Rotation de la galaxie
1937 Création septembre 2020

Source : Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse
Auteur : Emile Paloque
1937
Provenance : Bibliothèque nationale de France

Une petite contrée seulement de notre globe était tout l’univers de l’homme antique, il se croyait au centre du monde et considérait les astres comme n'ayant été mis dans le ciel que pour sa propre satisfaction.

Par un effort continuel de recherche, la vérité se faisait jour peu à peu, avec la mise en évidence du mouvement de rotation de la terre, la détermination de sa forme et de sa grandeur ; mais à mesure que s'élargissait le domaine de nos connaissances, les dimensions mêmes de ce globe semblaient diminuer à l’échelle d’un univers de plus en plus vaste.

L’anthropocentrisme définitivement abandonné faisait place au système de Copernic et de Kepler ; l’explication des mouvements orbitaux par la force gravitationnelle de Newton permettait l’application rigoureuse des théories précises de la mécanique qui recevaient dans le ciel une éclatante confirmation.

Au début du xxe siècle on pouvait considérer comme définitivement établies, avec toute la précision permise par les observations, d’une part la théorie de la rotation de la terre et des déplacements de son axe, d’autre part la théorie du mouvement des astres du système solaire ; mais la structure, aussi bien que la dynamique des étoiles, nous restaient encore étrangères.

Les distances de quelques-unes d’entre elles, les plus proches, avaient pu être évaluées avec quelque certitude et ces distances étaient à tel point considérables que les étoiles nous semblaient entièrement indépendantes, sans action réciproque les unes sur les autres ; elles étaient suffisamment éloignées de tout champ de gravitation pour que nous puissions considérer leurs mouvements comme rectilignes et uniformes ; tout nous portait à croire qu'elles remplissaient l’espace infini ; mais cédant aux investigations des instruments modernes, à ces deux modes d’observation qui ont été si féconds : la photographie et la spectroscopie, à l’analyse d’innombrables résultats par les méthodes nouvelles de la statistique mathématique, elles durent à leur tour abandonner leur secret.

Toutes les étoiles qui brillent sur nos belles nuits terrestres ne s'étendent pas indéfiniment dans l’espace ; semblables aux gouttelettes d’eau d’un nuage qui flotte dans l’atmosphère, elles forment une sorte de nuée cosmique, un gigantesque amas isolé, de toutes parts ayant extérieurement la forme d’une lentille aplatie suivant le plan galactique ou plan de symétrie de la voie lactée et au milieu duquel le Soleil et l’insignifiante poussière de ses planètes ne sont que de bien modestes éléments.

Quelle révélation que cette conception nouvelle de la Galaxie ! quel magnifique sujet d’étude et de recherche, non seulement pour les Astronomes, mais encore pour les Philosophes. Après le système terrestre des anciens, le système solaire des modernes, les contemporains se doivent au système galactique qui est désormais le leur et il leur appartient d’éclaircir son mystère. Déjà on a évalué sa forme et ses dimensions, on a déterminé la position de son centre constitué par une énorme concentration d’étoiles visible à l’œil nu pendant les nuits d’été sous la forme d’un nuage laiteux ; déjà on connaît la place que nous occupons au milieu de cette gigantesque formation, mais ces données d’ordre statique viennent d’être complétées tout récemment par une découverte qui nous renseigne sur la dynamique de notre système stellaire.

Plusieurs méthodes dont les résultats sont, du même ordre de grandeur semblent en effet mettre en évidence une rotation de la Galaxie qui constitue désormais un système cohérent obéissant à une même loi générale.

Les noms qui s'attachent à cette importante découverte sont principalement ceux de Stormberge, Oort, Lindblad et Mineur ; ce dernier astronome à l’Observatoire de Paris est l’auteur d’une théorie nouvelle de la rotation galactique, basée sur une importante documentation et il l'a publié dans le Bulletin de la Société Astronomique de France une série de « mises au point » dont je ne saurais trop recommander la lecture à tous ceux qui désireraient connaître avec quelque précision l’état actuel de ces recherches que je m'efforcerai de vous exposer aussi nettement que possible dans le peu de temps dont je dispose, sans formules ni calculs.

