Source : Extrait du Bulletin de la Société d’Astronomie Populaire de Toulouse (Janvier et février 1952)
Auteur : Emile Paloque
Cette conférence, organisée par le Comité des Fêtes de Toulouse, sous les auspices de la Société d’Astronomie Populaire, de la Société des Amis de l’Observatoire du Pic du Midi de la Société des Amis de l’Université, de la Société de Géographie et de l’Association Générale des Etudiants, a été faite le 11 juin 1950 au Grand Amphithéâtre de la Faculté des Lettres sous la présidence de M. le Docteur Gèzes, Président de la Société d’Astronomie Populaire de Toulouse, et refaite au siège de la Société, le 11 novembre 1951.
Provenance :Bibliothèque nationale de France
Je vous invite à oublier pendant quelques instants vos soucis quotidiens pour laisser voguer votre esprit dans ces régions éthérées où gravitent les corps célestes.
Vous vous apercevrez alors que les hommes sont, en quelque sorte, des compagnons de route sur la Terre qui nous emporte avec elle à une prodigieuse vitesse dans le monde fantastique des Astres.
Que penseriez-vous alors d’un voyageur qui, traversant de magnifiques paysages, ne s'occuperait que de l’intérieur du véhicule qui le transporte sans jamais regarder au dehors; ce serait bien là cependant le cas de celui qui, entièrement absorbé par des préoccupations terrestres, ne porterait aucun intérêt aux Astres qui apparaissent dans le Ciel.
J'aime à croire que tel n'est pas votre cas et que la vue de toutes ces merveilles a parfois éveillé votre curiosité si elle ne vous a suggéré des réflexions plus profondes.
Qui, parmi vous, ne s'est jamais demandé, par exemple, si les Planètes étaient habitées, dans ce cas "si elles sont habitables pour nous et si nous ne pourrions un jour quitter notre Terre de peines et de souffrances pour goûter là-haut d’un bonheur ineffable.
Mais avant de me laisser le temps de répondre, vous avez hâte de savoir si, malgré leur éloignement, les Astres peuvent avoir avec nous quelque rapport pratique et certain. Je vous répondrai aussitôt que leur action est à tel point importante qu'elle conditionne toute notre existence.
N'avez-vous donc pas remarqué l’influence de certains phénomènes astronomiques sur votre vie quotidienne, tels le lever et le coucher du Soleil ou le retour régulier des saisons et que deviendrait l’humanité si elle se trouvait privée tout à coup du rayonnement solaire ?
C'est encore l’Astronomie qui a réglé la conformation de votre corps, vos muscles étant proportionnés à la pesanteur terrestre, vos poumons adaptés à la pression atmosphérique, la température de votre corps étant légèrement supérieure à celle qui règne à la surface du globe; nous sommes à tel point adaptés aux conditions physiques de cette surface que la température et la pression rendraient notre vie impossible à 10 kilomètres seulement au-dessus ou au-dessous du niveau de la mer.
Durant toute notre vie, nous n'avons donc aucun espoir de découvrir un paradis ailleurs que sur la surface de la Terre.
En supposant donc que nous ayons un moyen pour nous transporter dans une autre planète et tout fait prévoir que de tels voyages deviendront possibles à bref délai, nous serions assurés de ne pouvoir y subsister; nous serions aussitôt suffoqués par la chaleur ou transis par le froid, nous manquerions d’oxygène ou bien nous serions asphyxiés par des gaz délétères, nous n'y trouverions certainement pas les aliments convenables.
Sur Jupiter par exemple la température est inférieure à 135° au-dessous de zéro et l’atmosphère est principalement composée d’ammoniaque liquéfié. Ce n'est vraiment pas habitable.
La planète Mercure n'a pas d’atmosphère, celle de Vénus ne contient que du gaz carbonique mêlé à des nuages de poussière. Sur la Lune qui est à 360.000 kilomètres de nous, c'est-à-dire tout à fait dans notre voisinage et particulièrement facile à atteindre, nous serions totalement privés de ces deux éléments indispensables pour nous que sont l’air et l’eau.
Pendant le jour lunaire qui dure 14 de nos jours terrestres le sol est porté à une température supérieure à 130 degrés, tandis que pendant la nuit elle descend à 150 degrés au-dessous de zéro. Toutes ces circonstances y rendraient notre vie impossible.
Un grossissement de 2.000 fois met la Lune à 180 kilomètres de nous seulement et à cette distance, il est facile de constater qu'il n'y a sur la Lune aucune trace de végétation ressemblant à la nôtre, aucun vestige d’une activité guidée par l’intelligence et cela mettra fin hélas à votre rêve chimérique de trouver ailleurs que sur la Terre de meilleures conditions d’existence, car même sur la planète Mars, pourtant fort engageante par la pureté de son climat, par la durée de sa journée voisine de 24 heures, par la faible valeur de sa pesanteur qui nous y donnerait le tiers seulement de notre poids, nous manquerions totalement de cet oxygène dont nous ne saurions nous, passer.
Les planètes sont-elles donc habitées ? Cela n'est nullement impossible, cela est même probable. Notre planète a été jadis une masse en fusion portée à une température de plusieurs milliers de degrés. La vie est apparue à sa surface quand celle-ci a été suffisamment refroidie et il n'y a aucune raison pour qu'elle n'apparaisse pas sur une autre planète sous une forme particulièrement adaptée aux conditions physiques de cette planète, mais encore faut-il que celle-ci soit pourvue d’une atmosphère favorable et que la chaleur comme le froid n'y dépassent pas certaines limites.
C'est ainsi que dans le Système solaire la vie n'est possible, en dehors de la Terre que sur les deux planètes : Vénus et Mars, mais tandis que la surface de Vénus est toujours voilée à nos regards, des variations saisonnières d’aspect constatées sur la planète Mars sont généralement attribuées à de la végétation; si donc il y a des végétaux sur la planète Mars, pourquoi n'y aurait-il pas des animaux; ceux-ci pourraient-ils présenter quelque ressemblance avec, les nôtres ? Nous pouvons le supposer. car ils auront encore besoin de membres pour se mouvoir, d’oreilles pour entendre; ils présenteront donc quelque analogie avec ceux de notre planète.
D’ailleurs, les biologistes admettent que certains organismes terrestres tels que bactéries, champignons, algues et mousses résisteraient à son atmosphère d’azote et de gaz carbonique raréfiés, à l’absence d’oxygène et à ses variations considérables de température oscillant chaque jour entre + 10° et -60° ; mais peux-t-on en conclure qu'une évolution progressive a développé sur cette planète des êtres supérieurs doués de l’intelligence ?
