1er janvier – Le général Grossetti étant absent, c'est le chef Lavigne qui reçoit les vœux. Cette année verra-t-elle la fin de cette guerre d’extermination ? Les Boches viennent d’achever, aidés surtout des Bulgares, l’invasion de la Serbie. Les Alliés en retraite sur Salonique ont eu le temps de s'y retrancher non poursuivis par les Bulgares. Pourquoi cet arrêt dans la poursuite ? Désaccords entre Boches, Bulgares et Turcs ? Ils ne peuvent s'accorder sur la future possession de Salonique. En tout cas, ils paraissent n'être pas en force pour attaquer les retranchements alliés défendus, disent les journaux par près de 200 000 combattants et beaucoup de grosse artillerie.
Les Russes recommencent leur offensive en Galicie. Les Boches semblent devoir laisser les Turcs se débrouiller en Égypte. Il y a un véritable arrêt dans leurs offensives. N'ont-ils pas atteint le maximum de leurs conquêtes si éphémères ?
Et pendant ce temps les neutres inquiets de la situation intérieure allemande (manque de vivres, émeutes un peu partout, arrêt du commerce prolongé, difficultés financières) se débarrassent du Marlk papier qui baisse à 95 pour 100 marks soit plus de 22% de pertes.
Voilà ce qui laisse espérer que la guerre finira dans le courant de cette année et puis aussi la pénurie d’hommes dans les empires centraux.
Les Anglais arrivent au service obligatoire et fournissent un splendide effort. Les Russes réorganisent et reprennent l’offensive. Nous-mêmes, nous nous préparons aux offensives futures. L’Italie va piano.
Les Allemands finiront par l’écrasement total, la ruine complète de leurs espérances et 1916 sera pour nous l’année de la Victoire.
6 janvier – Damery – Hier les Boches ont attaqué entre 193 et Tahure, notre ancien secteur et ont été repoussés. Ils montrent une grande activité en Méditerranée où chaque jour on signale un torpillage (Ancona, Persia, Ville de la Ciotat, etc…). Quel cran et quel esprit d’organisation pour faire le ravitaillement des sous-marins sans avoir la maîtrise des mers ! Ni même une base solide de ravitaillement en méditerranée.
10 janvier – Nous faisons des manœuvres de cadres du côté de Ville en Tardenois. Les essais de TSF ont donné quelque résultat. Nous recevons 40 officiers pour nous recompléter.
Les Boches, malgré l’annonce dans leurs journaux d’une attaque contre Salonique n'ont rien fait. Général de Castelnau a jugé la situation inexpugnable. Sarrail est nommé grand-croix. Le temps est doux, grisâtre. L’hiver n'est pas rigoureux.
11 janvier – Damery – Évacuation de Gallipoli sans pertes d’hommes ni de matériel. Les Autrichiens attaquent fortement le Monténégro. Les Monténégrins reculent, vas-t-on les laisser s'emparer de ce pays ?
Le chef me fait figurer sur un tableau d’officiers de l’E.M. non brevetés qui n'ont pas suivis de cours d’E.M. et cela malgré mes protestations ! Nous verrons la réponse de l’Armée (vu avec Franchet d’Esperey).
16 janvier – Les Boches semblent renoncer à attaquer l’Égypte. Attaqueront-ils Salonique ? L’on commence à parler d’une grande offensive sur notre front vers Paris.
23 janvier – Nous passons le temps de notre repos à faire des thèmes tactiques de manœuvre ! Ironie des choses, à 20 km des Boches, nous apprenons la guerre par des thèmes de manœuvres exécutés par le 32e D.I.. Nous allons relever dans quelques temps le 37e C.A.. C'est la 32e D.I. qui reprend le front dans le secteur de Soisson et s'établit à la sucrerie de Noyant où nous étions en octobre 1914.
Brigadier P. Hénat, 5e hussards
25 janvier 1916
Je vais très bien
Mon cher Louis
Je suis allé grâce à toi en permission. Je t'en remercie. Tout le monde va très bien à la maison. J'espère qu’il en est de même pour toi. Je t'ai déjà écrit deux fois, mais je me suis trompé de secteur ce qui fait que tu n'as pas du recevoir mes mots. Que faites-vous-en ce moment ?
Je te serre cordialement la main.
Le général Grossetti m'a invité à diner. Il nous reçoit cérémonieusement paré de toutes ses décorations ! Deux gros crachats à droite et à gauche, la cravate de commandeur, médailles coloniales, croix de guerre, croix Russe, etc.
À l’extérieur, peu de changement. Le Monténégro capitule et reprend la lutte devant les exigences Autrichiennes. L’on se demande si ce n'est pas un coup de bassesse du roi Nicolas. Les Russes attaquent violemment en Galicie sans grands résultats encore, et avec succès au Caucase.
J'ai changé d’ordonnance. Ressier au lieu d’Olivier, ce dernier un peu trop paysan n'avait pas pu s'améliorer.