Les astres nous fournissent des exemples extrêmement nombreux et variés de mouvements de rotation qui constituent dans la nature un cas absolument général en pleine conformité d’ailleurs avec les théories précises de la mécanique rationnelle.

Ainsi la Terre tourne sur elle-même, le Soleil, la Lune, les planètes et sans doute tous les astres sans exception accomplissent des révolutions analogues.

Les systèmes d’astres voisins retenus entre eux par la force de gravitation sont encore animés de mouvements de rotation : les satellites tournent autour des planètes, les planètes autour du Soleil, les étoiles doubles et multiples autour de leur centre de gravité. La Galaxie ne peut échapper à la loi commune ; chaque étoile y étant soumise à l’attraction de toutes les autres, et l’on est en droit de se demander quel doit être théoriquement son mouvement ou plutôt quelle doit être la loi de répartition des vitesses des étoiles !

Dans le cas, par exemple, d’un corps solide tournant d’un mouvement uniforme autour d’un axe, ce qui est en. particulier le cas de la Terre, voici quelle est la loi de répartition des vitesses : chaque particule du corps est animée d’une vitesse perpendiculaire à l’axe de rotation et qui est proportionnelle à la distance qui sépare cette particule de l’axe.

Quelle est la loi de répartition des vitesses pour les planètes du système solaire si l’on considère dans une première approximation déjà très proche de la vérité que celles-ci décrivent autour du Soleil des circonférences situées dans un même plan ? Les vitesses sont encore perpendiculaires à un même axe de rotation ; leurs grandeurs résultent de la troisième loi de Kepler dont on déduit immédiatement que le carré de la vitesse varie en raison inverse de la distance à l’axe de rotation. Les vitesses vont en diminuant pour des planètes de plus en plus éloignées du Soleil.

Il est également logique de considérer, dans une première approximation, le cas de la Galaxie à laquelle nous attribuerons la forme d’un ellipsoïde de révolution fortement aplati, l’axe de révolution étant perpendiculaire au plan galactique.

Quelle serait donc la loi de répartition des vitesses pour des étoiles se déplaçant dans le plan galactique suivant des orbites circulaires sous l’action des forces attractives combinées de toutes les autres étoiles ? Cette loi de répartition des vitesses dépend elle-même de la manière dont les étoiles sont réparties à l’intérieur de la Galaxie.

Afin de simplifier autant que possible le problème, supposons encore que toutes les étoiles soient également réparties à l’intérieur de la Galaxie.

Le problème est alors susceptible d’une solution mathématique rigoureuse et d’après toutes ces hypothèses chaque étoile serait soumise à une attraction dirigée vers le centre de la Galaxie et proportionnelle à la distance qui la sépare de ce centre tandis qu'elle est inversement proportionnelle au carré de cette distance dans le cas de l’attraction newtonienne. Il en résulte que l’ensemble de la Galaxie doit tourner d’un mouvement uniforme autour de son axe de révolution de la même façon qu'un corps solide ; les vitesses des étoiles augmenteraient donc proportionnellement à la distance qui les sépare de l’axe de révolution, leurs distances mutuelles restant invariables.

Voici donc un résultat qu'il s'agit de vérifier ou de rejeter et l’on peut se demander s'il est possible, pour nous qui sommes à l’intérieur du système galactique de mettre en évidence par des observations un tel mouvement bien que celui-ci ne modifie pas les positions relatives des astres.

Tout d’abord, il est nécessaire de définir un système de référence par rapport auquel ce mouvement sera rapporté et ce système de référence est constitué pratiquement par trois axes rectangulaires issus du même point origine ; mais encore faut-il définir d’une manière précise ces axes dans l’espace.