La science ne peut se prononcer, seule l’astronautique nous permettra peut-être un jour de recevoir des nouvelles de ces parents éloignés.
Voilà déjà bien des sujets de réflexion, mais pouvons-nous encore demander à l’Astronomie de nous renseigner sur notre avenir, non sur l’avenir de chacun de nous, mais sur celui de l’humanité tout entière, car les conditions mêmes de notre vie ne peuvent être réalisées que d’une manière temporaire; l’humanité a eu un commencement et elle aura une fin, ses possibilités d’existence étant directement liées à l’évolution du Soleil « Source éblouissante de la lumière, de la chaleur, de la vie et de la beauté », comme dit Flammarion; j'ajouterai de la presque totalité de l’énergie mise en œuvre à la surface de la Terre, mais le Soleil lui-même ne peut être une source inépuisable d’énergie.
N'avez-vous pas songé avec effroi au sort qui attend l’humanité quand cet ardent foyer qui nous anime s'éteindra faute de combustible; aussi les astronomes se sont depuis longtemps demandé quelle était la source de cette énergie que le Soleil rayonne à profusion dans toutes les directions et dont la Terre entière, corps infime dans l’espace, ne reçoit que la dix-milliardième partie.
Cette énergie pourrait-elle provenir d’un refroidissement lent et progressif de la matière qui constitue le Soleil; s'il en était ainsi quelques mois suffiraient pour refroidir entièrement sa surface.
S'agit-il alors d’une combustion, c'est-à-dire de Combinaisons chimiques dégageant de la chaleur ? Si le Soleil était uniquement formé de charbon et d’oxygène et si sa combustion devait produire la quantité de chaleur qu'il rayonne, mille ans suffiraient pour le consumer entièrement
Cette durée est évidemment tout à fait insuffisante. On a cru trouver l’origine de la chaleur solaire dans la contraction progressive de la matière par suite de la gravitation qui attire cette matière vers le centre.
De même qu'une détente produit du froid, une compression produit de la chaleur. Il suffirait que le Soleil se contractât d’un vingtième de sa valeur par million d’années pour expliquer son rayonnement et les observations n'auraient pu encore mettre en évidence le rétrécissement de son disque. Le Soleil pourrait de cette façon maintenir son rayonnement pendant 15 millions d’années.
Vous commencez à être un peu plus rassurés à mesure que s'éloigne l’échéance fatale et ce chiffre vous paraît peut-être acceptable, mais les Géologues l’ont encore trouvé très insuffisant.
Ils sont parvenus en effet à évaluer l’âge de la Terre par des méthodes assez différentes telles que l’étude des sédiments géologiques, l’état actuel des minéraux radioactifs, la quantité de sel contenue dans la mer. D’après ces diverses évaluations l’âge de la Terre serait de l’ordre de quelques milliards d’années.
Il a donc fallu trouver autre chose qu'une simple contraction pour expliquer comment le Soleil n'a pas eu le temps de se refroidir complètement depuis une époque aussi lointaine. Une seule explication restait possible ; il s'agit de la transformation de la matière en énergie.
La masse n'est plus, comme on le croyait jadis, un élément immuable de l’Univers, mais, par contre, la loi de la conservation de l’énergie reste la base fondamentale de notre système du monde, la matière y devenant l’équivalent d’une certaine énergie d’ailleurs formidable.
En effet, suivant la formule d’Einstein, un kilogramme de n'importe quelle matière représente une puissance de 30 millions de chevaux s'exerçant pendant une heure et avant que toute la masse du Soleil soit transformée en énergie rayonnante il faudrait paraît-il mille milliards d’années.
Mais il est fort difficile de mettre en œuvre cette énergie colossale dont chaque parcelle de matière contient une immense réserve, car il s'agit de désintégrations atomiques et les atomes, fort heureusement pour nous, présentent une remarquable cohésion.
On est parvenu cependant à les disloquer en les soumettant à un bombardement de corpuscules extrêmement rapides qui ont provoqué ces fameuses réactions nucléaires accompagnées d’un effroyable dégagement de chaleur.
Tel est le phénomène qui donne au Soleil et aux Etoiles leur chaleur et leur lumière, tel est aussi le principe de la bombe atomique et vous n'êtes plus étonnés maintenant que les rayons solaires soient si ardents bien qu'ils nous arrivent de 150 millions de kilomètres.
Mais tandis que dans le Soleil et les Etoiles une agitation corpusculaire intense due à la température provoque ces collisions mutuelles de particules atomiques, c'est en soumettant certains corps tels que l’Uranium à un bombardement de neutrons, que les physiciens sont parvenus sur la Terre à libérer l’énergie interne des atomes.
Découverte d’une incalculable portée par la répercussion qu'elle peut avoir sur notre vie économique et industrielle, découverte comparable par son importance à celle de la conquête du feu par l’homme préhistorique, découverte qui dépassera bientôt sans doute par ses applications celle de l’électricité, mais pour qu'elle devienne réellement pratique, il faudrait encore que l’on obtienne cette énergie avec des corps usuels à bon marché et que l’on puisse se protéger efficacement contre les atteintes nocives de ces réactions nucléaires; mais alors quelles merveilles les hommes de demain ne parviendront-ils pas à réaliser en disposant d’une énergie nouvelle aussi effroyable. Plût aux cieux qu'ils ne l’utilisent pas polir tuer ni pour détruire.
Ces phénomènes sont cependant plus répandus dans le monde que vous ne pourriez le supposer. Ainsi on considérait jusqu'à présent que dans toute combinaison chimique la masse du composé était rigoureusement égale à la somme des masses des composants.
A la lumière des découvertes atomiques, on admet actuellement que toute combinaison chimique dégageant de la chaleur est accompagnée par une diminution de masse, d’ailleurs très faible, et que le dégagement de chaleur accompagnant la combinaison résulte exclusivement de la destruction atomique de cette masse insignifiante.
Ainsi quand vous roulez en automobile en brûlant de l’essence de pétrole, toute l’énergie mise en œuvre résulte de la destruction atomique d’une infime partie de cette essence, si bien qu'en utilisant l’énergie atomique, on pourrait fort bien concevoir un véhicule ne dépensant qu'un centième de milligramme d’essence aux cent kilomètres; mais ce n'est là encore qu'une possibilité purement théorique.
D’ailleurs les corps ne diffèrent entre eux que par la disposition de leurs particules atomiques, celles-ci étant les mêmes pour tous les corps et maintenant que nous avons découvert le moyen d’agir sur ces particules, nous pouvons envisager la possibilité de passer de tel corps simple à tel autre corps simple, en particulier de fabriquer de l’or avec du plomb ou du mercure, comme cherchaient à l’obtenir jadis les alchimistes du moyen âge et comme tout récemment les Américains semblent y avoir réussi.
