Etude sur la bicyclette
1896 Création septembre 2014

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Etude
sur

LA BICYCLETTE

par

Jules Paloque
Capitaine d’Artillerie


Berger-Levrault & Cie, Libraires-éditeurs, PARIS 5 rue des beaux-arts - Nancy 18 rue des glacis
1896
Numérisation BnF, transcription par nos soins
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En dépit des préjugés et des railleries du début, le cyclisme a pris, depuis quelques années, une importance considérable dans les mœurs modernes.

Les routes sont partout sillonnées de ces voyageurs d’un type nouveau qui, montés sur leurs légères machines et sans autre moteur qua leurs propres muscles, filent à toute vitesse, faisant journellement, et sans fatigue exagérée, des étapes de 80, 100 et même 150 km .

Dans la course Paris-Brest et retour, Terront a même fait 400 km par jour pendant 3 jours consécutifs.

Née d’hier, la bicyclette occupe aujourd’hui l’un des premiers rangs parmi les appareils de locomotion.

Sa fabrication. fait l’objet d’une importante industrie. Pour elle se sont formées de puissantes associations et se sont construites de spacieuses arènes. De nombreux journaux lui sont spécialement consacrés.

L’armée ne pouvait rester indifférente à un tel mouvement, et les services que peut rendre la bicyclette en campagne n’ont pas tardés à être appréciés tant en France qu’à l’étranger.

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Chez nous, en particulier, le règlement provisoire du 2 avril 1892 et, tout récemment, le règlement définitif du 5 avril 1895 lui ont officiellement donné droit de cité dans l’armée et ont confié au service de l’artillerie le soin de sa construction.

À ce titre, il ne paraît pas hors de propos de présenter ici un aperçu d’ensemble sur la question, d’autant que la bicyclette, au mouvement si équilibré, par elle-même un sujet d’études intéressant au point de vue mécanique en que nous ne sommes apparemment qu’au début de l’évolution de ce nouveau sport.

HISTORIQUE

La machine élégante et soignée qu’est aujourd’hui la bicyclette n’a atteint le degré de perfectionnement qu’après de laborieux tâtonnements et à la suite de transformations multiples, dont il convient tout d’abord d’examiner la succession.

Période initiale (1790-1855). Le célérifère ; la draisienne. Le point de départ est le célérifère inventé en 1790 par M. de Sivrac.

C’était une sorte de cheval de bois supporté par deux roues : le cavalier enfourchait la machine, dont la propulsion était obtenue par des poussées alternatives de chacun des pieds sur le sol.

Ce mode de locomotion permettait de parcourir, sur les bonnes routes, de grandes distances sans se fatiguer beaucoup, mais le mouvement des jambes qui marchaient à pas de géant donnait au vélocipédiste un aspect singulièrement, ridicule, et la disposition des deux roues dans un même plan rendait les virages fort difficiles.,

Le germe de la vélocipédie était néanmoins contenu dans cette idée de M. de Sivrac et, sur sa machine rudimentaire, nous allons voir se greffer les perfectionnements qui doivent aboutir aux machines actuelles.

En 1818, le baron Drais, d’origine badoise, modifie le célérifère, ou vélocifère, en montant la roue antérieure sur un pivot vertical.

Un levier placé dans la main du cavalier joue l’office de gouvernail et permet de diriger la draisienne. Quelques mois plus tard, un constructeur anglais remplace le cheval de bois par une charpente légère en fer et la draisienne, ainsi modifiée, présente la silhouette du vélocipède futur.

Apparition de la pédale (1855). Le vélocipède. — La draisienne à propulsion par enjambées était encore seule employée en 1855, lorsqu’un apprenti serrurier, de 14 ans, nommé Michaux eut l’idée de munir l’essieu de la roue antérieure de manivelles à pédales, ce qui fit de la machine « une véritable locomotive humaine » (pl. 1, fig. 1).

À cette idée de Michaux commence réellement l’histoire de la vélocipédie. D’abord simple draisienne munies de pédales, le vélocipède Michaux devient, en 1865, une machine relativement élégante et de construction soignée.

Les roues, en bois, sont cerclées de fer. La roue antérieure est munie de pédales ; elle est enchapée dans une fourche à peu près verticale, qui pivote dans une bague, et se termine, à la partie supérieure, par une sorte de T.

Les branches horizontales de se T, munies de poignées, constituent le gouvernail, sur lequel on agit pour donner la direction ou pour rétablir l’équilibre rompu.

La roue de derrière est également enchapée dans une fourche très inclinée dont le corps, barre de fer à section carrée, vient se relier solidement à la bague du gouvernail. Une bande de fer ou d’acier formant ressort est disposée, horizontalement pour supporter la selle.

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Un frein à patin agissant sur la roue de derrière complète la machine, dont le poids atteint 40 kg.

Tel est le vélocipède au moment de l’exposition universelle de 1867, à la suite de laquelle l’emploi de cet appareil se répand rapidement.

Dès 1869 la construction du vélocipède passe des mains du charron dans celles du mécanicien et es améliorations sont désormais nombreuses : l’ajustage devient plus précis ; les selles sont mieux suspendues les bandages caoutchoutés font leur apparition ; les pédales à leur tour munies de caoutchouc. En même temps, M. Meyer fabrique les premiers rais ou rayons ou de fer et à l’heureuse inspiration de remplacer les barres prismatiques du corps par des tubes étirés plus rigides et beaucoup plus légers.

Au mois d’août de la même année, M. J. Suriray, constructeur à Paris, reprenant une idée tombée dans l’oubli , prend un brevet pour coussinets à bille d’acier et en fait l’application aux vélocipèdes.

MM. Courtois, Tihay et Defrance exploitaient déjà en 1857, à Nancy, un brevet relatif à l’application des coussinets à boules.

Le roulement devient excellent et les frottements sont diminués dans des proportions merveilleuses.

Le 7 novembre 1869, a lieu la première course de fond entre Paris et Rouen : le gagnant franchit 123 km en 10h45min (12 km à l’heure).

C’est le signal des grandes courses entre champions de tous pays ; de nombreuses sociétés vélocipédiques commencent dès lors à s’organiser.

Signalons encore, à l’actif de 1869, le bicycle Montagne.

Dans cette machine, qui peut être considérée comme l’aïeule de la bicyclette, c’est la roue de derrière qui est motrice, mais sa rotation est, obtenue à l’aide de leviers agencés de façon compliquée et incommode. L’idée de placer l’élément propulseur à l’arrière était ingénieuse ; malheureusement, la défectuosité du système de leviers lui fit du tord et ce n’est que vingt ans plus tard qu’elle fut sérieusement reprise.

La guerre franco-allemande interrompt le développement de la vélocipédie et cette interruption se prolonge jusque vers 1873. Dès 1871, cependant, le bois est définitivement abandonné par les constructeurs.

Exagération de hauteur da la roue antérieure (8374). Le bicycle. – En 1874, M. Marchegay, ancien élève de l’école-polytechnique, publie une étude théorique sur la vélocipédie  : la conclusion de ses calculs est que la roue motrice doit avoir un grand diamètre et l’ensemble de la machine un faible poids.

Ces idées sont admises et réalisées par l’industrie ; le vélocipède, devenu le bicycle, se transforme : la roue motrice atteint 1m,20 et même 1m,35 de diamètre ; comme conséquence, la selle se rapproche du gouvernail jusqu’au contact, la vitesse double, les accidents sont fréquents tous généralement dus à la même cause : la machine fait panache, quand elle rencontre un obstacle. Le bicycle devenant dangereux, les gens prudents s’abstiennent ; ce n’est plus un véhicule de touriste, mais l’instrument de courses ; l’idée. vélocipédique se particularise.

En 1815, M. Truffault constructeur à Tours, partant de ce principe que 2 kg sur l’axe des manivelles pèseront moins au vélocipédiste que sur la jante , remplace les épaisses et lourdes jantes pleines par des jantes creuses en forme de V (fig. 1).

On sait en effet qu’à égalité de poids de plusieurs roues ou de corps quelconques animés d’un mouvement de rotation, il faut pour leur donner une vitesse de rotation déterminée, d’autant moins de travail que le moment d’inertie est plus faible.

