L'astronomie dans l'antiquité
1966 Création octobre 2020

Source : Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France
Auteur : Emile Paloque, Directeur honoraire de l’Observatoire de Toulouse
Conférence faite à la séance publique tenue à l’Hôtel d’Assezat le 20 mars 1966
Provenance : Bibliothèque nationale de France

Pendant des siècles d’ignorance au cours desquels toute la vie de l’homme se consumait en occupations matérielles, on peut être cependant assuré que les retours réguliers des jours et des nuits, des phases de la Lune, de l’hiver et de l’été ont permis aux plus primitifs de nos ancêtres d’évaluer le temps écoulé avec ces unités si naturelles ; que sont les jours, les mois ou les années : la régularité des phénomènes célestes leur ayant certainement donné une impression d’ordre, d’équilibre et de sécurité.

Mais tout occupés qu'ils étaient pendant de nombreux millénaires d’assurer leur propre subsistance, en mettant leur vie à l’abri des nombreux périls qui la menaçaient, les événements terrestres ne pouvaient encore faire de leur part l’objet d’une véritable recherche, les uns, parce qu'ils leur étaient trop familiers, les autres parce qu'ils leur paraissaient étranges et surnaturels. Aucun d’ailleurs ne se prêtait à cette étude quantitative qui est la caractéristique de toute recherche.

Bien au contraire ils durent porter un intérêt tout particulier aux mouvements simples et réguliers des astres qui présidaient au rythme de leurs travaux agricoles et à celui de leurs occupations journalières. Toutefois ils n'ont pu s'appliquer avec soin et méthode à une telle étude avant que la possession de champs et de troupeaux, l’organisation d’une vie commune, enfin la fondation de grands empires, en leur enlevant le souci des nécessités immédiates de l’existence, ne leur ait permis d’entreprendre ces travaux intellectuels que l’écriture, mieux encore que la parole, allait leur permettre de mener à bien et de transmettre à leurs semblables.

Il n'est pas douteux que l’Astronomie fut la première de toutes les sciences, car les plus anciens documents écrits que nous possédions sur des phénomènes naturels ont trait à l’observation des. astres.

Ces documents qui remontent à plus de quatre millénaires avant notre ère sont l’œuvre des Sumériens, des Chaldéens, des Egyptiens. Et peut- être ont-ils été devancés par les Chinois dont la civilisation est considérée comme la plus ancienne de toutes. Mais cela, nous ne le saurons peut-être jamais, car l’empereur Tshin-Chi-Hoang-Ti qui régnait au iiie siècle avant notre ère eut la fâcheuse idée de faire disparaître tous les ouvrages d’astronomie qui existaient dans son pays, perte irréparable pour l’histoire de cette science.

C'est donc dans les plaines lumineuses du proche Orient jadis fécondes et peuplées, aujourd’hui stériles et désertes, que l’on a étudié pour la première fois les mouvements des astres : tout d’abord dans un but religieux, mais aussi dans un but pratique en vue de l’établissement d’un calendrier.

Mésopotamie

En Mésopotamie comme en Egypte, la plus ancienne unité de temps a été le mois lunaire. L’année comprenait douze mois mais comme la durée de ces mois était un peu courte (29 jours ½ au lieu de 30 jours ½) pour que les saisons aient lieu à peu près aux mêmes dates, il fallait de temps à autre ajouter un mois supplémentaire, en principe tous les trois ans.

Pour reconnaître qu'il était temps de procéder à une telle opération, les astronomes de l’époque surveillaient attentivement le lever héliaque de certaines étoiles brillantes. Vous allez saisir facilement de quoi il s'agit. Vous savez que le Soleil parcourt chaque année les douze constellations du Zodiaque. En observant le ciel chaque matin avant le lever du Soleil, il est un jour où, pour la première fois de l’année, telle étoile brillante devient visible avant l’aurore : c'est son lever héliaque, qui devait avoir lieu au cours d’un mois déterminé. A chaque mois correspondait le lever héliaque de certaines étoiles, mais quand ces levers tombaient dans un mois voisin il était temps de donner un coup de pouce au calendrier.

Comme nous le fait savoir Paul Couderc auquel nous avons fait quelques emprunts, d’antiques tablettes nous renseignent sur la manière dont s'effectuait l’opération qui consistait à donner le même nom à deux mois successifs, le second étant seulement suivi du chiffre 2.

Voici à ce sujet la traduction littérale d’un édit du fameux roi Hammourabi remontant à mille huit cents ans avant notre ère :

Hammourabi à son ministre Sin Idinnam : L’année est hors de place, fais enregistrer le prochain mois sous le nom de Ululu 2 ; le paiement des impôts à Babylone au lieu de se terminer le 25 Tasritu devra s'achever le 25 Ululu 2.

Nous voyons que les exigences du fisc ne sont pas nouvelles, puisque ce décret qui constitue sans doute leurs lettres de noblesse ne permettait pas aux contribuables chaldéens de retarder le paiement de leurs impôts en s'appuyant sur le changement d’appellation du mois où ceux-ci étaient exigibles.

Egypte

La science des Egyptiens ne fut pas inférieure à la précédente. Dans leurs pyramides, construites plusieurs millénaires avant notre ère, on trouve des orientations et de nombreuses proportions qui dénotent de sérieuses connaissances astronomiques.

