NOTICE
sur le développement et la gestion
des
FORÊTS COMMUNALES
DANS LE DEPARTEMENT DU GARD
1800 -1895
Les forêts communales gérées par l’Administration des Forêts, conformément aux dispositions du Code Forestier, couvrent dans le Gard, en 1896, une surface totale de 44 031 hectares, répartie entre 142 communes. Elles s’étendent pour la plus grande partie en terrain calcaire, sur les coteaux et basses montagnes, auxquelles on donne dans le pays le nom de Garrigues, quand elles ne sont plus boisées, ou qu’elles sont simplement clairsemées d’arbustes et arbrisseaux tels que : buis, kermes, bruyères, genêts, genévriers, plus ou moins abimés par le pâturage.
Le chêne vert ou chêne-yeuse forme presque exclusivement les peuplements des forêts communales. Le chêne blanc, ou chêne rouvre pubescent, s’y rencontre aussi, mais en très faible proportion, dans la partie nord du département.
L’objet de cette notice est de résumer ce qui a été fait depuis le commencement du siècle pour assurer aux communes le développement de cette importante propriété forestière, telle qu’elle est aujourd’hui constituée, et de donner un aperçu général sur l’état ancien de ces bois, sur les transformations qu’ils ont subies, et sur les résultats que la gestion a réalisés.
L’ordonnance de 1669, portant règlement général pour les eaux et forêts du royaume, édictait les dispositions applicables aux bois et autres propriétés des communautés et habitants des paroisses, et l’intervention des officiers des maitrises des eaux et forêts.
Nous relevons aux xviie et xviiie siècles quelques actes qui établissent l’application de l’ordonnance de Louis xiv, et l’intervention des commissaires royaux dans les bois de communautés qui dépendent maintenant du département du Gard.
Le 22 avril 1670, un procès-verbal de reconnaissance des limites des bois communaux de la Bastide d’Engras est dressé par un arpenteur et un géomètre, commis par l’Intendant du Languedoc, Claude Bazin, seigneur de Bezons, et par M. Louis Defroideur, seigneur de Sevize, commissaire et député par Sa Majesté, pour la réformation générale des eaux et forêt de la grands maitrise de Toulouse.
Même année, un jugement souverain, rendu le 21 avril par les Commissaires réformateurs, applique à la forêt de Ronzes une contenance de 1 549 arpents, mesure de Toulouse, et en attribue la propriété à la communauté d’Aiguez.
Cette forêt fut plus tard l’objet de contestations et d’un partage entre les communes d’Aiguèze et de Saint-Martin d’Ardèche.
Du 16 au 28 octobre 1726, la maitrise des eaux et forêts du Vivarais dresse « le verbal de visite et procédure d’aménagement, contenant arpentement et vérification » de tous les bois et vacants du mandement de Montclus (aujourd’hui bois communaux de Montclus, Issirac, Le Garn, Orgnac, Saint-André de Roquepertuis).
Le 6 octobre 1768, une ordonnance du chevalier André de Cheyssac, grand maitre enquêteur et général réformateur des eaux et forêts du Languedoc, commet les officiers de la maitrise de Villeneuve-de-Berg, pour procéder à la reconnaissance de l’état des bois des communautés du diocèse d’Uzès, à l’effet de constater les défrichements qui peuvent y avoir été faits.
10 février 1770 : établissement d’un plan des bois de la Bruguière, par un expert géomètre de la maitrise de Villeneuve-de-Berg, en vertu d’une ordonnance du grand maitre.
2 mars 1772 : procès-verbal de visite des bois de la communauté de Saint-Gervais, effectué par le Sr Landrau, avocat, conseiller du Roi, garde-marteau au siège de la même maitrise.
3 août 1786 : ordonnance du grand maitre des eaux et forêts au département du Languedoc, à la requête des consuls et habitants de la communauté de Laudun, pour l’aménagement de leurs bois communaux. Le 25 suivant, eut lieu la visite du bois par le maitre particulier de la maitrise de Villeneuve-de-Berg.
L’action des maitrises ne parait pas d’ailleurs s’être exercée d’une manière suivie dans la partie du Languedoc qui forme le département actuel du Gard. À la suite des dévastations survenues pendant les guerres de religion, puis des luttes religieuses dont cette région fut le théâtre pendant la première moitié du xviie siècle, et plus tard, après la révocation de l’édit de Nantes, l’état des bois devait être tel qu’on pouvait à peine leur donner ce nom, et les distinguer des garrigues ordinaires.
On écrivait en 1775 : il est de notoriété publique qu’en Languedoc la disette des bois à briller est extrême, qu’elle augmente annuellement dans une proportion sensible... Les manufactures en dévorent d’immenses quantités on détruit les arbrisseaux et broussailles dans les sols qui ne peuvent fournir aucune autre production, et qu’on condamne par la à une stérilité éternelle.
Dans plusieurs cantons, on cuit la tuile et la poterie avec de la paille, quoiqu’elle y manque pour la nourriture et la litière des bestiaux .
Les maitrises de Montpellier, d’un côté, de Villeneuve de-Berg, de l’autre, n’intervenaient le plus souvent à l’égard des bois des communautés que quand leur action était provoquée par des circonstances particulières. La plupart des actes de gestion ont été certainement accomplis en dehors d’elles.