Si l’on pouvait, pendant le mouvement de rotation d’une roue ou d’une toupie, reporter le poids vers l’axe, la vitesse angulaire augmenterait au fur et à mesure.
Tout le monde a vu ces clown qui, ayant été suspendus horizontalement à une corde verticale à l’aide d’un crochet à touret fixé à la ceinture, et ayant reçu un mouvement de rotation de vitesse ω, ramassent brusquement leur corps en repliant les extrémités et, diminuant ainsi le rayon de giration, prennent instantanément une vitesse plus grande Ω.

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La machine arrive ainsi à ne peser que 15 kg. L’idée de M. Truffault est immédiatement adoptée en Angleterre par les ateliers de Coventry et ceux de Warwick, qui fournissent encore les jantes à bien des fabricants (fig. 2). En 1877, la vélocipédie dégénère en une véritable acrobatie : le bicycle commun atteint 1m,60 et l’on en voit à roues de 1m,70, 2m et même 2m,50 (bicycles Renard).

Les pédales, forcément placées à la portée des pieds, transmettent leur mouvement à l’essieu par un parallélogramme articulé. On n’arrive à la selle qu’en gravissant une sorte d’échelle qui a de 4 à 6 échelons.

Quelques esprits clairvoyants commencent, à reconnaître qu’à la hauteur exagérée des bicycles en à la gravité des accidents qui en sont la conséquence, doit être attribué la froideur marquée par le public pour la vélocipédie.

M. Rousseau, de Marseille, imagine alors un bicycle bas où nous voyons apparaître la multiplication par pignons dentés et chaîne.

La roue d’avant est toujours motrice, mais elle n’a plus que 0m, 90 (multiplication : 1m, 40).

Ces idées toutefois ne prévalent pas, car l’exposition universelle de 1878 abonde surtout en grands bicycles.

On y remarque pour la première fois les rayons tangents dus à M. Renard : Si l’on suppose une roue motrice à rayons directs un peu lâches, on voit que les pédales tendent d’abord à faire tourner le moyeu ; la jante ne sera entraînée que quand les rayons seront tendus, c’est-à-dire se seront plus ou moins enroulés sur le moyeu, auquel ils seront devenus tangents, non sans risques de rupture à leur point d’insertion.

De là l’idée de faire, par construction, les rayons tangents au moyeu ; de tels rayons, s’ils sont bien tendus, doivent faire de la jante et du moyeu un ensemble indéformable.

On reprochait en ’outre aux rayons directs d’être très difficiles à retirer lorsqu’ils étaient brisés dans le moyeu.

Les rayons tangents, au contraire, se remplacent avec la plus grande facilité.

Tendance à abaisser la hauteur du bicycle (1880); La bicyclette (1880), tandis que le grand bicycle, on véloce, continue à traîner, nous devons signaler l’apparition du premier type de bicyclette, construit par la maison anglaise the Coventry (the Tangent and Coventry Tricycle C°) : la roue d’arrière est métrique elle est commandée par pignons et chaîne ; mais chaque roue est, comme dans les bicycles, beaucoup plus petite que la roue antérieure, ce qui est illogique et ce qui va faire oublier cette disgracieuse machine.

De 1880 à 1885, on cherche à diminuer de plus en plus le poids du véloce et à en soigner les moindres détails. La machine de route ne pèse plus que 15 à 6 kg, celle de course, 10 à 11kg (pl. 1, fig. 2).

Chaque constructeur s’efforce de battre dans les courses les maisons rivales.

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La tendance à abaisser la hauteur du bicycle s’accentue ; on le multiplie le mouvement par des mécanismes variés, tels que pignons et chaînes (le Kangaroo de M. Rousseau), parallélogrammes (le Facile bicycle de M. Renard) ou engrenages cachés dans le moyeu (le Sphinx de M. Truffault).

En 1885, paraît dans les vitrines une deuxième forme de la bicyclette, la Rover, construite par les ateliers Starley à Coventry.

La roue motrice est encore d’un diamètre trop faible, la direction est difficile et la machine n’a pas grand succès.

On ne tarde pas à reconnaître les causes d’imperfection des Rovers et, vers la fin de 1886, I ’Angleterre entre décidément dans l’idée nouvelle en nous envoyant une troisième forme de la bicyclette, le Pioneer :

La roue d’avant, n’ayant que le rôle de directrice, est de petit diamètre.

La roue d’arrière, motrice, est plus grande ; son mouvement est multiplié à l’aide de pignons dentés réunis par une chaîne.

Pour augmenter l’adhérence, on cherche à disposer la selle le plus possible au-dessus de la roue motrice.

Cette condition qui, dans le bicycle, était une cause de danger, parce qu’elle faisait placer la selle très près du gouvernail, devient au contraire ici une garantie contre les accidents, car la charge se trouvant reportée très en arrière, la machine est plus exposée à faire panache, ce qui lui donne une grande supériorité sur le bicycle, même quand il est bas et multiplié.

L’expérience montra en outre que le coup de pédale en avant est plus avantageux que le coup de pédale vertical.

Le problème de la vitesse unie à la sécurité est résolu.

Le Pioneer obtient un succès considérable ; il l’emporte sur les bicycles dans les courses.

Tous les constructeurs s’empressent d’adopter le nouveau système ; ils donnent peu à peu à la roue d’avant, trop petite et disgracieuse dans le Pioneer, un diamètre égal, le plus souvent même un peu supérieur, à celui de la roue d’arrière et la nouvelle machine devenue harmonieuse dans ses formes, prend le nom de BICYCLETTE (1887).

Les années suivantes, les formes s’affinent encore, l’industrie vélocipédique prend un large essor. L’Exposition universelle de 1889 présente un grand nombre de jolis modèles.

La pédale à billes, la direction à billes viennent encore adoucir les moindres frottements, le corps à cadre remplace le corps droit ; la suspension de la selle, les caoutchoucs creux, puis les caoutchoucs pneumatiques, viennent compléter la série des perfectionnements qui doivent, dès 1893, faire de la bicyclette un remarquable instrument de locomotion, et lui donner une vogue sans précédents.

IMPORTANCE DE LA VELOCIPEDIE

Les amateurs de vélocipédie ont depuis longtemps signalé – parfois avec lyrisme, toujours avec chaleur – les charmes des sensations que procure cet exercice.

« On éprouve, dit Richepin, la volupté de voler, le corps en souple équilibre, les muscles en action frénétique et rythmée, la sueur bue par le vent, les poumons gorgés d’oxygène. »

Sans insister sur le détail de ces impressions, voici, sous forme succincte, une énumération des avantages qu’on peut porter à l’actif de la bicyclette.

Le marcheur progresse de 1m,65 environ à chaque double pas, tandis que le bicycliste avance à chaque tour de pédales, c’est-à-dire aussi pour chaque double pas, de 5 m ou même 8 m s’il s’agit d’un tandem, – et cela avec moins de peine.

Le vélocipédiste peut faire couramment à bicyclette : 12 à 15 km à l’heure, s’il n’est pas entraîné ; 18 à 20 km à l’heure, s’il est entraîné.

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Tout homme bien portant peut arriver rapidement à faire d’une manière suivie de 80 à 100 km par jour.

S’il est bien entraîné, il peut en une journée faire exceptionnellement 200 à 250 km.

Cette limite est d’ailleurs très sensiblement dépassée par les professionnels.

C’est ainsi que Huret a peu faire sur piste 851 km en 24 heures.

Quoi qu’il en soit de ces courses extraordinaires et même en s’en tenant aux excursions qui n’entraînent pas de fatigue, on peut dire que la bicyclette est un puissant appareil de locomotion et on ne trouvera pas étonnant que le chien, ce fidèle ami de l’homme qui se montre en général si joyeux accompagner son maitre quand il sort à pied ou quand il monte à cheval, baisse mélancoliquement la tête, et renonce à le suivre quand il le voit prendre sa bicyclette.