Puisqu'il s'agit d’étudier un mouvement de rotation, peu importe le point choisi comme origine, peu importent même les déplacements de cette origine que l’on prendra au centre du Soleil, mais il est indispensable que les axes de coordonnées aient dans l’espace des directions invariables.

Depuis l’antiquité jusqu'au début du xxe siècle, les mouvements des astres ont été rapportés à des systèmes d’axes dont les directions étaient fixes par rapport aux étoiles, mais ces systèmes ne permettent pas de mettre en évidence un mouvement d’ensemble des étoiles puisque par définition même l’ensemble des étoiles est fixe par rapport à eux. Ces systèmes ont été et restent encore d’excellents systèmes de référence qui permettent en particulier de vérifier avec une très grande précision la loi d’attraction de Newton.

Faisons maintenant un raisonnement inverse. Supposons que la loi de Newton soit exacte et définissons un système d’axe tel que, par rapport à lui, les planètes du système solaire suivent rigoureusement le mouvement défini par cette loi. Cette fois les directions des axes, indépendantes des étoiles, sont théoriquement excellentes pour l’étude de la rotation galactique ; mais si l’on essaye de mettre cette méthode en pratique, on constate que les axes ne sont déterminés ainsi qu'avec une précision très insuffisante et qu'ils ne peuvent être pour nous d’aucune utilité pratique. Remarquons alors que pour définir les directions des axes d’un système de coordonnées, il suffit de définir deux directions liées à ces axes ; d’autre part puisqu'il s'agit de définir des axes fixes dans l’espace, nous aurons tout avantage à considérer deux directions variant très peu avec le temps, mais dont les variations pourront être déterminées avec toute la précision désirable par les théories de la mécanique céleste.

Deux directions remplissent ces diverses conditions, ce sont : la direction à un instant donné de l’axe instantané de rotation de la Terre et la direction de la perpendiculaire au plan de l’écliptique, c'est-à-dire pour employer les termes consacrés, la perpendiculaire au plan de l’orbite osculatrice moyenne de la Terre.

Connaissant ces deux directions à une date origine le 1er janvier 1900 par exemple ; est-il possible de les connaître avec une très grande précision indépendamment des étoiles en faisant seulement intervenir la loi d’attraction de Newton et les théories de la mécanique ?

Cela est possible pour les déplacements de l’écliptique, déplacements très faibles qui peuvent être calculés d’après la théorie des perturbations ; par contre les déplacements de l’axe de la Terre se rapportent au phénomène de la précession dont les constantes n'ont pu être déterminées que par l’observation des étoiles, une donnée nous manque et il faut reconnaître que cette dernière méthode est encore en défaut. Fort heureusement l’esprit humain n'est jamais à court de ressources, car il supplée par des hypothèses aux éléments qui lui font défaut. Faisons donc l’hypothèse suivante : si les étoiles sont animées d’un mouvement d’ensemble, supposons que ce mouvement soit exclusivement une rotation autour d’un axe perpendiculaire au plan galactique.

Grâce à cette hypothèse, nous pouvons disposer de tous les éléments nécessaires pour définir un système d’axes qui n'ait théoriquement aucune rotation autour de l’axe de la Galaxie. Il est alors facile de savoir si l’ancien système des étoiles fixes est oui ou non en mouvement par rapport au nouveau système. D’après l’hypothèse faite, on ne pourra obtenir qu'un mouvement de rotation autour de l’axe de la Galaxie et ce mouvement pourra n'être qu'une composante du mouvement réel, mais au moins obtiendrons-nous un ordre de grandeur de ce mouvement s'il existe.