C’est ainsi qu’une transaction notariée du 2 mars 1759, conclue entre les communautés d’Euzet et de Saint-Just et Vacquières relativement à la jouissance de leur forêt indivise, en règle les détails en dehors de toute intervention des officiers royaux : introduction du bétail dans les taillis, délivrance du bois de chauffage, ou faculté de lignerage, répartition entre les deux communautés du produit de la vente des coupes, dispositions relatives à la glandée, nomination des gardes, désignation des bois à mettre en réserve.
Les maitrises des eaux et forêts paraissent, dans cette région, s’être occupées plus fréquemment des bois appartenant aux communautés ecclésiastiques. Au xviiie siècle, nous trouvons trace de leurs opérations dans les bois appartenant aux chapitres de Nîmes et de Saint-Gilles, à l’évêché d’Uzès, l’abbaye de Franquevaux, au grand prieuré de Saint-Gilles, dépendant de l’ordre de Malte, et à l’abbaye des Chambons, qui possédait un bois sur le terroir de Bagnols.
La loi des 15-29 septembre 1791 organisa en principe la nouvelle administration forestière et en régla les attributions. Un titre spécial déterminait les mesures relatives à la surveillance et à la gestion des bois des communautés. Mais la période révolutionnaire empêcha dans le Gard, comme ailleurs, l’application de cette loi. Pendant cette période de bouleversements, et jusque sous le Directoire, les forêts furent livrées à toutes sortes de déprédations, dont les traces devaient longtemps subsister ; les administrations locales paraissent avoir seules effectué la plupart des actes relatifs à la jouissance de la propriété commune .
À Nîmes, une délibération de l’administration municipale du 9 thermidor an ii nommait des commissaires municipaux pour faire la vérification des garrigues et bien communaux, en constater l’étendue, et désigner les parties susceptibles d’être mises en glands.
Ce n’est qu’en IX, sous le Consulat, que l’administration des Forêts fut réellement organisée par la loi du 6 pluviôse (26janvier 1801) et commença à fonctionner plus ou moins régulièrement. Nous relevons, pour plusieurs forêts communales, les dates suivantes pour l’arpentage et l’exploitation des premières coupes, à l’intervention de la nouvelle administration : Barjac, Brouzet, Saint-Just et Vacquières, 1804 ; — Bouquet, Sauve 1805 ; Domessargues, Euzet, Pompignan, 1806 ; - Corconne, 1809 ; etc.
Dès 1806, il y a des coupes adjugées dans les bois de Nîmes. Un décret du 21 août 1806, suivi d’un arrêté préfectoral du 23 octobre 1816, prescrit la délimitation dans chaque commune du Gard « de l’étendue des garrigues nécessaires au pacage des bestiaux, et de celle qu’il convenait de recéper et de convertir en bois taillis et futaies. »
Cette visite du bois fut faite pour quelques communes par les agents de l’administration, notamment pour la ville de Nîmes en 1807 ; le procès-verbal qui en fut dressé constate l’état déplorable des garrigues communales, par le fait de l’introduction des bestiaux, et de l’enlèvement des bois, que les habitants prenaient à volonté.
Quelques mesures de conservation furent prises à cette époque : on créa des gardes, on ordonna des recépages ; mais les abus persistèrent, et une nouvelle visite faite en 1811, par l’administration des Forêts, avec le concours de deux membres du Conseil municipal, constata une deuxième fois l’état de dégradation des communaux de la ville.
Cet état était d’ailleurs général dans le département. « Les bois deviennent chaque jour plus rares, écrit-on à cette époque, à cause des dévastations qui se commettent dans les forêts nationales et communales. La consommation semble même s’accroitre avec la destruction des bois, dont le prix éprouve une augmentation effrayante. Le défaut de surveillance des gardes, les entreprises des propriétaires qui conduisent les troupeaux dans les forêts, commettent des dégâts immenses, en dévorant les jeunes plants, la fureur des défrichements mal entendus, tout semble concourir à. la destruction du bois de chauffage.... Il serait très important que ces dévastations eussent un terme, et que les forêts du département, qui n’offrent plus aujourd’hui que de vastes garrigues, peu propres même à la dépaissance, fussent reboisées et rigoureusement surveillées ( ).
Une statistique de l’an XI donne pour la superficie du sol forestier appartenant aux communes 46 062 hectares, dont les 3/5 sont à l’état de taillis, et les 2/5 à l’état de clairières et de vides. Mais dans la partie considérée comme réellement boisée, la consistance des peuplements devait être bien médiocre et très irrégulière, si l’on s’en rapporte aux descriptions de l’époque, généralement sommaires. À Rochefort, un canton de 200 hectares a été ravage en entier pendant la Révolution ; une coupe de 88 hectares, vendue pour l’ordinaire 1812, a été
dévastée par la mauvaise exploitation et ensuite par le pâturage ; on propose de la recéper pour 1819. À Carnas, les bois (300 hectares) ont été dévastés en entier et abroutis depuis longtemps, dit un document de 1822. À Sabran, les bois communaux, ont disparu totalement avant 1828. Remoulins, Saze, Serviers, Saint-Pons-la-Calm, Saint-Quentin, Vers, Castillon-du-Gard, Orsan : les bois ont tous été détruits par les arrachis des habitants et des adjudicataires, et ensuite dévastés par le pâturage, disent les documents de 1819 et 1820.