À propos du cheval, on s’est demandé sans grande raison dans quelle mesure le cyclisme était appelé à supplanter l’équitation. En fait, il y a là deux termes qui ne sont pas comparables. Ainsi que l’a fort bien fait remarquer M. Baudry de Saunier, auteur de plusieurs ouvrages relatifs à la vélocipédie, jamais cheval ne courra les 1 200 km de Paris-Brest et retour en 71h, de même qu’il n’y a pas de bicyclette qui saute les haies et qui trotte dans les terres labourables.

Si la vélocipédie n’est pas comparable à l’équitation comme mode de locomotion, elle est, à ce point de vue, tout à fait de même ordre que la marche à pied, puisqu’elle met, comme elle, en jeu les muscles des membres inférieurs et par un mouvement analogue.

Toutes les deux demandent une science de l’équilibre qui, à la, longue, devient instinctive et irraisonnée.

Mais au point de vue de la vitesse développée et du chemin parcouru à égalité de fatigue, la comparaison entre ces deux modes de progression, l’un naturel et l’autre artificiel, est tout à l’avantage de ce dernier.

La principale raison de cette supériorité est la suivante :

Dans la marche à pied, chaque pas exige un effort employé à élever le corps à une certaine hauteur et, le choc des pieds sur le sol est une cause de déperdition aux dépens du mouvement en avant. Dans la locomotion vélocipédique au contraire, le centre de gravité suit une ligne parallèle au sol et tous les efforts musculaires tendent à la production du déplacement vers l’avant. Nous reviendrons, avec plus de détails, sur cette comparaison à propos du travail du cycliste.

Avantageux au point de vue de l’économie des forces musculaires, ce genre de locomotion constitue en outre un merveilleux exercice au point de vue de l’hygiène.

Le docteur Lucas-Championnière va même jusqu’à déclarer que la bicyclette est l’agent le plus parfait du développement musculaire, à la condition de ne pas abuser de ses muscles, de « rester en dedans de ses forces »

On reproche fréquemment à la bicyclette de faire prendre au corps une attitude qui, à la longue, peut vouter le dos. Cela ne peut arriver aux vélocipédistes qui prennent une bonne position sur leur machine ? Le cyclisme a, comme l’équitation, des règles d’élégance qui, dans l’espèce, s’accordent avec l’hygiène et la commodité.

Le buste doit rester droit et non arrondi : son axe doit être incliné à 15° environ sur la verticale et la hauteur du guidon doit être réglée en conséquence.

Un promeneur qui arrondit le des et se couche sur le guidon, à moyenne vitesse, est aussi ridicule qu’un cavalier qui, dans une promenade à cheval, prendrait l’attitude d’un jockey arrivant au poteau. L’attitude couchée a pour but de réduire au minimum la résistance de l’air dans une course où il y a lieu de ne négliger aucune circonstance favorable. Cette attitude est et doit rester celle du coureur professionnel.

Les bienfaits de le vélocipédie s’étendent aussi à la femme qui, déclare le même auteur, a des aptitudes toutes particulières pour ce genre d’exercice, beaucoup moins préjudiciable à sa santé que l’équitation, l’escrime et les mouvements violents du tennis.

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« La bicyclette, ajoute-t-il, c’est l’avènement de la femme aux exercices du corps… Essayez vos femmes, sœurs ou vos filles sur la bicyclette et elles s’en serviront plus vite que vous, avec plus de grâce, et elles en bénéficieront plus complètement encore que vous, Et à la condition qu’elles n’oublient jamais qu’elles sont femmes et qu’elles ne doivent lutter avec l’homme que de grâce, de sagesse et de modération. »

Longue encore est la liste des avantages qui invoquent les cyclistes quand ils parlent de leur machine.

Un cheval coût cher à acheter, nourrir, à loger, à faire panser. Pour devenir cavalier, il faut du temps et de patients efforts. L’emploi du cheval entraîne l’arrêt en des gites spéciaux fournissant abri et fourrages. En cas de voyage rapide, des relais sont indispensables.

Nul souci de ce genre dans le cas de la bicyclette.

Avec elle on peut s’arrêter où l’on veut et comme l’on veut.

Son incomparable sobriété se contente de quelques gouttes d’huile à de longs intervalles.

Passant partout où existe seulement un chemin carrossable, c’est l’instrument par excellence du touriste.

« Et, en dit M. de Baroncelli, grâce à son agile pédale, le véloceman ne dépend ni des diligences, ni des chemins de fer.»

« Son sommeil n’est point obsédé d’affreuses visions de train matinal manqué, ni de déjeuner avalé à la hâte, ni des émotions d’un garçon d’écurie peu scrupuleux. Il se trouve au contraire entièrement son maître et maître de la situation. »

La bicyclette, ajoutent les fervents, influe sur l’instruction générale en développant l’amour des voyances et la curiosité de l’inconnu.

Elle vulgarise les notions de topographie en imposant l’usage des cartes. Combien parmi les cyclistes actuels ne se sont familiarisés avec la lecture de la carte d’état-major que pour les besoins de leurs excursions vélocipédiques !

Elle facilite les relations, à la campagne surtout.

Une distance de 25 à 30 km naguère véritables abimes entre deux maisons amies, se franchit aujourd’hui d’un coup de bicyclette.

Elle apporte la vie en mille localités où l’arrivée d’un étranger était autrefois un événement ; par elle, les auberges revoient parfois les beaux jours d’antan, alors que le chemin de fer n’avait pas encore tué les rouliers.

Représentée par de puissantes sociétés, elle pourra. dans certains cas avoir, par l’expression de légitimes desiderata, une, heureuse influence sur l’extension et l’amélioration des réseaux routiers.

Il faut reconnaître qua ces allégations sont en général fondées.

Peut-on dès lors s’étonner de la rapidité avec laquelle le vélocipède s’est implanté dans nos mœurs.

Au point de vue militaire, elle peut sans contredit trouver de nombreuses applications pour le transport des ordres et pour le service des reconnaissances.

Le peu de vulnérabilité qu’elle présente, l’absence de bruit qui correspond à son emploi, la facilité qu’elle offre pour se dissimuler, la grande vitesse (20 à 25 km à l’heure) que certains vélocipédistes peuvent soutenir pendant plusieurs heures, sont autant d’éléments précieux pour le qu’elle peut avoir aux armées.

Quand l’emploi de la bicyclette se sera tout à fait généralisé dans l’armée, la cavalerie sera, en partie déchargée du service des estafettes, qui en tout temps a nécessité de si fâcheux prélèvements sur les unités de combat.

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Il sembla même que la vitesse des vélocipédistes sera utilisable pour permettre à des sections de tirailleurs d’accompagner la cavalerie et surtout l’artillerie à titre de soutien.

Mais ce sont là des questions spéciales sur lesquelles nous reviendrons plus loin.

DESCRIPTION DE LA BICYCLETTE

La bicyclette est, dans son ensemble, une machine d’une extrême simplicité :

Elle est formée de 2 roues entourées de bandages en caoutchouc et montées sur un corps rigide un cadre, surmonté d’une selle (fig. 3).

La roue d’avant est dite directrice.

La roue d’arrière est motrice.

L’axe de celle-ci porte un pignon denté l’aide d’une chaine du type Galle, par la roue dentée d’un pédalier solidement monté à la partie inférieure du cadre.

Il serait trop long de faire ici une description complète de toutes ces parties, nous nous bornerons à en mentionner les principaux détails.

[…]

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Jante. — La jante est une rigole creuse, généralement en acier dur, quelque fois en bois. Les constructeurs lui donnent les formes les plus variées dans le but d’assurer sa rigidité et de faciliter la fixation des caoutchoucs ; toutes ces formes dérivent plus ou moins de celles qui sont indiquées dans la fig. 6.

Les jantes en bois sont d’application toute récente.

0n emploie le plus souvent, par leur fabrication, le frêne d’Amérique.

0n prend le bois vert et on le met à l’étuve, pour ne lui laisser que ses fibres ; puis on le taille en feuilles que l’on taille ensemble par quatre ou cinq. C’est dans le bloc ainsi formé que l’on fixe bandes destinées à être mises de forme à la raboteuse, puis cintrées et raccord sifflet (pl. II, fig. 26).

