Jeunesse Mise à jour octobre 2019
Fil des révisions
  • octobre 2019
    Création de la page

X1k_191006-1237_001 X1k_191006-1237_002 X1k_191006-1237_003 X1k_191006-1237_0031

Nous savons :

1907, Sidi-Bel-Abbes

X1k_191006-1237_005

Sidi-Bel-Abbes, le 1er janvier 1907

Chers parents,

C'est votre fils qui vient pour la nouvelle année vous offrir tout ce que son cœur contient d’amour pour vous deux ainsi qu'à tata.

X1k_191006-1237_006

C'est au Bon-Dieu que je confie la mission d’exaucer les souhaits et les vœux que je forme pour vous.

Je m'efforcerai de bien travailler pendant cette nouvelle année et je prends la résolution sincère de ne plus vous faire de la peine, soit par mon travail soit par ma désobéissance.

Votre Prosper qui vous aime bien fort à tout deux.

P. Tailleur

1909, Oran

X1k_191006-1237_007 X1k_191006-1237_008
X1k_191006-1237_011

Oran, le 25 avril 1909,

Chère maman,

Me voilà de nouveau rentré pour un nouveau trimestre, le plus dur mais je vais travailler de manière à ce qu'il soit meilleur que le précédent et que je passe cette fois de très bonnes vacances entre vous trois cette fois.

X1k_191006-1237_012

Comme tu disais dans ta lettre, tata devrait partir avec papa et nous ne devrions pas la laisser toute seule, elle va s'ennuyer et ne la fait pas rester pour moi, je suis grand maintenant et je peux rester tout seul en Algérie, je suis bien tout seul ici à Oran, que crains-tu pour moi ?

La pauvre tata avec la seule compagnie de Marie qui ne l’écoute pas et n'en fait qu'à sa tête.

J'ai passé de très bonne vacances auprès de papa et tata qui m'a gâté.

Maintenant ici je me suis remis au travail avec ardeur, aujourd’hui dimanche, je ne suis pas sût de sortir, Mme Baudeuf ne doit pas être à la libre mais pour le premier dimanche, je puis bien rester dedans. Il faut chaud ici, j'ai dit qu'on me fasse les coutils mais on ne me les donnera pas avant les premiers jours de mai comme tous les autres.

Maintenant nous avons deux uniformes, un pour l’été, il faudra aussi acheter celui-là, ce n'est pas une dépense de plus car celui d’hiver qui faisait une seule année fera 3 saisons. Le nouvel uniforme se compose d’un pantalon et gilet blanc, d’une veste d’étoffe tout à fait légère et d’une casquette blanche.

Il coutera la moitié moins que celui d’hiver, que dois-je faire, je ne vais pas rester à m'étouffer et en promenade quand les autres seront en costume blanc, je serais avec mon gros uniforme noir.

Oh que je voudrais voir la maison maintenant et que je voudrais passer de bonnes vacances auprès de bon-papa et bonne-maman que ce temps chaud a du ragaillardir. Que font-ils ? Dis-leur que pour leur prouver encore mon affection, je leur envoie un nouveau tableau d’honneur.

Ne vous étonnez pas si je n'envoie pas celui d’avril, ce mois n'ayant que 16 jours de classe, je ne crois pas qu'on en donne.

Je vous laisse le tambour à rouler, je sais retrouver Jean en cours et nous parlerons de nos projets pour les grandes vacances.

A bientôt, mille baisers à vous trois.

Prosper

X1k_191006-1237_0121

Chers parents

J'ai reçu votre lettre samedi qui m'a rempli de joie. Je te promets de ne plus me livrer à cet accès de faiblesse et de ne plus trouver que la séparation est dure puisqu'elle est nécessaire.

Maintenant le travail a repris son cours et les devoirs se succèdent et les études sont bien employées, on ne s'amuse plus comme en cinquième à lire des bouquins, mais le travail ne me pèse pas car en suivant
X1k_191006-1237_0122

envoyé ou bien s'est-elle perdue et ne peut lui être arrivée que ça !

Si pour envoyer la montre il faille des sous, je les économiserai et les rembourserai dans 9 600 secondes mais envoie-la-moi.

Recevez bien chers parents milles énormes baisers.

Prosper

X1k_191006-1237_0123

Chers parents

J'ai attendu ta lettre avec impatience, enfin je l’ai reçue, elle m'a beaucoup soulagé et je promets de suivre tes conseils et déjà utilisés à ma composition de morale et d’histoire. Si tu voyais comme je suis nerveux même après que le professeur a donné le sujet de composition, je tremble comme un feuille, je ne suis pas maître de moi, je veux écrire un mot je rature et recommence et pourtant je sais bien mon sujet.

X1k_191006-1237_0124
X1k_191006-1237_0125

Aussi aujourd’hui j'ai fait une petite prière, tu ne te figures pas comme j'ai été de suite plus calme et ais regardé froidement ma composition. Je vais agir de même pour la dernière composition qu'il me reste.

Le soir en promenade à Gambetta nous avons assisté à un grand match de football ou les deux sociétés les plus fortes d’Oran se sont disputé le prix.

Aujourd’hui j'ai reçu une lettre de madame Beaudeuf me disant qu'elle avait été de service et que madame… m'aurait bien fait sortir mais qu'elle avait les deux petits au lit avec la rougeole et Marthe est fatiguée.

Si tu savais comme il me tarde de vous voir, de me retremper dans la vie de famille. A ce que je vois, je trouve la vie du Lycée triste, bien triste, plus triste que l’année passée en 5e et pourtant ce n'est pas le travail qui me fait peur, au contraire il me fait paraître le temps plus court et me fait oublier.

Prosper

X1k_191006-1237_015 X1k_191006-1237_016 X1k_191006-1237_017 X1k_191006-1237_018 X1k_191006-1237_019 X1k_191006-1237_020
X1k_191006-1237_02001
X1k_191006-1237_02002

Le 31 mai 1909

Nous préparons ton père moi un voyage à Paris. Ton père est désigné pour représenter les receveurs d’Oran à la réunion générale tenue à Paris le 12 juin. J'accompagnerai ton père, son voyage lui étant payé, je prendrai un billet circulaire et au retour nous passerons par Blois voir oncle Joseph puis par Bordeaux pour voir les Roulleu. Nous t'enverrons des cartes postales tout au long du chemin.

A Paris, ton père en profitera pour demander un bureau vacant. qui ferait bien notre affaire, il serait près de Lourdes…. Il y aurait un Lycée dans cette ville qui nous permettrait de te garder avec nous.

1910, Fontenay-le-Comte

X1k_191006-1237_02010
X1k_191006-1237_02011

1912, Saumur

X1k_191006-1237_02012
X1k_191006-1237_02013

Saumur, le 20 janvier 1912

Notre voyage s'est très bien effectué. Le logement n'est pas libre encore, déambulons dans les rues h… aspirant au repos.

Vas-tu bien cher petit ? Nous pensons à toi sans cesse. Pense à nous aussi et tu marcheras bien.

Papa est allé et revenu d’Angers. Temps superbe. Ecris nous demain.

Mille baisers de nous

Ta maman

X1k_191006-1237_021

Grant hôtel de Londres à Saumur,
Le 22 janvier lundi soir

Mon cher petit

Mon papier te dit que nous sommes encore à l’hôtel, point de déménagement à l’horizon. Ta tante et moi sommes très malheureuses car nous ne savons que devenir toute la journée. Nous avons fait nettoyer…

Pour nous réchauffer nous arpentons les rues , ce soir à demi congelées d’être restées assises sur une caisse qui basculait lorsque l’une se levait, nous sommes parties inspecter les rues, nos pas nous ont portés vers le château que nous avons admiré du dehors, puis le contournant nous nous sommes trouvés dans le vieux Saumur dont les vieilles rues nous ont conduit devant Notre-Dame des Ardilliers qui se trouve à l’entrée du tunnel.

Cette église est très belle et d’un style original. Elle est ronde surmontée d’une coupole comme le Panthéon à Paris.

J'ai bien prié, pour toi mon cher petit, la Sainte Vierge de te garder sous sa maternelle garde.

X1k_191006-1237_022

N'oublies pas dans ta prière de dire quelques ave fervents avant de t'endormir. Fais-toi une guerre à outrance mon chéri, sois le maître de tes défauts, ne les laisse pas dominer tu serais perdu.

Nous avons reçu ta lettre ce matin. Tu y as plaqué une énorme faute de français : tu dis je suis passé pour j'ai passé. Relis-toi doucement. Vois si tu faisais pareille faute au bachot !

Papa lui est très occupé. Il ne s'aperçoit pas de nos deux âmes en peine, il a pris son service hier et ne démarre pas de son cabinet où il a fort à faire pour se mettre au courant.

Donne le bonjour au Caugne. Je ne te dis pas de travailler, je crois que tu le fais.

Il est 6h et demi, tu es en étude. Je t'envoie, mon petit chou, mille baisers. Ta tante et ton père ils joignent aussi les leurs. Ta maman

Thérèse

X1k_191006-1237_023

Monsieur Koquin m'a arrêté dans la rue pour me demander de tes nouvelles ; il s'étonne de ne pas avoir reçu de toi un petit mot que tu lui avais promis d’ailleurs répare tout de suite cette négligence. c'est bien lui qui t'a donné les premiers tuyaux sur son service ; il faut l’en remercier : il ne faut pas lui en vouloir si cela ne se passe pas exactement comme il l’a dit : en 15 ans il y a eu des changements et cela dépend aussi des directions. tu es dans l’obligation de le remercier et de te rappeler à son bon souvenir. quelle figure ferais-tu en le rencontrant à Saumur lorsque tu viendras ?

X1k_191006-1237_024

Je pense comme ta mère au sujet des deux incidents. Eclaircis les de suite en remettant les choses au point. Dans ta carrière tu n'aurais rien à faire avec MG laisse lui ses idées et garde-les tiennes, mais fais-lui comprendre que j'ai cru bien faire en agissant comme je l’ai fait. j'enverrai aussi dans les occasions semblables. préviens que nous lui donnions congé par lettre simple, cette lettre aurait pu s'égarer et les 2 parties intéressées auraient été bien embarrassées. Après cela l’incident sera clos. salut le lorsque tu le rencontres afin qu'il ne puisse pas dire que tu es incorrect. Ne l’évite pas, mais je comprends que tu ne peux aller au-devant de lui.