Les astronomes ont été les premiers à pressentir ces phénomènes dont les conséquences peuvent être pour nous si extraordinaires; ils les étudient tout à loisir à la surface du Soleil ou dans les spectres stellaires et ils constatent, non sans crainte, que l’Univers est principalement peuplé par des Etoiles à très haute température dont la matière est en voie de désintégration atomique; ainsi donc la bombe atomique représente dans la nature le cas général, tandis qu'il est tout à fait exceptionnel d’y rencontrer des corps refroidis et obscurs, favorables à l’éclosion de la vie.
Or, ces désintégrations atomiques si répandues dans l’Univers peuvent être terriblement funestes pour l’humanité et même pour toute matière vivante animale ou végétale, non seulement par leur souffle brûlant, mais encore par l’action des vapeurs radioactives qu'elles dégagent.
Si donc nous parvenons à réveiller dans la matière inerte ces forces occultes d’une aussi surprenante puissance, si nous amorçons sur la Terre d’aussi terribles combustions, plût aux cieux que nous puissions en diriger les effets et que nous ne soyons pas les artisans de notre perte en déchaînant un incendie que nous ne pourrions éteindre et qui, après avoir tué les hommes les animaux et les plantes, dévorerait notre globe au point d’en détruire même la substance matérielle.
Notre existence est donc intimement liée aux phénomènes astronomiques et leur étude apporte dans tous les domaines une ampleur de conception nouvelle, aussi nous ne pouvons lever les yeux vers ces astres innombrables qui luisent sur nos têtes dans le silence de la nuit sans reporter nos pensées vers ces vastes problèmes qui ont occupé les philosophes de tous les temps et auxquels la Science Astronomique apporte des solutions positives et cohérentes sinon définitives et l’on ne saurait ignorer l’influence qu'elle a eue depuis l’antiquité sur le développement de nos connaissances. Nous en marquerons les principales étapes et le bénéfice qu'en a retiré l’humanité.
Dix pages manquent
Depuis que la croûte terrestre est définitivement formée et la vapeur d’eau condensée dans les océans, que pour donner le moyen d’en calculer mathématiquement les effets.
Les astronomes lui doivent parmi tant d’autres découvertes l’invention du Télescope, mais son plus grand titre de gloire est assurément la loi de l’Attraction Universelle.
Assis un jour sous un pommier, une pomme tomba devant lui; il se mit alors à réfléchir sur la nature de ce singulier pouvoir qui sollicite tous les corps vers le centre de la Terre et qui s'exerce sans affaiblissement appréciable sur les plus hautes tours et au sommet des montagnes. « Pourquoi se demanda-t-il ce pouvoir ne s'exercerait-il pas jusqu'à la Lune et que faudrait-il de plus pour retenir la Lune sur son orbite autour de la Terre ? »
Ce n'était là qu'une conjecture; mais que Newton s'appliqua dès lors à vérifier. Kepler s'était bien déjà rendu compte que les Planètes étaient attirées par le Soleil, mais les connaissances mathématiques de son temps ne lui permettaient pas de lier entre eux d’une manière formelle le mouvement et la force qui en était la cause. C'est là ce que fit Newton par le seul miracle de la logique et du calcul.
De même que le développement de l’Astronomie grecque avait exigé dans l’antiquité le concours de la Géométrie et de la Trigonométrie, de même il a fallu créer de toutes pièces ces nouveaux grands chapitres des Mathématiques que sont le Calcul Différentiel et Intégral et la Mécanique Rationnelle sans lesquels les progrès de la science moderne eussent été impossibles.
Ces méthodes imaginées pour la première fois par Newton pour étudier les déplacements des astres du Système Solaire se trouvèrent vérifiées avec une remarquable précision. Les progrès de la Mécanique céleste dus principalement à d’illustres mathématiciens français, Laplace, Lagrange, Le Verrier, Poincaré, Andoyer, apportèrent une confirmation de plus en plus éclatante à l’exactitude de ces théories, si bien que la précision des positions d’astres calculées et prévues longtemps à l’avance, n'est plus limitée que par celle des observations elles-mêmes. Quelle plus grande satisfaction pouvait recevoir l’esprit de l’homme que de voir se vérifier dans le Ciel la logique de ses raisonnements.
C'est ainsi que trois observations d’une Planète ou d’une Comète suffisent pour déterminer les éléments de son orbite d’après lesquels on peut calculer à tout instant par la suite sa position précise.
Si cette orbite est parabolique ou hyperbolique, l’astre, après sa courte apparition, disparaît à jamais dans les profondeurs de l’espace.
Si cette orbite est elliptique, ce qui est le cas de toutes les Planètes et de quelques Comètes, nous sommes assurés de revoir l’astre à intervalles de temps réguliers, telle la Comète de Halley dont la période est de 76 ans à moins que, comme la Comète de Biéla, elle ne réapparaisse comme une pluie d’étoiles filantes, ce qui permet de supposer que les noyaux de Comètes sont formés par une agglomération plus ou moins dense de ces corpuscules.
Parties de régions fort lointaines, les Comètes se rapprochent de nous sous l’influence de l’attraction du Soleil qui leur communique un mouvement voisin de la parabole.
Le rayonnement calorifique du Soleil, d’une part les échauffe en provoquant à leur surface un dégagement de vapeur, d’autre part exerce sur ces particules gazeuses extrêmement ténues une force répulsive, la pression de radiation qui forme ces terrifiants panaches ou queues des Comètes, toujours opposées au Soleil et dont la longueur peut atteindre des centaines de millions de kilomètres !
Si ces astres inspirent la terreur, c'est assurément sans raison car leur faible masse les rend tout à fait inoffensifs et quant à leurs queues elles sont formées de gaz à tel point raréfiés que nous pouvons les traverser sans dommage sans même nous en apercevoir.
Que sont donc ces étoiles filantes qui forment les Comètes et dont l’éclat fugitif pique votre curiosité ?
Ce sont de très petits fragments solides ne pesant généralement que quelques décigrammes qui, suivant la loi de l’attraction universelle, gravitent autour du Soleil et viennent parfois frôler notre atmosphère à la vitesse de 30 à 40 kilomètres par seconde.
Le frottement contre les molécules d’air les échauffe au point de les rendre incandescents et ils se consument en un instant.
Si leur masse est plus importante, ils nous apparaissent comme un bolide en feu suivi d’une gerbe d’étincelles qui leur donne l’aspect d’un engin à réaction. Pour un observateur à terre, il se déplace rapidement dans le ciel et disparaît à l’horizon au bout de quelques secondes, mais pour un observateur à grande altitude, l’impression est toute différente.
