Périodes glaciaires
1977 Création septembre 2020

Source : Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse
Auteur : Emile Paloque
Communication faite à l'Académie dans sa séance du 24 novembre 1977
Provenance : Bibliothèque nationale de France

Il y a environ 10 000 ans l’humanité a subi une rude épreuve à la fin de la dernière période glaciaire pendant laquelle, en Europe, le froid rendait toute culture impossible ; or cette période n'était pas hélas une crise passagère puisqu'elle durait, croit-on, depuis 55 000 ans, mais il est vrai avec une intensité variable.

Les hommes, encore fort peu nombreux dans l’ensemble du Monde, mais doués d’une intelligence semblable à la nôtre parvinrent tout de même à subsister. Ils habitaient des grottes dans lesquelles ils pouvaient s'éclairer car ils connaissaient le feu. Ils se nourrissaient de pêche et de chasse, leur principal gibier était le renne, fort répandu dans nos régions et dont ils parvenaient facilement à s'emparer.

A peu de distance de Toulouse, on retrouve les habitats de cette époque dans les grottes calcaires du Plantaurel, au nord des Pyrénées, où les occupants de jadis ont laissé des peintures rupestres et toutes sortes de petits objets habilement fabriqués avec des os de renne ; mais tandis qu'en Europe la vie était rendue si difficile par la rigueur du climat, les hommes qui occupaient l’Afrique du Nord connaissaient, croit-on, des jours heureux si l’on se réfère aux nombreuses peintures retrouvées au Sahara qui représentent des personnages et des troupeaux au milieu d’une nature verdoyante. — « Il y a seulement huit mille ans, a écrit M. Roger Heim ancien directeur du Muséum, une sorte d’immense parc étendait du Nil au Niger ses bois et ses cultures, tandis que des peuples de pasteurs et d’agriculteurs vivaient dans l’actuel désert du Sahara cultivant leurs champs ou élevant leurs troupeaux de chèvres, de moutons ou de bœufs à longues cornes comme en témoignent les peintures qu'ils nous ont laissées et que la sécheresse de ces lieux a remarquablement conservées ». Ainsi donc toute l’Afrique du Nord était un véritable paradis dont l’homme allait être prochainement chassé quand la température s'est considérablement élevée dans l’ensemble du monde pour devenir à peu près ce qu'elle est encore de nos jours.

Sans modifier l’époque de la fin de la dernière période glaciaire, les géologues sont d’accord pour admettre que l’Afrique du Nord a bénéficié après cette date d’un climat assez humide qui aurait permis aux troupeaux d’y subsister jusqu'à 8.000 ans avant le temps présent, ils seraient donc d’accord avec M. Roger Heim sur la date des peintures rupestres du Sahara qui nous font connaître l’ancien aspect de ce pays ; elles nous fournissent donc une preuve de l’effroyable désastre qui s'est abattu sur toute l'Afrique du Nord après la modification des climats puisqu'un désert de sable y a remplacé partout de verdoyantes contrées, sauf cependant tout le long du Nil, sur ces terres fécondes où, grâce à l’irrigation, la vie animale et végétale est restée possible malgré l’élévation de la température. Il ne faut donc pas s'étonner si le peuple égyptien de l’antiquité a pu subsister dans ces régions et si, fort de ses connaissances ancestrales, il a été peut-être l’un des peuples les plus civilisés du monde pendant les quelques millénaires qui ont précédé l’ère chrétienne

Ce qui est arrivé en Egypte a pu se produire dans les régions chaudes de la Mésopotamie où le Tigre et l’Euphrate ont pu jouer le même rôle que le Nil car il y a eu là de grands empires, à Babylone par exemple, dont la civilisation a peut-être bénéficié de connaissances antérieures, mais ce ne sont là de notre part que des suppositions.

Notre civilisation était assurément très en retard par rapport à celle des Orientaux et des Egyptiens, puisque à l’époque de la guerre des Gaules, peu avant l’ère chrétienne, nos ancêtres n'avaient encore pas d’écriture alors que deux mille ans auparavant, à Babylone, on utilisait déjà l’écriture cunéiforme qui, imprimée sur des tablettes d’argile passées au feu, nous renseignent encore de nos jours sur les usages de ce peuple, auquel des édits royaux faisaient connaître par avance les dates du paiement de ses impôts et qui comptait déjà des notaires chargés d’enregistrer les ventes de terrains ainsi que des astronomes sachant prédire les éclipses. Tout cela dénote une civilisation avancée à laquelle celle des Egyptiens ne fut pas inférieure puisqu'ils instituèrent un calendrier dont l’année comprenait 365 jours et cela en l’an 4236 avant notre ère.