Après avoir utilisé depuis une époque extraordinairement ancienne une année de 360 jours partagée en 12 mois de 30 jours ce qui était d’une remarquable simplicité mais trop peu conforme à la vérité, ils instituèrent en l’an 4236 avant notre ère, il y a plus de 6 000 ans, une année de 365 jours dont les 5 jours complémentaires dits épagomènes se plaçaient à la fin de 12e mois, et ce calendrier se conserva sans, changement au cours de 4 000 ans.

Mais comme les Egyptiens reconnurent bientôt que la durée de leur année était un peu courte — 365 jours au lieu de 365 jours ¼ — ils eurent recours au stratagème suivant pour tenir compte du décalage qui ne tarda pas à se manifester et cela sans modifier des traditions que leurs prêtres tenaient à respecter.

Tout particulièrement intéressés par la crue du Nil qui apportait tant de richesses à leur pays, ils remarquèrent que le lever héliaque de Sirius, l’étoile la plus brillante du ciel qu'ils appelaient Sothisi, avait lieu au commencement de cette bienfaisante inondation et ils adoptèrent l’époque de ce lever héliaque pour le début de leur année qui eut lieu tout d’abord le 1er du mois de Thot, mais au bout de quatre ans l’année commença le 2 du même mois, au bout de huit ans, le 3, etc. Au bout de 730 ans le décalage était de six mois, mais au bout de 1 461 ans, le lever héliaque de Sothis eut lieu de nouveau le 1er du mois de Thot, ce qui remettait les saisons à leur place et ce qui fut l’occasion de grandes réjouissances populaires.

L’usage si incommode de ce calendrier ayant été conservé pendant 4 000 ans, le roi Ptolémée III Evergète en l’an 238 avant notre ère osa établir un sixième jour épagomène tous les quatre ans et dès lors, en Egypte, les saisons eurent lieu tous les ans aux mêmes dates.

Calendrier

Jules César, avant d’établir son nouveau calendrier, fit venir d’Egypte et prit comme conseiller l’astronome grec Sosigène qui habitait Alexandrie et qui connaissait parfaitement la science astronomique de son époque. C'est sur son conseil que la durée de l’année fut prise égale à 365 jours ¼, les mois n'ayant plus la même durée mais représentant dans, leur ensemble 365 jours avec un jour complémentaire tous les quatre ans.

C'est donc à Sosigène que nous devons la durée de nos mois dont les appellations n'ont pas été modifiées depuis l’antiquité et comme le début de l’année avait lieu le 1er mars, les mois de septembre, octobre, novembre et décembre, conformément à leur étymologie étaient bien les septième, huitième, neuvième et dixième de l’année, le jour complémentaire des années bissextiles étant ajouté au dernier mois, c'est-à-dire à celui de février. Mais Jules César lui-même jugea préférable par la suite, de reporter au 1er janvier l’origine de son année julienne.

Tels sont encore aujourd’hui nos usages et l’on voit qu'il est plus facile de changer les lois que les décisions des astronomes.

Les étoiles

Après cette digression sur le calendrier qui fut leur premier sujet d’étude, revenons à tous ceux qui pendant plusieurs millénaires avant notre ère, poursuivirent les observations des astres, alors liés à leur religion. Le Soleil était adoré en Egypte sous le nom de Ra, la Lune à Babylone sous le nom d’Istar, mais il y avait dans le ciel bien d’autres divinités.

Les astronomes de l’époque eurent vite fait de constater que toutes les étoiles conservaient les unes par rapport aux autres les mêmes positions respectives. Il n'y avait donc qu'un pas à faire pour admettre qu'elles étaient fixées sur une sphère rigide qui nous enveloppait.

On sut reporter sur une telle sphère les positions de toutes les étoiles quelque peu brillantes et il fut dès lors possible de connaître les trajectoires des astres qui se déplaçaient par rapport à elles, c'est-à-dire du Soleil, de la Lune et des Planètes, ce qui permit de constater que le Soleil et la Lune avaient des mouvements assez simples, susceptibles d’être prévus d’avance avec facilité, tandis que les Planètes décrivaient par rapport aux étoiles toutes sortes de boucles fort inattendues. Mais aprè3 quelques siècles d’observations on reconnut que ces déplacements n'étaient eux-mêmes qu'une combinaison de mouvements périodiques se reproduisant avec une remarquable régularité. On eut même connaissance des éclipses de Lune et de Soleil que l’on parvenait à prévoir puisque celles- ci avaient lieu quand ces deux astres se trouvaient dans la même direction ou bien dans des directions exactement opposées.

L’observation des éclipses fit d’ailleurs admettre dès une haute antiquité la forme sphérique du Soleil et de la Lune dont les phases furent attribuées à la manière dont elle était éclairée par le Soleil.

Dans ces pays orientaux il y avait donc des observatoires, celui de Babylone était situé tout en haut de la tour de Babel que Hérodote eut l’occasion de voir au cours de ses voyages, mais qui tombait déjà en ruines à l’époque d’Alexandre le Grand.

Tels sont dans leurs grandes lignes les progrès réalisés au cours de plusieurs millénaires. Toutefois pendant le troisième millénaire avant notre ère une question nouvelle s'est posée en Mésopotamie.