Affection de ton père.

X1k_191006-1237_027

Saumur, le 28 janvier 1912
dimanche avant souper

Mon cher enfant,

Sais-tu que ta lettre a tardé et que nous étions inquiets. Elle n'est arrivée que hier samedi. Cela nous faisait huit jours sans nouvelle puisque la 1e nous est parvenue l’autre samedi.

Ton mauvais diner nous a navrés. Quand je disais que tu étais trop difficile et que tu en souffrirais. Tu as eu tort de ne pas dire simplement à Mme David que tu n'aimais pas le céleri, elle aurait été moins fâchée ; elle a cru que tu ne le trouvais pas bon.

X1k_191006-1237_028

Garde-toi un morceau de pain pour manger à 10h00. Si tu ne manges pas, tu ne pourras pas travailler toi qui en a tant besoin.

Toujours des fautes mon chéri ! Tu écris en parlant de cette élève renvoyé : on le soupçonné ! Tu vois, mon cher enfant où conduit un défaut non combattu ! Et parler de se pendre ! Quelle horreur la mort volontaire ne résout rien sinon ajouter un crime à un autre crime ! Et l’au-delà n'est pas vide comme quelques-uns veulent le faire croire et essayer de le croire eux-mêmes, quoique tout au fond ils aient une angoisse en y pensant. Combat tes défauts mon cher petit tu les connais très bien, ne les laisse pas devenir plus forts que toi, tu vois où ils conduisent quel nom qu'ils portent. Quand je pense à ces pauvres parents, couverts de honte.

Mon petit, mérite surtout notre estime, car on peut aimer quelqu'un et ne pas l’estimer.

Voilà un long sermon non-pichou mais la lecture de ta lettre me l’a suggéré.

Nos meubles ne sont arrivés que le mardi à la nuit, déballés le mercredi et jeudi. On nous a juste posé les meubles contre le mur, pas calés ; déballé la vaisselle et les voilà partis et 43 Fr. de pourboire ! Nous avons été deux jours sans pouvoir nous reconnaître. Enfin, on y voit un peu plus mais il nous faudra une semaine pour être tout à fait chez nous.

Frou-Frou nous a joué le tour de se sauver par une lucarne du toit, nous l’avons bien cru perdu, quand après deux jours, il est revenu. Je luis posais à manger sur le bord de la lucarne et l’appelais sans me douter où il était quand il est revenu. Il s'est tenu caché un peu mais à présent il est gentil. L’autre a été repris par sa maîtresse.

Il fait aujourd’hui un froid extrême, il y a de la glace dans les rues mais le ciel est clair.

Donne le bonjour à M. et Mme Caugne et à M. et Mme David de notre part. Va jeudi à la poste et vois sur les cheminées. Nous avons oublié les clichés de M. Tucan et le papier sensible. Donne-les à Mlle Tucan.

Mille poutous de ton papa et de ta maman.

Thérèse

X1k_191006-1237_029

Saumur, 2 février 1912
après souper au coin du feu

Mon cher petit

Figure toi que nous nous sommes réveillés sous la neige qui n'a cessé de tomber que vers 4h. Tout était blanc et le froid étant très vif, elle tenait bon. Vers midi on a déblayé la rue d’Orléans pour les piétons et les voitures. Il y avait longtemps que nous n'avions contemplé ce spectacle, depuis Sidi-Bel-abbes.

Tu trouves que je ne t'écris pas souvent. Mon cher enfant, tu oublies tout le travail que nous savons jusqu'à présent ?

X1k_191006-1237_030

Tout est rangé ou après la maison (notre logement) reluit à tel point qu'il faut marcher avec prudence.

Nous avons trouvé une femme de ménage qui fera, je crois, notre affaire. Elle vient 3 heures et s'appelle Louise. Te voilà bien renseigné monsieur le Curieux. Les gens de Saumur sont-ils aimables ?

Nous avons eu si peu de rapports ensemble que je ne puis les juger.

Ton père est content de son bureau ; deux commis viennent à tour de rôle lui aider. Aussi la fin de mois a été expédiée en un jour ! Mais il a fort à faire quand même.

Frou-frou a encore pris la clef des champs, cette fois nous l’avons bien cru perdu. Il est resté absent 48 heures, et à sa place un petit noirot nous est arrivé qui s'est implanté chez nous.

J'ai encore promis à 50 Fr. à Saint-Antoine et voilà qu'hier après souper des miaous… c'était notre transfuge. Saint-Antoine nourrit ses pauvres avec les fugues de Frou-frou, tant pis pour ce dernier, on ne le cherchera plus.

Alors ton estomac s'est dilaté d’aise chez Mademoiselle Tunau. Je lui ai écrit il y a quelques jours. Je la remercie de son attention pour toi.

Toujours pas de nouvelles de ton papa, il doit être au lit, car ce pouls tardif a gagné le Midi. Quelle fatigue pour bonne-maman.

Tant mieux que tes notes soient meilleures, Mets-y toute ta volonté, vouloir c'est pouvoir et c'est bien vrai. Veuille donc de toute ta force. Il ne faut rien faire à demi, on ne satisfait personne, ni soi ni les autres. Haut le cœur mon petit.

Et le courage tous les soirs de te mettre en face de toi-même et vois s'il y a gain ou perte. Demande à Dieu force et courage et nous serons fiers de toi. Mille baisers de nous, ta maman la plus dévouée.

Thérèse

X1k_191006-1237_031

Saumur, le 7 février 1912
avant souper

Mon petit Prosper

En attendant papa qui par extraordinaire est allé au café, je viens tailler une bavette avec mon petit chéri.

Il ne fait plus froid de 10° au-dessous que nous avons eu du samedi au dimanche matin. Il y a eu aujourd’hui 10° au-dessus.

Nous en avons profité pour faire tous les trois après déjeuner une petite sortie du côté de la gare, vers un village où habite notre ménagère et qui s'appelle Saint-Lambert. Sa route est belle et sablonneuse, parfaite pour la bicyclette.

X1k_191006-1237_032

Encore une grosse faute de français. Je suis passé pour j'ai passé. Tu as fait l’action d’aller, ce n'est pas toi qui es passé, où alors, il aurait fallu dire : je suis allé au bureau. Fait attention mon cher petit qu'une pareille t'échappait à l’examen !!

Comment va la mère Caugne ? Dis-leur que je demande de ses nouvelles. Ils n'ont point répondu à ma carte. Donne le bonjour de ma part à Mme David. Te fait-on bouillir l’eau ? N'en bois pas trop, retiens-toi. Frou-frou est reparti depuis hier soir, pourvu qu'il ne soit pas perdu ; il était devenu si mignon !

Nous avons reçu tes notes, l’allemand est faible, l’anglais va mieux. Que ton prochain bulletin soit meilleur. Je crois que tu travailles, que tu y mets tout ton cœur.

Nous ne vivons que pour toi. Si nous ne parlons pas, nos pensées sans nous en rien dire sont auprès de toi.

Si une personne seul à distance, une autre personne qui la regarde et la force ainsi à se retourner. Tu dois aussi sentir notre présence auprès de toi mon petit enfant.

papa se retarde vraiment. Ta tante écrite à Mmes Moy et Millet. Je vais mettre le couvert. Nous avons de la soupe de lentilles avec un taillou de porc. Quand la saucisse sera bien sèche, je t'enverrai un fil.

Nos poules ne pondent pas, elles s'ennuient les pauvrettes, aussi nous avons commencé de manger la jaune.

Je n'ai pas d’encre, je me sers de la verte.

Bon appétit, dis-nous si tu manges bien et si tu es bien dans ton lit, si tes couvertures sont suffisantes avec ce froid. Mille baisers.

Ta maman

X1k_191006-1237_033

Saumur, le 11 février 1912

Mon cher grand,

Ce matin, nous avons été gâtés : deux lettres à la fois ; celle de ta mère nous donnant de fort bonnes nouvelles sur la santé de bon-papa. Une bonne saignée a fait merveille, il est toujours bien affaibli mais enfin, toute inquiétude est écartée.

Ta prose nous a donné une bien douce joie qui sera parfaite quand nous ne pourrons plus relever de fautes.

X1k_191006-1237_034

Tu as calculé que tu mangeais et non mangais un litre un demi de pain. Les verbes en ger comme manger, venger, nager, loger, gager, etc… obliger et soulager etc. prennent un e muet après el g devant les terminaisons qui commencent par a ou o : cet e adoucit la prononciation.

Puis encore, M. Hantz qui crie et non crit. On écrit de même écrier et prier. Nous arriverons avec de la persévérance à ce que tu orthographies sans aucune faute.

Revenons donc au détail de ta lettre. Je t'envoie par la poste un autre fil de saucisse et deux petits saucissons pour tes déjeuners du matin.

J'ai toujours le désir d’écrire à madame et monsieur Préan, mais je diffère toujours ; pense donc, mon chéri, moi qui écrivais si rarement ; il faudra cependant que je le remercie. Je suis contente que madame et monsieur Préau soient bien portants. Il ne fait cependant pas froid cet hiver et monsieur Pillon est malade.

Cette fois-ci, tu as été plus heureux en chimie, espérons qu'en histoire tu ne seras pas trop mécontent. Il s'agit, mon cher enfant, de faire tes compositions comme si tu exécutais un devoir ordinaire, chasse le trac et tu verras que tu réussiras.

Tu n'es pas seul à soupirer après les vacances ; nous sommes plus désireux que toi de te revoir. Mais toutes ces attentes nous amènent à nous vieillir. Il faudrait apprendre toi ; qui est jeune ; à envisager la vie avec plus de calme, tu t'en trouveras mieux.

Ce sera sans doute vers le Jeudi-Saint qu'on ouvrira la cage et tous les moineaux vilains et bons courront au gîte familial. Dieu nous accordera, je l’espère, la joie de nous voir tous réunis. Dans cet espoir, mon chéri, tu travailleras de façon à ce que ton travail ne soit pas perdu.

Bonnes amitiés pour tous nos amis ; et garde pour toi nos plus affectueuses caresses et mille bons baisers de ta tante.