31 janvier – Toujours dans l’expectative au sujet de l’attaque Boche-Bulgare sur Salonique. Les Autrichiens ont occupé le Monténégro et marchent vers l’Albanie du sud. On ne parle plus des Russes. Nous avons évacué ce qu’il restait de l’armée Serbe à Corfou. L’on parle de plus de 100 000 hommes sauvés ainsi. Rien de sensationnel sur notre front.
5 février – Ça y est, adieu Épernay et sa pâtissière Yv. Dumont. Nous partons demain pour Écuiry où les chefs des bureaux sont depuis deux jours pour prendre les consignes.
Un Zeppelin, une nuit avec léger brouillard a lancé des bombes dans Paris. 25 tués et du même coup, c'est la chute de René Besnard, secrétaire d’état à l’aviation. Personne ne le remplace et Téry dans l’œuvre demande à quoi il servait puisque l’on juge que son emploi peut être supprimé. Au fond, c'est toujours la malheureuse politique introduite dans les affaires vitales du pays.
6 février – Départ à 8 heures en auto avec le lieutenant Malphette. Nous passons par Château Thierry et Bussy-le-Château. Beau temps avec brume, beaux paysages. Installation à Écuiry. Toujours récrimination du premier jour, puis tout se tasse.
7 février – À gauche 32e D.I., à droite 89e D.I.. Secteur de tout repos, pas de coups de fusils, de grenades, de mines. Quelques coups de canons de temps à autre. La moyenne était de 1 à 2 tués par jour et autant de blessés.
10 février – Je vais en liaison à la Ve armée à Jonchery. Passe par Braine, Paars, Fismes, et cela me rappelle les étapes d’octobre 1914. Dans l’après-midi, je vais avec Pailès me promener sur le plateau au-dessus d’Écuiry ; nous voyons très nettement les lignes boches du côté de Bussy-le-Château le long, la route de Soissons à Maubeuge se profile sur la crête. Arrivons à une batterie bombardée le matin même et un canon a eu sa roue brisée. C'est le calme plat lorsque nous y sommes. À peine si l’on entend quelques coups éclater du côté de Soisson.
11 février – Secteur très calme décidément. Très bien organisé avec plusieurs lignes de défenses, avec réduits, tranchées et fils de fers. Il semble que l’Aisne soit infranchissable. Du côté des Boches, ce doit être semblable.
12 février – Temps froid, il neige, impossible de sortir. Anniversaire de ma naissance. Le soir pour nous délasser quelques parties de bridge avec le capitaine Pamard dit Poussin, le lieutenant Paliès, le lieutenant Laumer, Cave, capitaine Maure.
Voyage de Briand en Italie en compagnie de Thomas, sous-secrétaire d’état aux munitions. Réception enthousiaste. Qu’en sortira-t-il ? Les Italiens se plaignent amèrement de la hausse du fret et de la pénurie du charbon.
À la Banque de France, l’encaisse or dépasse 5 milliards – 13 milliards de circulation de billets de banque, le maximum étant de 15 milliards. Pas d’opérations militaires importantes.
13 février – Écuiry – La canonnade est un peu plus intense
14 février – Le soir, une forte patrouille débouchant de la verrerie occupe notre tranchée de guet et fait 2 prisonniers. Une contre-attaque immédiate les rejette hors de nos lignes. Nous tuons un officier et faisons 1 Boche blessé prisonnier. Il nous annonce une attaque pour demain à 16 heures.
15 février – Le prisonnier a dit la vérité, mais avertis, il a suffi de quelques salves de 75 pour arrêter les velléités d’attaque des Boches.
16 février – La nature redevient tranquille. C'est Cave et moi qui assurons tous les matins la liaison avec l’Armée à Jonchery-sur-Suippes. Temps très pluvieux, giboulées.
17-20 février – Rien de nouveau, la crue de l’Aisne nous fait prendre quelques dispositions. Polack cause du scandale parmi les automobilistes et est muté dans une section de parc à Abbeville. Un bon point aux Russes qui prennent Erevan. Les journaux en exaltent l’importance et semblent annoncer une offensive anglaise ave les forces du canal de Suez débarquées à Alexandrette et marchant sur Alep. Les Roumains nous restent favorables malgré la pression des Boches et les Grecs paraissent se rapprocher de notre politique. L’on parle d’une grande activité de l’artillerie Allemande contre Verdun et prépare les moyens pour contre-attaquer lorsque les allemands commenceront à faiblir.
21-25 février – Les Boches attaquent furieusement au nord de Verdun avec une débauche de projectiles inouïe. Notre préparation de septembre en Champagne n'était rien à côté. Ils n'emploient que de l’artillerie lourde. L’on dit Verdun en ruines.