Le relèvement de la température après la fin de la dernière période glaciaire a pu avoir dans d’autres régions que l’Afrique du Nord des conséquences non moins funestes. Il a fait fondre d'immenses masses de glace et il est admis que le niveau de tous les océans s'est élevé d’une centaine de mètres, si ce n'est davantage, ce qui a dû provoquer de terribles inondations le long des côtes et des vallées en entraînant la perte d’innombrables êtres vivants et l’on peut alors se demander si ce n'est pas justement cette élévation du niveau des océans qui aurait provoqué le déluge de la Bible.

Nous ne savons que d’une manière très imparfaite ce qui a eu lieu à ce moment dans notre pays. Comme nous l’avons déjà dit, les habitants de nos régions vivaient principalement de la chasse, mais ours, rennes et autres animaux de pays froids dont ils se nourrissaient étant partis vers le nord, ils se trouvèrent peut-être privés de vivres et certains d’entre eux durent mourir de faim. Il en est cependant qui ayant suivi ces troupeaux vers le nord devinrent, croit-on, des esquimaux, car justement certains de ces hommes qui occupaient notre pays et que nous qualifions aujourd’hui d’Hommes de Chancelade devaient ressembler aux esquimaux ou aux Mongols.

Ceux qui restèrent sur place eurent assurément bien des difficultés pour prendre les nouvelles habitudes nécessitées par le changement du climat. C'est ainsi qu'ils quittèrent sans doute les grottes pour la forêt qui couvrait la plus grande partie de leur sol, mais ne pouvant se contenter des escargots qui furent paraît-il leurs premiers vivres, ils construisirent de nouveaux engins de chasse tels que harpons, arcs et flèches munies d’une pointe de silex avec lesquels ils tuaient les animaux de la forêt, en particulier les cerfs qui venaient de faire leur apparition. TI n'est pas douteux que pendant cette période ils sont parvenus à utiliser de mieux en mieux des fragments de silex dans leurs armes et leurs outils, ce qui leur a permis de devenir des chasseurs intrépides bien armés ; leur nombre restait cependant bien minime, car on ne pense pas que dans tout l’ensemble de notre pays, il ait pu y avoir plus de 100 000 habitants.

Tous les auteurs sont d’accord pour signaler dès le début du quatrième millénaire avant notre ère l’extraordinaire transformation réalisée par notre pays à la suite d’une lente infiltration de peuples nouveaux venus de l’est. Ils purent l’occuper sans difficulté et en cultivèrent le sol, connaissant déjà l’agriculture et l’élevage qui allaient leur procurer la sécurité du lendemain. C'est le commencement de la période néolithique qui a dû être particulièrement favorable pour nos ancêtres dont le nombre est passé de quelques dizaines de milliers à quelques millions. Ils occupèrent peu à peu la totalité de notre pays, mais sans jamais cependant y constituer une unité politique.

Tels sont les hommes dont nous descendons, car nous sommes assurés que leur constitution physique était identique à la nôtre, mais nous n'avons pas l’intention de vous en entretenir plus longuement car sans doute voudriez-vous avoir quelques éclaircissements sur ces variations de climat dont les conséquences tragiques pourraient encore vous atteindre. Ne croyez pas qu'en pareille occurrence il vous suffirait de traverser la Méditerranée pour élire domicile au Sahara car il faudrait encore un millier d’années, si ce n'est davantage, pour que le sable puisse y être recouvert par un tapis de terre végétale convenant à nos cultures. Vous voudrez bien nous excuser si nous vous donnons un aperçu de l’histoire du monde en remontant de plus en plus vers le passé contrairement à l’ordre chronologique.

Il n'y a pas si longtemps les géologues semblaient d’accord pour admettre qu'au cours de l’ère quaternaire il y aurait eu quatre périodes glaciaires auxquelles on a donné les noms de diverses rivières de l’Allemagne. C'est ainsi que la quatrième et dernière période a été désignée par Würm, la troisième par Riss, la seconde par Mindel, la première par Gunz. On supposait que ces périodes s'étendaient sur une durée totale de 600 000 ans et que chacune d’elle aurait duré environ 50.000 ans, mais tout cela restait cependant très aléatoire.

Depuis lors on est parvenu à dater des époques fort anciennes en étudiant par exemple les varves, dépôts marins dont l’épaisseur donne une idée de l’ancienneté ou bien encore en utilisant les propriétés du carbone 14, un isotope du carbone qui se désintègre peu à peu et dont le dosage permet de dater l’époque.