Astrologie

Puisque certains phénomènes terrestres comme les jours et les saisons résultent de phénomènes célestes, pourquoi, s'est-on demandé, la puissance des astres ne gouvernerait-elle pas les affaires humaines ? A ces âges lointains de l’humanité, imbus de merveilleux, chacun s'est cru à la merci de puissances occultes et souveraines, siégeant dans le ciel que l’imagination peuplait d’animaux familiers, de monstres, de héros légendaires, de dieux et de déesses dont les noms actuels des constellations qui remontent aux Chaldéens nous laissent encore les vestiges. Parmi eux l’Astrologie était en plein épanouissement 2 500 ans avant notre ère. Les monarques s'entouraient d’astrologues et ne manquaient pas de les consulter avant de prendre toute décision importante. De leur côté les astrologues étudiaient avec soin les phénomènes célestes, afin d’en déduire des présages et plus particulièrement le destin des peuples et des rois.

Au viie siècle avant notre ère Sennachérib fit même de l’un de ses astrologues un roi de Babylone et voici la traduction de quelques tablettes de cette époque qui se rapportent à des prévisions astrales, mais qui nous stupéfient par leur naïveté :

Si un halo entoure la Lune et que Jupiter se trouve à l’intérieur, le roi Akkad sera assiégé et des animaux périront dans la campagne.

Le 14 de ce mois Vénus ne sera pas visible et il y aura une éclipse de Lune : malheur aux pays d’Elam et de Syrie, mais mon maître sera tranquille.

J'ai écrit au roi mon maître : il y aura une éclipse, elle a eu lieu en effet, c'est un signe de paix.

Mars est rentré dans la constellation d’Allul, cela ne comporte aucun présage.

Il semble que les événements célestes, réguliers et prévus d’avance étaient tenus pour favorables ; tandis que les autres étaient le signe de la malveillance des Dieux.

Horoscope

C'est seulement vers l’an 250 avant notre ère que ces prédictions furent appliquées aux individus, toujours prêts à accepter ces chimères. Elles étaient déduites par les astrologues de la disposition des astres à l’époque de naissance des intéressés et cela suivant des théories qui firent de rapides progrès.

On doit à Ptolémée de nous avoir fait connaître dans son fameux Tétrabiblos la manière de dresser un horoscope qui était mise en pratique dans les pays orientaux, qui l’a été ensuite chez nous au Moyen Age et dans les temps modernes, qui permet encore aujourd’hui à de nombreux charlatans d’abuser de la crédulité publique : ils sont 3 460 rien qu'à Paris et plus de 30 000 en Amérique. J'ose espérer que personne parmi vous n'ajoute foi aux prédictions, heureuses ou néfastes, de l’Astrologie, qui s'étalent aux quatrièmes pages de tant de journaux, et cependant ces superstitions ne sont pas sur le point de disparaître puisque je reçus à l’Observatoire la lettre suivante que je m'empressais de mettre au panier :

Monsieur le Directeur, je vous en supplie, faites mon horoscope ; je ne regarderai pas à la dépense.

Il faut cependant reconnaître qu'au cours des siècles l’Astrologie a fait faire d’indéniables progrès à la Science. Kepler avoue lui-même que, sans qu'il crût à ses prédictions, elles furent cependant à l’origine de ses découvertes :

Si l’on n'avait eu le crédule espoir de lire l’avenir dans le ciel, écrit-il, aurait-on jamais eu la sagesse d’étudier l’Astronomie ?

Grèce

Mais, pour en revenir aux civilisations orientales, celles-ci se transmirent en Grèce et elles s'y développèrent en atteignant un tel degré de perfection que ce petit coin du monde devint le centre le plus brillant de la civilisation humaine.

La grande nouveauté fut l’avènement d’un rationalisme tendant à écarter le surnaturel, la magie et la mystique dans l’interprétation des phénomènes naturels. Mais on n'a pu cependant se libérer complètement des préjugés consacrés par les croyances des siècles.

Malgré cela, les progrès de la science des astres ne le cédèrent en rien à ceux des autres manifestations de l’art ou de la pensée et nous ne manquerons pas d’évoquer la mémoire de tous ceux qui participèrent à cette œuvre si remarquable que fut l’Astronomie grecque de l’Antiquité.

Homère semble croire que la terre entourée par le fleuve Okéanos remplissait la moitié inférieure de la sphère du monde, tandis que la sphère supérieure s'étendait au-dessus et que le Soleil éteignait tous les soirs ses feux pour les rallumer le matin au petit jour.

Thalès

On n'avait pas encore fait de grands progrès à l’époque de Thalès qui fut, à la fin du viie siècle avant notre ère et au commencement du viiie, le plus ancien et le plus illustre des sept sages de la Grèce.

Pour lui la Terre est un disque flottant sur l’eau, le ciel une voûte dominant le monde, l’air contenu sous cette voûte est de la vapeur d’eau et les astres s'y enflamment en recueillant les exhalaisons de la Terre : il est sans doute inutile de développer davantage des idées aussi simplistes.

Anaximandre, un Ionien comme Thalès, qui n'a qu'une trentaine d’années de moins que ce dernier, exprime des idées qui, tout en restant fort archaïques, représentent cependant un notable progrès par rapport aux précédentes.

Avec lui, la Terre au lieu d’être un simple disque ; devient un cylindre trois fois plus large que profond dont seule est habitée la partie supérieure, plane et circulaire. Mais voici une idée nouvelle : cette Terre est isolée dans l’espace et elle occupe le centre de la sphère céleste.

Pythagore

Il faut arriver à Pythagore, né à Samos vers 585 avant notre ère, pour voir apparaître quelques idées mieux conformes à la réalité des phénomènes. A la suite d’un séjour en Egypte au cours duquel il fut initié par les prêtres à la science des astres, il vécut à Crotone où il forma de véritables savants dans la fameuse école qui porte son nom et à laquelle on doit d’importantes découvertes.