Sagriès : en 1822 aucune coupe n’est possible, bien qu’il y ait 100 hectares de terrains désignés comme bois : il n’y a que de mauvaises garrigues complantées d’essences inférieures.
Clarensac : les bois de cette commune avaient été recepés sur une étendue de 300 hectares et s’étaient bien rétablis, mais ils ont été ensuite abimés en totalité ; en 1820 on ne peut y établir de coupe.
Cavillargues : la coupe proposée, pour 1822 n’a que 8 ans ; mais ayant été arrachée et broutée, il convient de la faire couper à nouveau.
L’action de l’administration des Forêts ne pouvait d’ailleurs, s’exercer, pendant ce premier quart du siècle, que d’une manière insuffisante, à l’égard des bois communaux. Les agents au nombre de trois ou quatre seulement pour le département, ne pouvaient surveiller convenablement le personnel des gardes communaux, mal rétribués, peu capables, et souvent trop enclins à satisfaire uniquement les municipalités et les populations locales, en se dérobant le plus possible à l’autorité administrative. L’administration avait à s’occuper d’abord des forêts devenues propriétés de l’État, à la suite de la confiscation des biens du clergé, et aussi, jusqu’en 1815, des forêts confisquées sur les émigrés. Pour les forêts communales, l’action du service se bornait à effectuer les adjudications des coupes annuelles, préalablement assises par les arpenteurs forestiers, a procéder à la délivrance des bois d’affouage, et des taillis pour le pâturage et poursuivre les délits.
Les correspondances de ce temps font voir les difficultés qui rendaient l’administration singulièrement impuissante : exigences des communes, qui réclament le pâturage dans les taillis de 2 on 3 ans, discussions continuelles au sujet du choix des gardes communaux et de leur conduite, mauvaises exploitations impunément faites par les adjudicataires, usurpations et abus de toute nature, absence de règlements précis, insuffisance de la législation et des moyens de répression, dispositions des tribunaux d’alors à excuser des délits très graves. Ces difficultés étaient encore accentuées par l’instabilité de l’organisation jusqu’en 1827, les fréquents remaniements des circonscriptions forestières, les diverses modifications survenues dans l’administration supérieure, notamment par le rattachement du service forestier à l’administration de l’enregistrement et des domaines, qui dura de mai 1817 à octobre 1820.
Avec la promulgation du Code forestier, une ère nouvelle commence pour la gestion des forêts communales. L’article 128 de l’ordonnance réglementaire du 1er août 1827 prescrivait l’établissement d’un état général des bois des communes susceptibles d’exploitation régulière, et de procès-verbaux de vérification dressés contradictoirement avec les municipalités. Dans le Gard, ces opérations d’assiette ou de révision du sol forestier furent entreprises dies 1828 et se continuèrent pendant la période de 1830 à 1840. Il s’agissait de déterminer pour chaque communauté, la portion des communaux à traiter en bois, et la partie à laisser au libre usage des habitants.
Les reconnaissances contradictoires qui étaient faites par les agents de l’administration et les représentants des Conseils municipaux donnaient lieu à des divergences d’appréciation parfois singulières. D’un côté les communes, désireuses de se soustraire à toute ingérence administrative, prétendent que leurs biens ne peuvent être considérés comme des bois admettant un traitement régulier ; d’autre part, l’agent de l’administration, entrevoyant sur un sol plus ou moins ruiné quelques éléments favorables à la reconstitution des forêts, estimait qu’il y avait lieu de le placer ou de le maintenir sous le régime protecteur, édicté par la loi. À Goudargues, commune propriétaire de plus de 1 400 hectares de terrains assez bien boisés, le Conseil municipal, dans une délibération de 1837, traite de simples garrigues improductives des cantons où des coupes viennent de se vendre 120 francs l’hectare, et d’autres, où les bois sur pied sont estimés valoir 250 francs, l’hectare également. Ces oppositions n’empêchèrent d’ailleurs pas l’application de la loi organique de 1827, et l’intervention des décisions et ordonnances qui déterminaient, par commune, les cantons pour lesquels la gestion administrative était reconnue nécessaire et possible.
Par suite des modifications successives apportées, après des reconnaissances générales, dans la démarcation des terrains déclarés susceptibles d’exploitation rentière normale, l’étendue totale, qui était encore évaluée à 56 731 hectares en 1829, n’est plus que de 49 707 hectares pour 1830, et de 48 147 hectares en moyenne de 1881 à 1839.
En même temps que les contenances respectives des forêts se précisent par suite des premières délimitations, et que les massifs boisés commencent à se séparer nettement de la garrigue et des communaux laissés au libre parcours, l’état des bois se transforme et s’améliore. Vers 1838, beaucoup de forêts ont été parcourues en entier, par les nouvelles coupes, et les traces des dévastations qui ont marqué la période révolutionnaire et celle de 1815 s’effacent peu à peu, malgré de nouvelles déprédations commises en 1830.