Nous avons appris ce qui a trait aux questions qui nous occupent par le traité de glaciologie de Lliboutry que M. Gourinard, professeur de géologie à la Faculté des Sciences a été assez aimable de mettre à notre disposition. D’après cet ouvrage, il y aurait lieu de partager en trois périodes celle de Würm qui aurait duré de 65 000 ans jusqu'à 10 000 ans avant le temps présent, soit pendant 55 000 ans, mais avec un adoucissement de la température pendant 30 000 ans au milieu de cette période. La période précédente, celle de Riss aurait comporté trois glaciations successives échelonnées entre 200 000 ans et 100 000 ans avant le temps présent, celle de Mindel aurait compris deux glaciations dont la dernière se serait terminée il y a environ 275 000 ans, enfin certains auteurs font remonter la première glaciation celle de Gunz à une époque beaucoup plus reculée de l’ordre de 500 000 ans ou même davantage.

Voici un résumé de ce que dit Lliboutry sur les périodes glaciaires du quaternaire : au cours des derniers 800 000 ans il y aurait eu d’après lui 12 à 15 périodes glaciaires au cours desquelles l’abaissement de la température moyenne aurait été d’environ 6° mais parfois plus encore. Ces périodes auraient été simultanées dans l’ancien et le nouveau continent ainsi que dans l’hémisphère nord et l’hémisphère sud. Entre ces périodes la température aurait été sensiblement ce qu'elle est encore de nos jours.

Ces périodes glaciaires ont laissé sur la terre des traces indéniables, dans les montagnes par les vestiges des anciens glaciers, plus bas par la formation de plaines sous l’influence de l’énorme quantité d’eau de ruissellement résultant de la fonte des glaces. Les vestiges laissés dans les Pyrénées par la dernière période glaciaire ont été tout particulièrement étudiés par M. le Professeur Taillefer ; celui-ci est aussi d’avis qu'il y a lieu de partager cette glaciation en deux parties séparées par un adoucissement du climat.

D’autre part les ruissellements qui ont suivi les diverses périodes glaciaires du quaternaire et non pas seulement la dernière, semblent avoir laissé au voisinage immédiat de Toulouse des traces fort apparentes qu'il vous serait facile de reconnaître vous-même. Ainsi la plaine parallèle à la Garonne qui passe à Seysses, Frouzins, Villeneuve-Tolosane, Cugnaux, Plaisance-du-Touch et Tournefeuille est constituée par une couche de terre végétale de faible épaisseur au-dessus, de sables, de graviers et de cailloux roulés qui semblent bien avoir été le fond d’un ancien lit du fleuve. Il a fallu une quantité d’eau tout à fait hors de proportion avec le débit actuel de la Garonne pour que son cours ait pu s'étendre d’un bord à l’autre de cette immense plaine, aussi avons-nous tout lieu de supposer que celle-ci a été formée par le ruissellement très important qui a suivi la fin d’une ou de plusieurs périodes glaciaires, car il n'est nullement impossible que deux ruissellements successifs aient suivi le même chemin. Postérieurement encore ; à la fin de la dernière période glaciaire, il y a 10.000 ans un ruissellement non moins important aurait entamé le bord de la plaine précédente et créé une nouvelle plaine à une quinzaine de mètres en contrebas. C'est la plaine qui passe à Muret et à Toulouse, plaine dans laquelle se trouve encore de nos jours le lit de la Garonne. La plaine de Léguevin qui domine d’une quinzaine de mètres celle de Plaisance-du-Touch n'aurait-elle pas été formée, elle aussi, par un ruissellement antérieur. Nous souhaiterions que des spécialistes étudient sur place ces intéressants vestiges.

Depuis le début de l’ère quaternaire, c'est-à-dire depuis qu'il y a des hommes sur la terre, ceux-ci ont eu certainement à subir les atteintes de ces périodes glaciaires. Présentant tout d’abord un aspect bestial avec un front bas, des orbites saillantes, un nez court et épaulé ; je vous donne ici la description du sinanthrope, leur confrontation a subi depuis lors d’importantes transformations dont la principale est l’agrandissement progressif de leur boîte crânienne, par conséquent de leur intelligence ce qui en a fait peu à peu des hommes auxquels nous ressemblons, quoique nous présentions avec eux de notables différences ; ce sont : l’homme pré-sapiens vers 100 000 ans avant notre ère, celui de Néandertal vers 80 000 ans et celui de Cro Magnon vers 30.000 ans, mais il est fort probable que cette évolution a été favorisée par ces terribles fléaux qu'ont été pour eux ces périodes glaciaires du quaternaire, tant il est vrai que le progrès peut parfois naître de l’adversité.