16 février – Nos troupes ont cédé du terrain. Les pertes boches sont terribles, dit-on. Ici à l’E.M. l’on nous cache le communiqué boche reçu par TSF. Nous savons néanmoins que le fort de Douaumont, formidable ouvrage a été pris d’assaut. Une légère inquiétude commence à se manifester. Les Boches vont-ils prendre Verdun ? Quel effet moral immense cela causerait-il pas. Je ne puis croire que le commandement ayant été prévenu longtemps à l’avance n'ait pas pris toutes les précautions nécessaires.
Je crois plutôt que Joffre prépare une contre-offensive foudroyante. Il a neigé abondamment ces journées. Froid vif. Les Boches annonçant 10 000 prisonniers. L’on a abandonné sans combats toute la Woëvre d’Ornes à Warcq. L’on se prépare pour l’ultime résistance. Si Verdun était pris, quel succès immense par ses effets moraux. À nos yeux et auprès des neutres. À l’intérieur de la France, quelle crise de doute cela ne créerait-il pas ? Peut-être même du découragement ! Et pourtant, au point de vue stratégique la prise de Verdun ne changerait rien aux forces opposées. L’on dit aussi que ce serait une offensive dynastique, faite pour rehausser le prestige du Kronprinz et lui décerner le titre de maréchal.
27 février – Les nouvelles sont meilleures. Les Boches semblent arrêtés. En fin de journée la côte du Talon n'est à personne. La côte du Poivre est occupée par les deux parties, autour de Douaumont toujours occupé par des hommes d’un régiment brandebourgeois nous formons un U et espérons le reprendre. Pourquoi n'y avons-nous pas tenu puisque les Boches y tiennent. Manque d’artillerie lourde sans doute. Enfin, la situation se rétablit. C'est Pétain qui dirige la contre-offensive et avec lui, on peut avoir confiance. Homme d’abord froid, distant, parle peu, donne vraiment l’impression d’un chef qui pense d’après lui, réfléchit et dirige. Ce fut un grand organisateur dans les attaques de septembre.
Les Boches ont attaqué sans succès en Woëvre, au sud-est de Verdun. Dans notre secteur, la situation est très calme. Pour accrocher les troupes en face de nous, l’artillerie reçoit un supplément de 24 000 coups de 75 et 500 coups de 120 longs. Je crains beaucoup la riposte sur Soisson que les Boches vont démolir un peu plus. La section de camouflage vient de nous offrir ses services.
29 février – Du côté de la forme de Navarrin (sur de Somme-Py) les Boches après deux jours de tirs d’AL et 50 000 obus en 6 heures sur un front de 1 500 mètres, ont pris notre 1ère ligne avec 1 100 prisonniers (pourtant très bons éléments de bataillons de chasseur).
Pourquoi, au lieu de vouloir inquiéter l’ennemi sur notre front l’on ne fait pas une concentration de feux sur un point intéressant à enlever. N'est-ce pas encore la meilleure manière de retenir l’ennemi.
Vers Verdun, calme. Des deux côtés ce qui semble indiquer que nous n'avons pas les moyens sérieux d’une contre-offensive. Du reste peut-on seulement amener des renforts et du matériel à Verdun avec une seule voie normale sous le feu de l’ennemi, et une voie étroite vers le sud. Pourquoi ne pas avoir construit une 2e ligne à voie normale vers Bar-le-Duc ? Les Allemands en Belgique établissent bien des ponts nouveaux sur la Meuse. Il semble que nous procédions par vues étroites et que nous fassions la guerre au jour le jour, sans plan défini à grande envergure.
En Méditerranée, un croiseur auxiliaire, le Provence est coulé. L’on ne sait comment.
Cela couterait 3 ou 400 hommes à Verdun, nous aurions 15 000 prisonniers, 30 pièces de canon démoli et autant de prises. Du reste, ici à l’E.M. l’on nous cache les communiqués boches que l’on reçoit par TSF ! Pourquoi ? Quelle méfiance ridicule vis-à-vis d’officiers, alors que malgré les ordres, tout le monde en dehors de nous connait le communiqué ! Que l’on peut du reste lire 8 jours après dans la Tribune de Genève.
1er mars – Calme vers Verdun, mais il faut s'attendre à bref délai à un autre effort en un autre point du front. Ainsi, l’attaque sur Verdun serait la 1ère partie d’une entreprise à grande envergure et un retour à la guerre de mouvement. Il y a deux leçons à en tirer. 1° c'est que nous ne devons pas nous endormir dans une confiance absurde en l’affaiblissement de l’ennemi, et ne pas croire tous les racontars des journaux sur l’efficacité du blocus, sur la famine, la dépression morale, émeutes, etc. 2° que la doctrine de l’inviolabilité des fronts est fausse.
La guerre sous-marine doit reprendre plus violente à partir de demain ! Qu’est-ce qu’elle va être ?
2 mars – Essai d’une attaque sur le sud-ouest de Verdun, du côté de la Woëvre. Elle est facilement repoussée.