Les fameuses soucoupes volantes sont très probablement des bolides de ce genre vus à bord d’un avion d’où il est possible de les apercevoir pendant qu'ils effectuent un trajet de plusieurs milliers de kilomètres, ce qui dure une à deux minutes. Tandis que le bolide s'éloigne rapidement en restant très lumineux, il paraît à peu près immobile dans le ciel. Les aviateurs apprécient mal leur dimension, leur distance et leur vitesse auxquelles ils attribuent celles qui conviendraient à un avion alors qu'en réalité il s'agit d’un objet situé à cent kilomètres d’altitude, à mille kilomètres de distance se déplaçant à cent mille kilomètres à l’heure.
Si la masse de ces météores atteint 5 kilogrammes et si leur trajectoire est dirigée vers le sol, ils peuvent alors tomber sur la terre avec un grand fracas, mais bien rares ceux qui seront les témoins d’un aussi curieux spectacle.
Celui-ci peut aussi devenir dangereux quand le météore atteint de plus grandes dimensions, tel celui de 1908 qui est tombé en Sibérie dévastant la forêt à plus de 50 kilomètres de distance, dans une région fort heureusement inhabitée. Plus extraordinaire encore a dû être la chute du météore pesant des milliers de tonnes qui a creusé, il y a plusieurs siècles, le fameux Météor crater de l’Arizona.
Il n'y a d’ailleurs pas de distinction essentielle à établir entre ces météores et les petites planètes dont les diamètres peuvent varier d’une centaine de mètres à quelques centaines de kilomètres; plus de 1600 d’entre elles ont été déjà cataloguées et on en découvre chaque jour de nouvelles par la photographie. Les observations de ces petites planètes permettent de calculer très exactement leurs orbites et de prévoir d’avance leurs positions, aussi je puis vous assurer qu'aucune d’elles ne peut entrer en collision avec nous, au moins dans un avenir rapproché.
Une telle éventualité n'est cependant pas impossible, on pourrait la prévoir quelques semaines à l’avance et elle serait certainement de nature à mettre d’accord tous les peuples de la Terre qui ne pourraient savoir d’avance lequel d’entre eux serait anéanti par la terrible collision; mais, rassurez-vous, la probabilité d’un tel événement reste fort heureusement très faible; cependant nous avons failli heurter le 31 octobre 1937 une planète d’un kilomètre de diamètre pesant des milliards de tonnes et cette collision qui aurait pu faire des millions de victimes aurait sans doute modifié le cours des événements terrestres.
Vous demanderez encore : La Terre ne pourrait-elle à la longue tomber sur le Soleil ou bien s'en éloigner indéfiniment. L’humanité est-elle destinée à périr dans les flammes ou dans les glaces ?
Soyez encore rassurés, la nature s'efforce de vous éviter ces supplices car d’après le théorème de l’invariabilité des grands axes et des moyens mouvements, les distances moyennes du Soleil aux planètes. tout comme les durées de révolution ne peuvent avoir que des perturbations périodiques ils n'ont pas de perturbations séculaires c'est-à-dire susceptibles d’augmenter indéfiniment avec le temps. Nous ne pouvons donc ni nous éloigner, ni nous rapprocher notablement du Soleil, ce qui empêche toute collision entre grosses planètes en assurant la longévité de notre système planétaire.
C'est là un élément de cette harmonie universelle dont les phénomènes célestes nous donnent l’exemple et qui est caractérisée par l’extrême régularité des mouvements périodiques, la lenteur des variations séculaires, l’impossibilité des cataclysmes; n'est-elle pas un idéal vers lequel devraient tendre les efforts des individus et des sociétés.
L’Astronomie a encore permis de donner une définition concrète du temps, les observations des astres permettant à tout instant de mettre à l’heure nos horloges.
L’unité de temps est le jour solaire moyen; nous supposons donc que la Terre tourne sur elle-même d’un mouvement uniforme, ce qui n'est pas tout à fait exact car le phénomène des marées par exemple constitue un frein qui ralentit ce mouvement.
On a calculé qu'il faudrait environ 100.000 ans pour que la durée du jour augmentât de 1 seconde et que dans un avenir très lointain sans doute, la Terre tournerait toujours la même face vers le Soleil.
Une moitié de notre globe sera toujours éclairée, une autre toujours dans l’ombre et le Soleil paraîtra sensiblement immobile dans le Ciel. Oh ! heureux mortels de 1951 qui ne connaissez pas votre bonheur ; quel triste séjour deviendra la Terre quand il n'y aura plus ni aurore, ni crépuscule.
L’Astronomie permet encore aux marins de se diriger en pleine mer, aux géographes de dresser des cartes, précieuses applications de l’Astronomie de position dont on s'est occupé exclusivement pendant des millénaires et encore se bornait-on à étudier les astres du Système Solaire qui n'occupe dans les espaces célestes qu'une place vraiment infime.
Que sont en effet les 150 millions de kilomètres qui nous séparent du Soleil, cette distance étant à peu près négligeable dans nos calculs les plus précis par rapport à celle des étoiles les plus rapprochées de nous; mais que de difficultés n'a-t-il pas fallu surmonter pour déterminer ces effroyables distances.
Dès le xvie siècle, les astronomes qui connaissaient déjà les dimensions de l’orbite terrestre espéraient qu'en observant une même étoile de deux points opposés de notre orbite, en effectuant par exemple une observation en janvier, une autre en juillet, ils constateraient dans la position de l’étoile une modification notable dont ils pourraient déduire sa distance.
Mais bien que la base adoptée ait 300 millions de kilomètres, le double de la distance de la Terre au Soleil, celle-ci était infiniment petite en comparaison avec celle des étoiles les plus rapprochées de nous et au milieu du xviie siècle, les étoiles pouvaient être considérées comme infiniment éloignées.
Le début du xixe siècle marque la découverte des étoiles doubles qui devait permettre la détermination de leurs masses et l’application du spectroscope à l’analyse profonde du rayonnement des étoiles. Que de progrès réalisés depuis cette première tentative alors qu'aujourd’hui les grands spectrographes montés sur des télescopes géants nous apportent sans cesse de prodigieux enseignements sur le monde sidéral.
Ils nous font connaître la composition chimique des étoiles, leur température, leur mouvement de rotation sur elles-mêmes, leur vitesse d’éloignement ou de rapprochement et même leur distance, mais ils font principalement apparaître dans leurs raies spectrales tous ces phénomènes atomiques si riches de conséquences que les physiciens et les chimistes ne pourraient observer à la surface de la Terre puisque dans ces creusets gigantesques que sont les étoiles, la matière est soumise à des pressions fantastiques et à des températures qui se chiffrent par millions de degrés.