Fuyant devant les glaces en luttant âprement pour leur existence, nos ancêtres durent abandonner les cueillettes faciles des âges révolus pour se consacrer entièrement à la chasse qui leur fournissait vêtements et nourriture, mais qui exigeait de leur part une ingéniosité nouvelle peu commune. Encore obligés de fuir devant les cataclysmes successifs de l’ère quaternaire : fonte des glaces, submersions de continents, transformations de terres fertiles en steppes arides, suivies de nouvelles glaciations, ils émigrèrent dans les diverses contrées qui ont déterminé par leurs climats les caractéristiques de leurs races, tandis que les dures nécessités de l’existence développaient peu à peu leur intelligence et leur industrie. Si ces périodes glaciaires furent un important facteur de l’évolution humaine, elles ont eu aussi pour conséquence une sélection naturelle en faisant disparaître les races insuffisamment évoluées qui n'avaient pu résister à tant de bouleversements, mais elles ont surtout donné une impulsion nouvelle à l’évolution millénaire de l’humanité vers l’intelligence et le progrès.

Il faut cependant reconnaître que l’homme a été vraiment privilégié puisque son intelligence s'est notablement accrue tandis que celle des animaux restait stationnaire ce qui a permis à l’unique race humaine de les dominer et d’occuper peu à peu toutes les contrées du globe.

Nous allons faire un nouvel accroc à l’ordre chronologique en remontant vers un passé beaucoup plus lointain ; nous allons en effet vous rendre compte des variations de climat qui ont pu se produire sur la terre bien antérieurement à l’apparition de l’homme ; mais tout d’abord demanderez-vous, quels indices ont permis de découvrir expérimentalement les climats des époques géologiques. Il y a lieu d’insister tout particulièrement sur l’étude des glaciers dont la trace est révélée par des marnes appelées tillit, des cailloux et des blocs de toutes tailles parfois énormes et dénommés blocs erratiques qui permettent aux géologues de retrouver l’emplacement des glaciers d’époques reculées, époques qu'ils peuvent évaluer d’après leur étage géologique.

Par contre les dépôts de sel ou de gypse sont les caractéristiques d’un climat chaud et sec nécessaire pour leur formation.

La répartition des espèces végétales est une source importante de renseignements et dans ce domaine l’analyse pollinique s'est révélée extrêmement précieuse, car les pollens que l’on retrouve encore dans les diverses couches géologiques permettent d’identifier les végétaux auxquels ils ont appartenu et par conséquent ils donnent des renseignements précis sur le peuplement végétal de la couche considérée, les bouleaux par exemple étant une caractéristique de climat relativement froid, les pins de climat relativement chaud.

Il va sans dire que l’étude des fossiles d’animaux et de végétaux reste l’un des principaux éléments de ces recherches. Des renseignements importants nous sont donnés par les coraux et les foraminifères, les premiers qui exigent pour leur développement une température moyenne annuelle de 20° sont l’indice d’un climat chaud. Les foraminifères sont des êtres microscopiques qui vivent dans les océans et dont l’évolution est extrêmement lente, ce qui a permis de distinguer ceux qui caractérisent les zones froides, tempérées ou chaudes.

D’autres indications résultent des variations que subissent avec la température des isotopes de l’oxygène O. 18 et O. 16 dans l’eau de mer et dans les carbonates de coquilles marines. Une étude de ces coquilles fossiles permet de déterminer l’abondance de O. 18, on en déduit la température de la mer à l’époque de leur formation avec la précision du degré centigrade.

Les résultats généraux de ces recherches sont vraiment surprenants. On retrouve dans toutes les régions les caractéristiques certaines d’importantes variations climatiques ; un peu partout dans le monde des périodes successivement glaciaires et tropicales ont profondément modifié la faune et la flore, mais ce qui est plus extraordinaire encore, c'est que la distribution en latitude des zones climatiques n'est plus respectée. Tantôt tout l’ensemble du globe semble présenter un climat uniforme depuis les pôles jusqu'à l’équateur, tantôt des régions actuellement tropicales se recouvrent de glace pendant que les régions polaires jouissent d 'un climat tempéré. Nous allons vous faire un tableau sommaire de ces extraordinaires variations climatiques en suivant cette fois l’ordre chronologique des événements.

Parmi les renseignements que nous allons vous donner, ceux qui se rapportent à la variation des climats ont été pris dans une étude de M. Genève, ingénieur de la Météorologie Nationale . Pendant la période archéenne, il y a environ 800 millions d’années, on trouve des formations glaciaires qui paraissent avoir été simultanées dans des régions du globe fort éloignées les unes des autres. Pendant l’Eocambrien, il y a environ 500 millions d’années on retrouve encore de nombreux faciès glaciaires sans pouvoir affirmer qu'il s'agit là d’un phénomène absolument général. Entre ces deux périodes, il se serait écoulé environ 300 millions d’années.

La Météorologie, avril-juin 1952.