La jante de bois pèse 420 gr et a, dit-on, la rigidité d’une jante d’acier de 850 à 900 gr.

La jante Michelin est renforcée par une légère gouttière métallique m, en acier ou en aluminium ce qui permet d’accrocher le bandage au lieu de le coller.

Bandages. Trépidation. Le vélocipède n’a pas de plus grand ennemi que la trépidation.

Aves les anciennes machines, les moindres aspérités du sol donnaient lieu à des soubresauts aussi désagréables pour la cavalier que néfastes pour les assemblages du véhicule.

Outre, cet inconvénient, la trépidation, par le fait des vibrations, des chocs, des élévations inutiles du centre de gravité qui lui sont propres, absorbe une certaine portion de l’énergie totale au détriment de la propulsion.

D’après des expériences très sérieusement contrôlées, cette déperdition peut, s élever au quart du travail total (Bullet).

On essaya d’abord de remédier a cette imperfection par l’emploi de roues élastiques ou de roues articulées, mais leur poids et leur fragilité les firent bientôt abandonner .

Cette idée parait devoir être reprise et certains constructeurs étudient actuellement la question des roues à bandages formés da ressorts.

On songea alors à se servir du caoutchouc.

Les premiers bandages comportant l’emploi de cette matière datent de 1869. Ils s’usaient très vite et allaient être rejetés, quand on eut l’idée de vulcaniser le caoutchouc (par l’addition de soufre). Les premiers essais ne furent pas heureux les caoutchoucs se dégageaient de leur logement, d’où de nombreuses chutes. Pour obvier à ce défaut, on les colla à chaud sur la jante. Les résultats furent bons et on ne chercha plus dès lors que, diminuer la trépidation en rendant le bandage plus élastique. C’est l’époque des caoutchoucs striés, des caoutchoucs spongieux, des caoutchoucs mous à l’intérieur et durs à l’extérieur, etc., etc.

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Peu après l’exposition universelle de 1889, apparaissent les premiers caoutchoucs creux, d’abord de section annulaire, puis en demi-tore (fig. 2 ) grâce à nouveau bandage, les cyclistes peuvent affronter le pavé. On emploie encore aujourd’hui pour les machines de fatigue les caoutchoucs creux munis intérieurement d’une tringle métallique qui les empêche de devenir lâches et de se dégager de la jante (caoutchoucs tringlés).

Vers la même époque, et même un peu avant l’apparition du caoutchouc creux, un vétérinaire irlandais, nommé Dunlop, construisait le premier bandage pneumatique, rééditant un brevet anglais tombé dans l’oubli (Thomson — 1845).

Ce bandage était constitué par un tube de caoutchouc entoilé, analogue aux tuyaux d’arrosage, et, dans lequel, à l’aide d’une pompe à main, on comprimait de l’air à 2, 3 et même 4 atmosphères.

Le roulement sur pneumatique est beaucoup plus doux que sur tout autre bandage connu.

Le pneumatique se monte sur les plis de terrain, les cailloux, les aspérités du sol et généralement, les franchit sans choc et sans élévation sensible du centre de gravité. La machine roule en en effet sur un matelas d’air qui se comprime au passage des petites saillies qu’il rencontre et la diminution de volume de quelques centimètres cubes qui résulte de cette compression portant sur toute la masse d’air contenue dans le bandage (environ 4000 cm3) peut être considérée comme insignifiante.

La suppression des chocs en outre pour de ménager les organes de la machine. De plus, le pneumatique, prenant bien l’empreinte du sol, a une grande adhérence et ainsi la roue motrice ne peut pas patiner, condition très avantageuse pour le rendement de l’appareil.

Ce bandage semblait donc réaliser un très grand perfectionnement, mais les premiers pneumatiques crevaient souvent. De plus, le caoutchouc y était réuni à la jante par une bande de toile enroulée sur toute la circonférence, qui donnait à la roue un aspect emmailloté, désagréable à l’œil. Ces raisons firent préférer généralement au début les caoutchoucs creux. Cependant, les résultats de courses s’accordant tous pour confirmer la supériorité des bandages pneumatiques, ceux-ci ne tardent pas après quelques perfectionnements, à conquérir le premier rang pour le conserver jusqu’à ce jour.

En fait, on n’emploie plus aujourd’hui les caoutchoucs creux (généralement tringlé) que pour les machines de grande fatigue.

[…]

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On peut répare en route un pneumatique crevé : pour cela, il faut démonter ou, sil est collé, décoller le bandage, retirer la chambre ) air et la laisser se dégonfler sous l’eau pour que les bulles révèlent la piqûre, presque toujours introuvable sans cette précaution ; nettoyer ensuite avec de la benzine la surface de la chambre autour de la piqûre et y appliquer un petit disque de caoutchouc enduit une solution spéciale qui joue le rôle de colle. Cette colle sèche en 2 ou 3 minutes et il n’y a plus qu’à opérer le remontage et à regonfler.

Il est bon de gonfler « assez dur », surtout pour la roue motrice, plus chargée ; toutefois, si l’on sent que la machine a de violentes réactions sur le sol, c’est qu’on a gonflé trop dur.

Bien des constructeurs songent, ainsi que cela a été dit plus haut, à remplacer les pneumatiques, ceux-ci étant par leur nature même toujours exposés à se dégonfler ou à crever. Il existe déjà un modèle dans lequel le bandage est constitué par une série de ressorts elliptiques d’acier rivés sur la jante et reliés entre eux par une bande d’acier à laquelle ils sont également rivés. Tout le système est recouvert d’une enveloppe qui protège les ressorts et empêche la boue de s’accumuler dans les interstices. D’après le Wheel la solidité de bandage est à toute épreuve et son élasticité parfaite, quand la bicyclette roule à, grande vitesse on peut faire varier la tension des ressorts suivant la charge à supporter.

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Les faibles multiplications nécessitent, à égalité de vitesse, plus de coups de pédale que les grandes , mais elles permettent de franchir assez facilement des rampes avec les grandes multiplications où il est nécessaire de mettre pied à terre. L’effort à exercer sur les manivelles devenant excessif. Il ne faut pas oublier en effet que ce qu’on gagne en vitesse on le perd en force, ce qui veut dire qu’on le dépense en efforts supplémentaires.

L’expérience démontre qu’il à peu près impossible, en marche normale, de conserver une cadence de plus de 3 coups de pédale à la seconde. Les promeneurs font seulement ¾ de tout à la seconde.

Les grandes multiplications rendent en outre le démarrage plus difficile, l’effort à exercer sur la pédale étant immédiatement assez considérable.

Les multiplications adoptées aujourd’hui par les constructeurs ont pour moyenne 1m, 55 ; ce nombre peut convenir en plaine, sur de bonnes routes et avec un vent modéré, mais il est déjà fort pour les régions mouvementées, sur les chemins médiocres et quand on marche contre un vent un peu violent.

Un embrayage léger, qui permettrait de faire varier facilement la multiplication sans arrêter la machine, constituerait un véritable progrès .

On a pu remarquer au Salon du Cycle de 1895 quelques modèles dans lesquels on a tenté de réaliser ce desideratum.

Dans certaines machines, on peut changer la multiplication en démontant et remplaçant par une autre la roue dentée du pédalier (pl. 11, fig. 20, pignon détachable de Raleigh).

Pour compléter cet aperçu, il convient de citer une nouveauté en vogue, la transmission acatène, adaptée aux bicyclettes « Métropole » (fig. 13).

Le manchon AB tourne sur lui-même autour du tube du cadre, qu’il enveloppe. Ce manchon présente, à ses deux extrémités, des pignons d’angle engrenant, l’un en À avec la roue dentée du pédalier, l’autre en B avec le pignon de l’essieu. Ces mécanismes sont montés sur billes et renfermés dans des enveloppes qui les mettent à l’abri de la poussière. L’acatène Métropole supprime les inconvénients inhérents aux chaînes qui s’allongent, s’encrassent et parfois se rompent, pouvant occasionner alors de graves accidents. Le roulement est en outre plus doux 19 démarrage se fait sans à-coups .