Les documents de l’époque signalent sur beaucoup de points une amélioration notable. À Estezargues, en 1829, il y a 490 hectares suffisamment peuplés de chênes verts, d’une belle venue, et les coupes pourront se renouveler périodiquement. À Saint-Gervais, en 1831, le bois (150 h.) est bien planté, il y existe d’anciens et de modernes chênes blancs ; pas d’abroutissements, pas de délits. En 1832, à Saint-Victor-la-Coste, l’état général des bois est déclaré satisfaisant ; à Allègre, même année, l’état est également bon et comporte des exploitations régulières. À Fontanes en 1833, il y a 50 hectares de bois. contre 500 hectares de garrigues nues ; « au milieu du déboisement général de la contrée, dit un rapport officiel, le bois de Fontanes est encore un des plus satisfaisants, et des moins maltraites. » En 1834, les taillis de Pompignan, d’une contenance de 526 hectares alors, et qui constituent aujourd’hui un des beaux massifs du département, sont dans un état satisfaisant. De 1826 à 1835, on a exploité 264 hectares, vendus 52 138 francs, soit prés de 200 Fr. l’hectare. En 1837, à Aigaliers, la forêt est peuplée en grande partie d’un taillis essence chêne vert et blanc, dans un état serré, pouvant rendre très productive la vente annuelle des coupes. À Saint-Alexandre, même année, on compte que depuis 1829, époque à laquelle la commune a cessé de disposer à son gré de la forêt, la végétation est plus active ; les brins de taillis, qui ne sont plus abroutis, sont mieux conservés, et offrent pour l’avenir des ressources avantageuses dont la commune a été privée jusqu’à ce jour. À Aiguèze, également en 1837, on constate que depuis que la forêt, auparavant dégradée par de mauvaises exploitations, est surveillée par l’administration, il y a amélioration sensible. Les taillis sont serres et se repeuplent
très bien il existe de nombreux baliveaux, des modernes et même des anciens. À Lirac, à Goudargues, la reconnaissance des bois faites à la même époque permet de juger de la bonne conservation du taillis ; dans ceux de la dernière de ces communes, il y a environ 35 000 baliveaux, 1 200 modernes, 700 anciens, répartis sur une surface de plus de 1.400 hectares.
À côté de ces forêts en voie de reconstitution, il en reste cependant un grand nombre dont la dégradation est encore considérable. À Montmirat, en 1834, le sol n’est boisé que sur moins de la moitié de la surface considérée comme forêt ; les cépées sont malavenantes et rabougries, il n’y a pas des semis naturels. À Bordezac, même année, une partie de la forêt est assez bien venante ; mais un tiers environ a été livré à tous les abus imaginables ; plus de dix mille pieds d’arbres de 35 à 40 centimètres de circonférence ont été coupés en jardinant dans les parties ils paraissaient le plus vigoureux. À Poulx, en 1835, la forêt, qui a une étendue d’environ 500 hectares, ne présente sur les 5/6 de sa surface que des taillis peu serrés et mal plantés. À Sainte-Anastasie, en 1837, l’état de végétation de la forêt ; (562 hectares) est peu satisfaisant, ce qui doit être attribué d’abord aux abus du pâturage, ensuite au vice destructeur des exploitations, qui consiste à écuisser et arracher les brins des taillis au lieu de les couper à la hache. Même constatation pour les bois de Cornillon et d’Aubussargues. À Navacelles, également en 1837, un tiers de la forêt, qui a 300 hectares, est mal planté et rabougri, ayant beaucoup souffert pendant les années qui suivirent la Révolution de 1789 ; le surplus est médiocrement serré. À Saint-André d’Olerargues, à la même époque, on constate que la forêt, ayant alors 134 hectares, n’a pas été exploitée en coupes réglées et successives ; on a tellement anticipé sur la contenance des coupes que les taillis les plus âgés n’ont que 12 ans ; les abus de pâturage, la mauvaise surveillance d’un préposé ont amené une dévastation intense ;
les arbres de réserve ont été enlevés ; il ne reste plus que 600 chênes blancs anciens d’une végétation languissante. À Vallabrix, le bois (96 hectares n’est bien garni que de chênes-kermès arrachés journellement par les habitants ; on y trouve quelques rares brins chênes verts.
Enfin en 1838, on constate d’une manière générale que dans beaucoup de forêts on a trop exploité ou anticipé précédemment, et qu’il faut réduire ou supprimer des coupes. Les bois les plus âgés ont 14 ans à Saint-Mamert, 13 ans à Saint-Clément, 12 ans à Saint-Côme, 8 ans seulement à Remoulins pour des forêts, dont l’étendue varie de 80 à 130 hectares, et qui devraient comporter l’établissement de coupes annuelles.
La période de 1840 à 1850 est occupée spécialement par les délimitations générales des principaux massifs ; ces opérations avaient été, sur plusieurs points, entreprises dès 1830, mais ce n’est que vers 1840 qu’elles entrent dans la phase d’exécution d’ensemble. Des forêts étendues, notamment celles de Saint-Hilaire d’Ozilhan, Valliguières, Saint-Victor-Lacoste, Saint-Laurent-la-Vernède, Aigaliers, Lussan, Rochefort, Nîmes, Pompignan, Corconne, Barjac, sont l’objet de ces travaux d’une nécessité primordiale. Les géomètres opérateurs se heurtaient à des difficultés de tout ordre : opposition mauvaise volonté des riverains, empiétements et enclaves en nombre considérable, absence de titres ; il fallait presque toujours s’en référer uniquement au cadastre, de confection récente, et aux Compois du siècle dernier, confus ou en mauvais état. Les géomètres étaient souvent trompés par des indicateurs intéressés. Comme exemple des abus qu’on relevait alors en cette matière, on peut citer les usurpations constatées en 1832 dans les bois d’Aigaliers ; ces usurpations provenaient de ce que « le géomètre qui fut chargé du cadastre de cette commune s’était livré à de coupables manœuvres. En général, les propriétaires se firent distribuer par cet agent une grande partie des terrains communaux ; pour consacrer cette usurpation, les états de section furent ou soustraits des archives de la commune, ainsi que l’ancien Compois ; on assure qu’il n’y a pas un seul propriétaire qui n’ait empiété sur le sol communal ; enfin le garde local les laisse tous élever des murs. »
Dans l’ancien mandement de Montclus, territoire d’Orgnac, un nombre considérable d’individus avaient usurpé dans la forêt indivise du mandement des contenances assez importantes ; on avait, pour créer des titres, raturé et surchargé le Compois de 1782, et gratté les totaux d’une manière très apparente.