Voici donc le résultat obtenu dans les conditions que nous venons d’indiquer. L’ensemble de la Galaxie tourne autour de son axe de révolution et dans le sens rétrograde, c'est-à-dire dans le sens des aiguilles d’une montre, d’un angle un peu supérieur à 3 dixièmes de seconde d’arc par siècle, ce qui correspond pour une rotation complète à une durée de 300 à 400 millions d’années. Si l’on admet que la rotation de la Galaxie s'effectue autour de la constellation du Sagittaire où des études basées sur le dénombrement des étoiles ont permis de situer le centre de la Galaxie à 10.000 parsecs de nous, la vitesse linéaire du Soleil résultant de cette rotation serait de 200 à 300 km par seconde. C'est là une rotation tout à fait insignifiante, on pourrait même dire négligeable dans la plupart des cas ; elle ne pourrait être décelée par l’observation des planètes du système solaire et jusqu'à présent, on n'a pu encore déterminer les mouvements propres individuels des étoiles avec une précision atteignant ces trois dixièmes de seconde d’arc par siècle. Faut-il en conclure que ce résultat soit illusoire ? Aucunement, car il est basé soit sur des théories très précises, soit sur d’innombrables observations qui lui confèrent une précision supérieure au dixième de seconde d’arc par siècle ; en outre les valeurs numériques des rotations obtenues par plusieurs auteurs, d’après des bases différentes présentent une remarquable concordance.

Mais ce premier résultat qui intéresse particulièrement l’astronome théoricien, en quête du meilleur système de référence, n'aurait eu qu'un intérêt secondaire s'il n'avait été confirmé et précisé à la fois d’une manière expérimentale et d’une manière théorique par d’autres travaux qui ont apporté un jour nouveau sur la rotation galactique.

Ces découvertes se rapportent à des particularités relatives aux vitesses des étoiles par rapport au Soleil. Une telle vitesse peut être considérée comme résultant d’une composante suivant le rayon vecteur Soleil-Etoile et d’une composante suivant une direction perpendiculaire à ce rayon vecteur. La vitesse suivant le rayon vecteur ou vitesse radiale se déduit du déplacement des raies spectrales de l’étoile et on l’obtient indépendamment de tout système de référence. Le déplacement des raies fait connaître la vitesse radiale de l’étoile par rapport à la Terre et on passe à la vitesse par rapport au Soleil en faisant les corrections relatives au mouvement de la Terre sur elle-même et au mouvement de translation de la Terre autour du Soleil.

Quant à la vitesse suivant une direction perpendiculaire au rayon vecteur, elle se calcule en combinant sa distance et son mouvement apparent sur la sphère céleste, ce mouvement apparent résultant lui-même des positions méridiennes successives de l’étoile rapportées à un même système de référence. Nous sommes donc en mesure de déterminer les vitesses des étoiles par rapport au Soleil ; leur étude a conduit tout d’abord Oort à une loi assez inattendue. Jusqu'à 63 km par seconde les vitesses des étoiles sont à peu près également réparties dans toutes les directions ; par contre les vitesses supérieures à 63 km sont exclusivement dirigées vers un hémisphère de la voûte céleste, nous verrons tout à l’heure les interprétations qui ont été données de ce résultat. Mais essayons de déduire d’un très grand nombre de vitesses connues une loi générale relative à la répartition des vitesses des étoiles dans la Galaxie. Cette loi si elle existe doit satisfaire à la condition suivante : la vitesse de chaque étoile par rapport au Soleil doit être la résultante : 1° de la vitesse qui lui est attribuée par la loi générale ; 2° d’une vitesse résiduelle distribuée au hasard.

En appliquant ce principe au Soleil lui-même, on peut considérer que la vitesse du Soleil résulte également : 1° d’une vitesse qui est la même pour toutes les étoiles voisines du Soleil ; 2° d’une vitesse du Soleil par rapport aux étoiles voisines.