À citer, comme disposition analogue, l’acatène César.

Frein. – La tendance actuelle est, bien à tort, à la suppression des freins. La chaîne peut se rompre ; on peut se trouver lancé à toute vitesse devant un enfant, une voiture, un vide on un obstacle quelconque : la vie du cycliste ou d’un passant peut dépendre de l’absence du frein. La liste est déjà longue des morts qui auraient été évitées par l’usage du frein.

Les freins généralement employés sont fort simples : sabots appliquant sur le bandage, ruban d’acier pouvant enserrer plus ou moins un tambour monté sur l’essieu d’arrière, etc., etc.

On reproche au premier système de dégrader le bandage et au deuxième de cesser d’agir quand, par suite de la chaleur dégagée par le frottement, le ruban s’est dilaté.

Suspension de la Belle et du cadre. –On a dit plus haut quels sont les inconvénients de la trépidation. L’emploi du pneumatique peut remédier, mais le pneumatique n’est pas impeccable : il peut se dégonfler ou crever laissant le cavalier dans le plus grand embarras.

Aussi les constructeurs ont-ils essayé de réagir contre la trépidation à l’aide de simples ressorts de suspension.

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L’application de ce système n’est pas facile, car, pour la bon fonctionnement de la machine, il faut que la selle reste toujours à une distance sensiblement constante par rapport à l’axe du pédalier, condition qui n’est généralement pas remplie dès que les ressorts entrent véritablement en jeu.

En fait, il est tellement vrai que la flexion des ressorts se fait aux dépens de mouvement en avant, que les coureurs n’en admettent jamais pour leurs selles (fig. 14).

Le problème de la suspension des bicyclettes a fort heureusement résolu par plusieurs constructeurs et si les bicyclettes suspendues ne sont pas adoptées par les coureurs, qui leur reprochent leurs effets de balancement et une augmentation du poids mort, du moins on peut dire qu’elles sont excellentes pour les promeneurs et les touristes.

Nous nous bornerons de donner le principe de l’une de ces machines, la bicyclette suspendue système Truffault.

Le corps (fig. 15) est constitué par deux cadres triangulaires distincts À et B ; ces deux cadres sont reliés :

La fourche E est articulée en F à une fourchette G.

L’angla ECG est maintenu à peu près constant par un deuxième jeu de ressorts H.

On voit que la distance OH varie peu .

Citons encore la bicyclette suspendue de M. Farjas, l’inventeur des amortisseurs.

Divers types de bicyclettes. — On distingue :

1° La bicyclette de route (pl. I, fig. 4), qui présente tous les éléments de confort et qui convient aux promeneurs et aux touristes. Son poids varie entre 15 et 18 kg.

La multiplication y est généralement de 1m,50.

La bicyclette de course, pour les coureurs sur piste (pl. 1, fig. 5). Dans cette machine on a supprimé tous les accessoires inutiles sur la piste, frein, garde-boue, etc. pour diminuer le poids mort et aussi parce qu’ils entrent en vibration à grande vitesse et augmentent la trépidation. Les roues à jante légère, souvent en bois, ont 70-75 ou 70-70. Toujours pour les alléger, on munit ces machines de pneumatiques spéciaux formés d’une chambre à air et d’une garniture en de coton ; l’enveloppe est réduite à une faible épaisseur de caoutchouc sur la partie qui repose sur le sol. Le poids de la bicyclette de course varie entre 8 et 10 kg ; la multiplication, entre 1m, 66 et 1m, 85.

On construit des bicyclettes analogues, dites bicyclettes de courses sur route ou routiers légers, pour les courses sur route. Le poids de ces machines atteint 12, 13 et même 14 kg ; la multiplication y est un peu plus faible que dans les précédentes.

La bicyclette tandem (pl. 1, fig. 7), où deux personnes prennent place, a une puissance de locomotion incomparablement supérieure à celle des machines précédentes ; son poids varie entre 18 et 20 kg. Une multiplication de 1m, 80 à 2 m n’a plus rien d’excessif dans les multicycles. La vitesse est grande et les côtes sont franchies facilement.

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On dispose quelquefois une bielle réunissant les deux guidons pour le cas où une dame monte devant l’homme dirige alors de derrière et contribue à maintenir l’équilibre (double direction).

4° Dans le même ordre d’idées, on a construit des triplettes (pl. I, fig. 8) même des quadruplettes dont se servent surtout les entraîneurs .

On a pu remarquer au Salon du Cycle de 1893 des quintuplettes et même une sextuplette.

5° On construit encore des bicyclettes de dames à cadre spécial (p. I, fig. 6). Ce modèle est moins répandu depuis que la culotte tend à remplacer la jupe ; son poids est de 14 à 15 kg ; les roues ont 65-70 ; la multiplication est de lm,40.

On construit des bicyclettes pour jeunes gens, de 65-65, et pour enfants, de 60-60 et au-dessous. Le poids de ces bicyclettes varie entre 10 et 15 kg ; la multiplication, entre 1m,30 et 1m,45.

Nous citerons, en terminant, la bicyclette pliante, imaginée par le capitaine Gérard, du 87e régiment d’infanterie, laquelle, tantôt portant l’homme, tantôt portée par lui, paraît pouvoir rendre de réels services en campagne.

Principales questions actuellement à l’étude ou à l’essai. Ces questions sont les suivantes :

RECORDS ET PERFORMANCES – ENTRAINEMENT

C’est sur la bicyclette que l’on a accompli les épreuves de résistance les plus remarquables. Nous mentionnerons plus loin les principales de ces épreuves, mais auparavant 1l’est. indispensable de certains termes du langage cycliste, s’appliquant spécialement aux courses :

Train. – Le train est la vitesse moyenne à laquelle a marché le coureur pendant une épreuve.

Emballage. — Pour prendre de l’avance, le coureur doit, à plusieurs reprises, pendant la, course, et surtout au moment de la période finale, savoir accélérer la vitesse dans les plus grandes proportions ; ces accélérations momentanées de la vitesse s’appellent emballage ou enlevage ; c’est un emballage final bien mené, de 150 m à 200 m qui, le plus souvent, fait triompher le coureur.

Ce n’est que par un entraînement de plusieurs mois, et même de plusieurs années que certains coureurs ont pu fournir, à l’emballage final, des vitesses correspondant à 50 km à l’heure et au-dessus.

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Record. – Il y eu des records de distance et des records de temps.

Le record de distance en de vitesse est le minimum de temps employé à parcourir une distance déterminée.

Le record de temps est la plus longue distance parcourue en un temps déterminé.

Champion. – Le champion est le coureur qui a gagné une course spéciale appelée championnat. Il conserve le titre de champion tant que sa performance n’est pas surpassée dans un championnat postérieur.

Entraineur. - Tout coureur de fond se fait précéder d’entraîneurs dont la mission est des plus complexes.

L’entraîner règle le train, encourage le coureur pendant les faiblesses momentanées qui se produisent souvent, surveille son alimentation, le soigne, le frictionne et le masse pendant les arrêts, lui passe au besoin sa machine, soustrayant ainsi au coureur toute préoccupation morale et matérielle.

L’entraineur doit toujours être dispos, aussi les coureurs ont-ils de véritables équipes d’entraîneurs se relayant fréquemment.

On attribue vulgairement l’effet favorable dû à la présence des entraîneurs à leur` action comme coupe-vent ; grâce à eux la résistance de l’air serait beaucoup diminuée pour le coureur.

Cela peut-être vrai dans une certaine mesure, mais il y a une autre raison beaucoup plus importante des bons effets de l’entraineur.

Lorsque les muscles sont soumis à des fatigues exagérées et persistantes, le cerveau ne tarde pas à se fatiguer à son tour, en raison des impulsions plus violentes qu’il doit donner à mesure que les muscles répondent plus réellement à ses ordres.

Dans les épreuves de résistance, c’est toujours la volonté qui faiblit la première et non la contractilité du muscle : la preuve en est que, dans la lutte finale, sous l’influence d’un stimulant tel que ou simplement le désir de gagner une somme d’argent, le coureur qui semblait épuisé recouvre toute son énergie musculaire et imprime à sa machine des vitesses qui eussent été déjà surprenantes au début de la course.