3 mars – Les efforts boches sur Douaumont reprennent violement. Mails ils n'attaquent que sur ce point restreint, bombardant les positions à l’ouest de Verdun. C'est un indice soit de très grosses pertes affaiblissantes soit de la préparation d’une attaque sur un autre point du front. Il neige.4 mars
Paliès est appelé à Buc comme élève pilote. Il part demain. Encore un bon camarade du début qui s'en va. Nous ne sommes plus que trois avec Cave et Teyssèdre.
Attaques très vives sur Douaumont. Nous autres bombardons malgré le mauvais temps les positions boches des environs de Soisson. Simplement pour leur démolir leurs travaux. À cause du mauvais temps qui empêche de faire un tir précis. Était-ce bien la peine ? N'est-ce pas gaspiller quelques munitions.
5 mars – Beau temps avec alternative de givre et de neige. Les Boches ont attaqué à l’ouest de la Meuse. Après bien des efforts ils prennent Forges-sur-Meuse, Regnéville-sur-Meuse et la côte de l’Oie jusqu’au bois des Corbeaux. Leurs attaques sur Béthincourt restent infructueuses. Hier même, nous avons repris une partie du bois des Corbeaux. À Douaumont, rien n'a changé. Le fort est toujours aux Boches. L’on parle de sanctions. Les généraux Herr et Humbert seraient à Limoges. Verdun n'aurait que la petite voie étroite de Bar le Duc pour se ravitailler. La voie de Chalons étant coupée et sous le feu de l’ennemi. Le ravitaillement se fait par convois auto. Mais pourquoi depuis dix-huit mois l’on n'avait pas établi une voie normale vers le sud ? Un faux bruit de démission de Gallieni a couru. L… et … sont suspendus.
L’Heure qui avait publié un article de Mathiez, professeur d’histoire à l’université de Besançon De la publicité des sanctions est suspendu. Clémenceau est suspendu aussi pour avoir écrit
Si la position de Douaumont venait à nous être enlevée, grâce à une accumulation de fautes sur lesquelles on va essayer vainement de jeter le voile, la ville de Verdun ne serait plus qu’un réceptacle d’obus. Quoiqu’il arrive, nous aurons pour devoir de mettre à jour les causes d’insuffisances graves à fin d’en prévenir à tout prix le retour…
Un écrivain militaire disait en 1909, plus on lancera d’obus sur l’ennemi moins on perdra de fantassins. On ne tirera jamais trop d’obus, on n'en tirera jamais assez. Ce ne sont pas les munitions qu’il faut économiser, ce sont les hommes. Eh bien dit Clémenceau, cette formule comment l’a-t-on appliquée dans nos offensives et notre défensive sous Verdun ? Voilà la question qui se pose implacablement si déplaisante qu’elle soit pour quelques un.
10 mars – Notre situation semble s'améliorer sous Verdun et les Boches semblent au bout de leurs efforts. À l’ouest de la Meuse nous avons repris l’offensive. Ce matin couche de neige épaisse. Ils annoncent à tort avoir prix Vaux. L’on dit que dans notre défense à Verdun nous ne dépensons pas la quantité d’obus fabriqués chaque jour par nos usines. Excellent signe qui nous permettrait de repousser une nouvelle attaque sur un autre point. Des bruits de demande de paix par la Turquie circulent ainsi que l’assassinat d’Enver Pacha. Il est vrai que les Russes marchent victorieux d’Erzurum sur Trébizonde et que les Turcs ne sont plus de force à les arrêter.
11 mars – Par des attaques formidables d’une division, les Boches ont repris le bois des Corbeaux et ils annoncent avoir reperdu le fort de Vaux qu’ils n'avaient jamais eus. Leur emprunt étant ouvert, ils ont besoin de bonnes nouvelles. L’Allemagne déclare la guerre au Portugal !!
Leur guerre sous-marine reprend de l’activité : hier 3 bateaux coulés dont un croiseur anglais et un transatlantique français, la Louisiane. C'est beaucoup ! Notre secteur de Soisson est très calme. Nous installons des batteries de 240 et 305.
12 novembre – Après une nouvelle trêve de 28 heures les Boches reprennent leurs attaques sur l’Homme-Mort sans succès. L’on dit que nos artilleurs ont fait merveille. Gallieni, malade depuis plusieurs jours est remplacé par le général Roques. Le député Accambray à la Chambre se répand en divagation sur le haut commandement. On lui supprime la parole.
Visite de batteries et P.C. d’artillerie dans le bois et carrières au-dessus de Billy. Je me demande si les carrières de la sente de Billy ne communiquent pas sur le ravin de Septmonts au-delà, par conséquence, de nos lignes de défense des plateaux ?
Du côté de Verdun, les attaques faiblissent. L’on dit, sans précision, qu’Enver Pacha, le tyran turc aurait été tué. Mais qu’importe, ce sont les Boches qui dirigent aujourd’hui la Turquie, et il faudrait une révolution pour les chasser et signer la paix.
Frédéric Basile de Montpellier vient commander l’escorte à la place de Paliès.