En dépit de tous les obstacles, vers 1860, la sol forestier commençait à être exactement séparé des cultures ou des garrigues voisines, les enclaves étaient sur beaucoup de points reconnues et arborées, et l’on avait les éléments nécessaires pour établir avec une exactitude suffisante les plans d’ensemble des principaux massifs, alors que l’administration n’avait pu antérieurement s’en référer qu’aux indications du plan cadastral, souvent impossible à appliquer, ou d’anciens plans d’arpentage insuffisants ou informes. En même temps que la gestion devenait ainsi plus facile, la surveillance par les gardes était faite dans des conditions de plus en plus satisfaisantes ; mais l’ordre et la régularité dans les exploitations laissaient encore beaucoup à désirer. Il subsistait de nombreux abus que l’administration était impuissante à éliminer ou à restreindre.
À part quelques forêts exploitées dans des conditions convenables, on relève, en 1843, des situations anormales pour de nombreux massifs. Les nombreuses dévastations et les défrichements multipliés qui frappent les forêts communales, écrit à cette époque l’auteur de la Statistique du département du Gard, accroissent ; chaque jour la rareté du bois, car on ne peut regarder aujourd’hui comme boisés des terrains qui ne présentent le plus souvent, et particulièrement dans la partie méridionale, que des landes ou garrigues, suivant le terme en usage dans le pays . À Flaux, il est impossible d’asseoir les coupes ordinaires, les taillis sont trop jeunes, les coupes forcées qui ont eu lieu pendant la dernière période obligent de suspendre toute exploitation jusqu’à nouvel ordre. À Saint-Alexandre, Gollorgues, Tornac, Rochegude, Saint-Clément, les coupes ont été trop forcées, on ne peut en délivrer pour l’exercice courant. À Saint-Michel d’Euzet, les bois les plus âgés n’ont que 7 ans, on ne peut rien y couper. Même impossibilité dans les bois de Serviers-Labaume, Remoulins, Saint-Médiers. Dans les bois de la ville de Nîmes, une reconnaissance officielle faite en 1843 établit qu’ils ont été depuis de longues années livrés à la dévastation, aux abus les plus déplorables. Partout abroutissement complet, le pâturage a été toléré aussi bien dans les taillis en défens que dans ceux défensables. Partout les délinquants ont fait table rase sur les bois ; sur beaucoup de points, il y a des délits de chêne vert et kermès par extraction de souches ; là où, au lieu d’arracher les souches, on s’était contenté de couper, il était évident que les taillis, avant de parvenir à l’âge de 20 ans, avaient été, dans cette période, ravagés deux ou trois fois. » En 1844, à Saint-Mamert, sur 400 hectares de terrains communaux, 40 seulement sont soumis à la gestion de l’administration ; sur le surplus, on ne voit que bien peu de jets de plus d’un an ; les habitants les coupent impitoyablement pour en faire de maigres bourrées les souches périssent parce qu’elles sont exploitées à des époques trop rapprochées. En 1816, dans les bois de Montaren, les peuplements exploités à 10 ans sont réduits à l’état de broussailles et buissons, dépeuplés et étouffés par le mort-bois qui a pris la place des bonnes essences. À Montpezat, en 1847, 95 hectares de bois en coteaux secs et pierreux, peuplés de chênes verts et kermès, sont dévastés, coupés et arrachés chaque jour ; il y a quelques rejets d’un an, dit le procès-verbal de visite, maximum de l’existence à laquelle ils sont condamnés ; ils poussent, d’ailleurs, avec une vigueur qui ne laisse aucun doute sur la possibilité de reformer le bois. » À Valliguières, avant 1850, l’assiette des coupes était souvent subordonnée aux commodités des habitants.
Au lieu de se suivre de proche en proche, les coupes étaient placées, au gré des habitants, dans un canton autre que celui elles étaient les années précédentes ; on abandonnait le canton où étaient les jeunes coupes pour choisir les plus beaux bois, quelquefois au milieu d’un massif étendu. Il en résultait qu’en 1854, on trouvait de jeunes taillis englobés dans les vieux bois. C’était une sorte d’exploitation à tire et aire appliquée aux taillis.
Par contre, certaines forêts, en dehors de celles qui avaient été depuis très longtemps en bon état et productives, entraient en pleine amélioration. Les reconnaissances faites depuis 1855 fournissent quelques renseignements à citer. Dans les bois de Fons-sur-Lussan, en 1859, il y a dans plusieurs cantons des peuplements très bien venants ; au canton de la Mourade, il y a un peuplement de chênes blancs à l’état de futaie très clairières sans doute, mais les arbres sont beaux, et, malgré le parcours, on voit partout apparaitre de petits chênes, drageons et plants de semence.