Par la suite le climat s'est adouci pendant le Cambrien et paraît être devenu uniforme sur tout le globe ; des dépôts de sel

et de gypse se forment jusqu'au nord de la Sibérie. Pendant le Silurien et le Dévonien l’augmentation de la température provoque un vaste développement de récifs coralliens en Europe, en Chine et en Sibérie ainsi que l’apparition d’innombrables espèces aquatiques dont on retrouve les fossiles.

Pendant le carbonifère le climat chaud et humide fait surgir la végétation abondante qui est à l’origine des gisements houillers, en même temps nous assistons déjà dans l’hémisphère sud au début de la glaciation qui s'est développée pendant la période suivante le Permien il y a 210 millions d’années et ce n'est encore que la période primaire des géologues. De vastes calottes glaciaires s'étendent sur l’Inde, l’Australie et l’Afrique du Sud, tandis qu'il n'y a pas trace de glaciation dans les régions septentrionales. Entre les deux dernières périodes il se serait écoulé environ 290 millions d’années.

Par la suite au cours du Secondaire, pendant le Triasique, le Jurassique et le Crétacé le climat s'adoucit de nouveau, tout d’abord chaud et sec, il devient de plus en plus humide, donnant lieu à la formation de récifs coralliens dans l’hémisphère boréal ainsi qu'à une riche végétation dans l’Alaska, le Groenland et le Spitzberg. C'est à la même époque qu'il faut faire remonter l’apparition de gigantesques reptiles vertébrés depuis lors disparus.

Pendant la période suivante le Tertiaire, des élévations et des affaissements de terrains ont modifié la configuration des océans et des continents qui est devenue sensiblement ce qu'elle est encore de nos jours. Des soulèvements internes survenus dans des régions fort éloignées les unes des autres ont provoqué la formation de hautes montagnes comme l’Himalaya, le Caucase, la cordillère des Andes, les Alpes et les Pyrénées tandis que l’on voit apparaître la plupart des mammifères. C'est vers la fin de cette période que les préhistoriens font remonter, il y a 30 à 35 millions d’années l’apparition des Primates que l’on croit avoir été les ancêtres de l’humanité, bien que leur boîte crânienne n'atteigne que le quart ou le tiers de la nôtre. Ce n'étaient encore que des animaux se déplaçant à quatre pattes et il est fort difficile de suivre leur évolution. L’attitude verticale qui est l’une des caractéristiques de l’homme n'aurait apparu chez eux qu'il y a 10 à 15 millions d’années alors que leur intelligence s'est développée en même temps que le volume de leur cerveau qui est devenu peu à peu la moitié du nôtre. C'est seulement il y a 3 ou 4 millions d’années qu'ils auraient commencé à façonner leurs premiers outils découverts en Afrique orientale en particulier en Ethiopie qui a pu être l’un des berceaux de l’humanité intelligente.

C'étaient déjà des hommes qui ont pu jouir de l’existence pendant quelques millions d’années avant de subir les premières atteintes des périodes glaciaires du Quaternaire. Ils devaient venir au monde plus facilement qu'aujourd’hui, leur boîte crânienne étant encore relativement petite.

Le climat terrestre restait chaud, les régions polaires septentrionales jouissant d’un climat tempéré qui permettait aux arbres de vivre sous ces latitudes et on est assuré qu'à cette époque le pôle Nord était dégagé de glace, mais le climat s'est un peu refroidi pour devenir ce qu'il est encore, enfin vers 800.000 ans avant le temps présent, aurait apparu la première période glaciaire du Quaternaire. Entre la période glaciaire précédente et la fin de la dernière période glaciaire il y a 10 000 ans, il se serait écoulé environ 200 millions d’années, les périodes glaciaires du Quaternaire étant donné leur rapprochement ne comptant que pour une seule période.

On voit que ces périodes glaciaires semblent se reproduire d’une manière assez régulière tous les 200 à 300 millions d’années. Nous sommes d’accord à ce sujet avec Lliboutry car il a écrit que les temps écoulés entre les périodes glaciaires des âges géologiques pouvaient être fixé à 300 millions d’années. Sans doute êtes-vous désireux de connaître les hypothèses qui ont pu être faites pour expliquer ces variations de climat.