23 au 31 mars – Pour la 3e fois, je vais en permission de huit jours, voyage compris. À Sète, les négociants édifient des fortunes mais dénotent toujours d’un esprit déplorable. L’attaque sur Verdun a produit une baisse de 10fr d’un marché à l’autre. Dans le Lauraguais, la main d’œuvre manque de plus en plus. Beaucoup de métairies sont fermées. Les femmes ayant l’allocation ne veulent pas travailler. Alphonse quitte la ferme à Perrière. Diminution ; petites misères peu comparables à d’autres des régions envahies.
À Paris, le mouvement reprend de plus en plus. Les jupes courtes habillent bien les femmes qui ont de jolies jambes avec de fines attaches. Je vais voir la Femme nue de Henri Bataille, une des meilleures pièces dit-on. Interprétation très bonne de Mesdames Bady, Mégard, Gauthier, etc… J'ai trouvé 2 actes sur 4 stupides avec situations exagérées, faussement tragiques. Est-ce que la guerre aurait changé ma manière de voir et sentir ? Beaucoup de monde dans les restaurants, magasins, etc… Sauf le soir où presque tout est toujours éteint, Paris redevient lui-même avec pourtant moins d’élégance encore.
À Toulouse, la poudrerie occupe maintenant 16 000 ouvriers et fabriquera en mai 150 tonnes d’explosifs par jour ! Quel effort accompli ! Quelle réponse aux pessimistes.
Je voyage avec Roux-Martin, avocat à Marseille. Il me dit que notre offensive doit commencer par Salonique. Pendant mon congé la fameuse conférence des alliés a eu lieu à Paris. L’on n'en connait rien. Aucune décision. L’on m'a dit que Gallieni avait été obligé par Briand de donner sa démission pour avoir fait de la politique avec l’aboyeur Clémenceau et Caillaux qui s'agite beaucoup en coulisse.
1er avril – Les Allemands continuent leurs attaques sur Verdun, méthodiquement et progressent peu. Général Franchet d’Esperey quitte la Ve armée ; remplacé par le général Mazel. Il va remplacer le général Dubail au commandement du groupe des armées de l’est. Son fils qui est aspirant au 143e ne tardera pas à le suivre probablement :
6 avril – Vu ses jours-ci une comparaison de la situation à un an d’intervalle, envisagée par les Boches ! Qu’avons-nous fait depuis un an nous autres alliés. La Russie envahie, la Serbie conquise, échec aux Dardanelles, la Bulgarie contre nous, le Monténégro et la moitié de l’Albanie asservie, de nombreux navires coulés.
À notre actif, des offensives avortées et préparation plus intense semble-t-il. Et pourtant, malgré les succès boches répétés l’on sent que la victoire leur échappe de plus en plus. Leur échec devant Verdun est le premier son de cloche et je crois que la guerre finira à la suite de notre offensive simultanée sur tous les fronts à la fois, à fin d’empêcher l’utilisation leurs fameuses lignes stratégiques.
Louis ne mentionne pas ce diner !Dîner à Écuiry, le 1er avril 1916 avec le sous-préfet de Soissons, M. Andrieu et sa femme
Et puis la question financière interviendra aussi. Le crédit de l’Allemagne ne pourra plus être soutenu avant peu, si l’on en croit les journaux. Avant l’hiver prochain, je crois à la suspension des hostilités.
12 avril – Ces jours-ci, les Boches ont repris leurs offensives en masse sur Verdun sans grand résultat. Espèrent-ils par ce moyen nous user et nous empêcher de prendre l’offensive l’été prochain en même temps que les autres alliés ?
Dès à présent les leçons de cette bataille de Verdun sont celles-ci. La nécessité d’avoir de nombreux abris profonds à l’abri de n'importe quel bombardement et des abris de guetteurs blindés.
De même les postes d'observation et les P.C. doivent être à l’abri des plus forts bombardements de façon à pouvoir constamment voir ce qui se passe à l’aide de périscopes grossissants et de grosses lorgnettes. Il ressort aussi la nécessité d’une liaison très étroite entre l’infanterie et l’artillerie.
Le facteur moral est plus prépondérant que jamais et au fur et à mesure que les puissances mécaniques de destruction s'accroissent, les capacités de résistance de l’âme guerrière se développent. Toujours supérieures aux effets de la matière. La bataille de Verdun n'a rien appris au point de vue du commandement. Elle doit ancrer plus profondément dans le cœur de chacun cette vérité qu’aucun pouce de terrain ne doit être volontairement abandonné, quelles que soient les circonstances et qu’une troupe même entourée doit résister jusqu’au dernier homme sans reculer, le sacrifice de chacun étant la condition même de la victoire.
Voici l’ordre du jour du général Pétain aux troupes de Verdun : …
23 avril – Notre chef d’E.M. le lieutenant-colonel Lavigne Delville nous quitte pour aller commander un régiment d’infanterie le 142e – 42e D.I.. C'est le lieutenant-colonel Federhpil du 41e d’infanterie prendra sa suite.