Justine

X1k_191006-1237_035

Saumur, le 12 février 1912
matin

Mon cher enfant

Sais-tu que tu n'es pas raisonnable et que ta lettre nous a fait de la peine. Une composition ratée ne veut pas dire que tout est perdu. D’abord, une chose, je t'ai toujours dit qu'il n'était pas nécessaire d’étudier à te rendre malade. Quand tu sais une leçon, ferme le livre et si c'est dimanche ou jeudi, va-t'en te promener, amuse-toi, ri, sois enfant. Tu fais comme une personne qui voudrait engraisser et qui te bourrerait de viande à le toucher du doigt. Ton estomac n'assimilera rien, ou rejettera ou sera très fatigué.

X1k_191006-1237_036

Sois posé en tout mon petit. Déjà avant de composer, tu nous disais dans ta lettre que tu allais tout rater, que tu avais le cafard, le vilain mot. Tu ne dois plus faire ta prière, ni demander à humblement à Dieu ses lumières ?

Quand tu vas composer, compose d’abord ton moral et dis-toi je vais réussir. La lettre est d’un déséquilibré, tu dis je me porte trop bien. Est-ce mon Prosper qui a écrit cela ? Nous qui avons eu tant de chagrin à voir arriver le mardi matin sans tes nouvelles ?

Tu aurais voulu qu'au lieu d’une composition ratée on nous eut écrit d’aller te chercher, que tu étais malade ? Non vrai, tu n'es pas raisonnable. Allons, je ne devais pas prier assez, je vais redoubler mes prières car le Bon Dieu m'afflige de tous côtés. bon-papa est plus fatigué. Le docteur nous a écrit qu'il serait nécessaire que je me rende auprès d’eux. Je partirai demain à 1h15, j'arriverai à Bordeaux à 9h10, en repartirai à 10h pour arriver à Perpignan à 9h010 matin. Je verrais mon père et arriverai à Prats à 7h soir.

Tu m'écriras là-bas quand tu auras un moment entre tes études, pas à jour fixe. J'espère que tes lettres me feront du bien et je ferai en sorte que les miennes t'en fassent aussi. Allons mon chéri, vas-y simplement sans te tracasser, n'exagère rien, c'est mauvais. Ni excès de zèle, ni excès de découragement. Fais comme ton père, il fait tout posément, sagement et il est arrivé.

Cher petit, rappelle-toi que nous avons besoin de ton réconfort, que tu nous es utile pour nous ensoleiller le cœur. Qu'il nous arrive de dire : si Prosper était là, nous serions plus gais. Allons chéri, tu vois la mission, ne faiblis pas. Je vais m'efforcer d’être gaie à la maison pour réconforter mes chers vieux. De gros baisers de nous trois pour notre raton

Ta maman

Ps: ne manque pas de voir l’abbé et de lui dire comment tu es, il conseillera.

X1k_191006-1237_037

Saumur, le 10 février 1912

Mon chéri

Nous avons reçu ce matin un télégramme de ta mère dont voici le contenu : Bien arrivée, papa tantôt mieux tantôt mal, écris, affections, frère ici. Il ne nous reste plus qu'à demander à Dieu de vouloir encore prolonger la vie de ton grand-père. Prions avec confiance et espérons encore.

Ta lettre nous est parvenue ce matin, nous l’attendions avec impatience et je ne doutais pas un seul instant que tu ne reviennes à de meilleurs sentiments ; je sentais que tu regretterais bien vivement la lettre qui nous a tant peinés.

X1k_191006-1237_038

Tu sais combien tu nous rattaches à la vie, et vrai, ce vilain accès de découragement ne contribuait pas à nous prendre la vie sous un riant aspect.

Mais assez parle de ce sujet et revenons à ta santé qui je l’espère se maintient bonne. As-tu passé une bonne journée chez nos bons amis de Bourneau ? Puisqu'ils sont si dévoués pour toi, n'hésites pas à leur faire de fréquentes visites qui te réconfortent physiquement et moralement.

Je t'ai adressé par la poste une boîte contenant un petit fil de saucisse. Si elle est à ton goût, je t'en enverrai encore.

Je comprends que tes loisirs ne te permettront pas deux lettres dans la même semaine, il faut partager avec ta mère, nous nous résignons, mais de grâce, sois courageux, ne te laisse pas abattre par le moindre échec. Reprends confiance dans l’avenir, ne doute plus de toi et de ton savoir.

Frou-frou n'a pas fait de nouvelle fugue, il n'a pas encore réussi à se mettre d’accord avec Noirot qui ne veut en aucune façon lui céder la cuisine.

Je cède la plume à ton père et suit toujours ta tante dévouée qui t'embrasse de tout cœur.

Justine

Mon cher fils

Tu m'as fait beaucoup de chagrin avec ta lettre ; elle est arrivée au moment où nous étions très affectés par la grave indisposition de bon-papa. Ta mère est partie le plus tôt possible et ta tante te donne, ci-dessus, le texte de la dépêche que nous avons reçue depuis. Nous attendons une lettre de ta mère.

Ne me fais pas croire que les cases de ton cerveau nécessaires à ta réussite sont vides. Vois autour de toi, vois comment opèrent tes camarades, exerce ta mémoire. Saisis bien les choses, exerce-toi à les exploiter sans te casser la tête à trouver les mêmes expressions du livre. Quand tu sais bien une leçon sur laquelle tu as un devoir à faire, ne t'acharne pas à la repasser, de la réflexion, de la présence d’esprit, de la mémoire, de l’aplomb et rarement le trac.

Même en nous écrivant surveille l’orthographe. Tu continues à ne pas mettre certains verbes à l’infinitif : je vais partir. Cependant, je le répète, en parlant, tout le monde fait sentir, sans le vouloir, le r qu'il faut mettre. Ta vilaine lettre contient la phrase suivante : vous en préciserez se que vous voudrez pour ce que vous voudrez.

Que ta conduite soit droite, honnête, fait tout au grand jour, la franchise et pas de mensonges. Je t'embrasse comme je t'aime.

François

X1k_191006-1237_039

Saumur, le 11 février 1912

Mon Pitchoun

Rien qu'un petit mot en courant, je viens d’écrire une très longue lettre à bon-papa et il est tard.

Allons, ta dernière de jeudi était sans une faute, allons ça va bien comme dirait le sergent baïonnette. Continue chéri, tu combles les vides de ton estomac avec des morceaux de pain, le ragout ne te plait pas ? Habitue-toi à manger de tout mon cher petit

X1k_191006-1237_040

As-tu fait une visite de digestion à Mlle Tucan. Demande-lui si elle a encore mal à la main qu'elle ne me réponde pas. Aussitôt que tu auras reçu ma lettre, écris à tes grands-parents pour souhaiter la fête à bon-papa qui tombe le 14 courant.

Nos santés sont bonnes, papa a meilleure mine, Frou-frou était dans la cave et ne parait pas en revenir. Nous avons le collège, il est près du château, en fait dans une rue écartée et n'a pas de perspective.

Mille gros baisers de ta maman

X1k_191006-1237_041

Prats, le 20 février 1912

Mon cher enfant

J'ai reçu ta lettre ce matin, je profite de ma première nuit de veille pour te répondre.

J'accepte tes regrets mon cher enfant et ne t'en ai pas voulu pour cette vilaine lettre, car j'ai pensé que tu allais avoir 18 ans que tu t'en souviendrais pour avoir plus de sagesse et de réflexion. A ton père surtout tu avais fait beaucoup de mal, cette lettre l’avait atterré, si tu l’avais vu, cela t'aurait servi de leçon pour ne plus recommencer.

X1k_191006-1237_042

N'en parlons plus.

Je suis arrivée ici dimanche soir à 7 heures. J'ai trouvé bon-papa bien malade, jamais je ne l’avais vu comme cela. Il est tantôt mieux tantôt mal, mais plus souvent mal. Sa lucidité est courte. bonne-maman est plus forte encore que je ne supposais mais si cette maladie dure longtemps ?? A la volonté de Dieu ! S'il envoie l’épreuve il donne la force de la supporter. Prie pour ton grand-père mon petit. Il s'est confessé et a communié le jour de sa fête.

Tu sais que je veux que les leçons soient sues tous les jours et qu'aux veilles des compos tu ne te surcharge pas les méninges ? Ne l’oublie pas.

Le bonjour à nos amis. Je ne t'en dirais pas plus long, mes yeux se ferment de sommeil et je vais les tenir ouverts, il n'est que 11 heures.

Gros et affectueux baisers de ta maman

Thérèse Tailleur

Ps : N'oublies pas la messe et la visite à l’abbé

X1k_191006-1237_043

Prats, le 22 février 1912

Mon cher petit enfant,

Il est une heure du matin, je veille bon-papa et pour me tenir éveillée, mes paupières s'appesantissaient, je viens m'entretenir avec toi.

Tu dors à poings fermés, en ce moment, je cherche parmi la pile des lits celui qui est le tien. J'ai peine à le trouver. Que je suis loin de toi mon cher petit pour veiller sur la santé de ton âme et de ton corps. Je prie la Sainte Vierge de me remplacer auprès de toi car je crois d'être obligée de rester longtemps ici.

X1k_191006-1237_044

Ton grand-père, mon cher enfant est très malade. Sa maladie ordinaire s'est compliquée… ce qui a provoqué un affaiblissement de toutes ses facultés et cela fait peine de ne pouvoir causer avec lui.

Cela m'explique la difficulté qu'il avait à écrire et que nous imputions à sa mauvaise vue.

Il y a longtemps qu'il s'affaiblissait, il dormait tout le temps, on avait de la peine à le réveiller. Il y a à peine 10 jours qu'il est alité. Je ne crois pas qu'il se relève et ce sera long.

En ce moment, il est très agité.

J'ai laissé et repris cette lettre plusieurs fois pour aller dans la chambre calmer et recouvrir bon-papa.

Il est 3 heures, j'attendais encore jusqu'à 5 heures pour me coucher un peu.

Heureusement qu'il ne fait pas froid, mais la nuit est longue.

Bonne-maman repose, elle en a besoin.

Je te laisse mon petit enfant, mes yeux se troublent.

As-tu suivi le conseil que je t'avais donné d’être très posé, très calme, de tout faire avec sagesse.

Mille affectueux baisers de ta maman.

Thérèse Tailleur

24 février, 10 heures

Bon-papa ne va pas mieux, au contraire. Je recommence une autre nuit de veille, je dors une nuit sur deux, mais nous aurons 2 femmes et je pourrais dormir 2 nuits su 3.

J'attendais une de tes lettres aujourd’hui, que fais-tu ? Gros baisers.