C’est donc le cerveau qui y a surtout grand intérêt à ménager c’est précisément là le rôle essentiel de l’entraineur : son emploi transforme le coureur en automate et substitue dans son cerveau à la préoccupation très prenante déprimante d’aller plus vite qu’un concurrent, l’idée infiniment plus simple de suivre une roue. Les efforts cérébraux ainsi évités se traduisent par une notable augmentation du travail physique disponible.

Records et performances

Records de distance. - Comme nous l’avons dit plus haut, il a été accompli sur la bicyclette des épreuves extraordinaires : nous citerons d’abord la performance du fameux coureur français Terront qui, dans la course Paris-Brest et retour, a parcouru 1 200 km en 72 heures, dont 67 effectives.

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Dans son match avec Corre (Français), le 24 février 1893, le même Terront a parcouru, sur la piste du Champ de Mars une distance de 1 000 km en 41h 58’ 52" 4/5.

Le 7 janvier 1894, Stéphane (Français) fait le même parcours en 39h 28’ 8".

Le 25 décembre 1894, Stéphane lui-même est battu par Rivierre (Français) qui, sur la même piste, accomplit le parcours en 34h 53’ 38" 3/5.

Ces performances tiennent du prodige d’après des expériences de traction faites par MM. de Sanderval et Baudry-de Saunier sur une bicyclette montée par Terront lui-même, l’effort de traction, au train des courses précédentes, serait de 2kg,5 sur la piste du Champ de Mars et, de 4 à 5kg sur une route ordinaire.

Il s’ensuit que dans la course de 1 000 km le travail produit atteindrait 2 500 000 kilogrammètres, ce qui, pour un homme du poids de 65 kg, représente 600 fois l’ascension des tours de Notre-Dame, à raison d’une ascension toutes 3’ 20", ou encore 7 fois l’ascension du Mont-Blanc.

La course de Terront, entre Paris et Brest, conduirait à des résultats plus surprenants encore.

Citons également, comme épreuve de résistance de l’homme et aussi de la bicyclette, cette autre performance de Terront, qui a parcouru, par la pluie et sur des routes souvent épouvantables, les 3 000 km qui séparent Saint-Pétersbourg de Paris à travers la Russie, la Pologne, l’Allemagne, la Belgique et la France, en 14 jours et 7 heures, sans qu’il lui soit arrivé d’accident l’obligeant à changer de machine (septembre 1893).

Le record des 100 km est, détenu par Lesna avec 2h 15’ 51" 3/5 (Dijon) ; celui des 50 km per Stocks avec 1h 4’ 17" 1/5 (piste de Castford, à Londres).

Le record du kilomètre (départ lancé avec entraîneurs), appartient actuellement à Dary avec 1’ 6" (piste municipale du bois de Vincennes).

Le coureur Maurice détient les records de 1 et 2 km sans entraîneur : il a couvert 1 km en 1’ 25" et 2 km en 3’ 7.

Records de temps. – Les records de temps ne sont pas moins surprenants encore.

Le record du mille (1 609m) [départ lancé avec entraîneurs], que détenait récemment encore Johnson avec 1’ 47" 3/5, est détenu depuis le 4 novembre 1895 par Gardiner avec 1’ 42" 2/5 (piste de Louisville)

Rappelons que le cheval Nancy-Hanks a établi en 1892 le record de la vitesse au trot en faisant le mille en 2’ 5" ¼, performance qui n’a jamais été dépassée depuis lors par aucun cheval.

Records de temps. – Les records de temps ne sont pas moins surprenants.

Les records du kilomètre et du mille (départ lancé sans entraîneurs) appartiennent respectivement à Gougoltz et à Hamilton avec 1’ 15" 4/5 et 2’ 0" 2/5.

Huret (Français) a établi tout récemment le record sur piste des 24 heures en couvrant pendant ce laps de temps la distance fabuleuse de 851km, 613 et battant le record déjà formidable établi par Rivierre (842km, 613).

Le record de l’heure, naguère détenu par Dubois (Français) avec 43km, 325, a été battu successivement :

Le record de l’heure sans entraîneurs est inférieur d’une dizaine de kilomètres.

Pour les petites distances les deviennent fantastiques

Les performances les plus étonnantes sont celles du fameux coureur américain Zimmermann qui a soutenu, pendant quelques secondes, la vitesse de 16m,33, correspondant à peu près de 60 km à l’heure (septembre 1892), et celle de l’américain qui a couvert à Chillicothe le ¼ de mille (402 m) en 22" 4/5, ce qui représente une vitesse de 17m, 95 par seconde ou de 64km, 5 à l’heure (départ lancé avec entraîneurs).

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Entraînement.

Après les efforts extraordinaires qui correspondent à de telles épreuves, les coureurs ne présentent en général ni essoufflement exagéré, ni symptômes de surmenage du cœur.

S’il en est ainsi, c’est qu’une préparation savante leur a donné du souffle, de l’endurance et des qualités de résistance que ne possèdent pas normalement les autres hommes. Cette préparation consiste en une de pratiques ayant pour but l’entraînement ou la mise en forme du sujet et doit commencer au moins un mois avant l’épreuve.

Les règles de l’entraînement sont peu connues en dehors du monde des courses.

On croit souvent que, pour obtenir une bonne mise en forme, il faut imposer aux muscles de très pénibles travaux.

On ne peut au contraire arriver au maximum de puissance que par une préparation progressive, sans efforts pouvant amener la fatigue.

La fatigue retarde en effet la mise en forme.

L’entrainement débute généralement par un traitement spécial, avec pour but de, débarrasser le corps des graisses (causes d’essoufflement), et des déchets qui encombrent le sang : dans ce but, le sujet commence par se purger, puis il s’efforce de transpirer en se couvrant de couvertures et d’édredons quand il est couché, de plusieurs maillots de laine superposés pendant le travail, et en faisant usage de bains de vapeur.

Le sujet doit en outre :

Quant à la préparation musculaire, elle devra être, disions-nous tout à l’heure, lente et progressive.

Le travail des premiers jours doit se borner à des courses de 20 à 30 km en accélérant peu à peu la vitesse, mais sans jamais arriver à l’essoufflement.

Plus tard le coureur fera 50 km en compagnie de coureurs plus forts ou déjà en forme, dont il efforcera d’abord de suivre le train, avant d’essayer de les dépasser par des emballages de 150 à 200 m.

Une fois entraîné, le coureur, pour rester en forme, se contente de faire quelques kilomètres tous les matins et quelques emballages dans l’après-midi.

Un mois d’interruption fait perdre tout le bénéfice de l’entraînement, qui n’est en somme qu’une accoutumance progressive et ininterrompue au travail.

« La forme, dit. M. Baudry de Saunier, est, un point culminant où mène l’entraînement ; un excès quelconque empêche d’atteindre ce sommet. »

« La forme ne vient pas par à-coups brusques ; elle s’infiltre peu à peu dans tout l’organisme et monte lentement ; mais elle peut tomber tout d’un coup. »

ÉQUILIBRE DE LA BICYCLETTE.

Le cycliste doit constamment maintenir sa machine en état d’équilibre instable (équilibre relatif, bien entendu, puisque la machine est en mouvement).

Cet équilibre semble paradoxale bien des gens qui se font une idée exagérée de l’habileté déployée par la vélocipédiste pour ne pas tomber côté.

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LA VÉLOCIPÉDIE MILITAIRE

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À la suite d’expériences concluantes, toutes les nations ont adopté, en principe, l’emploi de la vélocipédie en campagne.

Toutes l’utilisent, en temps de paix, pour des plantons dans les garnisons.

Beaucoup d’entre elles ont déjà des écoles militaires de vélocipédie.

France.

Les premiers essais sont tentés aux grandes manœuvres de 1886 : 8 vélocipédistes, mis à la dû général en chef, sont employés à la transmission des ordres et rendent de réels services.

Les essais, repris sur plus grands échelle en 1887, aux grandes manœuvres des 9e et 17e corps, et, en 1888, à celles des 3e et 16e corps, aboutissent à une première organisation, réglementée par la circulaire ministérielle du 3 mai 1889.