24 avril – Adieux touchants. Le colonel prend quelques photos du groupe des officiers. Les Boches ont attaqué du côté de Paissy où le 1er corps a remplacé le 18e. Pénurie de fil de fer.
Comme bonnes nouvelles il y a la prise de Trébizonde et la menace de rupture américaine. La mort de Von der Goltz qu’on dit assassiné par les Turcs, et toujours les échecs devant Verdun.
27 avril - Château Écuiry – Du côté de la Ville aux Bois nous avons repris le bois franc allemand (sur du Bois de la Butte) avec 160 prisonniers et quelques officiers. Devant la précipitation de notre attaque ils n'avaient pas eu le temps de sortir de leurs abris. Mais par contre, peu de tués par le feu de notre artillerie ?
Le Ier … trouve le tir Boche très gênant sur notre front. Beaucoup plus… qu’à Verdun disent-ils ?
Devant Reims, on a identifié des Alpins allemands de retour de Serbie. Joffre demande des coups de main afin d’éclaircir la situation sur le front de la Ve armée. Les attaques devant Verdun ont cessé, l’on se demande où les Boches vont attaquer ? Quelques troupes russes débarquent à Marseille ; l’on parle de 105 000 hommes, 35 pour Salonique, 70 en France. Ils sont arrivés en doublant le Cap de Bonne Espérance.
1er mai – Château Écuiry – Ces jours-ci, très beau temps, calme dans le secteur. Les Boches semblent faire sérieusement de la contre-batterie – et avec efficacité. N'hésitent pas à tirer un très grand nombre de coups sur le même point. Nous ont abîmé une batterie avec du 150 sans que le commandement soit averti et sans que nous ripostions avec une même concentration de feu sur la batterie qui tirait. Il manque encore beaucoup de coordination ou plutôt l’on est trop bridé par des tableaux fixant les missions et zones de chaque pièce, le nombre de coups à tirer, etc…
La révolte en Irlande parait étouffée dans l’œuf. Du côté de Bagdad, une division anglaise assiégée depuis de longs mois s'est rendue. Les Grecs font des difficultés pour laisser passer les Serbes sur leur territoire ? Mais avec Skouloúdis la manière forte est la meilleure.
Léon Daudet par sa campagne contre les Boches naturalisés dans l’action Française a fait chasser du comptoir d’escompte le juif naturalisé Ullmann.
3 mai – Au début, il y a 15 jours, l’Armée avait préconisé les coups de main dans les régiments ; c'est une affaire de surprise à préparer par le capitaine de compagnie ou tout au plus le chef de bataillon qui ne devait rendre compte que du résultat. L’artillerie au besoin devait soutenir le coup de main mais non le préparer de cette idée simple réalisable, répondant nettement au but proposé d’avoir un prisonnier pour connaître l’ordre de bataille ennemi, peu à peu s'est substituée une opération à grand orchestre avec rapport préparatoire approuvé par le général de brigade qui donne son avis et ses directives par le général Grossetti qui ajouté son idée, rapport minutieux qui règle en détail le coup de main avec déclenchement d’artillerie et qui lui enlève le bénéfice de profiter d’une occasion possible.
Résultats, plusieurs milliers de coups de canon pour faire brèche, 3 canons de 58 amochés par le tir ennemi, un 75 éclaté, 400 000 francs de dépenses, une douzaine de blessés, un disparu et pas de prisonniers.
Le lendemain, par contre, 5 hussards traversent la rivière, se tapissent dans l’herbe et la nuit au moment de la pose des sentinelles le long de l’Aisne, ils en saisissent un sans grand fracas et le ramène dans nos lignes. Prisonnier qui nous permet de savoir qu’aucun changement n'a eu lieu sur le front. Aucun blessé, peu de dépenses.
L’embuscade est meilleure que la manière forte. Et pourtant, tout avait été prévu, tir de barrage empêchant renforts d’arriver, etc… C'est le coup classique qui avait réussi il y a quelques mois. Seulement, voilà, les Boches avaient changé leurs manières et avaient placé des grenadiers devant la brèche qui accueillirent à coup de grenades nos fantassins ? D’où surprise pour nous et échec. Affaire conduite sans sang-froid par le 80e.
