements qu’il a occasionnée dans nos ports. Ces nouvelles nous ont été confirmées à notre arrivée. On ne donne aucun congé ni aux matelots ni aux officiers. On est tout à fait, sur le qui-vive. l’Iéna doit partir de suite après sa quarantaine pour se rendre dans le Levant. L’Amiral Hugou doit le monter. L’Amiral Lalande est nommé, dit-on, major général de l’Escadre de la Méditerranée dont le commandement suprême serait réservé en cas de guerre. L’Amiral Dupérré, un bateau à vapeur, est parti ce matin pour porter à l’Amiral Rosenveld l’ordre de revenir. On va le renvoyer planter ses choux ; on ne veut de lui ni en temps de paix ni en temps de guerre. Je serais bien trompé si la guerre a lieu, surtout avant l’année prochaine. C’est dans ce moment que nos armements devraient être prêts, car le mois d’octobre et de novembre sont les seuls ou l’on ait du vent du Sud et il serait impossible sans eux de remonter, les Dardanelles. Il est vrai que ces vents soufflent aussi en décembre et janvier, mais il serait bien chanceux de tenir une escadre à la mer dans l’Archipel pendant cette saison. Ensuite à notre départ du Levant la bonne intelligence paraissait, renaître entre Alexandrie et Constantinople.

Je vais me trouver obligé de me présenter au Conseil de santé pour obtenir un congé de convalescence. Le Chirurgien major m’engage à me reposer, l’Amiral même m’a déjà engagé à aller aux eaux, il est vrai que la saison est bien avancée pour cela, puis si la guerre est réelle je serai quitte pour revenir, à Toulon, il y aura toujours de la place sur les vaisseaux, si cependant il arrivait que l’Iéna, par suite de réparations, ou de contre-ordres, restât un mois ou deux ici, je ne débarquerais pas, car c’est certainement le meilleur vaisseau de la marine française sous le rapport de l’artillerie surtout, et nous aurions bien des chances de succès avec n’importe quel vaisseau anglais ; mais enfin d’ici à vingt jours, que durera notre quarantaine, nous saurons, quelque chose de positif.

Dans tous les cas je ferai des pieds et des mains pour venir passer quelques jours avec vous. Dussé-je rejoindre mon vaisseau dans le Levant.

Je m’attendais à trouver une lettre ici, soit de vous ou d’Henri. mais tout est parti pour Ourlac, même nos journaux. C’est une attention du directeur de la poste de Marseille, qui, pourtant, avait cessé de nous envoyer lettres et journaux un mois avant notre départ. J’espère apprendre dans quelques jours que vous êtes tous en bonne santé ; donnez-moi au plus vite de vos nouvelles.

Je me porte très bien, si ce n’est que je suis fatigué et surtout très échauffé, ce qui me donne des boutons sur la figure et sur la poitrine. À cela prés j’ai tous les caractères d’une bonne santé ; bon appétit, gaité, etc., etc.

J’embrasse ma mère, mes frères et mes sœurs. Je vous prie de me rappeler au souvenir de Monsieur de Villeneuve, faites mes complimente à mes amis et camarades.

Je vous embrasse, mon cher père, et désire vivement vous revoir. Votre affectueux fils