Un premier résultat de ces recherches est l’unité de constitution de tous les astres sans exception puisque le spectrographe fait apparaître dans le Soleil et les Etoiles les mêmes corps exactement que sur la Terre, les météorites qui tombent parfois sur notre globe sont également formés par les corps qui nous sont les plus familiers, aussi nous n'avons pas lieu de croire que la Terre jouit de prérogatives spéciales et tout nous fait supposer que la matière vivante, elle aussi, a les mêmes propriétés dans l’ensemble de l’Univers.
Il faut attendre le milieu du xixe siècle pour obtenir la première détermination de la distance d’une étoile par la méthode avec laquelle on avait échoué un siècle auparavant ce qui fait ressortir l’immensité du monde sidéral et peu à peu les observations visuelles font place à la photographie. Mais malgré le nombre et la précision de plus en plus grande des résultats le mystère des étoiles n'était pas éclairci à la fin du xixe siècle car il restait à coordonner et à interpréter.
C'est là l’œuvre à laquelle s'attachent les astronomes du xxe siècle avec de si déconcertants succès obtenus grâce à des moyens de plus en plus puissants, à l’analyse d’innombrables résultats par les méthodes nouvelles de la statistique mathématique, grâce surtout à l’impulsion qui a été donnée à l’Astronomie par les théories physiques modernes, l’infiniment petit permettant d’expliquer l’infiniment grand.
Voici maintenant quelques résultats généraux sur cet Univers sidéral, désormais le nôtre, au milieu duquel le Soleil n'est plus qu'une étoile parmi d’innombrables étoiles.
Ces étoiles, tout comme le Soleil, ont des masses relativement très voisines, tandis que leurs éclats présentent des écarts considérables ainsi que leurs volumes. Il existe des étoiles naines et des étoiles géantes.
Telle étoile géante a un volume tel qu'on logerait à son intérieur 110 million de Soleils alors que le Soleil a un volume 3 millions de fois supérieur à celui de telle étoile naine. Et voilà qui va soumettre votre vanité à une rude épreuve, le Soleil est classé dans la catégorie des étoiles naines.
Les volumes et les masses des étoiles permettent de calculer leurs densités qui présentent des différences tout aussi prodigieuses; telle étoile naine a une densité 3.000 fois supérieure à celle du plomb, tandis qu'une étoile géante peut avoir une densité un million de fois moindre que la densité de l’air.
Ces résultats suggèrent l’idée d’après laquelle les étoiles seraient d’immenses masses gazeuses dont les différences de densité pourraient s'expliquer par des différences de pression.
Cette conception a permis à Eddington de percer le mystère de l’égalité des masses stellaires qui sont comprises entre certaines limites calculées d’avance. Il est alors facile d’expliquer la formation d’une étoile dont la masse est voisine de celle du Soleil tandis qu'il est plus difficile d’expliquer la formation d’une planète de faible masse comme la Terre.
Ainsi les systèmes d’étoiles doubles et multiples tournant les unes autour des autres constituent le cas général, les systèmes planétaires comme le Système Solaire dans lesquels des planètes de faible masse tournent autour d’une étoile représentent un cas particulier dont la probabilité de formation est assez faible.
Non seulement les Planètes sont fort rares, mais encore la vie ne peut apparaître que sur un petit nombre d'entre elles car une masse insuffisante comme celles de la Lune ou de Mercure ne peut retenir à sa surface les particules d’une atmosphère de sorte qu'une telle planète se trouverait complètement dépourvue de gaz et de liquide; une masse un peu inférieure à celle de la Terre ce qui est le cas de la Planète Mars ne peut retenir qu'une atmosphère raréfiée laissant subsister de grosses différences de températures entre le jour et la nuit, une masse supérieure à celle de la Terre retient dans son atmosphère des gaz nocifs; sur une planète plus rapprochée que la Terre de son Soleil, la chaleur serait intolérable, plus éloignée le froid trop rigoureux.
En somme les planètes sont peu nombreuses les conditions de la vie sur ces planètes difficilement réalisables et nous pourrions nous estimer heureux de compter parmi les rares élus qui peuplent l’Univers.
Ce qui sera plus tard une étoile n'est tout d’abord qu'une immense nuée de vapeur froide, non homogène et d’une densité infime. Les particules de matière qui constituent cette nuée vont peu à peu se rassembler autour d’un noyau plus dense que sa contraction échauffe progressivement.
Au milieu de la vapeur primitivement froide et obscure apparaît enfin le globe incandescent dont la clarté illumine la nuée tout entière qui lui a donné naissance. Tel est le phénomène le plus courant des nébuleuses galactiques au milieu desquelles étoiles et nébulosités sont mélangées dans une même formation.
L’étoile géante continuant à se contracter son volume diminue pendant que sa température s'élève sous l’influence de la gravitation et on admet qu'une température intérieure de 300.000 degrés doit être suffisante pour amorcer les phénomènes de dissociation atomique.
Il en résulte un effroyable dégagement de chaleur qui, suivant la théorie, doit être réparti sur un très long espace de temps, l’étoile passe successivement par les divers types spectraux et par les diverses colorations du spectre depuis le rouge jusqu'au violet et elle atteint son maximum de température et d’éclat quand sa périphérie est à 50.000 degrés, son centre à 40 millions de degrés.
Elle va se refroidir lentement et elle repassera en sens inverse par chacun des stades qu'elle vient de franchir, son volume continuant à diminuer et son rayonnement s'opérant toujours aux dépens de sa masse par l’anéantissement de sa propre matière.
Après avoir brillé pendant des milliards d’années toutes les Etoiles finiront par s'éteindre et disparaître à jamais du firmament. Mais ces étoiles ne sont que des grains de poussière au milieu de la Nébuleuse Spirale, véritable unité cosmique de l’Univers.
En effet, les Etoiles qui nous environnent ne s'étendent pas indéfiniment dans l’espace; elles forment une sorte de nuée cosmique, un gigantesque amas, une nébuleuse spirale isolée de toutes parts au milieu de laquelle le Soleil et l’insignifiante poussière de ses planètes ne sont que de bien modestes éléments.
Quelle est donc la forme extérieure de cet amas colossal et quelle place le Soleil occupe-t-il au milieu de ces innombrables étoiles qui nous environnent ?
Si nous scrutons le ciel avec nos instruments dans des directions perpendiculaires à la voie lactée, nous n'y rencontrons aucune étoile qui soit extrêmement faible, par contre dans la direction de la voie lactée les clichés photographiques font apparaître un véritable fourmillement d’étoiles et celles-ci sont de plus en plus nombreuses quand on augmente la durée des poses ou la puissance des instruments.