Il enseignait, dit-on, que la Terre était sphérique et immobile au centre du monde, le déplacement du Soleil sur la sphère céleste étant la résultante de deux mouvements indépendants, l’un s'effectuant en un an dans le plan de l’écliptique, l’autre en un jour parallèlement au plan de l’équateur.

C'était là toutefois ce que Pythagore enseignait publiquement sur la science astronomique, tandis que, paraît-il, dans l’intimité de son école il apprenait à ses élèves, sous le sceau du secret : que tous les astres sans exception étaient sphériques comme la Terre, que le mouvement journalier des astres n'était qu'une apparence due à la rotation de notre globe, que la Terre n'était pas au centre du monde, mais que cette place était occupée par le Soleil autour duquel nous tournions comme des Planètes.

Pythagore avait donc découvert le véritable système du monde qui lui avait sans doute été révélé par les prêtres égyptiens et que ses disciples s'efforcèrent de divulguer mais avec une réserve commandée par la prudence, car ces théories eurent contre elles les préjugés les plus tenaces et ne purent jamais s'épanouir.

Philolaos de Crotone

Philolaos qui vécut au se siècle avant notre ère a été le plus ancien pythagoricien dont quelques écrits fragmentaires soient parvenus jusqu'à nous. Mais on peut se demander s'il nous a bien transmis la pensée de son maître ou bien s'il n'en a conservé que les éléments dans un système qui semble né de son imagination fantaisiste.

En effet, il ne fait pas tourner la Terre autour du Soleil, mais autour d’un feu central. Autour de ce feu tourne d’abord une planète inconnue, l’Antichton ou anti-Terre, puis vient la Terre qui décrit en l’espace d’un jour un cercle plus grand que le précédent mais en laissant la même face tournée vers l’extérieur et, comme c'est justement sur cette face que nous nous trouvons, il nous a toujours été impossible, d’après lui, de voir ce feu central, pas plus que l’Antichton. Enfin c'est autour de ce feu central que tournent encore : la Lune en un mois, le Soleil en un an ainsi que les cinq planètes et un feu extérieur. Au-delà, c'est l’infini.

Malgré les étrangetés d’un tel système il faut reconnaître qu'il présente une certaine ingéniosité puisqu'il permet d’expliquer le mouvement diurne des astres et le mouvement annuel du Soleil. Enfin c'est la première fois que l’on attribue publiquement à la Terre et à tous les astres une forme sphérique, ce qui était, on le sait, l’opinion de Pythagore.

Cycle de Méton

Au cours du ve siècle avant notre ère, le calendrier était encore fort mal établi en Grèce où l’on comptait toujours les dates par mois lunaires, ce qui avait l’inconvénient de nécessiter de temps à autre l’adjonction d'un mois complémentaire pour que les mêmes mois correspondent à peu près aux mêmes saisons. Mais aucune règle précise n'avait été fixée à ce sujet avant l’avènement du cycle de Méton. Celui-ci découvrit que 19 ans correspondaient exactement à 235 lunaisons et qu'après cette période, les phases de la Lune se reproduisaient aux mêmes dates, ce qui permettait de poser les bases d’un calendrier rationnel.

Cette théorie publiée en 433 avant notre ère, au siècle de Périclès, souleva l’enthousiasme des Athéniens, depuis longtemps tracassés par les insuffisances de leur calendrier, au point qu'ils firent graver en lettres d’or ce cycle de Méton sur les colonnes du temple de Minerve et que dans ce cycle le rang de chaque année prit le nom de nombre d’or.

C'est encore ce nombre d’or qui, permettant de fixer la date de la fête de Pâques, se trouve inscrit sur votre calendrier des P. T. T. de 1966.

Mais les Athéniens s'étaient réjouis un peu hâtivement. Ils s'aperçurent bien vite qu'il était fort difficile de modifier les habitudes ancestrales de tout un pays, jusqu'au fond des campagnes et dans les colonies lointaines. Aussi ont-ils dû attendre longtemps pour ressentir les bienfaits du cycle de Méton, qui n'apparut dans le calendrier grec qu'un siècle plus tard, en l’an 330.

Platon

Sa conception du monde est une pièce maîtresse de la philosophie de Platon qui exposa ses idées dans un prétendu dialogue entre Socrate, Critias, Hermocrate et le Pythagoricien Timée, mais Platon ne prit jamais grand intérêt au détail des faits ni à la recherche physique car il accordait la primauté à l’idée pure. Et comme il est difficile de faire œuvre utile en Astronomie si l’on néglige l’observation des phénomènes, ce beau monument de philosophie ne peut avoir pour nous qu'un intérêt assez limité.

On ne peut cependant pas rester insensible au merveilleux récit de Critias sur l’antique tradition de l’Atlantide, ni à celui de Timée sur la création du monde par un Dieu unique, évidemment inspiré de la Genèse.

Mais pour notre compte, nous avons été particulièrement intéressés par les paroles suivantes de Timée qui expliquent le mouvement diurne en faisant tourner la Terre sur elle-même :

Nous avons déjà expliqué, dit Timée, la naissance des planètes qui vont et qui viennent suivant une course errante. Quant à la Terre qui est notre nourrice et qui fait corps avec l’essieu par lequel le monde est traversé, Dieu en a fait la productrice de la nuit et du jour et elle est la première et la plus ancienne des divinités qui sont nées dans l’intérieur du ciel.