5 mai – Clémenceau dit le Tigre doit venir nous voir aujourd’hui. Arrive avec son frère à 14 heure. Je prends quelques photos pendant qu’il cause avec le général. Ayant besoin de téléphone, vient au courrier. Je lui cède ma place au téléphone : Allo ! Allo ! Oui Clémenceau, 8 rue Franklin. M. le préfet Chapron n'est pas là ? Il est sorti. Eh bien, dans combien de temps sera-t-il là ? Rentrera-t-il ce soir ? Ah ça, c'est très bien !!! Eh bien, a qui ais-je l’honneur de parler ? Son chef de cabinet ! C'est exquis ! Vous voudrez bien lui dire que ce soir arriveront 3 hommes dont moi qui ne demanderont rien, si ce n'est à coucher et à diner. Je suis avec mon frère et un beau militaire du G.Q.G.. Entre 8 et 10 nous arriverons pour diner et coucher, l’un après l’autre, nous ne ferons pas les deux choses à la fois ! Eh bien alors, c'est entendu et vous présenterez mes amitiés à M. le préfet ! Entendu ! Je le remercie après il me demande si le communiqué est bon ; je le lui fais lire dans l’Écho de Paris et j'ajoute : les attaques sur Verdun semblent être finies, en attendant, ils attaquent sur un autre point ! Alors, se redressant, Clémenceau me regarde et dit vivement : Croyez-vous qu’ils le pourront ? Croyez-vous qu’ils aient encore assez de réserve pour renouveler pareilles attaques ailleurs ? Je ne le crois pas ajoute-t-il et moi je dis espérons que non ! Et Clémenceau, dans une poignée de main me remercie et s'éloigne, encore assez vert et alerte pour ses 75 ans.
6 mai – Le printemps est délicieux dans ce pays ; les bois débordent de muguet ; les pommiers nombreux sont en fleurs, les bois sentent délicieusement bon. C'est une période de stagnation et de repos.
Une bourrasque nous fait perdre une trentaine de draken (ballons d’observation). Les Boches font encore quelques attaques vers Verdun. L’arrosage d’artillerie continue très violent. Les Boches ont modifié leurs tactiques d’artillerie ; presque plus de 77 mais beaucoup de 105 et de 150. Ils font aussi de la contre-batterie très efficace et n'hésitent pas à tirer plusieurs milliers d’obus sur des batteries en position.
À la suite des échecs Boches à Verdun, sachons envisager froidement la situation.
Les Boches n'ayant pas pu percer malgré l’effort Kolossal et soutenu, pouvons-nous garder l’espoir d’être plus heureux et de percer un point du front.
Oui, mais à plusieurs conditions. 1° que nous soyons capables de monter sur plusieurs points une attaque très puissante, soutenue longtemps jusqu’à épuisement des réserves boches. 2° Que nous ayons assez de munition et d’artillerie lourde pour entamer cette grande offensive. 3° que les Boches attaqués sur tous les fronts à la fois ne puissent faire des transports de troupes sur le point faible.
Beaucoup de conditions peut-être encore irréalisables cette année sur notre front.
Ne serait-il pas sage en attendant d’en finir avec les Turcs et les Bulgares ? Ne pourrait-on pas marcher dans Constantinople de trois points. Erzeroum, Alexandrette, Salonique ? Puis l’an prochain avec la menace de l’Autriche envahie par le sud, les Boches affolés ne sachant où se couvrir, le front français ne serait plus inviolable et la percée se ferait sans trop de sacrifices.
Mais, cet été, les Allemands n'ont-ils pas encore assez de réserve à nous opposer et vouloir percer n'est-ce pas un échec en perspective comme en septembre dernier et comme les Boches sous Verdun ?
23 mai – Les attaques sous Verdun ont continué, violentes. Les Boches espérant user tout à fait nos réserves et paralyser notre offensive future ?
En tous cas, nos dépenses en artillerie lourde ont augmenté dans de telles proportions que nous usons plus que notre production journalière et que nous entamons un peu nos réserves d’obus. L’on dit que 50e D.I. sont déjà passées sous Verdun ; retirées avec un minimum de pertes de 30% dont 25% de tués, cela ferait déjà 150 000 hommes hors de combat. Les pertes boches sont du double. Et en effet ces jours-ci sont partis de notre armée pour destination … inconnue, Verdun sans doute, la 53e D.I. et la 52e D.I..
Pourtant Pétain a dit :
Ce qu’il peut nous arriver de plus heureux c'est que les Boches continuent à attaquer à Verdun pendant un mois encore. Nous faisons des économies en artillerie lourde que nous n'employons plus.
Sous Verdun, les Boches avaient eu quelques succès sur la côte 304. Mais, depuis hier, une contre-offensive brillante du général Nivelle nous a redonné en partie le fort de Douaumont repris par la 5e D.I. Mangin. À la côte 108 près de Bussy au Bac, nous avons fait sauter une mine chargée à 30 tonnes. À Vauquois les Boches en ont fait sauter une chargée à 50 tonnes. Entonnoir de 70 mètres de diamètre.
Dans notre secteur, calme. L’interrogatoire d’un prisonnier boche révèle une certaine entente sur le front du 109e territorial pour ne pas tirer les uns sur les autres.
Dans les journaux, polémique au sujet du commandement et de l’envoi des commissaires aux armées.
Le front de notre C.A. est étendu jusqu’au canal de l’Oise à l’Aisne, au-delà de Soupir ce qui fait un front de 30 km, de Soupir à Pernant l’ouest de Soisson.
Après Poincaré, Briand parle de la Paix pas la victoire.