Chaque régiment d’infanterie est doté, aux grandes manœuvres, de 4 vélocipédistes choisis parmi les hommes de la réserve et de l’armée territoriale, se présentant volontairement pour ce service et fournissant eux-mêmes leur machine.

L’emploi. de la vélocipédie est consacré officiellement par le règlement provisoire du 2 avril 1892 et définitivement organisé par le règlement du 5 avril 1895, auquel nous renvoyons pour les détails ; nous nous contentons de donner ici le tableau indiquant le nombre des vélocipédistes a chaque état-major, corps de troupe ou service.

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Allemagne.

Un règlement provisoire sur l’organisation du service vient, être mis en vigueur en Allemagne.

La Bavière a réglementé l’organisation de la vélocipédie depuis le printemps 1894. Chaque bataillon est pourvu de 2 bicyclettes.

Un certain nombre de machines, appartenant, à l’Etat, sont réparties entre les corps et les places fortes. Ces machines sont de deux types :

1° Un modèle de guerre qui ne doit être employé que pour faire campagne ;

2° Un modèle instruction qui est surtout destiné à former les vélocipédistes militaires.

Ces deux modèles sont construits de la même façon, avec cette différence toutefois que le modèle d’instruction a été renforcé, particulièrement eu ce qui concerne la fourche antérieure.

Le bandage est formé par un caoutchouc creux collé de 1pe,5 de diamètre (39mm).

Tous les frottements sont à billes.

Une servante fixée au côté gauche du cadre ou à la fourche de derrière permet de maintenir la machine debout. (Projet de règlement pour l’entretien et l’emploi des bicyclettes de l’armée, 1895.)

Chaque régiment doit posséder 21 cyclistes et les exercer au maniement, à l’entretien et au nettoyage des machines.

L’Etat fournit 2 bicyclettes par bataillon ; elles sont inspectées par l’Artillerie en même temps que les armes.

Les armuriers des régiments doivent connaître la bicyclette aussi bien que les armes. C’est sous leur surveillance seulement que la bicyclette peut-être démontée.

On recrute les bicyclistes, en Allemagne, parmi les mécaniciens, les horlogers ou les serruriers.

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Le nouveau règlement définit les circonstances dans lesquelles il est permis de se servir des bicyclettes de l’Etat. Les bicyclistes doivent toujours prendre une allure modérée et ne pas faire plus de 50 km en 2 heures.

En campagne ou aux manœuvres, le bicycliste qui accompagne une troupe à pied marche à côté de sa machine.

On utilise les cyclistes en temps de paix faire le service de plantons ou pour réunir les places fortes à leurs forts détachés.

En campagne et aux manœuvres les cyclistes sont employés à la transmission des ordres, à la liaison des cantonnements entre eux, des avant-postes avec le gros des troupes, etc. Ils précédent les colonnes aux cantonnements et rapportent in toute vitesse les billets de logement, à moins qu’on ne les charge de préparer l’installation des troupes avant leur arrivée, de puiser de l’eau, etc., etc.

Pendant le combat, s ils n’ont pas de mission spéciale, ils se tiennent en arrière, avec les derniers échelons.

On compte aussi les employer en campagne au service des étapes et des relais d’en décharger la cavalerie.

D’après le règlement provisoire, les cyclistes militaires ne seront pas armés de fusils, mais simplement d’un revolver et d’un sabre-baïonnette ; cet. armement paraît devoir être modifié, car, aux manœuvres impériales de 1895, on a employé les cyclistes, non seulement comme estafettes et comma agents de liaison, mais aussi comme combattants.

Le colonel-général de Waldersee, commandant le 9e corps d’armée avait fait organiser un corps de 60 vélocipédistes, armés du fusil mod. 1888-1894, et placés sous le commandement de 2 officiers.

Ce peloton a été employé au service d’exploration et chargé de diverses missions tactiques qui auraient été remplies, parait-il, d’une façon assez satisfaisante pour que l’empereur en ait été frappé et qu’un courant d’opinion en faveur de l’organisation des fantassins cyclistes se soit manifesté nettement dans l’armée allemande.

L’organisation actuelle n’a peut donc pas encore considérée comme définitive. Cependant le dernier budget porte une annuité spéciale importante pour l’achat et l’entretien du matériel vélocipédique et il vient d’être crée au ministère de la guerre une nouvelle section, sous le nom de a service vélocipédique aux armées .

Angleterre.

Un corps spécial de cyclistes militaires a été formé, dies 1885, en Angleterre, sous le nom de 26e Middlesex. Les hommes de ce corps, au nombre de 98, dirigés par 10 officiers, doivent non seulement servir d’éclaireurs ou d’estafettes, mais constituer une véritable troupe d’infanterie montée, qui, se portant rapidement au un point déterminé, y prendra position et ouvrira l’improviste le feu sur l’ennemi.

Un règlement spécial de manœuvre pour les cyclistes, approuvé en 1890., a créé une véritable tactique vélocipédique. Dans certaines manœuvres, pour ne citer qu’un exemple, les cyclistes doivent parcourir la distance terminée, mettre un certain de fois pied à terre et tirer un nombre donné de cartouches sur des cibles.

Le mérite est apprécié d’après le quotient du temps employé par le local des points obtenus sur la cible. Le quotient le plus. faible correspond évidemment au meilleur a « cycliste-tireur ».

On obtient par se mode de dressage des résultats remarquables, dus surtout à ce que lus officiers qui en sont chargés sont, — en même temps que cyclistes de premier ordre, pleins de confiance dans l’importance du rôle qu’il s auraient à jouer en campagne.

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La plupart des régiments territoriaux ont, aussi, sous l’influence d’un officier distingué, le colonel Savile, organisé des corps fie vélocipédistes analogues au 26e Middlesex.

Eu outre chaque bataillon de volontaires est doté de 24 cyclistes. L’ensemble dès bataillons de volontaires possède 5 100 vélocipédistes. Le général sir Evelyn Wood espère voir leur nombre porté à 20 000.

L’infanterie de marine est pourvue de 200 cyclistes transportant sur leur machine leur carabine et leur paquetage.

Les officiers ont un tricycle muni, à l’avant, d’un pupitre sur lequel sont fixés : une carte du district, une petite planchette à dessiner, une boîte de dépêches, etc., etc.

Autriche – Hongrie.

En Autriche les premiers essais datent de plus de 10 ans.

Le 7 juillet 1884, sur ordre du ministère de la guerre, la division des élèves de l’Académie militaire de Wiener-Neustadt effectue, en bicycles, un trajet de 300 km en 5 jours, dont 110 parcourus le premier jour.

Un cours pratique de vélocipédie militaire est, depuis cet essai, organisé à Wiener-Neustadt, où viennent se former, tous les ans, un certain nombre de cyclistes.

L’Autriche est sur le point de fabriquer elle-même ses bicyclettes militaires : 5 modèles, provenant des maisons autrichiennes, ont été expérimentés aux manœuvres dernières ; la fabrique d’armes de Steyr vient de transformer une partie de son outillage pour construire en grand le modèle qui sera choisi

Un cours de vélocipédie militaire vient, parait-il, d’être établi à Gratz et placé sous la direction du chef d’état-major du 3e corps d’armée. Le cours est fait par deux lieutenants qui disposent de 30 bicyclettes pour instruire 28 sous-officiers.

Belgique.

En Belgique, une section de vélocipédistes est rattachée à l’école du régiment de carabiniers de Wavres ; elle forme tous les ans de 20 à 25 cyclistes destinés à être employés, aux manœuvres et en campagne, pour la liaison des états-majors et la transmission des ordres.

Des wagons spéciaux ont été aménagés spécialement en vue du transport des bicyclettes. Ils peuvent recevoir 30 machines et leurs cavaliers. 15 machines sont suspendues au plafond, les autres sont placées dans des cadres en bois, sur le plancher

On compte actuellement en Belgique 57 000 bicyclistes, soit 1 p. 100 de la population.

Danemark.