Il faut reconnaître que Platon eut aussi le mérite de soutenir l’idée pythagoricienne de la Terre sphérique ; il semble en outre s'être intéressé au mouvement des planètes car c'est lui — dit-on — qui engagea Eudoxe à travailler ce problème.

Eudoxe

Ce dernier, né à Cnide au début du 5e siècle avant notre ère, tenta de représenter géométriquement les mouvements apparents des planètes dans le but de prévoir d’avance leurs positions avec toute la précision qui était alors permise par leurs observations déjà nombreuses à cette époque.

Considérant que la Terre était sphérique et immobile au centre du monde, il avait imaginé un système de sphères concentriques tournant les unes par rapport aux autres d’un mouvement uniforme l’astre dont il s'agissait de représenter le déplacement étant fixé à l’une d’elles, ce qui permettait de représenter les mouvements périodiques les plus compliqués.

Il faisait intervenir 27 sphères concentriques dont une pour les étoiles, trois pour le Soleil, trois pour la Lune et quatre pour chacune des cinq planètes. Calippe améliora ce système en portant à 33 le nombre des sphères concentriques, ce qui entraînait quelques complications de calcul, mais aussi une représentation plus précise des mouvements.

Aristote

Aristote à son tour essaya d’améliorer ce dernier système en portant les nombre des sphères à 55. C'étaient pour lui des sphères transparentes, rigides et il semble n'avoir jamais été embarrassé par la difficulté qu'il y aurait eu à donner une réalité matérielle à des sphères aussi extravagantes.

Mais son idée fut condamnée de son vivant car on découvrit alors les variations du diamètre apparent de la Lune et les variations d’éclat de Vénus et de Mars prouvant d’une manière péremptoire que les distances de ces astres n'étaient pas constantes et qu'il était dès lors impossible de les faire mouvoir sur une sphère ayant pour centre celui de la Terre, ce qui détruisit à la fois les théories des sphères homocentriques d’Eudoxe, de Calippe et d’Aristote.

Quoique ce dernier ait été considéré comme le plus vaste génie de l’antiquité pour avoir rendu compte de toutes les. connaissances de son temps, les astronomes le jugent très sévèrement.

Persuadé que dans le ciel les mouvements circulaires des astres pouvaient se continuer indéfiniment sans altération, alors que sur la Terre tous les mouvements ne tardent pas à s'arrêter, les corps animés ou inanimés étant tous voués à une fin plus ou moins lointaine, Aristote érigea en principe fondamental cette apparence fallacieuse en admettant que le mouvement circulaire était parfait et seul digne de la divinité, qu'il s'est poursuivi indéfiniment dans le passé et se poursuivra indéfiniment dans l’avenir sans subir d’accroissement ni de diminution, les, corps qui en sont animés étant d’après lui impérissables et incorruptibles. Aussi son système est-il basé sur la rotation éternelle de la sphère céleste et de tous les astres autour d’une Terre immobile.

Il expose bien dans son ouvrage le système de Philolaos avec son feu central et son Antichton, mais sans l’avoir compris et sans avoir découvert qu'en faisant tourner autour de ce feu la Terre en un jour, le Soleil en un an, les Pythagoriciens parvenaient à expliquer le mouvement des astres en laissant les étoiles immobiles, ce qui était l’effondrement de son propre système.

Il est navrant de constater que l’immense considération dont les travaux d’Aristote ont été entourés dans l’Antiquité, au Moyen Age et même au commencement des Temps modernes, a pu retarder de 20 siècles les progrès de l’Astronomie alors qu'il en eut été tout autrement s'il avait seulement étudié avec un peu de soin les théories de son époque et tout au moins celles dont il a donné l’analyse dans son ouvrage sur le ciel.

Ses travaux sur l’Astronomie n'auraient eu qu'un intérêt négatif s'il n'avait cependant soutenu la sphéricité de la Terre à laquelle il attribuait d’ailleurs des dimensions deux fois trop grandes sans faire connaître l’origine de ses résultats. Puisqu'il s'était proposé de rendre compte de toutes les connaissances de son temps, il aurait pu apporter quelque attention à la théorie d’Héraclite du Pont qui était son contemporain et qui eut le courage d’admettre la rotation de la Terre sur elle-même : ce dernier faisait tourner le Soleil autour de la Terre, mais il supposait que Vénus tournait autour du Soleil, ce qui à l’époque représentait une grande innovation.

Aristarque de Samos

Ce dernier système a encore été amélioré par Aristarque de Samos, contemporain d’Archimède, qui fut peut-être le plus génial astronome de l’antiquité, mais dont les idées, jugées sacrilèges, ne furent pas admises.

Il expliquait en effet tous les mouvements célestes en faisant tourner la Terre sur elle-même, la Terre et les planètes autour du Soleil. Et ce fut de sa part une extraordinaire révélation que l’idée de mettre le Soleil au rang des étoiles fixes, en admettant que l’orbite de la Terre autour du Soleil était infiniment petite par rapport à la distance des étoiles. Mais ces idées arrivaient vingt et deux siècles trop tôt et nous savons par Plutarque qu'il fut accusé d’impiété.

Comprenant alors qu'il ne parviendrait jamais à ôter la Terre du centre du monde, il eut une nouvelle idée non moins géniale que les précédentes. Il remarqua que rien ne serait changé dans ses calculs si, au lieu de supposer que la Terre tournait autour d’un Soleil immobile, il admettait que la Terre restant fixe, le Soleil et la Lune tournaient autour d’elle, toutes les planètes, sans exception, tournant en outre autour du Soleil.