X1k_191006-1237_045

Fontenay-le-Comte, le 2 mars 1912

Chère maman,

J'ai reçu ta dernière lettre il y a bien longtemps je trouve. J'en attends une autre avec impatience.

X1k_191006-1237_046

J'ai reçu des nouvelles de Saumur il y a 3 jours, la lettre contenait quelques mots de papa. Il m'envoyait aussi de l’argent pour la musique. Je leur ai répondu hier.

J'ai gardé l’étude de ce matin pour toi. Comme tu dois être fatiguée à veiller tant de nuits. Heureusement qu'il ne fait pas froid?

X1k_191006-1237_0461

Est-ce que les parents que nous avons à Prats sont bons pour toi ?

J'ai passé la journée de dimanche dernier chez Mlle Tucan comme je te l’avais annoncé. Toujours bien aimable, nous avons causé d’un peu de tout, de vous surtout.

Le soir, au lieu d’aller me promener à bicyclette, j'ai fait avec quelques-uns de mes camarades du tennis au champs de foire. L’un d’eux avait filet et raquettes. Je me croyais au jeu de Prats.

Quand je pense que peut être tu ne seras pas à Saumur pour Pâques, je voudrais pouvoir reculer ces vacances pour te donner le temps de revenir.

Comme Tata et papa doivent être seuls à Saumur. Tata me dit dans sa dernière lettre que papa se promenait beaucoup, qu'il sort après le déjeuner et vers 6 heures. Il se fera peut-être vite des amis et aura ses heures de loisir comme à Bel-Abbes.

Ce soir, il fera surement mauvais temps, je ne pourrais sortir. Je resterai au collège pour travailler. Je vais aller à la messe, je…

X1k_191006-1237_0462

Est-ce que bon-papa ne va pas mieux depuis ta dernière lettre. Au passage de ta lettre où tu m'expliquais ce qu'il a ; il y a un mot qui est illisible, de même que dans la lettre de Tata. Cela fait que je ne sais pas au juste ce qu'il a. Il ne faut peut-être pas désespérer, il en a eu bien d’autres de plus terribles.

Est-ce que bonne-maman n'est pas fatiguée ? Tu me disais qu'elle n'était pas malade mais tu me laissais entendre qu'elle n'était pas très forte.

Mon oncle Cabanat a dû monter à Prats. Il me semble que Tata m'a dit que tu l’y avais trouvé. Dans ce cas, il a dû te soulager un peu à son arrivée.

Embrasse bien fort bon-papa et bonne-maman pour moi et reçoit de ton petit-fils mille gros baisers.

Prosper

X1k_191006-1237_047

Prats, le 4 mars 1912

Mon cher petit,

Sais-tu que tes nouvelles sont rares. Deux lettres en 15 jours pour une maman qui va voir la boîte aux lettres à tous les courriers, avoue que je monte le plus souvent les mains vides.

Il est minuit, mes yeux se ferment de sommeil et pourtant je n'irais dormir que vers 2 heures si bon-papa continue à se tenir tranquille ce qui ne lui est encore jamais arrivé la nuit.

X1k_191006-1237_048

Il crie, se plaint, se démène au pont que personne ne peut dormir un peu, il ne souffre pas davantage et il fait bien souffrir.

Il va mieux et cela après une abondante saignée qu'on lui a faite derrière l’oreille par des sangsues ; ses… sont devenues plus nettes et ce soir nous l’avons levé de 1 heure à 2.

Prie pour lui, nous faisons une neuvaine à Saint-Joseph dont c'est le mois ; sa fête est le 19 courant.

Dis aussi un pater et demande trois fois Saint-Joseph priez pour nous pour ton grand-père qui t'aime bien, c'est toujours de toi qu'il parle.

Es-tu content de ton travail ? Le fait-tu avec méthode ? Et avec beaucoup de calme ? Je voudrais bien pouvoir te voir à Pâques, je n'ose l’espérer.

Bonne-maman est très forte heureusement. On va commencer à semer le jardin. Il fait très beau.

Tu dois une visite de digestion à Mme David. Tu y restes très peut tout en étant très poli sans être guindé. Le naturel toujours.

ce matin 5 mars,

Je viens de recevoir ta lettre au saut du lit car je m'étais couchée.

Mille baisers de nous 3. J'ai reçu en même temps une lettre de Mlle Tucan.

X1k_191006-1237_049

Fontenay-le-Comte, le 9 mars 1912;

Chère maman,

J'ai reçu ta lettre, elle m'a fait plus de plaisir que les autres car premièrement tu me dis que bon-papa va mieux, deuxièmement tu me laisse espérer que tu seras à Saumur à Pâques. J'espère que bon-papa continue à aller et que maintenant il est hors de danger.

Comme le temps passe lentement, je voudrais déjà être à Pâques et te voir. Tu me dis de faire une visite de digestion à Mme David. Je l’avais déjà faite, le jeudi de la semaine suivante. Tu vois que je n'étais pas bien en retard.

X1k_191006-1237_050

Nous avons parlé de vous tous et surtout de la nourriture et de ses bonnes. Elle ne sait parler que de cela. Je lui dis toujours que la nourriture est excellente, en oubliant bien entendu que la semaine dernière depuis le jeudi jusqu'au mardi suivant nous avons eu tous les jours des haricots soit le matin soit le soir et cette semaine la série recommence : enfin ! Vivement Pâques !

J'ai calculé que je mangeais 1 kilo ½ de pain par jour. Heureusement qu'il est sec, s'il était frais, j'éclaterais. Avec cela, je mange comme les autres au réfectoire.

Jeudi dernier, je suis allé chez les Préaux. J'ai rencontré M. Préaux sur la route. Voyant le beau soleil qu'il faisait, il était venu au-devant de moi, sur que je ne manquerais pas cette belle occasion. Ils vont tous les quatre très bien. Les Pillon ne vont pas fort ni l’un ni l’autre. Les Préaux m'ont invité pour dimanche en 8. Nous avons causé d’un peu de tout, de mes études surtout.

J'ai passé la journée de dimanche dernier en partie au collège pour travailler, l’autre à la bibliothèque gratuite qui se trouve à la maison après celle du concierge du collège. J'y ai lu un bouquin de Rostand qui est un des auteurs du programme.

Aujourd’hui, l’inspecteur d’académie était au collège. Il y met le désordre et la crainte. Je l’ai eu en math, M. Hentz qui crie tant lorsque l’on a le trac l’avait bien lui, il fallait le voir. Pourtant, l’inspecteur n'a pas fait une observation durant toute la durée de son examination.

Ce soir, j'ai composé en chimie. J'ai très bien réussi cette composition. Après demain, composition d’histoire. Je ne la crains pas. J'écris par la même occasion à tata et à papa dont j'ai reçu de bonnes nouvelles.

Embrasse pour moi bien fort bon-papa et bonne-maman et garde pour toi mille gros baisers.

Prosper

X1k_191006-1237_051

Prats, le 13 mars 1912

Mon cher petit enfant

Ta lettre à toi aussi m'a fait grand plaisir. Je l’attendais avec une vive impatience.

Que de pain ! Mon enfant, que de pain tu vas te rendre malade à en manger tant que ça. Il doit sans doute suppléer au repas.

Si tu manges des haricots tous les jours, moi des choux fleurs. Il y en a au jardin une telle abondance que force est d'en manger et pourtant je ne les aime guère.

X1k_191006-1237_052

Tu ne me dis pas si tu pries pour obtenir la guérison de bon-papa et mon prompt retour. Nous approchons de Pâques mon petit. Fais quelques pénitences volontaires, travaille sous le regard de Dieu et tu réussiras. Quand le cœur est trop gros, je monte à l’église et je fais voir au Bon Dieu tout ce que j'ai sur le cœur, et je sors de l’église toujours merveilleusement consolée. Pratique surtout la charité, n'écoute pas les mauvais.

Bon-papa se remet lentement, nous l’habillons, et il vient à la cuisine se mettre dans son coin. On ne peut le laisser seul. Il est onze heures du soir, je vais lui donner du chocolat au lait et je me coucherai aussi.

Tous les soirs je fais ainsi, hier il était minuit passé.

Maintenant, une nouvelle qui te fera plaisir : nous avons acheté La Coste-de-Dalt, l’acte n'est pas passé mais c'est vendu tout de même. On doit venir me chercher à cheval pour aller visiter la propriété. Je te raconterai tout par le menu. Riberette la voulait, tout Prats le savait avant que nous en étions propriétaires.

Et maintenant, travaille avec intelligence, c’est-à-dire sans à coup, sûrement, sagement, lentement même afin d’être reçu et tu iras faire le tour de tous les champs, des près, des bois qui constituent le domaine. Ils ont actuellement 400 moutons.

Je vais dormir, je dors déjà à poing fermés je suppose.

14 matin

Je viens de prendre le café. Il fait très beau dimanche. Donne un affectueux bonjour aux Préaux de ma part et dis-leur que je les remercie de ce qu'ils font pour toi. Et peut être sans avoir offert à Dieu ta journée ? Je te laisse sous sa Sainte Garde et te fais mille et encore mille baisers. Ta maman dévouée.

Thérèse Tailleur

Ps: bon-papa pense toujours à toi, tu as ses pensées constantes, aimes les beaucoup. Ils t'embrassent bien tendrement.

X1k_191006-1237_053

Fontenay-le-Comte, 17 mars 1912

Chère maman,

Enfin ! J'ai reçu aujourd’hui ta lettre. J'étais inquiet ; d’habitude le la reçois le jeudi et je ne l’ai eu qu'aujourd’hui samedi. Elle ne contient que des bonnes nouvelles, aussi je suis très content. L’achat de la Coste-de-Dalt m'a fait beaucoup de plaisir. Riberette a dû pâlir de dépit. Les vacances de Pâques commencent le 30 mars au soir et dureront jusqu'au dimanche de la Quasimodo.

J'ai reçu jeudi dernier une lettre de papa et de tata. Papa fait des promenades en masse mais il m'attend pour sortir le vélo.

X1k_191006-1237_054

Jeudi dernier, j'ai fait une ballade superbe. Je suis allé à Saint-Hilaire. J'étais avec Léonard. Il faisait si chaud qu'en route mes pneus trop gonflés ont éclaté. Nous avons réparé sur place. Il n'y a aucun dommage.

Demain je vais chez les Préaux. Je compte y passer une bonne journée. Je me renseignerai chez eux (ils ont de nombreux indicateurs) de l’heure de mon départ pour Saumur.