Le Danemark a un modèle de bicyclette réglementaire, construit dans les ateliers de l’Etat.

Les deux roues ont 730 mm de diamètre ; la roue dentée a 17 dents, le pignon en a 8 ; le développement est de 4m, 873 et la multiplication de 1m,55 ; la bicyclette pèse 23kg,244.

Un cours de vélocipédie est organisé tous les ans, pendant deux mois, dans chaque régiment. Ce cours, dirigé par un officier, est suivi par 6 hommes par bataillon.

Espagne.

Depuis le 3 décembre 1890, une section de vélocipédistes a été, en Espagne, incorporée dans le bataillon de chemins de fer. Les régiments d’infanterie y envoient tous les ans 2 gradés et 3 hommes qui sont ensuite comma plantons dans les garnisons, et comme estafettes aux manœuvres.

Les bicyclettes employées jusqu’ici étaient des Whitworth (marque Minerve), mais une commission. vient d’être nommée pour faire choix d’un nouveau modèle et un crédit spécial a été ouvert sur le budget de 1895-1896 pour acheter des machines et en doter l’infanterie.

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Etats-Unis.

Aux Etats-Unis, on est pas encore sorti de la période des essais. On y exerce, dans les corps de signaleurs télégraphistes des vélocipédistes qui sont employés aux manœuvres.

Il est à remarquer toutefois que le général Miles, le nouveau commandant en chef de insiste, dans son rapport annuel, sur les avantages de la bicyclette et l’extension de son emploi. Il recommande la création d’un régiment spécial de 12 compagnies, lequel serait muni de bicyclettes et de voitures automobiles (mater Waggons).

Hollande.

En Hollande on a fait aux cyclistes militaires, admis après concours, une situation analogue à calla des officiers ; ils touchent aux manœuvres roue une solde journalière de 10 fr environ et on droit à un soldat-ordonnance .

Italie.

L Italie avait précédé la France dans les essais : c’est en 1875 qu’on y emploie, pour la première fois, des estafettes sur bicycles pour la transmission des ordres.

Dès 1886, le service vélocipédique reçoit une organisation officielle : chaque régiment d’infanterie ou de bersaglieri reçoit 3 bicycles (roues motrice de 1m,16), fournis par l’Etat.

Actuellement l’Italie possède deux modèles réglementaires de bicyclette.

Le premier modèle est à caoutchouc creux, avec roues de 70-75, roue dentée du pédalier à 17 dents, pignon à 8 dents, développement de 4m, 675, multiplication de 1m, 49 et poids de 20 kg, 5.

[…]

Les machines sont construites par l’Etat.

L’Italie a une école militaire de vélocipédie.

Russie.

En Russie la vélocipédie a été organisée en 1891. Le dressage des hommes a lieu dans les corps de troupe : chaque régiment doit avoir au moins 2 officiers exercés qui puissent remplir les fonctions d’instructeurs.

Le nombre des hommes à dresser est de 8 par régiment d’infanterie et de 4 par bataillon de chasseurs.

Les bicyclettes employées sont de provenance anglaise et à caoutchouc plein ; chaque régiment d’infanterie doit en recevoir 4 et chaque bataillon de chasseurs 2.

On a fait aux manœuvres l’essai de monter sur bicyclette les capitaines d’infanterie ; le résultat a été trouvé satisfaisant.

Des bicyclettes de provenance anglaise établies spécialement pour rouler sur la neige devaient être expérimentées cet hiver.

Suède.

En Suédé des volontaires, admis après concours et fournissant eux-mêmes leurs machines sont, pendant les manœuvres, formés en sections de 10 hommes. Chaque section, commandée par un lieutenant on un sous-lieutenant, est affectée à un district militaire.

Suisse.

La vélocipédie est réglementée, en Suisse, depuis 1891. Les hommes sont exercés, pendant 3 semaines, dans une école militaire de vélocipédie, pour être ensuite, en manœuvre ou en campagne, répartis entre les états-majors.

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L’armement des vélocipédistes militaires consiste généralement en un fusil fixé au cadre de la machine. Le fusil est remplacé par une carabine en France, en Angleterre et aux Etats-Unis, et par un revolver et une sorte de sabre-baïonnette en Allemagne et en Suisse.

OBSERVATIONS SUR L’EMPLOI DES CYCLISTES EN CAMPAGNE.

Comme on le voit par ce qui précède, il n’est pas une armée qui n’ait prévu l’emploi des cyclistes en campagne et plusieurs états en ont déjà réglementé l’organisation.

Cette organisation présente-t-elle un caractère définitif ?

L’importance donnée à la vélocipédie militaire est-elle proportionnée aux services qu’elle peut rendre ?

Ne semble-t-il- pas qu’un corps d’armée tirerait un grand partie d’une section de 100 a 200 cyclistes, énergiques et déterminés, qui, placés sous la main du commandant en chef, pourraient pendant le combat, se porter rapidement par des chemins bons ou mauvais en un point important du champ de bataille, et, munis d’un nombre presque illimité de cartouches, venir frapper un coup décisif, grâce à ces conditions de succès : extrême célérité de mouvements, faible vulnérabilité pendant les déplacements, grand pouvoir combattant et fatigue presque nulle ?

Ces fantassins-cyclistes, capables de passer la journée sur leur machine et d’accomplir, avec moins de fatigue, des marches quatre à cinq fois supérieures de celles des troupes pied, pourraient, leur mission accomplie, être dirigés sur un autre point du champ de bataille ; ils feraient avec autant de rapidité que la cavalerie, et en attirant beaucoup mains L’attention, de longs détours pour se porter sur les flancs ou sur les derrières de l’ennemi.

Ils pourraient, le jour, former des patrouilles faire des reconnaissances, et la nuit, grâce à leur marche silencieuse, venir attaquer les petits postes sans que les sentinelles aient pu être averties de leur approche ; ils ne cesseraient, en un mot, de harceler l’ennemi. En marche ou en stationnement, ils seraient encore d’un grand secours pour relier constamment le commandant en chef au service d’exploration.

Cette infanterie extra-rapide ne constituerait-elle pas un nouvel élément tactique important ?

Ne trouverait-elle pas une précieuse application dans la mission de soutenir on de d’autres troupes, comme L’artillerie qui, sous sa protection, pourrait se déplacer aux grandes allures.

Ne pourrait-on pas encore tirer un excellent parti des cyclistes instruits et intelligents, attachés aux états-majors, au les chargeant de faire des levés d’itinéraires expéditifs ? Le cyclomètre placé sur la machine mesurerait automatiquement les distances et dispenserait ainsi le cavalier de toute préoccupation à cet égard. Précédant, les colonnes il pourrait laisser des renseignements au (106 points déterminés, faire des marques aux bifurcations indiquant la route à suivre,... etc.

Doit-ou monter les cyclistes sur des bicyclettes ordinaires ou sur des machines plus basses leur permettant de s’arrêter et de faire feu, sans quitter la selle, les deux pieds reposant sur le sol ?

Ne serait-il pas plus avantageux encore, pour rendre tous les terrains accessibles à ces combattants spéciaux, d’adopter une bicyclette portative, pouvant se plier et se remonter facilement, comme celle que propose la capitaine Gérard du 87e de ligne

Plusieurs constructeurs ont présenté au salon du cycle de 1895 des bicyclettes pliantes. La revue du Cercle militaire, signale une nouvelle bicyclette pliante qui, parait-il, vient d’être présentée à la Commission des inventions par M. Barré, de Niort.

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Les tandems, triplettes ou quadruplettes, admis dans l’armée anglaise, ne présenteraient-ils pas, dans certains cas, des avantages sur la bicyclette individuelle ? Le bandage pneumatique n’est-il pas trop délicat pour une machine de guerre  ? etc. etc.…

La Russie emploie encore des caoutchoucs pleins ; toutes les autres puissances emploient le creux à l’exception de l’Italie, qui seule a adopté le pneumatique pour l’un de ses deux modèles réglementaires.

Tous ces points en suspens, qui font actuellement l’objet d’études et d’essais pratiques, laissent à penser que le dernier mot n’est pas encore dit sur la question de la vélocipédie militaire.


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