Tel est le système qu'il osa publier et qui ne lui attira aucun ennui ainsi qu'il laissait la Terre immobile. Mais il avait perdu sa belle simplicité primitive et il ne tarda pas à tomber dans l’oubli.

Eratosthène

Dans l’ordre chronologique, nous arrivons maintenant à Eratosthène, né à Cyrène en 276 avant notre ère et que sa haute érudition avait fait désigner pour diriger la bibliothèque d’Alexandrie. Sans doute a-t-il emprunté quelques-unes de ses idées aux ouvrages qu'il était chargé de conserver. En tout cas, il acquit la certitude que la Terre était parfaitement sphérique et il en détermina fort correctement les dimensions en mesurant à la fois la différence des latitudes et la distance des deux villes d’Alexandrie et de Syène, aujourd’hui Assouan, situées à peu près sur le même méridien à 900 km de distance l’une de l’autre.

Il déduisit de ses mesures que la circonférence complète de la Terre devait valoir 250 000 stades et comme on est parvenu à retrouver de nos jours la longueur du stade utilisé en Egypte à cette époque, la détermination d’Eratosthène donnait à la circonférence de la Terre une longueur de 39 375 km au lieu de 40 000, ce qui représentait une excellente précision et un résultat d’une prodigieuse importance pour l’humanité.

Hipparque

Hipparque qui vécut à Rhodes au iie siècle avant notre ère peut être à juste titre considéré comme le plus grand astronome de l’antiquité. A l’occasion d’une étoile nouvellement apparue dans le ciel il construisit des instruments avec lesquels il détermina les positions de toutes les étoiles quelque peu brillantes, visibles dans sa contrée. Il parvint aussi à mesurer leur luminosité, communément appelée grandeur.

Outre ses innombrables observations d’étoiles, il en fit de très nombreuses de la Lune, du Soleil et des planètes dont il put calculer d’avance les positions par sa fameuse théorie des épicycles d’une application plus simple que celle des sphères d’Eudoxe, tout en ayant sur cette dernière l’avantage de tenir compte de la distance des astres.

Afin de pouvoir calculer leurs positions précises sur la sphère céleste, il créa de toutes pièces la trigonométrie sphérique, dont la trigonométrie plane de nos lycéens n'est qu'un cas particulier. Il établit les premières tables de la réfraction atmosphérique et il découvrit le grand phénomène de la précession des équinoxes en remarquant pour la première fois que l'axe du monde autour duquel tous les astres du ciel tournent dans leur mouvement diurne était rigoureusement fixe par rapport à la Terre, mais qu'il se déplaçait lentement par rapport aux étoiles.

Ayant découvert la modalité de ce déplacement il pouvait dès lors connaître avec toute la précision permise par les observations de son époque, à la fois les mouvements des étoiles et l’exacte durée de l’année.

Hipparque établit encore les théories permettant de calculer les conditions des éclipses de Lune et de Soleil qui purent être prévues d’avance avec précision.

Voici la traduction littérale d’un texte de Pline écrit au ier siècle de notre ère :

Hipparque aperçut une étoile qui s'était formée de son temps, et soupçonnant qu'il pouvait s'en former souvent de semblables, il osa entreprendre un ouvrage qui n'eut pas été sans difficulté, même pour un dieu, c'est-à-dire la description des étoiles. Il imagina des instruments pour en déterminer les positions et les grandeurs afin que l’on pût constater si les étoiles naissent ou meurent, si elles croissent ou diminuent. Laissant ainsi le ciel en héritage à celui qui saurait l’imiter, il a prédit pour six cents ans le cours du Soleil et de la Lune ; il a marqué les mois, les jours, les heures et la position des lieux où l’on pourrait observer les éclipses ; il a parlé en confident et en interprète de la nature.

Ses œuvres ne nous sont malheureusement pas parvenues, mais elles furent complétées par Ptolémée qui les a léguées à la postérité.

Cicéron

Nous nous contenterons de signaler les belles pages, écrites sur l’Astronomie par Cicéron dans le Songe de Scipion et par Pline l’Ancien au début de son Histoire naturelle. Ce sont de magnifiques œuvres littéraires, pleines de poésie, mais qui, au point de vue scientifique, ne nous apprennent rien de nouveau.

Sans doute serez-vous étonné en apprenant que Plutarque ne fut pas seulement un moraliste et un biographe mais qu'il s'occupa aussi d’astronomie avec un succès qui nous confond car il écrivit un ouvrage dont nous possédons le texte original en grec, mais que l’on désigne généralement par la traduction latine de son titre : De facie in orbe Lunae, dans lequel il dit notamment :

La Lune ne peut pas tomber sur la Terre par suite de son mouvement et de la rapidité de ce mouvement, de même qu'un projectile mis dans une fronde ne peut pas tomber par suite de sa rotation. Le mouvement naturel en effet n'entraîne un corps que si aucune force ne s'y oppose. Or la Lune n'est pas entraînée par son poids car celui-ci est compensé par la force due à sa rotation autour de la Terre.

Plutarque

Plutarque venait de découvrir le principe d’inertie et tous les éléments qui servirent de base à la mécanique céleste de Newton, mais il était trop tôt pour que ses idées puissent être mises en équation.