On en conclut aisément qu'il n'y a là qu'un effet de perspective et que l’amas d’étoiles au milieu duquel nous nous trouvons est aplati suivant le plan galactique ou plan de symétrie de la voie lactée, d’où son nom de Galaxie.
Nous sommes sensiblement situés dans ce plan puisque la voie lactée occupe un grand cercle de la sphère céleste, mais nous ne sommes pas situés au centre de la Galaxie. Des recensements d’étoiles faibles permettent de supposer que nous sommes à peu près à égale distance du bord et du centre, ce fameux centre étant situé dans la région du ciel où apparaît la plus extraordinaire concentration d’étoiles faibles, la constellation du Sagittaire que l’on voit à l’œil nu, pendant les mois d’été sous la forme d’un nuage laiteux.
Or l’étude des mouvements stellaires a permis de reconnaître que toutes les étoiles du Ciel décrivent des orbites analogues autour de cette constellation du Sagittaire qui joue dans la Galaxie le même rôle que le Soleil dans le système solaire et c'est ainsi que l’ensemble des étoiles voisines du Soleil tourne autour de ce centre à la vitesse de 300 kilomètres par seconde, ce qui correspond à une durée de révolution de 200 millions d’années, durée qui sépare justement les périodes glaciaires successives.
D’après les mouvements orbitaux des étoiles, on a évalué cette masse centrale de la Galaxie qui équivaut à 130 milliards de fois la masse du Soleil, alors que l’on obtenait comme masse totale de tous les corps matériels contenus dans la Galaxie, y compris les étoiles, les astres obscurs et la matière ' interstellaire 200 milliards de fois la masse du Soleil.
Ne trouvez-vous pas surprenant que l’on soit parvenu ainsi à peser le monde.
Quant aux dimensions de la Galaxie, je renonce à les représenter, elles sont pour ainsi dire infiniment grandes par rapport à la distance mutuelle de deux étoiles voisines, distance qui nous apparaissait elle-même comme infiniment grande par rapport aux dimensions du système solaire et je crois qu'il vous serait déjà difficile de vous représenter ces dimensions du système solaire avec les unités qui vous sont familières.
Or, cette Galaxie d’une si extraordinaire étendue n'est encore pas l’ensemble de l’Univers, ce n'est qu'une nébuleuse spirale à laquelle nous appartenons.
Bien au-delà de ses limites, une multitude d’autres nébuleuses spirales présentent une constitution et des dimensions analogues, elles semblent s'étendre indéfiniment dans les profondeurs de l’espace et leurs distances dépassent toute imagination. L’Univers nous apparaît alors d’une ampleur vertigineuse et il nous reste cependant à résoudre un problème plus vaste encore, celui de sa naissance et de sa mort.
Déjà nous avons trouvé comme âge de la Terre quelques milliards d’années. Des voies très différentes nous conduisent à adopter un âge analogue pour le Soleil et pour la presque totalité des étoiles; or, il est très remarquable que la considération des mouvements stellaires de la Galaxie fasse remonter à quelques milliards d’années environ l’origine de ces mouvements.
Ainsi donc la Terre, le Soleil et toutes les étoiles du ciel ont été formées en même temps. Que se passa-t-il donc à cette date fameuse qui marque le commencement du monde galactique.
La condensation de matière autour d’une même étoile qui vous paraissait tout à l’heure si grandiose n'est plus maintenant qu'un épisode se répétant deux cents milliards de fois dans l’événement prodigieux.
Dès que la contraction gravifique de l’immense masse a déchaîné les phénomènes de désintégration atomique, c'est la pression de radiation qui devient la force maîtresse de l’événement. C'est elle qui va provoquer de formidables explosions partageant cet immense magma de matières incandescentes en une multitude d’étoiles ayant sensiblement la même masse, elle va leur donner une impulsion qui les éloignera les unes des autres; aidée par l’attraction universelle qui ne perd jamais ses droits; elle va disposer ces étoiles le long de branches de spirales qui font ressembler ces gigantesques formations à des soleils de feux d’artifice du 14 juillet auxquels la poudre enflammée s'échappant sur un côté communique un mouvement de rotation tout en formant ces panaches d’étincelles lumineuses ayant eux aussi la forme de spirales.
Et maintenant que voilà notre monde galactique constitué, nous voudrions savoir pendant combien de temps il nous sera possible d’en jouir.
Si toute la masse du Soleil et des Etoles était susceptible de subir la désintégration atomique leur rayonnement pourrait durer, paraît-il, mille milliards d’années, mais suivant des études récentes, de nombreux corps résisteraient sans se désintégrer à cette température qui atteint cependant 40 millions de degrés, de sorte qu'il faudrait réduire cette première évaluation à une centaine de milliards d’années.
Or, le Soleil n'a encore brillé que pendant quelques milliards d’années; il doit donc lui rester d’importantes réserves de combustible, aussi ne le considère-t-on plus aujourd’hui comme un astre sur son déclin, mais au contraire on admet qu'il pourra devenir cent fois plus brillant, que la surface de la Terre pourra être portée à la température moyenne de 300 degrés, que l’humanité doit périr par la chaleur et non par le froid à moins que la diminution de la masse du Soleil par suite de son rayonnement ne nous en éloigne assez pour nous soustraire à ce nouveau cataclysme.
Peut-être les régions polaires si déshéritées deviendront-elles un jour les grands centres de l’activité humaine.
On peut espérer cependant que la vie restera possible sur la Terre pendant quelques milliards d’années et c'est plus qu'il n'en faut pour donner à l’humanité d’immenses possibilités.
On se plaît imaginer que l’homme ayant enfin dépouillé ses vieux instincts de barbarie primitive ne vivra plus que dans l’altruisme et la paix à la recherche des joies de l’esprit, mais hélas, ce n'est là sans doute qu'une utopie car on peut craindre sa disparition prématurée comme conséquence d’une évolution trop spécialisée, d’un excès de population, d’un gaspillage de ses richesses, de guerres meurtrières auxquelles il ne pourrait survivre, encore reste-t-il à la merci d’un cataclysme naturel; on ne sait même s'il faut souhaiter que son évolution en fasse un surhomme dont l’intelligence serait assez pénétrante pour lui permettre de concevoir d’emblée la solution de tous les problèmes en même temps qu'il en connaîtrait les données.