Ne comptes-tu pas revenir bientôt ? Ne seras-tu pas à Saumur pour Pâques. C'est mon éternelle question à laquelle tu ne réponds jamais.

Je te quitte, chère maman, j'ai du travail et je veux m'avancer. Embrasse bien fort bon-papa et bonne-maman et reçois pour toi mille gros baisers.

Prosper

Ps : Je fais la neuvaine pour bon-papa

X1k_191006-1237_055

Saumur, le 19 mars 1912

Mon chéri,

Nous avons été avisés de l’affaire conclue au sujet de la Coste-de-Dalt un jour avant toi. D’après ta mère et des gens autorisés, on a fait une bonne affaire. Mais voilà, il s'agit d’aligner les picaillons, c'est le moment de travailler dur pour se débarrasser de ce souci le plus tôt possible. Songe-donc, mon chéri, quelle jouissance pour toi si aux vacances prochaine tu peux aller explorer ces montagnes !!

X1k_191006-1237_056

La journée d’hier à Saumur a été franchement mauvaise. J'ai presque la conviction qu'à Fontenay vous n'ayez été mieux partagés. Je suppose que tu as pris le train quand même pour aller voir nos bons amis à Bourneau.

Je crois que cette fois-ci nous avons perdu Frou-frou pour tout de bon ; je l’ai cherché partout, tous les voisins l’ont aperçu mais nous l’attendons en vain.

Bien peu de jours nous séparent, nous pourrons pendant une quinzaine te dorloter ; après une absence comme on apprécie le gite paternel ! Combien de fois tu as du t'apercevoir que les soins de ta mère te manquaient ; mais dans la vie, il faut apprendre à se priver de bon nombre de douceurs.

Es-tu content de toi ? Tes dernières compositions sont-elles mauvaises ?

Nous allons bien tous les deux et nous espérons que ta santé ne fléchit pas. Avant de clore ma lettre, il faut que je te fasse remarquer tes fautes, à un passage de ta lettre tu écris : je vous direz au lieu de dirai ; s'il y avait eu vous direz, alors il fallait un z mais il y a je, 1e personne du futur qui est le sujet et non vous. Le mot soufflé prend deux f.

Mes bonnes amitiés à toutes nos connaissances et je renferme dans l’enveloppe de mon épître mille bonnes embrassades pour toi.

Ta tante dévouée

Justine

Ps : Oui, Maillard a préféré vendre à nous. Celui qui guignait ce mas a dû vexer le vendeur qui devait être attaché par des dettes. maman ira voir le mas si le temps le permet, elle nous donnera ensuite son avis. Ta mère n'a pas encore fixé le jour de son retour. Bon-papa continue à aller mieux. Je suis allé à Dampierre à 8 km avec un commis à bicyclette. Tout s'est bien passé mais la machine est rouillée. Les routes sont superbes.

Travaille avec profit, tu n'as que cela à faire. Nous te verrons bientôt mon cher. Habitue-toi à être débrouillard, combine bien ton petit voyage. Dis-toi je partirai à telle heure et j'arriverai exactement à telle heure.

Affections

François

X1k_191006-1237_057

Prats, le 22 mars 1912

Mon cher petit,

Je t'écris un mot à la hâte le courrier va partir.

X1k_191006-1237_058

Ton grand-père prend des forces tous les jours et bonne-maman et moi allons très bien.

Lundi dernier je suis allé à la Coste.

Je ne puis te détailler tout ce que j'ai vu. Dis à ton père de t'envoyer la dernière lettre que je lui ai écrite, tout y est détaillé et toi en leur écrivant dès leur que le mas d’après le receveur de l’enregistrement et le propriétaire actuel a une étendue de 150 ha. Les ruines de Sainte Marguerite y sont comprises.

X1k_191006-1237_059

Si Dieu le permet, je compte être à Saumur le vendredi Saint. Je vais consulter un indicateur pour pouvoir vous dire l’heure de mon arrivée.

Travaille mon petit, mais pour cela, demande journellement à Dieu force et courage.

Je pense toujours à toi. Tes grands-parents en font autant. Aime-nous de tout ton cœur.

Mille affectueux baisers de nous trois.

Ta maman

Thérèse Tailleur

X1k_191006-1237_060

Fontenay-le-Comte, le 23 mars 1912

Chère maman,

Cette fois-ci, je suis bien inquiet, au lieu de recevoir ta lettre jeudi soir ou même ce matin, je n'en reçois pas du tout. Est-ce que bon-papa serait retombé malade ou que ton excursion à la Coste-de-Dalt t'aurait fatiguée ? Ecris moi vite ou vient bientôt.

Comment as-tu trouvé ce fameux mas ? Est-il bien ? Est-il m? J'espère que tu me donneras de nombreux renseignements. Dans sa dernière lettre, papa me dit qu'il a fait du vélo avec un employé et qu'il est allé jusqu'à Dampierre à 8 km de Saumur.

X1k_191006-1237_061

J'ai vu la route qu'il a dû prendre sur une carte que j'ai trouvée à la bibliothèque que je fréquente quand il fait mauvais, c'est une belle route, bien plate qui borde la Loire.

Dimanche dernier, je suis allé chez les Préaux ; adorables comme toujours, pendant l’après-midi, il a fait un temps abominable, grêle pluie, vent, tous les éléments étaient déchainés et pourtant le ciel était passable le matin si bien que j'étais allé à Bourneau à bicyclette. Le soir, je suis rentré par le train.

Nous avons passé le temps à faire partie sur partie puis nous avons causé d’un peu de tout. M. Préaux m'a lu quelques une de ses fables, celles qu'il appelle ses « bonnes ». La pluie n'a pas cessé de tomber de toute la semaine. J'ai passé la journée de jeudi à la bibliothèque puis je suis aussi allé voir Mlle Tucan que je n'avais pas vue depuis près d’un mois. Elle m'a invité pour jeudi prochain.

Samedi prochain, à l’heure qu'il est je serai bien près de quitter le collège pour prendre le train. Je partirai de Fontenay par l’express de 8h 6. J'arriverai à Saumur à 11h 19.

Je voudrais bien te voir à Saumur, y-seras-tu ?

Embrasse bien fort pour moi bon-papa et bonne-maman et reçois mille caresse de ton fils.

Prosper

X1k_191006-1237_062

Mon cher Fils

Si tu n'as pas reçu depuis de lettres de ta mère apprend de nous que tout le monde va bien : bon-papa et bien entré en convalescence. Ta mère reviendra j'espère 3 à 4 jours après toi.

Prends bien tes dispositions pour nous arriver à bon port et bien portant. Tu n'auras pas comme à Oran des bons de réduction en chemin de fer. Je t'adresse 10 francs mais assure toi bien dès demain du coût exact des frais pour que tu ais le temps d’avoir d’autres fonds.

Travaille très sérieusement en quelques jours.

Je suis allé à Angers hier dimanche à l’occasion de la mise à la retraite du docteur… Le personnel a voulu faire une petite fête pendant laquelle on lui a remis un souvenir.

Affection de ton père

Mon chéri

Ton petit mot à la hâte pour te dire que nous sommes si heureux à la pensée de te revoir et je l’espère en très bonne santé. je crois que tu as eu enfin une lettre de ta mère ; nous venons de recevoir une à l’instant et bon-papa se remet toujours mais lentement. Ta mère comptait revenir lundi soir ou mardi de la semaine Sainte.

X1k_191006-1237_063

Porte des chaussettes qui doivent être en très mauvaise état et il est bien entendu que tu n'apportes que ton linge de corps ; pas de serviette, ni draps, ni mouchoirs.

Mille et mille bonnes caresses de ta tante

Justine

Sois prudent en chemin de fer. Sois calme et posé afin qu'il ne t'arrive rien de fâcheux. Prout-prout est revenu après une absence de 10 jours puis il est reparti mais j'espère qu'il reviendra.

Un bon souvenir à tous nos amis

X1k_191006-1237_064

Mon cher fils

Le jour de notre réunion pour quelques 24 heures approche. Espérons que ta mère sera avec nous. D’ici là agit pour le travail qui te retient à Fontenay comme un jeune homme sachant bien le but qu'il doit atteindre. Aguerris-toi noblement et avec calme et réflexion.

Dans ta lettre je lis partit pour parti : il est parti.

Je vous embrasse tous les deux pour tous. Je ne saurais assez te répéter que tu dois exercer à travailler vite et bien.

Monsieur Ayrault m'a écrit pour le charbon qu'il doit me payer. Tu as vu sa dame. Tu ne lui as pas demandé des nouvelles de Marguerite ? As-tu eu mon successeur ? Sais-tu s'il a mis ses filles chez Mademoiselle Turcan ? Dis à Madame la directrice, chaque fois que tu la vois que nous nous rappelons à son bon souvenir ainsi qu'à monsieur Caugne. Annonce une lettre à monsieur Préaux.

Le temps n'est pas bien vilain. Hier je suis sorti à trois reprises différentes pour faire trois petites courses de promenade mais je n'ai pas encore sorti mon vélo. Je t'attends pour cela.

Veille à ta santé. Caresses pour mon fils.

X1k_191006-1237_065
X1k_191006-1237_066
X1k_191006-1237_067

Saumur, le 22 avril 1912

Mon cher enfant,

Ta lettre nous est parvenue ce matin, nous l’attendions avec grande impatiente. Cela faisait huit grands jours sans nouvelles.

Ce changement de langue au dernier moment continue à nous tracasser. Si Germain ne te répond pas, j'écrirai au gendre de M. Planchon qui est professeur d'espagnol au lycée d'Auch.

X1k_191006-1237_068

Ton camarade n'a pas encore le temps d’avoir reçu et répondu à ta lettre, en supposant qu'il aurait répondu le jour même, ce que je ne crois pas, il faut plus de huit jours.

Travaille avec méthode, suis pour l’espagnol la même règle que pour l’anglais.

Demande à M. Aguesse s'il pourrait te donner une leçon particulière par semaine, nous le réglerions à la fin.

L’oncle de Blois est en effet venu le lendemain de ton départ. Nous l’avons facilement reconnu à la gare malgré les neufs ans qu'on ne s'était vus. Il est charmant comme il a toujours été. Il n'est resté que 22 heures, nous lui avons fait voir sommairement Saumur dans ce peu de temps. Il allait à Naguac-Saval (Haute-Vienne) comme chef de bataillon de territoriale pour une période de neuf jours. Il a fort insisté pour que nous allions le voir à Onzain.