La théorie de Wegener sur la dérive des continents a beaucoup séduit les naturalistes. Si l’on admettait en effet que les continents aient pu se déplacer à la surface de la terre, il serait facile d’expliquer leurs variations de climat. Il n'est pas douteux que notre planète a été jadis un globe de feu sur lequel les continents qui se trouvent à l’extérieur ont été les premières terres refroidies et solidifiées, or les déterminations récentes de l’intensité de la pesanteur démontrent le phénomène de l’isostasie. L’écorce terrestre semble avoir flotté sur un milieu dense et visqueux qui aurait jadis permis aux continents de se déplacer alors qu ils ne formaient tout d’abord qu'un seul bloc ; ainsi l’Amérique du Sud aurait été contiguë à l’Afrique, l’Amérique du Nord à l’Europe et à l’Asie. Les côtes anciennement au contact s'emboîtent assez bien les unes dans les autres, les formations géologiques se prolongent d’un continent à l’autre le long des cassures ; dans ces contrées que l’on supposait avoir été autrefois voisines, mais qui sont maintenant séparées par des océans, les similitudes de faune et de flore qui avaient tant intrigué les naturalistes trouveraient par cette théorie l’explication la plus rationnelle, enfin par la dérive des continents on expliquerait sans difficulté une glaciation et en particulier la glaciation permienne, mais hélas, cette théorie ne peut pas expliquer les glaciations du quaternaire, a une époque relativement récente au cours de laquelle il paraît difficile d’admettre que les continents aient pu se déplacer les uns par rapport aux autres ce qui a conduit Wegener à supposer un déplacement des pôles par rapport à la terre et de grandes variations de l’obliquité de l’écliptique qui paraissent théoriquement impossibles, aussi cette théorie si séduisante a-t-elle été abandonnée comme donnant l’explication de toutes les périodes glaciaires.

Les modifications du climat ne peuvent résulter que d’une variation de la chaleur que la Terre reçoit du Soleil or cette quantité de chaleur dépend elle-même d’une part du rayonnement solaire, d’autre part de la distance de la Terre au Soleil mais elle pourrait être diminuée par la présence de poussières cosmiques entre le Soleil et la Terre.

Vous n'ignorez pas que la presque totalité de l’énergie mise en œuvre à la surface de la Terre provient de ce rayonnement solaire et cependant la Terre ne reçoit que la demi-milliardième partie de l’énergie que le Soleil rayonne dans toutes les directions. Ce rayonnement solaire dépasse donc toute imagination et au début de ce siècle, on n'arrivait pas à comprendre comment le Soleil avait pu maintenir depuis si longtemps un rayonnement aussi colossal ; mais depuis lors Einstein a donné l’explication du phénomène en démontrant que toute parcelle de matière représentait une énergie formidable et que si toute la masse du Soleil pouvait se transformer en énergie rayonnante, celui-ci pourrait maintenir son rayonnement pendant mille milliards d’années. L’humanité n'a donc pas à craindre de disparaître bientôt par suite d’un arrêt du rayonnement solaire.

Des variations de ce rayonnement pourraient expliquer les périodes glaciaires, mais les physiciens croient au contraire que ce rayonnement reste sensiblement constant. Il résulte de réactions nucléaires qui ont lieu à l’intérieur du Soleil aux dépens de sa propre masse. Celle-ci diminue donc, mais avec une prodigieuse lenteur ; on admet en effet que cette perte de masse du Soleil est tout au plus d’un millième de sa valeur par milliard d’années. Par suite de cette perte de masse la Terre s'éloignerait du Soleil d’une distance qui ferait baisser la température du globe d'un à deux dixièmes de degré centigrade par milliard d’années ce qui n'aurait pour conséquence qu'une variation de climat tout à fait insignifiante.

Nous avons d’ailleurs une preuve de la très faible diminution de la masse du Soleil depuis l’époque effroyablement lointaine de la formation même du Soleil et de la Terre, il y a quelques milliards d’années en constatant qu'une telle diminution de masse aurait eu pour effet d’augmenter peu à peu l’excentricité de l’orbite terrestre qui serait passée de la forme circulaire à celle d’un ovale allongé, alors que tout au contraire elle est encore de nos jours très voisine d’une circonférence. Voilà déjà pour nous des résultats fort rassurants, car si le Soleil venait à s'éteindre, toute vie deviendrait impossible à la surface de la Terre.

Il reste à considérer le second élément qui est la distance de la Terre au Soleil. Si la masse du Soleil n'a guère pu diminuer, sa distance moyenne à la Terre n'a guère pu augmenter, mais elle a pu subir des variations périodiques qui ont été magistralement étudiées par Milankovitch , professeur de mathématiques à l’Université de Belgrade en vue justement de rechercher les causes des périodes glaciaires.

La Terre décrit chaque année autour du Soleil une ellipse dont celui-ci occupe un foyer. Au cours d’une révolution la distance de la Terre au Soleil n'est donc pas constante, elle varie entre un minimum et un maximum ; en ce moment la différence entre ce minimum et- ce maximum est peu prononcée ; le minimum de la distance Terre – Soleil a lieu au début de janvier, le maximum au début de juillet, nous sommes donc un petit peu plus près du Soleil en hiver qu'en été, nos hivers sont de ce fait plus doux et nos étés moins chauds, avantage dont bénéficie sans s'en apercevoir, la génération actuelle.