À Saint-Christol-de-Rodières, en 1864, les deux tiers de la forêt sont dans un état satisfaisant ; à Serviers-Labaume, en 1865,le bois est en voie d’amélioration, quoique clairière. À Seynes, à Deaux, en 1866, les bois viennent bien, le taillis est de consistance moyenne. dans les bois de Saint-Médiers, les coupes qui s’étaient vendues 57 francs l’hectare en moyenne, pendant la révolution terminée en 1858, se sont vendues115 francs l’hectare, prix moyen, de 1858 à 1868, augmentation due pour une bonne part à la transformation des peuplements et à une meilleure surveillance de la forêt.
Dans le but de donner satisfaction aux réclamations de certaines communes, surtout de montagne, qui s’efforçaient de soustraire leurs bois à la tutelle de l’Etat pour s’y livrer plus aisément à l’exercice du pâturage, le Gouvernement de 1848, puis le second Empire, firent procéder en 1850 et en 1854 à une révision du régime forestier des bois des communes. Dans le Gard, cette opération eut pour résultat l’abandon à la pleine jouissance des communes d’environ 1300 hectares de terrains généralement mal boisés ou ne paraissant pas aptes à constituer des forêts d’avenir.
La surface totale des forêts communales, qui était de 44 820 hectares en 1843, était réduite a 44 311 hectares 1850, et à 43 004 en 1860 ; mais si la superficie avait subi quelque diminution, la noise en valeur était devenue plus intensive. et la production en argent continuait à s’accroitre, sans que l’élimination des terrains médiocres en ait ralenti le progrès continu.
C’est à partir de 1860 que sont entreprises les principales études d’aménagement, dont l’objet est de faire déterminer par un acte précis et l’étendue et la situation de la coupe annuelle à livrer à l’exploitation. La fixation générale des limites du sol forestier avait été le premier fait caractéristique de la gestion ; le partage de la forêt en coupes rationnellement déterminées a été le deuxième, non moins important. Après la reconnaissance et l’abornement de la propriété, il fallait en étudier la mise en valeur la plus appropriée à la nature des forêts, tout en donnant satisfaction aux besoins périodiques de la communauté propriétaire. La division en coupes régulières a été depuis 1860 l’objectif principal des efforts du service. Bien avant cette époque, il était d’ailleurs intervenu quelques ordonnances réglant les exploitations pour divers taillis communaux et, dés 1810, on trouve des contenances de forêts déterminées d’après les procès-verbaux d’aménagement.
On a vu quels abus avaient subsisté jusqu’après la première moitié du siècle dans l’établissement des coupes annuelles ; abus d’autant plus déplorables que la mauvaise assiette des coupes de taillis à sa répercussion pendant une période plus ou moins longue, et qu’il devient souvent très difficile, malgré des mesures transitoires, de rétablir le bon ordre, surtout dans les forêts communales, dont les propriétaires sont presque toujours pressés de réaliser les produits. Comme exemple des résultats dus à l’assiette des coupes en dehors de toute base précise et régulière, on peut citer le petit bois de Collorgues où, jusqu’en 1869, par suite d’une fausse appréciation de la vraie contenance de la forêt, les taillis s’exploitaient à 15 ans, au lieu de 20, âge réglementaire d’ailleurs, conforme, pour le chêne vert, aux intérêts financiers de la commune comme à la bonne conservation du bois.
Aujourd’hui, sur 44 031 hectares de bois communaux, 102 forêts d’une superficie totale de 34 268 hectares sont partagées en coupes réglées par des actes de l’autorité administrative intervenus dans les conditions prescrites par la loi, après avis des communes propriétaires.
Dans plusieurs de ces forêts, toutes les coupes sont séparées et abornées sur le terrain ; pour les autres, l’abornement des coupes est en voie d’exécution progressive. Cette opération est importante, parce qu’elle consacre définitivement et clairement la marche régulière des exploitations, et qu’elle permet aux communes de se rendre à tout moment un compte net et exact de l’état et des ressources de leurs propriétés boisées. Elle ne peut, d’ailleurs, sauf exceptions, s’effectuer que d’une manière graduée, parce qu’elle comporte pour les budgets communaux des frais qu’il convient de repartir entre plusieurs exercices.
Un deuxième groupe de bois, d’une surface de 8 444 hectares seulement, s’exploite en vertu de règlements provisoires, en attendant que des études et opérations permettent d’asseoir définitivement les coupes ; celles-ci ont lieu, d’ailleurs, dans des conditions suffisantes d’ordre et de régularité.
Un dernier groupe comprend 1 319 hectares de terrains communaux reboisés à une époque récente et couverts de jeunes bois ne comportant pas encore d’exploitations normales.
Les efforts de la gestion ont pour objectif aujourd’hui d’abord l’achèvement des études d’aménagement pour les quelques forêts qui n’ont que des règlements temporaires ; en deuxième lieu, la réfection de quelques règlements défectueux ou qu’il faut modifier, par suite de circonstances diverses, l’abornement intégral et la démarcation complète de toutes les coupes sur le terrain.