Bon-papa a écrit une lettre fort longue et for bien écrite.

nous trois, nous allons bien, et tous trois trouvant que tu es parti depuis bien longtemps. Emploie bien ce temps, il est précieux. Donne l’exemple du parfait élève, ne pas le dégouté au réfectoire, tu es là pour si peu de temps ! D’ailleurs tu en verras de pire quand tu seras soldat. N'oublie pas de dire ta prière à l’Esprit Saint-tous les matins. Je la dis avec toi. Crains sur toute chose d’offenser Dieu. Quand la conscience ne nous reproche rien, vois, on est heureux parce qu'on a fait son devoir, tout son devoir. Ce mot de devoir qu'on a effacé du livre de morale de l’enfance et qui pourtant résume tout !

Le docteur du Titanic qui ne veut pas se sauver parce qu'il y a encore des personnes à sauver. Il reste pour réconforter ceux qui restent et puis on ne peut rien pour lui ! Il a fait tout ce qu'il a cru être son devoir. Et le télégraphiste qui la cabine déjà dans l’eau ne quittait pas son appareil !

Je te laisse mon petit enfant, je veux pourtant que tu aies cette lettre demain matin. Papa va la descendre. N'écris pas samedi ta lettre ne nous parvient que le lundi. Les nouvelles ne sont pas fraîches, écris le jeudi par exemple.

Mille tendre baisers de ta maman, de ton père et de ta tante.

Thérèse Tailleur

X1k_191006-1237_069

Saumur, le 28 avril 1912

Mon cher enfant,

Nous rentrons de la promenade, un bon tour qui nous a mis des jambes en coton. Partis par la rue de l’Ecole de cavalerie, arrivés à St… et revenus par Bagneux. Dimanche dernier nous étions allés à Fontevraud, en tram. Nous avons visité la célèbre abbaye que tu n'as pas su trouver pour la bonne raison qu'elle était enclose dans la maison centrale.

X1k_191006-1237_070

On visite de 2 heures à 4 heures, ce n'est que cliquetis de clés, que portes soigneusement refermées sur vos talons. On descend des escaliers comme si on allait sous terre, et on nomme ce bijou d’architecture. On restaure l’église qui a les dimensions d’une cathédrale. On a fermé d’un côté du transept et c'est là que messieurs les voleurs entendent la messe le dimanche. Et voilà, nous avons vu Fontevraud !

Et toi, mon cher petit, l’absence de ta tête étourdiment endommagée te force à de courtes promenades. Il faut marcher tout de même, c'est nécessaire après le travail de l’esprit. Cette suppression des récréations ne me plait pas entièrement. Les récréations sont nécessaires et tu devrais au contraire y mettre autant d’ardeur qu'à l’étude.

Fais pour ton esprit ce qu'on fait pour ton corps, ne le gave pas sans cesse, il ne se refusera ensuite à rien recevoir !

Quand on travaille de 5 heures du matin à midi, cela fait 7 heures, eh bien, il faut à ce moment la récréation entière parce qu'après le travail du soir, il y a le repos de la nuit.

Travailler sans hâte, sans fièvre. Dis-toi que tu seras reçu, que tu as toutes les chances pour toi, que les questions te paraîtront simples, ai pleine confiance en toi et tu iras au succès. Mais pour avoir cette liberté d’esprit, prends Dieu pour appui, invite nos ancêtres qu'ont fait de si belles et aimables choses et qu'en fait d’honneurs sont toujours nos maîtres. Hélas ! Ils mettaient Dieu au commencement de toutes actions.

As-tu lu la page que je t'ai envoyée ? Nous allons diner, il est près de 7 heures. Le temps est gris et plutôt frais. Une lettre de Me Guisset me dit que papa a été encore malade, qu'il a gardé le lit 3 jours.

Je t'enverrais un saucisson, mange bien, ne paie pas les livres, nous les paierons après. Elle m'écrivait pour me remercier d’un petit objet envoyé à Jeannette. J'écris à Marguerite.

Mille baisers bien affectueux, bien de nous 3.

Ta maman

Thérèse Tailleur

X1k_191006-1237_071

Fontenay-le-Comte, le 2 mai 1912

Chers parents,

Je n'ai reçu votre lettre que lundi alors qu'ayant écrit jeudi, je comptais la recevoir au moins samedi. Arrivant en retard, elle m'a fait plus de plaisir. Je suis heureux d’apprendre que vous visité Fontevraud. C'est une des plus jolies régions de Saumur.

J'ai lu la feuille que tu m'avais envoyé sur « Critiques et pacte », ces quelques lignes étaient très bien écrites.

Bon-papa a dû être un peu enrhumé pendant quelques jours et bonne-maman lui a fait gardé le lit. Mme Gusset aurait mieux fait de ne rien dire.

X1k_191006-1237_072

J'ai reçu hier le saucisson et les macarons. Je n'ai pas encore gouté au saucisson mais j'ai trouvé les gâteaux délicieux ; je te remercie Marguerite est venue chercher les espadrilles. Elle va bien et est très contente chez les Rivières qui sont bien gentils parait-il. Les espadrilles lui ont fait bien plaisir, il parait qu'elle a pleuré sur la carte que tu lui as envoyée. Hier, Mlle Tucan est venue m'inviter pour aujourd’hui, elle m'a fait appeler chez Mme Cogne. Nous avons causé un peu, j'irai aujourd’hui à 11 heures. Je comptais aller chez les Préaux aujourd’hui, soit à pied pour revenir par le train soit avec une bicyclette que je me serais fait prêter. Je ne sais trop si après avoir déjeuné chez Mlle Tucan je n'irais pas quand même.

Depuis que je suis revenu de Saumur, il n'a plu que deux fois ; des journées magnifiques, quel dommage que je n'ai pas de vélo, enfin !

Fontenay est en rumeur depuis près de 15 jours, ce sont les élections qui causent cette animation. Il y a trois listes, une réactionnaire, une démocratique avec Gandiran. Une autre socialiste avec Duclos, Godin et le frère Maurer de Monjou et M. … du bureau, et enfin Lecoq pour ne citer que les mieux. Liste qui a dans son programme le renvoi des sœurs de l’hôpital et d’autres belles choses.

Je travaille toujours, je mange de mon mieux. Je termine, je vais aller m'habiller pour sortir chez Mlle Tucan.

Recevez mille et mille gros baisers de votre fils.

Prosper

X1k_191006-1237_073

Saumur, le 4 mai 1912

Mon cher fils

Nous venons de souper, ton père lit le journal et Tata est allée au mois de Marie et ta maman cause avec son chéri. Que cette absence me pèse en ce moment, surtout où tu aurais besoin d’être toujours accompagné et besoin d’être nourri comme on dit en Vendée. Je comprends que ton M. Lecoq doit bien se préoccuper de ses élèves. Tous ceux qui se présentent avec l’étiquette de radical-socialiste ne valent guère comme hommes. Ton M. Lecoq ferait mieux de penser au succès de ses élèves qui rejailli toujours sur les maîtres et ne point s'occuper de ceux dont on ne lui a point commis la garde ; et qu'il fasse le travail pour lequel il est payé.

X1k_191006-1237_074

Ne point faire le travail pour lequel il est payé est un vol, voilà qui étonnerait nombre de gens qui se croient d’honnêtes gens et qui sur ce point sont des voleurs ; ils commettent un vol de confiance. Tu te rappelleras toujours cela lorsque à ton tour tu seras paya pour une besogne.

Ta lettre nous aurait fait bien plaisir s'il ne s'y trouvait encore trois fautes ! Oui mon cher petit, ton père et navré et nous aussi. Je te renvoie la lettre pour que tu en juges. Moi qu'ai dû apprendre l’orthographe toute seule : je n'avais pas tout à fais 14 ans quand j'ai quitté l’école. Cette règle des participes, je l’avais copiée je ne sais combien de fois pour la fixer dans ma mémoire, fais comme moi, poses-toi la question qui, pour les personnes et quoi pour les choses cette page que tu m'as envoyée, je l'ai lue : envoyée quoi ? page lue quoi ? la page.

X1k_191006-1237_075

Ressasse cette leçon de la grammaire, de grâce, ne fais plus cette faute et ces verbes à l’infinitif, où les… pourtant et tu ne leurs mets jamais de r.

Tu es un étourdi, on se moqueras de toi. Faire des fautes d’orthographe diminue son homme, surtout si cette homme a passé comme toi 11 ans de sa vie sur les bancs de l’école et à qui on continuait la classe à la maison.

X1k_191006-1237_076

Je t'envoie les échantillons de dentelles pour Mlle Tucan. Je les avais oubliés, tu les lui porteras. A-t-elle Madelaine ?

Il fait très beau depuis quelques jours, aussi ton père fait promenade sur promenade, ta tante et moi ne sortons guère que pour aller à l’église. C'est le mois de Marie et nous prions la Vierge de t'avoir en sa sainte garde. Dis une petite dizaine d’ave pour obtenir une grande lucidité d’esprit et une entière présence d’esprit et de corps. Mon Prosper travaille à un homme dans toute l’acception du mot. Nous pensons à toi toujours, tu es notre soleil et seras notre gloire si tu le veux.

Mille baisers de nous 3.

Ta maman

X1k_191006-1237_077

Prats-de-Mollo, le 6 mai 1912

Mon très cher enfant,

Nous avons été bien contents de recevoir des nouvelles qui sont bonnes. Nous autres, nous portons assez bien mai j'ai été… je me suis gardé le lit, ce présent ça va mieux. Seulement, je ne puis pas ni lire ni écrire. Ta mère fait grand…, ne vous alarmez pas si je… je ne suis bon à rien.

X1k_191006-1237_078

Si vous passez, l’acte, je vous prie de ne pas oublier les… Jean et…

Dites à ce cher enfant que nous laissons toujours sécher Fraspart. Ci-joint les lettres de Valentin Ausseil.

Nous vous embrassons bien à tous

Vos père et mère

Cabanat

X1k_191006-1237_079

Fontenay-le-Comte, le 10 mai 1912

Chers parents,

J'ai reçu votre lettre lundi avec grand plaisir. Je porterai les échantillons de dentelle aujourd’hui à Mlle Tucan. J'ai mangé chez elle jeudi dernier comme vous savez, puis après avoir emprunté une bicyclette, je suis allé chez eux et je crois que je leur ai fait plaisir. Ils vont très bien, ont passé de bonnes vacances, il n'y a qu'une chose qui les tracasse, qu'est que leur gendre est nommé à Fez et attaché à la personne du sultan et devra, je crois, remettre de l'ordre dans les archives du sultan.