Mais si au lieu d’étudier ce qui se passe aujourd’hui, on étudie ce qui a eu lieu dans un lointain passé et ce qui aura lieu dans un avenir très éloigné, on constate que des perturbations calculables de l’excentricité terrestre ont apporté et apporteront de grandes différences entre les distances de la Terre au Soleil à six mois d’intervalle, différences qui sont de nature à provoquer de grandes variations climatiques. C'est ainsi que la moyenne de la température de janvier à Toulouse, actuellement de + 4°,9 pourra descendre jusqu'à + 1°,7 ce qui est assez froid, tandis que la moyenne de juillet actuellement de 21°,5 pourra monter à 24°,7 ce qui est assez chaud, les plus faibles valeurs de janvier correspondant toujours aux plus fortes de juillet. Le climat de Toulouse sera donc beaucoup moins agréable qu'il ne l’est actuellement, toutefois comme cet événement ne se produira pas avant 20.000 ans, nous n'avons pas lieu de nous en préoccuper dès à présent.

Dans l’hémisphère nord il y aurait eu des hivers très froids aux époques 22 000 ans avant le temps présent, 72.000 ans, 116.000 ans etc., c'est-à-dire environ tous les 46.000 ans, il y en aurait donc eu une quinzaine pendant le quaternaire et on a cru tout d’abord que telle était la cause des périodes glaciaires, mais on s'est alors aperçu que des hivers très froids auraient toujours été accompagnés par des étés très chauds ; ces périodes n'au-

raient donc pu être véritablement des périodes glaciaires, aussi la théorie de Milankovitch a-t-elle été abandonnée ; il faut cependant reconnaître qu'elle nous a apporté des renseignements fort intéressants sur des variations climatiques encore inconnues, ayant pour conséquence des différences plus ou moins grandes entre les températures de l’hiver et de l’été ; toutefois l’explication des périodes glaciaires restait encore à découvrir.

On a cru pouvoir attribuer les périodes glaciaires à des causes diverses dont nous ne parlerons pas, car aucune d’elles n'a été retenue, mais les astronomes n'avaient pas encore dit leur dernier mot.

Les étoiles qui nous environnent ne s'étendent pas indéfiniment dans l’espace, elles forment une sorte de nuée cosmique, un gigantesque amas isolé de toutes parts qui nous apparaît sous la forme de la voie lactée. Quelle est donc la dimension de cet amas et quelle place le Soleil occupe-t-il au milieu des innombrables étoiles qui l’environnent ? Si nous scrutons le ciel avec nos instruments dans des directions perpendiculaires au plan défini par la voie lactée, nous n'y trouvons aucune étoile qui soit extrêmement faible, par contre dans la direction de la voie lactée les clichés photographiques font apparaître un véritable fourmillement d’étoiles et celles-ci sont de plus en plus nombreuses quand on augmente la durée des poses ou la puissance des instruments. On en conclut aisément qu'il n'y a là qu'un effet de perspective et que l’amas au milieu duquel nous nous trouvons est aplati suivant le plan galactique ou plan de symétrie de la voie lactée, d’où son nom de Galaxie. Celle-ci nous entoure de tous côtés comme vous pourriez vous-même le constater en regardant le ciel par une nuit sans Lune d’un point bien dégagé dans toutes les directions, mais nous ne sommes pas au centre de la Galaxie.

Des recensements d’étoiles de très faible luminosité — 18e grandeur — ont permis de déterminer approximativement, d’une part la position du centre de la Galaxie, d’autre part la position du Soleil dans la Galaxie et il va sans dire les dimensions de cette Galaxie, résultats qui ont été confirmés par d’autres recherches. Il résulte de ces travaux que nous sommes sensiblement à égale distance du bord et du centre, ce fameux centre étant situé dans la région du ciel où apparaît la plus extraordinaire concentration d’étoiles faibles, la constellation du Sagittaire que l’on voit à l’œil nu pendant les nuits d’été sous la forme d’un nuage laiteux. Or suivant la théorie de l’astronome américain Harlow Shapley devenue classique, toutes les étoiles du ciel tournent autour de cette constellation du Sagittaire, tout comme les planètes autour du Soleil et c'est ainsi que le Soleil, toujours accompagné par son cortège de planètes, accomplit un périple complet dans la Galaxie à la vitesse de 300 kilomètres par seconde, ce qui correspond à une durée de révolution de 200 à 300 millions d’années. Le professeur Menzel a remarqué pour la première fois que cette durée de révolution était sensiblement la même que celle qui s'écoule entre les périodes glaciaires successives des âges géologiques. De même que la rotation annuelle de la Terre autour du Soleil explique la succession régulière des saisons, la rotation du Soleil dans la Galaxie expliquerait la succession régulière des périodes glaciaires.

