Extrait du Feuillet du personnel de Prosper :
Blessé, a été évacué le 17 août 1918. Rentré au 32e BCA le 1 octobre 1918
Mis à la disposition du général commissaire du Maroc sur décision du Ministre de la Guerre en date du 26 février 1919
Mis en congés sans solde au titre d’Agent des Contributions directes en date du 17 mars 1919
Affecté au 13e BCA à la dissolution du 32e BCA le 5 septembre 1919
Démission d’officier de l’Armée Active acceptée le 4 octobre 1919
Promu lieutenant de réserve le 18 octobre 1919
Reims, le 22 juillet 1920
Bien chère maman
Que faites-vous à Prats. Vous m'avez oublié, je ne reçois plus de lettres. Ce n'est pas gentil cela !
J'attendais une lettre pour vous répondre et en même temps vous donner le résultat de ma visite protocolaire.
Cela s'est bien passé ! J'ai eu des renseignements, des conseils, beaucoup de conseils ou pour les appeler suivant le terme chic, des directives. Mais je n'ai pas encore Prades dans la poche. D’ailleurs, il ne faut pas que j'oublie que je n'ai pas encore le titre de contrôleur.
En novembre, après mon second degré passé en octobre, je retournerai trouver le directeur général pour lui demander ce poste. C'est lui-même qui m'a engagé à venir.
Le directeur est un homme jovial, sans façons, avec qui l’on est très vite à l’aise. Du reste, depuis la guerre, il m'est impossible d’avoir le trac devant un supérieur. Il m'est presque impossible même à certains moments de les prendre au sérieux.
J'ai tellement vu au front des chefs avoir la grande frousse et être à ce moment-là tout comme nous de simples mortels que je ne puis me débarrasser de cette idée que c'est le prestige qui bien souvent fait le chef.
Privé de son prestige, derrière lequel il cache son incompétence, il ne reste pas grand-chose.
Certes, ce n'est pas le cas pour le directeur général qui est une compétence ; cependant malgré moi dans cette instance banale et rapide comme celle qui m'a été accordée, le décorum mis à part qui ne m'émeut plus, il ne me reste guère que l’impression de m'être trouvé en présence d’un homme autoritaire, très sûr de lui-même mais ignorant beaucoup de ce que nous faisions et de la tâche à remplir dans certains emplois qu'il m'a conseillé comme très appréciés en hauts-lieux.
J'ai été retenu à déjeuner par M. Jarriaud qui est toujours très gentil pour moi. Je retournerai probablement le 11 août à Paris pour passer une journée avec lui. Sa famille sera à la campagne et la maison sera pour nous.
Je continue à gérer mon contrôle principal. Je l’aurais même très probablement jusqu'à la fin de mon intérim car le contrôleur principal titulaire du poste vient d’être chargé d’une mission à Lyon.
Je parlais dernièrement de permission et de congé. Je ne puis plus y songer jusqu'au mois de novembre. J'ai trop de travail pour pouvoir m'absenter. Il faut que je me tire honorablement de ma mission.
Je terminerai ma lettre demain matin. Il est 1 heure du matin. Bon soir, bons baisers.
Bonjour, je me lève. Avez-vous bien dormi, moi pas mal. Il n'est pas de bonne heure, huit heures, je vais aller à mon bureau. J'ai maintenant avec moi un surnuméraire pour m'aider. C'est Massaut de Perpignan. Il ne travaille pas bien fort. J'ai changé de chambre, je vous raconterai cela dans ma prochaine lettre.
Bonnes grosses bises à ma maman.
Thérèse
Reims, le 19 juillet 1920
Bien chère maman
Merci de ta longue lettre. N'es-tu pas restée un peu longtemps sans m'écrire. Je commençais à sentir le temps long. Les fêtes de juillet à Prats ont dû être monotones à souhait. Quelques coups de fusils, des danses et du bruit. Quelle ridicule fête. La foule n'en saisit plus le sens et elle y trouve motif à des démonstrations qui n'honorent guère une fête nationale. Suivant la phrase à la mode : les français ne semblent guère ce jour-là communier en de communes émotions. Je sais ce que peuvent être les fêtes nationales du 14 juillet à Paris, mais en province : quelle banalité et ici à Reims, que des gens ivres !
Le 14, je me suis levé très tard malgré la revue des pompiers et des bleus d’un bataillon du 106e d’infanterie ; et le soir, je suis resté chez moi et j'ai travaillé ainsi qu'après souper.
Je ne suis pas étonné de la démarche du nouveau fermier. Il ne faut pas s'inquiéter. Je suis certain que lorsqu'il aura goûté à La Coste, il ne voudra plus la quitter. Pour ce qui est de Jules et de sa mère, je vais leur écrire dès aujourd’hui que je suis tout disposé, s'ils persistent à faire croire aux gens qu'ils ne sont pas disposés à quitter le mas en temps vu, à les assigner devant le juge de Paix pour leur demander réparation des dommages qu'ils me causent;
Ensuite, il n'y aura qu'à attendre patiemment le moment de leur départ sans trop non plus s'inquiéter des racontars des gens de Prats.
Si le fermier espagnol revient avec ses histoires, il faudra lui répondre que le bail est signé, qu'il a été fait régulièrement et que puisque nous avons fait ce bail, c'est que nous étions certains de pouvoir disposer du mas en janvier 1921.
Il est midi sonné. Je suis encore au bureau de la mairie. Je me sauve. Je continuerai ma lettre ce soir.
22 juillet
Ce n'est qu'aujourd’hui que je termine ma lettre. Je pars pour Paris. M. Jarriaud a obtenu pour moi une entrée avec mon directeur général dans 15 minutes, mon train siffle. J'ai… le temps.
Bonnes bises. Je vous raconterai longuement ma visite.
Bons baisers.
Prosper