Le produit de la vente des coupes constitue l’élément principal du revenu des forêts communales. De 1815 à 1830, le prix de vente à l’hectare variait autour de 100 Fr.
Voici les prix obtenus pour quelques ventes de cette époque : En 1819, on a vendu 1419 hect. de coupes 135,959 Fr. soit 95 Fr. l’hect.
À la suite des événements de 1830, il y eut un abaissement du prix l’hectare de taillis ne se vendit que 64 Fr. en 1832.
Le tableau suivant donne les résultats des ventes de coupes dans les forêts communales du Gard pendant les 60 années de la période 1836-1895.
Le fait principal qui se dégage de ce tableau, c’est la progression du prix de vente à l’hectare depuis 1836, malgré la dépression passagères survenue en 1848 et en 1870, malgré aussi la différence de valeur de l’argent. Le prix moyen à l’hectare a été de 132 francs pour la période 1841-1850 ;
La moyenne la plus forte, 340 Fr. a été atteinte en 1883.
La progression qui s’est ainsi manifestée d’une manière continue jusqu’é ces dernières années tient à plusieurs causes, notamment à la plus-value des écorces, au développement du commerce local, à la facilité des transports par suite de la création des chemins de fer ; mais elle a été aussi le résultat de l’amélioration des taillis, de l’augmentation de la production en matière, par suite d’une meilleure gestion, de l’espacement des exploitations, et d’une surveillance plus rigoureuse des procédés d’abatage et d’écorçage.
On a pu écrire avec raison, en 1879, « qu’il résulte des souvenirs locaux que les peuplements de chêne-yeuse soumis au régime forestier se sont généralement améliorés, et quelquefois dans des proportions fabuleuses, si l’on mesure cette amélioration à l’augmentation du prix de vente des coupes depuis 50 ans ; tandis que ceux non soumis au régime forestier se sont plus ou moins éclaircis sur une assez grande étendue .
Depuis 1890, il s’est produit sur la valeur des écorces un abaissement sensible, qui a eu sur la vente des coupes une répercussion considérable. Le prix de l’hectare a subi une diminution encore aggravée par la médiocrité de la valeur du bois de feu, remplacé de plus en plus par le charbon dans les centres urbains, et même ruraux, et aussi par la mévente des fagots, que les adjudicataires trouvent difficilement à écouler. Nous n’insisterons pas sur ces circonstances et sur leurs causes plus ou moins complexes, notre objet n’étant que de résumer la gestion des forêts communales jusqu’aujourd’hui, et de présenter un aperçu rétrospectif, sans chercher et prévoir ce que réserve l’avenir.
Nous dirons seulement que, si ces forêts se trouvaient encore dans l’état misérable qu’elles offraient au commencement du siècle, si la gestion ne les avait pas transformées, l’abaissement de la valeur commerciale des produits aurait sur le rendement du sol boisé une action bien autrement importante.
En dehors du produit de la vente des coupes de chêne, les forêts communales procurent encore quelques revenus dont il faut tenir compte. Ce sont d’abord les coupes de mort-bois (kermès, genévriers, cistes, buis, bruyères, généralement exploitées pour être délivrées aux habitants, et destinées à l’alimentation des foyers et du four banal, ainsi qu’a la fourniture des claies nécessaires pour l’éducation des vers à soie. Le buis constitue, comme litière, une ressource précieuse et recherchée. La délivrance de ces produits secondaires, réglée de manière à ne pas nuire aux taillis, rend d’importants services aux populations agricoles.
Enfin on doit mentionner la récolte des plantes aromatique, celles des truffes, l’exploitation des carrières et surtout le pâturage du gros bétail et des bêtes à laine. Pour se rendre compte des ressources qu’offre le pâturage en forêt aux communes rurales, il suffit de constater qu’en 1895 le nombre des bêtes à laine introduites dans les taillis communaux s’est élevé à 90 000. Ajoutons que dans des circonstances exceptionnelles de sécheresse, comme en 1893, les forêts communales ont été ouvertes très largement aux troupeaux, et cette mesure a été d’un utile secours pour les propriétaires qui ne pouvaient plus nourrir leurs bestiaux, par suite de la cherté des fourrages.
Le bilan des recettes et dépenses des forêts communales pendant la dernière décennie, 1886-1895, année moyenne, peut s’établir ainsi qu’il suit :
La superficie totale des forêts communales étant de 43 375 hectares, année moyenne, pendant cette période, le revenu net à l‘hectare est, en moyenne, de 12 Fr. 35.
Si l’on établit les mêmes évaluations pour la période 1838-1847, on obtient les résultats suivants :
La superficie des forêts communales étant de 45,638 hectares en moyenne pendant cette période, le revenu à l’hectare correspondant n’est que de 5 Fr. 32 c. environ. Tout en tenant compte de la différence de valeur de l’argent, et en remarquant que le pâturage, pendant la période 1886-1895, a été estimé à une valeur inférieure à ce qu’elle est en réalité, on peut dire que le revenu net des forêts communales à peu prés doublé de 1836 à 1895.
