Secret – Capitaine Paloque – Juin 1896Brouillon de mon rapport dont la conséquence fut l’adoption du canon de 75 pour l’artillerie française
18e Corps d’Armée, Brigade d’Artillerie, 24e régiment
Rapport
établi par la commission des essais du matériel de 75
Exécution des dépêches ministérielles du 8 mai et 20 mai 1896
À Tarbes, 1896
Rapport établi par la commission chargée des essais du matériel 75 C1
Une commission composée de MM. :
Oudard, chef d’escadron, président,
Arroinaux,
d’Ambly,
Paloque, capitaine commandant le 6 brigade du 24e régiment, rapporteur,
Despiet
Pascal,
Batsale
Boé
À été chargée de procéder aux essais d’une batterie de 75 C1, conformément au programme établi par le général président du comité d’Artillerie.
Composition du matériel : le matériel soumis aux essais comprenait 6 pièces, 6 caissons et 6 déboucheurs.
La reconnaissance de ce matériel, faite à l’arrivée n’a révélé aucune dégradation sérieuse.
La commission a dirigé les essais de manière de rendre compte de la valeur générale du matériel et à mettre en mesure de répondre aux divers points spéciaux sur lesquels le programme visé ci-dessus appelle son attention et demande son avis, à savoir :
Mobilité du matériel ;
Sa résistance ;
Facilité du service des pièces ;
Qualités de tir ;
Modifications à apporter aux projets de règlements remis aux membres de la commission ;
Composition à donner à la batterie ;
Possibilité de la mise en service dans les batteries à cheval attachées aux divisions de Cavalerie.
En admettant que le matériel de 75 soit adopté et mis en service, devra-t-on doter chaque batterie de 6 pièces ou seulement de 4 ?
Pour l’éclairer sur cette question, la commission a étudiée parallèlement les propriétés des deux types de batterie au point de vue :
des facilités de service ;
de la rapidité de tir ;
de l’efficacité du tir.
Les formations de la batterie à 4 pièces seront plus simples que celles de la batterie à 6 pièces et le choix des emplacements de batterie sera simplifié.
La transmission des commandements est très difficile dans la batterie à 6 pièces. Dès que le tir rapide est commencé, le bruit des détonations, le va et vient des pourvoyeurs entres les caissons et les pièces, le trouble des attelages empêchent toute relation entre le capitaine, qui est à l’arrière des sites et les chefs de sections du centre et de l’aile gauche. Dans ces conditions, il est très difficile de tirer de ce matériel puissant le maximum de l’ordre même que l’on est en droit d’en attendre.
En admettant que l’ennemi soit également pourvu d’un système d’artillerie à tir rapide, le personnel sera tellement éprouvé par le feu de l’artillerie, qu’il y aura lieu de disposer à l’échelon d’un plus grand nombre d’hommes haut le pied. La batterie réduite à 4 pièces laissant un nombre disponible, permet de constituer une réserve sans augmenter sensiblement l’effectif d’une batterie.
Le réglage a duré 2’30", 1’45" et 1’40" dans les tirs de la batterie à 6 pièces et a duré 3’30", 3’ et 1’ dans les tirs de la batterie à 4 pièces.
Le réglage peut donc être aussi rapide avec la batterie à 4 pièces qu’avec la batterie à 6 pièces.
Quant aux rafales, un personnel… peut les tirer en un temps si court qu’il n’y a pas lieu de tenir compte ici de la réflexion à cet égard contre les deux types de batterie.
La seule objection que l’on pourra opposer à l’adoption de la batterie à 4 pièces, consiste en ce que, dans un tir rapide sur le point décisif, la batterie à 4 pièces n’enverra guère que 60 projectiles par minute sur la position ennemie, tandis que chaque batterie à 6 pièces pourrait en envoyer 90.
Cette objection n’a pas grande valeur : en admettant en effet que l’écrasement de l’ennemi nécessite 300 projectiles par batterie, on voit qu’à la rapidité de 15 coups par pièce et par minute, une batterie à 6 pièces tirera ces 300 coups en 3 minutes 20" et qu’une batterie à 4 pièces en 4 minutes 6". Cette augmentation de durée est insignifiante et il ressort bien ce qui précède que l’effet total produit par le tir dépendra même du nombre de pièces que de l’importance des approvisionnements et de la bonne exécution du service de ravitaillement.
Les effets du tir de la batterie à 4 pièces ont été pendant les essais tout à fait comparables à ceux de la batterie à 6 pièces. Les officiers de la commission sont unanimement d’avis que la batterie à 4 pièces doit être préférée à la batterie à 6 pièces. La durée du réglage est sensiblement égale et les effets du tir sur un front proportionné à celui de la batterie sont les mêmes. Sur un but plus étendu, le fauchage permet, dans un temps très court, de battre efficacement tout le front.
Enfin, la transmission des commandements se fait beaucoup plus facilement.
D’ailleurs, la rapidité du tir et son efficacité tiendront surtout à l’instruction, au sang froid des hommes et à la surveillance des gradés. Il adviendra donc de plus en plus nécessaire pour les officiers de tenir leur personnel dans la main : à ce point de vue, la batterie à 4 pièces est encore préférée à la batterie à 6 pièces.
Elle pourrait être ainsi organisée :
Avec un tir aussi rapide, le ravitaillement des batteries sur le champ de bataille prend une importance de premier ordre. Il faut amener sur la ligne de feu le plus grand nombre possibles de cartouches. Comme on vient de le voir, les effets produits tiendront moins au nombre des pièces qu’à l’importance des approvisionnements en munitions. La commission est d’avis qu’il faut amener sur la position autant de caissons que de pièces, soit 4 caissons dans la batterie à 4 pièces.
La commission propose donc de fixer la batterie de tir à 4 pièces et 4 caissons. Quant à l’échelon de combat, il comprendrait au moins 8 caissons.
Le nombre de servants, de conducteurs de chevaux haut le pied, devra être augmenté dans une grande proportion.