X1k_191006-1237_080

La place est magnifique, prouve bien l’estime qu'on a pour lui, mais d’un autre côté, il ne fait pas bon maintenant au Maroc, surtout à Fez ou l’on assassine spécialement les français. Il aurait un traitement de début de 10 000 Fr. logé auprès du sultan et à ses frais. Seulement, la fille de M. Préaux veut suivre son mari et y amener ses enfants, ce qui est fou. Les Préaux sont au désespoir ; les Wraulie auraient accepté, mais les Préaux espèrent que comme le général Lyautey a été nommé gouverneur au Maroc, la nomination de son gendre sera annulée.

J'ai passé la journée de Dimanche chez eux, mais hélas, il a plu, moi qui me proposais de respirer l’air du bois, je n'ai rien eu.

Le temps s'est remis au beau et il fait très chaud, qu'est-ce que sera le mois de juillet ?

Je travaille avec courage, j'ai réussi ma compo de français. M. Cogne est content de moi en math, j'ai de bonnes notes aux devoirs de même qu'en physique. Je travaille l’espagnol et l’anglais. J'appelle le bachot de toutes mes forces pour en être débarrassé le plus vite.

Ce soir, en raison de la chaleur, la sortie ne sera que de 4 à 7.

Dans quinze jours, il y aura quelque vacances, je pourrai respirer un instant ; j'en aurai besoin.

Je vous embrasse bien fort.

Prosper

X1k_191006-1237_081

Saumur, vendredi 10

Mon cher enfant,

j'ai pensé que s'il fait si chaud tu serais bien aise d’avoir un pantalon de coutil. J'ai demandé à Crémieux ce qu'il avait de plus nouveau et de mieux. Choisis ce qui te plaira. Et renvoie dans ton prochain les échantillons choisi. Le tailleur m'a dit que tu pouvais t'habiller avec ce pantalon avec même avec la jaquette.

Il fait chaud depuis 2 jours seulement ; il pleuvait toujours.

X1k_191006-1237_082

Nous allons toujours pareil. On a fait de belles funérailles à Legagneur. Védrine a dit au maire de venir voler à Saumur au bénéfice du petit Legagneur pour qu'il ne se casse pas le nez

Attendons une longue lettre lundi matin. Sois prudent, ne boit pas glacé. Je l’ai surpris par ces temps chauds et il dort avec toujours une couverture sur le ventre. La chaleur dans le midi provoque de terribles coliques. Très peu depuis il y a dans ces régions un choléra local qui reparaît tous les étés.

Je prie la Sainte Vierge de veiller sur toi. Mille baisers

X1k_191006-1237_083

Fontenay, le 16 mai,

Chers parents

J'arrive de la messe, il pleut à flots, tant mieux, tout le monde en avait besoin. Depuis huit jours il faisait si chaud qu'on ne pouvait dormir autrement qu'avec un seul drap.

Mardi dernier, j'ai soupé chez les Cogne. Ils avaient invité la fille du Principal, nous n'avons causé que de niaiseries. Jeudi dernier j'ai donné les échantillons à Mlle Teucen. Elle te remercie.

Vous me demandez le résultat des élections à Fontenay, les voici. La première faite le 5 mai, il y a ballotage. Rien que deux réactionnaires passeront avec la majorité absolue, c'est maigre. Le docteur Audé est celui qui avait le plus de voix après eux.

X1k_191006-1237_084

Du 5 au 12 mai, le parti républicain démocratique et le parti socialiste se dirent les plus belles injures, les murs de la ville étaient tapissés d’affiches. Au second tour de scrutin de dimanche dernier, 6 réactionnaires de plus ont été élus, avec eux, 2 socialistes conseillers sortants. Godin, le « sous-pasteur » et un autre, puis 19 démocratiques. Mais M. Gandriaux, Bujard, Guillemet (le conseiller sortant, pas l’ancien député) restent sur le carreau. Gondriaux et Guillemet on feront une maladie dit-on. Les docteurs Audé et Philipeon sont élus de même que Roy tenard. Philippon sera peut-être maire, le docteur Audé n'en veut pas. Lecoq a eu 410 voix, le père Moret 300, pour Moreau je n'en sais rien mais c'est encore moins.

Un réactionnaire de Fontenay devait faire donner 100 000 Fr. à la ville pour une fête d’aviation s'il était élu. Il l’est, la fête aura dit-on lieu. Il est facile d’en faire autant avec 100 000 Fr. de rente annuelle.

Je laisse la politique pour parler des choses sérieuses. Il faut que vous écriviez à Mascara pour avoir un extrait de naissance sur papier timbré et le faire légaliser de manière à ce que je l’ai à la Pentecôte pour que je puisse faire ma demande et vous la faire signer.

Pour la Pentecôte, nous avons 3 jours. Je vous envoie une feuille à signer, renvoyez la moi avec l’argent du voyage. Je pourrai prendre je crois un billet d’aller et retour. J'aller coûte 6 Fr. 20, je ne sais pas combien le double billet.

Dis mois ce qu'il faut que j'apporte. Si je peux emprunter une valise, je le ferai. Je prendrai mon veston neuf pour le dimanche de la Pentecôte. Je rapporterai mes chemises blanches pour les faire repasser. Défais le pli à mon pantalon bleu, je n'aurai pas à porter l’autre? Je m'amènerai avec mon costume vert.

Dans sept à huit jours, je serai auprès de vous. J'ai besoin de vacances, je suis vanné.

Je vous embrasse bien fort.

Prosper

X1k_191006-1237_085

Saumur, le 16 mai 1912

Mon cher enfant,

Nous avons beaucoup parlé de toi aujourd’hui, quand on n'en parle pas ou y pense. C'était la fête de l’Ascension, y-as-tu pensé ? As-tu entendu la messe comme le dimanche ? Tu vis dans une maison où aucune morale n'est en honneur. Prends bien garde mon cher petit de ne pas donner dans cette voie. Que ces grands mots : Dieu, patrie, famille soient tout à tes yeux, à ton esprit et à ton cœur.

X1k_191006-1237_086

La journée qui s'annonçait maussade s'est rassérénée, et s'est achevée lumineuse dans son ciel lavé par une belle averse, la bienvenue. Ce qui nous a permis après vêpres de prendre papa dans son cabinet. C'était la 25e fois d’aller faire le tour des levées.

Nous avons pu admirer à deux reprises deux biplans qui sont venus voler au-dessus de Saumur assez bas pour entendre le ronron du moteur. L’un était Koening atterrissant sur l’esplanade de l’école, l’autre était Vidart venant voir son père officier, par la voie des airs, l’appareil était gardé par des soldats, mais chacun a pu l’admirer.

Combien de jours de congé avez-vous à la Pentecôte, et quand commencent-ils ?

Nous espérons que tu travailles courageusement, mais intelligemment. As-tu de bons résultats ? Monsieur Caugne vous fait-il bien travailler ? Est-il bien pour toi ? Donne-lui le bonjour, il avait promis de m'écrire pour me parler de toi. J'attends encore sa lettre, dis-le-lui. Vous sert-on une meilleure ratatouille ? As-tu vu M. Mureau ?

J'ai devancé mon jour d’écrire parce que nous languissions un peu plus de notre cher petit et trouvons long ces 8 grands jours sans nouvelles.

Nous n'avons pas pu connaître le résultat des élections, le petit journal n'en n'a pas soufflé mot.

Nous sommes sans nouvelles de bon-papa.

Ton père demande que tu lui envoies une boîte de Cadun.

Adieu mon petit enfant, prie bien la Sainte Vierge, n'oublies pas de demander les lumières de l’Esprit Saint tous les matins.

Mille gros baisers de nous

Ta maman

Ps: Frou-frou devient plus raisonnable, ses fugues sont très courtes, mais il est laid.

X1k_191006-1237_087

Saumur, le 20 mai 1912

Mon cher enfant,

Je t'envoie un mandat de 10 francs pour les frais de ton voyage. Que tu viennes par Niort pour par Bressuire, sois très prudent, ne te penche pas à la portière, il y a un réel danger. Si tu viens par Niort, ais soin de te mettre dans un wagon de queue, tu sais que le train se partage à Thouars, à Niort, le train entre en gare 20 minutes avant son départ.

X1k_191006-1237_088

Tu as oublié d’envoyer le Cadum à ton père qui l’attend. Fais-toi prêter une valiser pour mettre ta veste, ton gilet et tes chemises blanches, celle de couleur que tu porteras sur toi suffira. Tes souliers bas et ton panama. Que la pensée des vacances te redonne un surcroît de courage pour ton travail. Ton extrait de naissance a été demandé voilà un mois à Mascara, on a dit qu'il pressait. Samedi, tu seras libre à partir de 3 heures, tu auras 9 heures devant toi. Profites-en pour aller trouver l’abbé et te confesser. C'est la fête du Saint Esprit et tu as besoin de ses lumières.

Donnes le bonjour aux Caugne et David.

X1k_191006-1237_089

Fontenay-le-Comte, le 6 juin 1912

Chers parents,

Me voici « rencagé » pour un mois encore, puis j'en aurai fini avec le collège de Fontenay. J'ai repris le collier avec le courage du désespoir, c'est le cas de le dire.

J'ai reçu ma demande et vos lettres. J'ai remis mon extrait et ma demande au Principal qui envoie le tout en bloc. Pour les frais d’inscription, ils seront portés sur la note trimestrielle. Mme David est parti, la nourriture s'en ressent. Je mange tout en me disant « plus qu'un mois ! ».

X1k_191006-1237_090

depuis que je suis rentré nous n'avons pas eu une seule belle journée, il pleut tout le temps et très fort. Aujourd’hui il fait presque beau, je vais sortir un peu. Toute la classe travaille furieusement, si nous ne sommes pas tous reçus, ce ne sera pas de notre faute.

Lecoq est malade et se retire avec un mois de congés. Heureusement pour l’histoire et la géographie, nous n'avons pas besoin de lui. Je n'ai pas encore vu les Préaux, j'irai les voir de 4 à 7 heures dimanche prochain. J'espère avoir une belle journée. Fontenay est aussi mort et triste que vous le connaissez. Je n'ai jamais détesté une ville comme celle-là.