Ptolémée

Ptolémée, le fameux astronome grec d’Alexandrie, où il avait son observatoire, n'était pas de race royale, comme son nom pourrait vous le faire supposer. Mais son génie a pu se passer de cette ressource pour gagner l’immortalité car ses œuvres sont peut-être celles qui, de tous les temps, ont connu le plus extraordinaire et le plus durable succès. Nul n'a été loué davantage, même de son vivant et c'est sans doute par une spirituelle ironie que, dans une épigramme grecque mise en tête de son ouvrage le plus important, on lui fait dire en parlant de lui-même :

Je sais que je suis mortel et que ma carrière ne peut être de longue durée, mais quand je parcours en esprit les routes des astres, mes pieds ne touchent plus la Terre ; assis près de Jupiter même, comme les Dieux, je me nourris de la céleste ambroisie.

Sa célébrité survécut aux invasions barbares du ve siècle et à la chute de l’Empire romain, ses ouvrages ayant été traduits par les Arabes qui intitulèrent le principal d’entre eux la Composition mathématique Alma Gesta : Les grandes œuvres.

Almageste

Sa réputation était si grande et s'étendait si loin que l’on vit au 7e siècle le roi de Perse vainqueur d’un empereur byzantin lui imposer entre autres conditions de paix la remise d’une copie de l’Almageste.

Ainsi les travaux de Ptolémée se transmirent au cours du Moyen Age aux peuples civilisés de l’Orient et de l’Occident et ils furent enseignés pendant quinze siècles dans toutes les universités : ils l’étaient encore à Toulouse à l’époque de Louis XIV. Il faudrait donc en arriver à Copernic, Kepler, Galilée et Newton si l’on voulait, après Ptolémée poursuivre l’histoire de la science astronomique.

De nos jours, bien des lignes écrites par lui pourraient encore être enseignées à nos élèves ; voici par exemple la traduction littérale de quelques-unes d’entre elles :

La Terre a la forme sphérique, ce dont on peut se rendre compte pendant les éclipses de Lune qui permettent d’apercevoir l’ombre portée par la Terre sur la Lune. Le contour de cette ombre est une circonférence. En outre l’horizon de la mer vu d’un point assez élevé a aussi la forme d’une circonférence ; or la sphère est la seule surface telle que les points de contact des tangentes menées par un point extérieur soient situées sur une circonférence.

Il serait impossible aujourd’hui d’ajouter ou de retrancher un seul mot dans un texte aussi clair et aussi précis.

Je n'entreprendrai pas de vous détailler le contenu de l’Almageste qui en remontrerait de nos jours à bien des candidats au baccalauréat et même à des examens plus difficiles.

Comme nous venons de le voir, il considérait la Terre comme sphérique et il en connaissait les dimensions, il déterminait les longitudes et les latitudes des lieux terrestres ; il consacrait d’importants chapitres de son ouvrage à exposer comment on pouvait obtenir par la théorie des épicycles les positions du Soleil, de la Lune et de chacune des cinq planètes en tenant déjà compte de leurs principales inégalités ; il avait calculé à l’avance les positions successives de tous ces astres pendant une période de 800 ans, ce qui a certainement nécessité un important bureau de calcul pour mener à : bien un aussi prodigieux travail. Il connaissait la distance de la Terre à la Lune. Il savait que les dimensions de la Terre étaient extrêmement petites par rapport aux distances de tous les autres astres, distances que la précision des observations visuelles de l’époque, ne permettaient pas encore de déterminer. Il démontrait fort habilement que la Terre pouvait se soutenir isolée dans l’espace sans aucun support. Enfin il donnait des tables diverses et un catalogue d’étoiles fort complet.

Mais à côté de ces idées géniales subsistait une erreur grossière, due à cette opinion généralement répandue d’après laquelle l’homme était le centre et le but de la création, l’univers destiné à son seul usage, les astres mis dans le ciel pour agrémenter son existence. Aussi Ptolémée considérait-il la Terre comme immobile et située au centre du monde, ce qui l’obligeait à faire tourner tous les astres autour d’elle à des vitesses invraisemblables.

Cette difficulté ne lui avait pas échappé puisqu'il a écrit dans l’Almageste qu'il serait beaucoup plus simple, pour expliquer le mouvement diurne, d’admettre la rotation de la Terre, mais que cette hypothèse était trop ridicule pour mériter un examen sérieux.

Nous ne saurons jamais si c'était bien là son opinion profonde ou bien si celle-ci lui était dictée par la crainte d’être accusé d’hérésie, mais ce qui nous paraît le plus inconcevable c'est qu'une telle erreur ait pu subsister pendant quinze siècles sans froisser la raison des maîtres qui l’ont enseignée.

Il faut cependant reconnaître que malgré les bases erronées du système de Ptolémée un grand nombre de notions, données par lui, sont restées classiques et ont grandement facilité les progrès de l’Astronomie moderne.

Ptolémée a écrit bien d’autres ouvrages que l’Almageste et le Tétrabiblos où il parle d’Astrologie. Nous citerons : les Hypothèses sur les astres errants, les tables chronologiques des règnes, la liste de tous, les phénomènes astronomiques rapportés par l’histoire au cours de 4 500 ans, la théorie mathématique des sons de la musique, un traité d’optique dans lequel il parle de la vision, de la réflexion de la lumière sur les miroirs plans ou concaves, de la réfraction, en un mot de tous les phénomènes optiques connus à son époque.

Il est donc l’auteur d’œuvres immenses et encore ne vous ai-je pas parlé de la plus extraordinaire de toutes qui est sa Géographie dans laquelle il décrit non seulement l’ensemble de l’Empire romain mais bien au-delà toutes les régions de la Terre connues à son époque.