Il reste encore une menace dans notre avenir plus immédiat, c'est cette variation des climats qui peut fort bien ramener sur la Terre de nouvelles périodes glaciaires et diluviennes. Si certaines de ces périodes remontent à la nuit des temps, plusieurs sont contemporaines de l’homme, la dernière étant même toute récente et quoique nous ne puissions affirmer avec certitude la cause du phénomène, nos régions tempérées peuvent fort bien encore se couvrir de neiges et de glaces. Il y a seulement 8.000 ans, dit M. Roger Heim, directeur du Museum, une sorte d’immense, parc étendait du Nil au Niger ses bois et ses cultures, tandis que des peuplades de pasteurs et d’agriculteurs vivaient dans l’actuel désert du Sahara, cultivant leurs champs ou élevant leurs troupeaux de chèvres, de moutons et de bœufs à longues cornes, comme en témoignent les gravures et les peintures qu'ils nous ont laissées et que la sécheresse de ces lieux a remarquablement conservées.
C'est sans doute dans ces régions dès lors habitables que nous devrons chercher si le fléau se renouvelle; espérons que l’homme moderne sera mieux armé pour se défendre que l’homme préhistorique et dans l’incertitude d’une pareille éventualité, nous n'avons pas lieu de nous en tourmenter d’avance.
Mais hélas ! tout a une fin ici-bas, aussi dans un avenir très lointain sans doute, mais fatal et inéluctable, le Soleil et les Etoiles s'éteindront à jamais tandis que par l’augmentation de vitesse résultant de la diminution de leur masse, elles échapperont à l’attraction de la Galaxie et leurs débris refroidis et obscurs se perdront dans l’espace.
De tous côtés nous assistons à une dépense formidable d’énergie et nous ne voyons pas comment l’Univers peut en récupérer la plus petite parcelle. Si cette énergie se perdait dans l’espace infini l’Univers serait voué dans son ensemble à une mort certaine par refroidissement général.
Pouvons-nous sauver l’Univers en supposant que cette chaleur est régénérée sous forme d’énergie? Non! suivant les théories classiques cette hypothèse ne pourra que retarder l’échéance suprême, elle ne pourra l’éviter.
La thermodynamique nous enseigne en effet que la chaleur ne peut être intégralement transformée en énergie utilisable, même par un mécanisme idéalement parfait. Cette transformation comporte une perte inévitable qui condamne encore l’Univers à une mort tardive peut-être mais certaine par égalisation des températures de tous les corps qui le composent ; et si cette mort est inévitable, pourquoi n'est-elle pas déjà établie ?
Or, cette mort de l’Univers qui nous est enseignée par la thermodynamique classique, notre esprit ne peut se résoudre à l’accepter, mais ici nous quittons les rivages solides des observations astronomiques pour entrer dans le domaine des hypothèses.
Si l’on a quelques raisons de croire que la matière est susceptible de se transformer en énergie, ne pourrai-ton supposer qu'inversement l’énergie est susceptible de se transformer en matière. Bien que jusqu'à présent une telle transformation n'ait jamais été observée et qu'elle reste tout à fait hypothétique, elle seule, semble-t-il permettrait à l’Univers d’échapper à la mort et de renaître indéfiniment de ses cendres.
Cette hypothèse sur la transformation de l’énergie en matière qui aurait paru si audacieuse il y a une trentaine d’années peut être considérée aujourd’hui comme une conséquence logique de la théorie de la Relativité d’Einstein.
« Théorie qui a bouleversé sans retour nos conceptions du monde, aussi bien celles du philosophe que celles du savant » dit M. Paul Couderc ,
Quelques personnes mal informées la considèrent encore comme une pure fiction mathématique, d’autres comme une théorie philosophique d’avant-garde qui demande sans nécessité à notre raison des concessions acrobatiques. En réalité elle est l’instrument de travail quotidien pour l’instant nécessaire et sans rival de tous les physiciens qui dissèquent l’atome, déchiffrent les spectres, calculent les énergies et sans elle aucune recherche atomique ne serait aujourd’hui possible.
Avec la Relativité, la masse n'est plus un élément de matière, mais un coefficient variable avec la vitesse.
Le temps perd son caractère absolu en ce sens qu'il s'écoule différemment dans des systèmes en mouvement l’un par rapport à l’autre.
L’espace est fini bien que sans limite et l’on peut fort bien admettre qu'un corps en se déplaçant toujours dans le même sens finisse par revenir à son point de départ.
L’infinité de l’espace et l’éternité des siècles qui semblaient jadis les plus sublimes conceptions de l’esprit humain deviennent des idées retardataires et périmées. L’ordre dans le temps et dans l’espace dépend de certains paramètres de la théorie d’Einstein, l’Univers est conforme à certains modèles auxquels les observations seules permettront de donner des bases de mieux en mieux établies.
Or, déjà la théorie d’Einstein fait apparaître une force répulsive proportionnelle à la distance et qui se superpose à l’attraction universelle. A partir d’une certaine distance d’ailleurs supérieure aux dimensions de la Galaxie, la répulsion l’emporte sur l’attraction, ainsi les objets rapprochés s'attirent par suite de l’attraction universelle, les objets éloignés se repoussent par suite de l’effet Einstein,
Ce résultat théorique se trouve remarquablement confirmé par la fuite éperdue des nébuleuses spirales qui s'éloignent toutes avec des vitesses vertigineuses d’autant plus grandes qu'elles sont plus éloignées de nous.
Ces nébuleuses spirales ne constituent donc pas un phénomène statique et on ne pourrait admettre qu'elles remplissent indéfiniment l’espace puisqu'elles se trouvaient resserrées, il y a quelques milliards d’années, dans un espace beaucoup plus restreint.
Ainsi donc ce ne sont pas seulement la Terre, le Soleil et toutes les Etoiles de la Galaxie qui ont été formées en même temps, mais encore toutes les Galaxies de l’Univers qui semblent donner une date au commencement du monde.
Ces théories sont-elles exactes ou inexactes, le temps et l’espace finis ou infinis, l’expansion de l’Univers est-elle définitive ou bien sera-t-elle suivie d’une contraction ? Nous n'avons encore aucune certitude, mais de grandes présomptions plaident en faveur de l’espace fermé. Faut-il donc regretter nos anciennes conceptions ?
De même qu'un être microscopique vivant à l’intérieur d’une goutte d’eau ne pourrait certes pas concevoir tous les phénomènes qui se passent à la surface de la Terre, de même en explorant avec des Télescopes géants les nébuleuses spirales les plus lointaines, nous ne pourrions apercevoir que la part insignifiante d’un Univers infini qu'il serait vain, de notre part, de vouloir juger dans son ensemble et toute la vie de l’humanité ne se rait qu'un épisode éphémère dans l’évolution d’un monde éternel.