En effet la Galaxie n'est pas seulement peuplée par des étoiles, elle contient aussi d’immenses masses de matière nébuleuse, d’une infinie variété de constitution. Si donc le Soleil rencontre dans une certaine région de la Galaxie un de ces nuages ou mieux encore une nuée de poussière cosmique constituant un écran qui intercepte ses rayons, voilà facilement expliquée la cause d’une période glaciaire, des périodes analogues pouvant se suivre dans le temps à la cadence observée chaque fois que le Soleil reviendra dans la même région de l’espace après 200 à 300 millions d’années. Plusieurs nuages d’une épaisseur convenable, situés à des distances convenables pourraient expliquer les diverses périodes glaciaires du quaternaire.

On se souvient que pendant la période permienne les régions généralement assez chaudes de l’Afrique du Sud, de l’Inde et de l’Australie se couvrirent de glace tandis que les régions septentrionales et même les alentours du pôle Nord ont joui d’un climat tempéré, ce que Wegener avait essayé d’expliquer par la dérive des continents, mais ce que l’on explique facilement par le mouvement du Soleil dans la Galaxie. La traversée d’un nuage de poussière cosmique a pu provoquer la période glaciaire à laquelle nous faisons allusion, puis le Soleil et la Terre étant sortis de ce nuage, celui-ci aurait pu réverbérer les rayons lumineux et calorifiques du Soleil vers les régions septentrionales de notre globe en y apportant un climat tempéré. Le mouvement du Soleil dans la Galaxie qui est scientifiquement démontré permettrait donc d’expliquer tous les phénomènes observés à condition de faire intervenir le nuage adéquat.

Cette théorie a été exposée en 1960 par l’astronome américain Shapley dans un important ouvrage intitulé « La variation des climats ». Lliboutry signale ce livre de Shapley dans la bibliographie de son traité de glaciologie et il n'est certainement pas opposé à cette théorie car il écrit à son sujet que parmi les causes susceptibles d’engendrer une période glaciaire il y a lieu de signaler la variation de l’énergie émise par le Soleil et reçue par la Terre après l’interposition de poussières cosmiques. Plus loin Lliboutry rend compte du travail de deux auteurs russes Svardikof et Svatkof qui font intervenir le mouvement du Soleil dans la Galaxie, le Soleil y décrit, dit-il, une ellipse très excentrique qui lui fait traverser périodiquement le plan de symétrie de la voie lactée, zone particulièrement riche en poussière cosmique. Il n'existe actuellement aucune explication plausible des périodes glaciaires autre que celle-ci, mais est-ce là le dernier mot de la science, nous nous garderions de le prétendre.

Vous vous demandez certainement si nous avons à craindre le prochain retour d’une période glaciaire. Cela n'est nullement impossible, toutefois la fin de la dernière période ne remonte qu'à 10.000 ans, alors que les périodes glaciaires du quaternaire sont généralement séparées par des intervalles de 20 à 50 000 ans, ce ne serait probablement pas pour tout de suite, en tous cas vous en seriez avisés par les journaux car dès le début d’une telle période il y aurait une diminution notable du rayonnement solaire qui ne pourrait passer inaperçue par les nombreuses stations qui, de par le monde, poursuivent ces mesures.

Quant à une nouvelle série de périodes glaciaires dans 200 à 300 millions d’années, c'est là une échéance tellement lointaine qu'à cette époque on peut craindre que l’humanité n'ait déjà complètement disparu de la surface du globe, car elle est à la merci de divers fléaux comme un excès de population, une guerre atomique et même une éruption solaire dont nous allons vous dire un mot. Le rayonnement solaire nous réserve pour l’avenir une inquiétante modification sur laquelle les astrophysiciens sont à peu près d’accord. Comme toutes les étoiles sur leur déclin le Soleil doit subir avant sa mort un dernier sursaut d’énergie qui échaufferait notre globe de quelques dixièmes de degré centigrade par million d’années et ce dernier stade de l’évolution solaire doit commencer incessamment. Quoique ces considérations restent assez vagues, il est cependant facile d’en déduire que, si elles sont exactes, l’humanité pourrait être définitivement exterminée par la chaleur dans 100 millions à 200 millions d’années, à moins qu'une nouvelle théorie ne vienne la sortir de ce mauvais pas.

Espérons cependant que la constatation de tant de cataclysmes passés, l’annonce de tant de cataclysmes futurs fassent apprécier par nos semblables la clémence des temps présents et les incite à tirer le meilleur parti des immenses possibilités qui leur sont données par l’actuelle douceur climatique.