La vitesse du Soleil par rapport aux étoiles voisines est déjà connue en grandeur et en direction ; c'est une vitesse de 20 km par seconde dirigée vers l’étoile Vega de la Lyre ; il est donc possible de l’éliminer et quand nous parlerons dorénavant de la vitesse des étoiles par rapport au Soleil, nous supposerons que cette élimination a été faite et qu'il s'agit de la vitesse des étoiles par rapport à l’ensemble des étoiles voisines du Soleil. Considérons donc toutes les étoiles contenues dans un espace suffisamment petit pour que les vitesses dues à la loi générale soient égales et parallèles : le vecteur qui représente la somme géométrique des vitesses de toutes ces étoiles, divisé par leur nombre est égal à la vitesse qui serait due à la loi générale puisque la somme des vitesses résiduelles est nulle. Nous avons donc ainsi un moyen d’obtenir en chaque point de l’espace la vitesse moyenne des étoiles par rapport au Soleil.

Déterminons ainsi la vitesse moyenne de différents groupes d’étoiles ; suivant que ces vitesses présenteront ou ne présenteront pas un caractère systématique on pourra en conclure qu'il existe ou qu'il n'existe pas de loi générale. Voici le résultat obtenu tout d’abord par Strömberg et confirmé plus récemment par Mineur qui a étudié tout particulièrement les étoiles B ; ces étoiles dont l’éclat intrinsèque est considérable, présentent l’avantage de rester suffisamment brillantes même à des distances considérables.

Les vitesses des différents groupes d’étoiles par rapport au Soleil sont sensiblement parallèles au plan galactique, et elles sont en outre parallèles entre elles, leur direction commune étant perpendiculaire à la ligne qui joint le Soleil au centre présumé de la Galaxie ; enfin si l’on considère des groupes situés sur cette ligne, les vitesses sont de plus en plus grandes quand les groupes considérés sont de plus en plus éloignés dans la direction du centre de la Galaxie.

Si l’on détermine, toujours par la même méthode, la vitesse des étoiles voisines du Soleil par rapport à l’ensemble des amas globulaires d’étoiles extérieurs à notre Galaxie et qui constitue un système de référence sans rotation, on trouve encore une vitesse voisine de 300 km par seconde, parallèle au plan de la Galaxie et perpendiculaire à la direction de son centre présumé dans la constellation du Sagittaire, ce qui correspond à cette même rotation de 3 dixièmes de seconde d’arc par siècle déjà mise en évidence par une méthode toute différente.

L’ensemble de ces résultats, qui constitue le phénomène connu sous le nom de « courant asymétrique de Strömberg » a été interprété comme fournissant une nouvelle preuve de la rotation d’ensemble de la Galaxie, les vitesses des étoiles augmentant au fur et à mesure que celles-ci sont plus rapprochées de son centre, ce qui s'explique au point de vue dynamique en supposant que les étoiles sont soumises d’une part à l’attraction d’une masse centrale qui n'est autre que l’énorme agglomération du Sagittaire, d’autre part à l’attraction des autres étoiles supposées également réparties à l’intérieur de l’ellipsoïde galactique.

Les étoiles décriraient donc en moyenne des orbites circulaires, parallèlement au plan galactique, leurs vitesses dépendant seulement de leur distance au centre, iraient en décroissant quand cette distance augmente, la durée de révolution du Soleil serait encore de 300 millions d’années.

Ces hypothèses rendent fort bien compte des résultats expérimentaux que nous venons d’indiquer relativement aux vitesses des étoiles par rapport au Soleil, et il suffit pour s'en assurer de construire sur une figure la différence géométrique entre les vitesses des divers groupes d’étoiles et la vitesse des étoiles voisines du Soleil.

On peut toutefois formuler deux objections : les résultats expérimentaux qui viennent d’être indiqués font intervenir les mouvements apparents des étoiles sur la sphère céleste et par conséquent un système de référence arbitraire, ils ne peuvent donc être, entièrement indépendants des résultats obtenus primitivement avec le même système de référence.