Les bonbons ont fait plaisir aux…; il vous remercie ; lui est toujours aimable.

J'ai payé les livres comme je le prévoyais, le dico et le bouquin de Moratin 2 Fr. avec ces deux, j'ai dû acheter un bouquin de chimie de Rivals contre 2 Fr. de plus. De plus et pour cela, je me suis plaint à la gare ; les employés ont faussé une pédale de mon vélo. Le mal c'est que j'avais déjà remis mon ticket de bagage et que je ne m'en suis aperçu qu'une heure après mon arrivée alors que j'étais au collège. Ils n'ont rien voulu entendre et j'en suis encore de 30…

Seulement, avec toutes ces râfles, mon porte-monnaie est d’un léger ! Il n'y reste que 4 Fr. et quand j'aurai payé mes chemises que je fais blanchir je

X1k_191006-1237_093

Fontenay, le 29 juin 1912

Chers parents,

Ma lettre est un peu en retard. C'est que hier j'ai eu du travail en masse. Je prends cinq minutes pour vous écrire aujourd’hui.

Le moment approche, ce n'est pas malheureux, je n'en peux plus.

Nos cours sont finis, nous révisons seuls en étude. La plupart de mes camarades sont partis chez eux pour donner l’effort final. Je fais tout ce que je peux.

X1k_191006-1237_094

J'irais passer la journée de dimanche en forêt pour me reposer.

J'ai reçu une lettre de bon-papa me souhaitant la fête. Il m'a envoyé 3 pages. J'ai même reçu une carte de Maurice qui prépare les premiers examens de médecine qu'il passera entre le 7 et le 10 juillet. Le succès de Fernand m'a fait plaisir, si je pouvais être reçu moi aussi !

Je partirai de Fontenay mercredi à 5h 54. Dis-moi l’arrivée de ton train à Niort. Viens avec la valise me portant ce qui est nécessaire. En repassant par Fontenay, tu emporteras la malle et tout ce qui me sera nécessaire pour les huit à quinze jours qui resteront. Si je vais à Poitiers, je n'aurais que la valise à trimbaler.

A bientôt donc, de gros baisers en attendant.

Je vais remettre à l’étude de l’induction électro-magnétique que j'ai quitté pour faire votre lettre.

Mille baisers.

Prosper

X1k_191006-1237_095
X1k_191006-1237_096

30 juin 1912

J'espère que tu auras passé une bonne journée chez les Préaux, quoiqu'un peu pluvieuse dans doute comme ici. M. Préaux t'a-t-il donné une lettre de recommandation pour le professeur de Poitiers ? Je partirai d’ici mercredi à 1h18 et arriverai à Niort vers 4 h ¼.

X1k_191006-1237_097

Je retiendrai chambre et irai t'attendre au train de 7h.

Tout se passera bien, j'ai la certitude que tu seras reçu pour peu que tu ne perdes pas l’her… Pour cela, invoque les lumières de l’Esprit Saint. J'ai bien prié pour toi, fais de même, si pour la circonstance tu te mettais en grâce avec Dieu, tu y gagnerais. Je t'apporterai une chemise, pantalon, cravate, gants, chaussettes, mouchoirs ! Tu devrais mettre ton costume vert et apporte ta veste bleue, 30… le bas, le gilet tu le mettras de cette façon, tu seras plus… pour l’essayage. J'apporterai l’argent nécessaire. Tendres baisers et meilleurs vœux de nous 3.

Ta maman

X1k_191006-1237_099
X1k_191006-1237_100
X1k_191006-1237_101
X1k_191006-1237_102
X1k_191006-1237_103
X1k_191006-1237_104
X1k_191006-1237_105
X1k_191006-1237_106
X1k_191006-1237_107
X1k_191006-1237_108
X1k_191006-1237_109
X1k_191006-1237_110
X1k_191006-1237_111
X1k_191006-1237_112
X1k_191006-1237_113
X1k_191006-1237_114
X1k_191006-1237_115
X1k_191006-1237_116
X1k_191006-1237_117
X1k_191006-1237_118
X1k_191006-1237_119
X1k_191006-1237_120
X1k_191006-1237_121
X1k_191006-1237_122
X1k_191006-1237_123
X1k_191006-1237_124

Copies

Qui aident à comprendre pourquoi Prosper ne s'épanouissait pas à Fontenay.

X1k_191006-1237_12410

11/20

Il y a de la vie et du mouvement. Le tour est assez oratoire mais 1° à qui parlez-vous ? 2° vous tournez trop dans le même cercle (richesse du sol, commerce, agriculture, industrie). Vous ne dites rien de la politique extérieure ni de la politique intérieure, ni de la police, ni de l’administration. 3° Fautes d’orthographes, de ponctuation et d’accentuation.

X1k_191006-1237_12411

12/20

Version bien comprise mais d’une façon médiocre

X1k_191006-1237_12412

10/20

Avant tout, veillez à la tenue. Encore trop de négligences. Veillez à la ponctuation et l’accentuation. Idées justes et de bons passages, mais trop de lacunes dans le raisonnement.

X1k_191006-1237_12413

12/20

Vous ne relisez pas votre travail.

X1k_191006-1237_12414

11/20

Mieux que d’habitude. De bons développements. Quelques idées importantes exposées assez longuement.

Quelque disproportion. Vous n'insistez pas suffisamment sur le rôle de la volonté dans la moralité. Et il faudrait plus de précision pour établir son rôle, ainsi que celui de la sensibilité.

X1k_191006-1237_12415

11/20

Distinction assez bien établie, au moins dans les grandes lignes. Quelques indications incomplètes ou inexactes. Un peu superficiel en quelques passages importants. Faites bien voir le rôle de la raison dans la méthode expérimentale. Et précisez le sens du mot empirisme.

X1k_191006-1237_12416

14/20

Assez bien

X1k_191006-1237_12417

11/20

De bonnes idées, plan assez net mais mauvaise orthographe.

X1k_191006-1237_128

Fontenay, le 22 juillet 1912

Mon cher monsieur Tailleur,

Vous avez été aimable de m'avertir de votre succès qui m'a rendu fort heureux. Je n'en doutais guère ; j'avais vu vos notes d’écrit quelques jours avant l’oral et avec l’avance que vous aviez un échec n'étais guère à craindre ; mais enfin, il est préférable d’être fixé d’une façon définitive. Vous avez bien travaillé ; le succès a couronné vos efforts, je vous en félicite bien sincèrement, en particulier des bonnes notes que vous avez obtenu en anglais. La bonne inspiration que vous avez eue d’oublier les fautes d’orthographes ! C'est à elle assurément que vous êtes redevable de votre 13 ; moi, je n'ai eu que le mérite de vous mettre sur vos gardes.

X1k_191006-1237_129

Robuchon a eu la mention très bien. Quant à Normand, nul n'avait entendu parler de son oral ce matin au collège ; c'est mauvais signe ; peut-être faut-il attribuer ce silence à une erreur ou à de la négligence et alors il nous serait encore permis d’espérer. Vous savez peut-être qu'il a décroché 16 sur 20 en narration anglaise ; il a eu plus de chance que Robuchon qui a, lui, obtenu la même note que vous. J'ignore si l’oral leur a été favorable, en anglais bien entendu.

Je vous demande pardon de tous ces détails ; j'ai pensé que si vous les ignoriez ils pourraient vous intéresser.

N'oubliez-pas d’offrir à toute votre famille mes respectueux hommages et croyez au bon souvenir que conservera toujours de vous.

Votre professeur, Questel.

1913

X1k_191006-1237_1292

Monsieur,

Vous êtes admis à subir les épreuves orales du Baccalauréat devant la Faculté des Sciences de Poitiers.

Université de Poitiers
Faculté des Sciences

Vous voudrez bien vous rendre à la Faculté des Sciences le 11 juillet 1913 à 7 heures du matin.

X1k_191006-1237_1293

Université de Poitiers

Faculté des Sciences

Baccalauréat de l’Enseignement Secondaire

Le Secrétaire, soussigné, certifie que

M. Tailleur, Prosper-Marie-Juste, né à Mascara, département d’Oran, le 9 juillet 1984,

admis le 17 juillet 1912 par la Faculté des Sciences de Poitiers, à la première partie du Baccalauréat de l’Enseignement secondaire (4e série : Sciences-Langues vivantes),

a été jugé digne, le 11 juillet 1913, du grade de Bachelier de …

avec la mention passable.

Poitiers, le 11 juillet 1913

X1k_191006-1237_130

Bel-Abbes, le 22 juillet 1913

Cher Prosper

Je te félicite bien sincèrement de ton succès définitif au baccalauréat ; tu en as fini avec le bahut ; c'est appréciable.

A mon tour, je t'annonce que je viens d’être admissible au épreuves orales du concours pour le surnumérariat de l'enregistrement des Domaines et du Timbre ; l'examen oral aura lieu en France, à Marseille ou à Montpelliers dans les premiers jours du mois de septembre ;

X1k_191006-1237_131

J'ai encore un mois, un mois et demi de travail, et j'aurai peut-être ma situation.

Tu as donc l’intention de préparer les Directes : j'ai entendu parler du concours ;

Je l’ai rencontré à Oran où il est surnuméraire lors de son examen et naturellement nous avons causé de nos concours ; pensant t'être utile je t'envoie l’adresse d’un préparateur. L’examen nécessite, crois-moi, une préparation sérieuse ; je ne saurais trop te recommander de bucher le droit ; c'est parait-il la pierre d’achoppement des candidats : ils réussissent les maths et échouent pour le droit. On m'a dit que Lafaille s'était présenté en janvier dernier mais qu'il avait échoué. Je crois qu'on a admis 80 candidats ; 8 sont tombés à l’oral. Je tiens ce renseignement d’un jeune homme de Blidas qui a été reçu au concours cette année.

Je suis resté assez longtemps sans t'écrire mais tu dois penser que je n'avais guère le temps de le faire ; à partir d’octobre, je t'écrirai plus souvent.

Présente mes compliments à tes parents.

Je te serre la main

Jean d’Antre Chausse

Ne te fais pas de bile ; tu as 6 mois pour te préparer et en s'y mettant, tu enlèveras facilement une place ; d’autant plus que tu possèdes une partie importante de l’examen.

X1k_210302-1510_1