Plus que partout ailleurs dans le département, c‘est dans la région de coteaux qui s’étend entre le Gardon et la plaine de Nîmes que l’accroissement de valeur a été marqué. De 1841 à 1850, l’hectare de bois s’y vendait en moyenne 77 francs seulement. (Bois de Nîmes, Cabrières, Poulx, Marguerites, Saint-Gervasy, Lédenon, etc.). De 1851 à 1860, la moyenne s’élève à 95 Fr.; de 1891 à 1895, elle est de 163 Fr. ; Ces forêts sont celles qui paraissent avoir le plus souffert au moment de la Révolution, et où les déprédations se sont continuées le plus longtemps. Par leur situation à proximité d’une plaine riche et populeuse, et de l’agglomération nîmoise, à peu de distance des grandes voies de communications très fréquentées qui relient le Rhône, Avignon et Beaucaire au Languedoc, elles étaient exposées, plus que d’autres, aux incursions et aux jouissances abusives ; et il s’y en est en effet produit de longue date, jusque vers le milieu du présent siècle. Dans les bois communaux de Nîmes, l’état de ruine était tel que les coupes de 1850 à1859 ne se vendaient en moyenne que 21 francs l’hectare ; les coupes de la même forêt se sont vendues 97 francs l’hectare, de 1890 à 1895, prix moyen.
Voici les recettes et les ventes des coupes pour quelques-unes des forêts communales les plus productives, pendant une période de 6 ans (1887 à 1892).
On voit par ce tableau quels profits les communes peuvent retirer de forêts bien tenues et convenablement exploitées ; les communes citées ci-dessus ont de 350 à 1 000 habitants, et toutes sont rurales.
Un prix de vente moyen de 250 francs à 300 francs l’hectare assure déjà un revenu satisfaisant ; dans beaucoup de budgets communaux le produit de la coupe annuelle constitue un appoint important des recettes, quand il n’en est pas l’élément principal.
La propriété forestière procure aussi aux populations rurales du département, comme nous l’avons indiqué, des avantages directs par la délivrance on nature et le pâturage. La garrigue communale, non transformée en bois, ne profite d’ordinaire qu’aux habitants propriétaires de troupeaux, et ces propriétaires, généralement aisés, ne constituent pas la collectivité communale.
C’est une minorité « qui exploite à son profit la propriété de tous, et qui l’exploite avec excès . Au contraire, la propriété communale en nature de bois, tout en donnant satisfaction aux nécessités de pâturage, très importantes dans le Midi de la France, surtout dans une région de coteaux secs les prairies ne sont pas très abondantes, profite à l’universalité des habitants, parce que ses produits en argent entrent dans la caisse commune. Elle préserve le sol communal, presque partout très médiocre, de la dégradation ordinaire des garrigues non boisées, et constitue pour ce sol une mise en valeur plus équitable et plus conforme à l’esprit de la Révolution de 1789, et aux principes qui régissent les sociétés démocratiques.
Si l’on tient compte de la main-d’œuvre absorbée par l’exploitation du bois, l’écorçage, la carbonisation, les transports, l’enlèvement des produits secondaires les travaux de toute nature, ainsi que du salaire des employés des marchands de bois, le mouvement annuel commercial auquel donnent lieu, dans le Gard, les forêts communales peut-être évalué à 1 200 000 francs au minimum. Notons que la plus grande partie de la main-d’œuvre utilisée en forêt est effectuée par les ouvriers des campagnes, et profite ainsi à la classe la moins aisée des populations rurales.
Si l’on considère l’état des bois au commencement du siècle, alors qu’il n’existait plus que peu de forêts dignes de ce nom, forêts d’ailleurs livrées à toutes les déprédations ou abandonnées à des exploitations inconscientes et fatales pour l’avenir, et si on les compare à l’état actuel, tel qu’il résulte d’une gestion rationnellement poursuivie depuis 70 ans, on reconnaitra qu’une œuvre de transformation considérable a été accomplie, en réalisant une amélioration économique qui intéresse dans le Gard one portion notable de l’étendue totale du département. Si les progrès n’ont pas été plus rapides, c’est que des difficultés de tout ordre paralysaient à chaque instant les tentatives d’amélioration. On ne pouvait, sans rencontrer de grandes résistances, faire disparaitre les abus d’origine ancienne et même récente, et mettre un terme aux exploitations vicieuses, avec révolutions de 10 à 12 ans, qui épuisaient les souches, interdire l’arrachis des cépées, restreindre l’exercice sans limites du pâturage, pratiqué parfois dans les bois de 2 on 8 ans. Les dispositions des communes restèrent longtemps hostiles, parce qu’elles ne retiraient pas encore de leurs forêts des produits en argent rémunérateur ou ne comprenaient pas l’utilité des principes d’ordre et de culture qu’il convient d’appliquer aux forêts, comma il en existe pour tous les sols exploités et mis en valeur. Il faut tenir compte aussi de la lutte contre les intérêts privés souvent très puissants et de la nécessité de réprimer des usurpations, pour ne pas voir diminuer dans des proportions considérables la propriété communale. Tous ces obstacles no pouvaient disparaitre qu‘avec le temps. Aujourd’hui, on admet généralement, dans les communes, les avantages d’une gestion rationnelle et prévoyante, et l’utilité de règlements destinés à bien ordonner les exploitations, tant dans l’intérêt du budget communal que de la forêt elle-même. Nous sommes loin du temps Ménard, l’historien de la ville de Nîmes, ne trouvait à citer, dans ses observations sur l’histoire naturelle de la région, comme produit des garrigues et de coteaux maintenant boisés, que le kermès, qui est un grain rouge semblable à une bale, avec quoi on fait la belle couleur écarlate .