Autre objection : si les phénomènes qui résultent de la rotation galactique sont très nets pour les étoiles à grande vitesse fort éloignées du Soleil, par contre ils le sont beaucoup moins pour les étoiles plus proches et dont les vitesses sont inférieures à 63 km par seconde.

La première de ces deux objections disparaît si l’on étudie la rotation galactique d’après la seule considération des vitesses radiales qui sont connues indépendamment de tout système de référence. Cette étude faite tout d’abord par Oort puis reprise par de nombreux auteurs conduit en effet aux mêmes conclusions. Supposons tout d’abord que l’on ne connaisse pas le mouvement du Soleil par rapport aux étoiles voisines, étudions dans le plan galactique les vitesses radiales moyennes des étoiles dans les diverses directions, ces vitesses radiales présentent un maximum dans la direction vers laquelle se déplace le Soleil et un minimum dans la direction qui lui est exactement opposée ; ces vitesses radiales sont nulles dans les directions perpendiculaires aux précédentes. Cette première étude fait connaître en grandeur et en direction la vitesse résiduelle du Soleil par rapport aux étoiles voisines, que l’on appelle communément vitesse de translation du système solaire.

Etudions maintenant les vitesses radiales d’étoiles beaucoup plus éloignées en apportant tout d’abord à ces vitesses radiales des corrections convenables qui font disparaître l’effet de la vitesse résiduelle du Soleil. Quelles seraient donc les valeurs moyennes de ces vitesses radiales dans les divers azimuts si l’on supposait « à priori » que la Galaxie participe à un mouvement d’ensemble caractérisé par le fait que les vitesses linéaires de rotation sont de plus en plus grandes quand les étoiles sont de plus en plus rapprochées du centre de la Galaxie ? Les vitesses radiales moyennes doivent s'annuler dans quatre directions à 90° l’une de l’autre, les astres situés dans deux angles opposés formés par ces directions doivent avoir une vitesse de rapprochement, les astres situés dans les deux autres angles doivent avoir une vitesse d’éloignement ; or c'est bien là en effet ce que l’on retrouve par l’expérience et il est très remarquable de constater que l’une des directions dans laquelle s'annulent les vitesses radiales est justement la direction du Sagittaire qui serait le centre de la Galaxie d’après Seares et qui serait également le centre des amas globulaires d’après Shapley.

Encore une fois l’explication des résultats expérimentaux ne peut faire de doute pour les étoiles éloignées et à grande vitesse ; par contre, elle reste indéterminée pour les étoiles proches à faible vitesse.

En ce qui concerne ces dernières étoiles, on pourrait hésiter pour la direction du centre des rotations entre deux directions : tout d’abord la direction du Sagittaire ensuite la direction de la constellation de la Carène qui est la direction de la constellation de la Carène qui est perpendiculaire à la précédente.

C'est là ce qui a conduit Mineur à envisager la rotation d’un système local voisin du Soleil et qui s'ajouterait à la rotation d’ensemble de la Galaxie, rotation qui ne semble pas pouvoir être mise en doute. Mineur a étudié les trois hypothèses suivantes :

  1. Hypothèse galactique simple d’après laquelle toutes les étoiles de la voie lactée constituent un système unique obéissant à une même loi générale.

  2. Hypothèse de la Galaxie et du système local d’après laquelle la voie lactée comporte de nombreuses condensations parmi lesquelles se trouve le système local.

  3. Hypothèse super-galactique d’après laquelle la voie lactée est un amas de nébuleuses spirales, le système local étant l’une d’elle.

Un fait expérimental que nous avons déjà signalé, mais dont l’explication n'avait encore pas été donnée, plaide en faveur de l’existence du système local.