Il faut le reconnaître, l’Univers fini d’Einstein est plus près de nous et donne une plus grande signification à notre existence; mais si l’on peut calculer et prévoir les phénomènes, on ne les explique cependant pas de sorte que le monde reste pour nous une énigme.
Voir à ce sujet :
Un corps abandonné à lui-même tombe sous l’effet de son poids, quoi de plus naturel semble-t-il, mais au contraire quoi de plus inconcevable que l’attraction universelle pour qui veut bien réfléchir ?
L’équivalence de la matière et de l’énergie n'en exige pas moins l’existence de cette matière ou de cette énergie pour créer le monde et même en lui donnant pour origine un atome primitif radioactif d’où il serait sorti tout entier comme les évolutionnistes les plus hardis font dériver toutes les formes de la vie d’une cellule vivante initiale, on ne fait que reculer la difficulté car il faut encore un miracle pour créer ce premier atome ou cette première cellule.
Et pour ne pas laisser votre pensée inquiète devant d’aussi graves problèmes, je terminerai en vous livrant un secret.
Parmi tous les rapports qui existent entre les hommes et les astres, après vous avoir expliqué comment on peut fabriquer l’or avec de vils métaux, voici comment grâce à l’Astronomie vous pourriez conserver la jeunesse.
Pour cela il vous faudrait, comme le voyageur de Langevin, quitter la Terre à l’intérieur d’un engin stratosphérique qui, une fois libéré du champ de gravitation terrestre et grâce à l’accélération que lui donnerait son procédé de propulsion, atteindrait des vitesses vertigineuses de l’ordre de la vitesse de la lumière, ce qui n'est peut-être pas impossible grâce à l’énergie atomique.
On peut d’ailleurs adopter une accélération égale à celle de la pesanteur afin que votre poids reste le même que sur la Terre.
Vous aurez bien entendu, à l’intérieur de cet engin tout ce qui peut être nécessaire et même superflu pour assurer et agrémenter votre existence, mais vous n'oublierez pas d’emporter votre montre, ni de la remonter régulièrement car dans les espaces intersidéraux, vous n'aurez plus la notion de la durée du jour que vous donnait sur la Terre le lever et le coucher du Soleil; aussi
ne manquerez-vous pas de consigner sur un agenda les dates successives chaque fois que votre montre avancera de 24 heures.
Par rapport au mouvement de votre montre, le rythme de votre respiration et celui des battements de votre cœur resteront exactement les mêmes que sur la Terre et votre montre marquera le temps vécu de la même manière que par le passé.
Mais suivant les principes de la Relativité généralisée d’Einstein, votre montre retardera par rapport à nos horloges terrestres, le temps s'écoulant moins vite dans votre engin en mouvement, de sorte que si vous revenez à votre point de départ sur la Terre au bout de 200 ans marqués par nos calendriers et nos horloges, on peut fort bien donner à l’engin stratosphérique des vitesses telles qu'il ne se soit écoulé que deux ans seulement pour vous marquer par votre montre et par votre agenda.
Voici donc grâce à la théorie de la Relativité et à l’énergie atomique un moyen de conserver la jeunesse puisque vous n'aurez vieilli que de deux ans tandis que les humains vieillissaient de deux cents ans, mais vous n'aurez pu cependant jouir de L’existence que pendant deux ans seulement à l’intérieur de votre engin diabolique.
Le temps s'écoulera normalement pour tous, tandis que pour vous seul à l’intérieur de votre boîte magique nous empêcherons le temps de passer, à votre gré pendant un an, dix ans, cent ans, ce qui vous permettra de confondre vos héritiers en défiant la vieillesse et la mort.
Je ne puis vous renseigner sur le prix du billet, mais vous pouvez être assuré que la Science vous ménage encore bien des surprises.
Que conclure ? Tout d’abord il est assez consolant de constater l’harmonie qui règne dans l’Univers et qui laisse à l’humanité l’espérance d’une longue période exempte de cataclysmes célestes devant lesquels l’homme se trouverait désarmé; d’autre part la Science astronomique se révèle un élément très important de la connaissance humaine car dans toutes les disciplines elle ouvre des voies singulièrement audacieuses.
Aux mathématiciens elle pose des problèmes grandioses dont la solution théorique reçoit d’éclatantes vérifications concrètes; aux physiciens elle révèle tout un monde nouveau de phénomènes qui échappent à l’expérimentation terrestre, aux chimistes elle apporte la réalisation d’un rêve presque chimérique, la transmutation des corps si longtemps recherchée en vain.
Indispensable aux géodésiens, aux navigateurs et aux géographes, elle renseigne utilement les biologistes, les géologues, les archéologues et les historiens.
A tous elle fournit des sujets de méditation dans ces deux domaines qui semblent dépasser les facultés humaines : l’éternité et l’immensité.
Elle nous conduit à envisager un passé et un futur tellement éloignés que toute la vie de l’humanité n'est plus qu'un moment passager.
Elle permet à notre esprit de s'évader dans l’espace infini des astres et des mondes et il n'est pas besoin de s'éloigner beaucoup pour que la Terre ne soit plus qu'un grain de poussière perdu au milieu d’espaces glacés parmi d’effroyables incendies.
Mais en regardant de plus près dans cet Univers inhospitalier, la surface de notre planète apparaît avec ses riantes contrées comme un véritable paradis.
Elle est peuplée par une race élue, unique en son genre dans tout l’Univers dont la remarquable intelligence peut découvrir les secrets de la nature et en asservir les forces à ses propres besoins, ces forces naturelles qui, entre ses mains, peuvent devenir si salutaires ou si dangereuses à mesure que se développe son savoir.
A cette race humaine privilégiée, encore dans l’enfance, abandonnée à elle-même, prisonnière et isolée sur un rocher qui flotte dans l’espace, que la Science Astronomique donne pour la première fois conscience de son unité, qu'elle réalise sa cohésion, qu'elle lui suggère ces sentiments d’union, d’entente et de solidarité qui sont la condition essentielle de son bonheur et de sa prospérité.
Dans cet Univers où naissent et meurent les Etoiles faites de lumière et de feu par un prodigieux déchaînement de leur matière incandescente, les hommes eux aussi naissent et meurent, pétris de la même matière obscure et tiède, mais animée par un mystérieux principe de vie d’où jaillit la pensée, force immatérielle combien puissante pour analyser le mécanisme des phénomènes, mais à jamais désemparée parce qu'elle n'en peut saisir le sens profond.
EMILE PALOQUE,
Directeur de l’Observatoire de Toulouse.
Imp., Toulousaine Vve Lion et Fils 2, rue Romiguières