Cette Géographie représente deux volumes in-quarto de 3 à 400 pages chacun. Ses explications et ses descriptions se réduisent à peu de chose, mais chaque page contient les longitudes et latitudes de nombreux points : villes, sommets, embouchures, etc. Et encore cet ouvrage était-il complété dans l’antiquité par un atlas dont les cartes ne nous sont malheureusement pas parvenues.

L’énumération de toutes ces contrées étudiées par Ptolémée dépasserait à elle seule le cadre de cette conférence ; nous ne pouvons cependant passer sous silence leurs limites extrêmes. Au nord-ouest il va jusqu'à l’Islande, l’ancienne Thulé, au sud-ouest jusqu'aux îles Canaries, l’une d’elles étant Canaria Insula. Il rend compte de la côte ouest de l’Afrique où nous avons cru reconnaître l’embouchure du Sénégal et le Cap Vert en continuant le long de la Guinée, de la Sierre Leone et du Liberia. Mais il ne s'est pas borné à une navigation le long des côtes car il donne de nombreux points à l’intérieur du pays et semble avoir suivi le cours du Niger qui n'a pas changé de nom depuis l’antiquité. On devait alors traverser le Sahara en partant de la Lybie car il signale de grands marécages qui correspondent au Lac Tchad et semble être allé jusqu'au Cameroun.

Au sud de l’Egypte il rend compte du Soudan, de l’Ethiopie, de la Somalie et du Kenya où il connaissait certainement le Lac Victoria dont il donne les coordonnées des rives est et ouest. Il semble même être allé jusqu'au Tanganyika.

A l’est-il décrit l’Arabie pétrée et l’Arabie déserte, ainsi que la Perse au-delà de Babylone et la Sarmatie au-delà du Caucase.

Au nord, il décrit l’Irlande, Albion, la Germanie et la Sarmatie où nous croyons avoir identifié Moscou et Kiev.

Les embouchures de deux fleuves qui se jettent dans l’océan sarmatique, c'est-à-dire la mer Baltique, nous paraissent correspondre à l’emplacement des deux villes de Riga et de Léningrad, la limite des terres connues à cette époque étant à 350 km au nord-est de Léningrad et à 500 km à l’est de Moscou.

Vous ne vous doutiez probablement pas qu'au début du 2e siècle on connaissait déjà toutes ces régions lointaines et en particulier bien des contrées de l’Afrique qui passent pour avoir été découvertes dans le courant du xixe siècle.

Voilà donc cependant jusqu'où s'étendait la Géographie de Ptolémée qui paraît être une géniale compilation car ce n'est certainement pas lui qui a parcouru tant de contrées : sa vie entière n'y aurait pas suffi. En tout cas on voit que la détermination d’une part des dimensions de la Terre, d’autre part des longitudes et latitudes terrestres ont fait faire un pas décisif à la Géographie et ont ouvert la voie aux grands navigateurs de la Renaissance dont les Atlas n'ont eu tout d’abord pour base que la Géographie de Ptolémée.

Si donc ses ouvrages lui ont valu une célébrité qui n'a jamais été égalée, il faut reconnaître qu'il l’a bien méritée.

Lucrèce

Vous voudrez bien nous pardonner si nous faisons maintenant une entorse à l’ordre chronologique et vous donnant lecture, sans transition, de l’étonnant passage dans lequel le poète latin Lucrèce faisait allusion à la constitution corpusculaire de la matière inerte et même des êtres vivants :

Comment, dit Lucrèce, les rencontres fortuites des atomes, tombant verticalement, chacun étant animé de mouvements imperceptibles sans lesquels la nature n'aurait rien produit, comment ces rencontres, dis-je, ont-elles posé le fondement du Ciel et de la Terre, creusé l’abîme de l 'Océan, réglé le cours du Soleil et de la Lune ? C'est ce que je vais vous expliquer. Mais, je le répète, ce n'est pas par un effet de leur intelligence ni de leur réflexion que les éléments du monde se sont placés dans l’ordre où nous les voyons ; ils n'ont pas concerté entre eux les mouvements qu'ils voulaient se communiquer. Mais, infinis en nombre, mus de mille façons diverses, soumis depuis des siècles innombrables à des impulsions étrangères, entraînés par leur propre pesanteur, après s'être, rapprochés et réunis de toutes manières, après avoir tenté toutes les combinaisons possibles, à force de temps, d’assemblages ou de mouvements, ils, se sont coordonnés et ont formé de grandes masses qui sont devenues, pour ainsi dire, la première ébauche de la Terre, des Mers, du Ciel et des êtres animés.

Ainsi donc l’ère atomique est ouverte depuis le premier siècle avant notre ère.

Et pour conclure nous citerons quelques lignes de Sénèque qui eut le malheur d’être chargé de l’éducation de Néron, mais qui est aussi l’auteur d’un traité sur les phénomènes naturels, dans lequel nous relevons cet éloquent passage par lequel il annonce qu'à force de travail et de patience :

On parviendra certainement à découvrir ce qui nous, est encore inconnu dans le Ciel, toute la vie d’un homme, dit-il, étant insuffisante pour l’étude d’un aussi vaste sujet, mais un jour viendra où toutes ces questions seront universellement acquises et nos descendants seront alors surpris que nous ayons pu les ignorer.

Il avait donc confiance dans l’infini progrès des connaissances humaines.

BIBLIOGRAPHIE