Les vitesses des étoiles inférieures à 63 km par seconde sont distribuées au hasard, tandis que les vitesses supérieures à 63 km sont dirigées vers un même hémisphère de la voûte céleste. Mineur explique ce résultat en faisant intervenir le système local. Les étoiles dont les vitesses sont inférieures à 63 km appartiendraient au système local ; par contre, les étoiles dont les vitesses sont supérieures à cette valeur appartiendraient au système galactique ayant pour centre le Sagittaire et pour lequel les phénomènes ont été déjà expliqués.

Cette vitesse de 63 km serait justement une vitesse limite au-delà de laquelle une étoile ne serait plus retenue par la force gravitationnelle du système local.

Cette explication est fort engageante car elle n'apporte aucune modification aux théories déjà bien établies de la rotation galactique et qui sont basées sur l’étude des étoiles éloignées. Toutefois l’analyse numérique des données d’observation relatives à d’innombrables étoiles conduit à la conclusion suivante : jusqu'à présent c'est l’hypothèse galactique simple qui représente le mieux l’ensemble des phénomènes. La considération des différences entre la vitesse des étoiles et la vitesse du Soleil ne peut donner de résultat que si ces différences sont appréciables ; or justement, au voisinage du Soleil, les vitesses sont sensiblement constantes ; le problème présente donc une indétermination qui est la cause de nos incertitudes ; mais, par contre, le phénomène devient très net à une distance suffisante pour que la différence entre la vitesse des étoiles et la vitesse du Soleil atteigne 63 km par seconde.

Tous les phénomènes se trouvent donc pour le moment expliqués d’une manière satisfaisante. Après avoir mis en évidence une rotation d’ensemble de la Galaxie avec une vitesse angulaire uniforme pour toutes les étoiles, on a fait un grand pas vers la vérité en découvrant la rotation différentielle, c'est-à-dire la loi de variation des vitesses des étoiles suivant leur distance au centre de la Galaxie. Il semble bien établi que la vitesse linéaire de rotation du Soleil est voisine de 300 km par seconde, sa durée de révolution voisine de 300 millions d’années.

Enfin des considérations dynamiques ayant pour base cette rotation ont permis d’évaluer approximativement la masse totale des astres qui composent la Galaxie ; cette masse serait d’après Lindblad de 16 milliards de fois la masse du Soleil et, comme les masses individuelles des étoiles sont en moyenne du même ordre de grandeur que celle du Soleil, le nombre des étoiles de la Galaxie serait également de-16 milliards environ ; c'est bien là sensiblement la valeur que l’on avait obtenue directement par des considérations statistiques sur le nombre des étoiles des diverses grandeurs stellaires, ce qui constitue encore une vérification.

Comme la durée de révolution de la Terre autour du Soleil est de 365 jours tandis que la durée de la révolution du Soleil dans la Galaxie serait de 300 millions d’années, on voit que les variations des positions des planètes en un jour seraient du même ordre que les variations des positions des étoiles en 1 million d’années, en admettant que la loi de la variation des vitesses suivant leurs distances au centre des rotations soit la même pour les étoiles et les planètes ; mais comme les vitesses des étoiles varient relativement beaucoup moins on peut dire que le phénomène de la rotation galactique ne modifiera par l’aspect des constellations, même après plusieurs dizaines de millions d’années.

Il est évident qu'une conception aussi simple ne pourra indéfiniment représenter des phénomènes que les observations font connaître chaque jour d’une manière plus précise ; c'est ainsi par exemple que Mineur a mis en évidence tout récemment une variation systématique des vitesses de rotation suivant la distance des étoiles au plan galactique ; que Lindblad considère la Galaxie comme formée d’une infinité de systèmes qui se pénètrent les uns les autres et qui ont des vitesses moyennes de rotation différentes avec des distributions de vitesses internes également différentes. Voilà de beaux sujets d’étude en perspective.

Grâce à des instruments de plus en plus puissants, à un travail opiniâtre et persévérant, les Astronomes feront chaque année une nouvelle moisson de données, d’observations, qu'ils mettront à profit pour faire un pas nouveau vers la vérité.