28 mai – Q.G. Écuiry – L’on modifie l’infanterie. Le bataillon ne sera plus que de 3 compagnies à 200 hommes avec une compagnie de mitrailleuses (8 mitrailleurs). De plus, il y aura une compagnie divisionnaire de dépôt par bataillon de façon à maintenir les effectifs toujours au même niveau. D’où économie de fantassins et augmentation de puissance.
Au point de vue aviation, Verdun nous aura fait faire beaucoup de progrès. Il n'y a plus d’escadrilles de bombardement comme l’an passé car c'est une proie trop facile pour les avions Foker. Mais déjà l’on voit des escadrilles de chasse accompagnant les avions de réglage ou les avions de photographie ; et l’on envisage bientôt des combats réglés entre escadrilles pour avoir la maîtrise de l’air comme avec des cuirassés l’on a la maîtrise de la mer. Les Boches sont en admiration devant la rapidité de notre Nieuport qu’ils copient servilement. À Verdun, pour la 1ère fois l’on a institué l’avion de surveillance en liaison avec l’infanterie et qui prévient l’artillerie par des fusées lumineuses dès qu’un mouvement de fantassin apparaît. À nouveau je suis proposé pour capitaine mais cette fois-ci avec le n°1 du C.A. mis par le général Grossetti qui reconnait dans mes notes les services que je rends à l’E.M..
Différents bruits venant de côtés divers semblent dire que nous irions dans la Somme pour participer aux prochaines attaques ? Rien de précis.
Voici quelques journaux qui semblent confirmer qu’Asquith dirait à la Chambre des Communes que la Russie serait longue encore avant de reprendre toute sa puissance.
3 juin – Mon brave copain Cave ayant demandé à passer dans un régiment actif pour attraper son 3e galon reçoit satisfaction. Il passe à la 4e batterie du 3e. Je regrette ce brave camarade du début avec qui on s'entendait bien. Remplacé par le capitaine Delmas du 55e d’infanterie.
Grande bataille navale Anglos-Boches indécise, plutôt à l’avantage des Anglais. Lourdes pertes des deux côtés.
Sous Verdun, les Boches ont pris pied dans le fort de Vaux au prix de pertes énormes.
L’offensive autrichienne semble enrayée d’après les journaux. Les Bulgares ayant envahi la Macédoine grecque sans que la Grèce proteste. Sarrail prononce l’état de siège à Salonique.
Il est à peu près sur maintenant que nos divisions iront à Verdun l’une après l’autre. Calme sur tout le front de la Ve armée. Défense absolue de tirer du 120 ou du 155. Cela fait une économie journalière de 10 000 coups.
11 juin – Nos alliés les Russes font de grands progrès en Volhynie, Galicie. 70 000 prisonniers en 3 jours ; front autrichien percé. C'est la perspective d’une grosse victoire, grosse de conséquence et qui va surtout alléger les Italiens qui commençaient déjà à crier au secours.
Kitchener est mort, son bateau ayant été coulé alors qu’il allait en Russie. Démobilisation grecque sous la pression des alliés. La leçon de Verdun au point de vue infanterie. Peu de monde en 1ère ligne. Sections de mitrailleuses en profondeur. Réserves abritées à proximité du terrain des contre-attaques. Réserves de brigades et de régiment. Le colonel devient avec son unité le pivot de la bataille.
Braisnes-sur-Aronde, siège de la 31e D.I. où je vais en liaison tous les matins a reçu ces jours-ci 200 obus de 150. À peine un tué et deux blessés, mais des dégâts matériels importants. La ville est déserte maintenant, tous les habitants ont déménagé.
Le 9, arrivée du capitaine Delmas de l’active qui vient en droite ligne de la côte 304 à Verdun. À sollicité un poste pour se reposer. De Marseille, il semble bon vivant. Dit que les Boches ménagent leur infanterie.
Pertes des régiments d’infanterie depuis le début de la campagne en tués, blessés ou disparus. Total pour la 31e D.I. 25 : 500 et pour la 32e D.I. : 28 000.
14 juin – Réflexions d’un chef de bataillon au sujet des attaques sous Verdun, réflexions contresignées pour copie conforme par Pétain :
Les Boches, dit-il, économisent le plus souvent leur infanterie qui occupe seulement les positions bouleversées par leur artillerie lourde 210 – 305 – 380. Que faisons-nous ? Tir de barrage, contre-attaque ? Tirs de barrage trop tardifs et au-delà de la première vague qui a déjà pu la franchir. Les autres vagues attendent que le tir diminue d’intensité pour s'élancer à leur tour. Contre-attaque déclenchée le plus souvent à tort, par crainte des supérieurs ou par orgueil pour ne pas avouer la perte de tranchée. Les contre-attaques désastreuses enlèvent tout l’esprit d’offensive à l’infanterie ? L’on devrait attendre l’heure blanche, c’est-à-dire l’heure où les artilleurs ne tirent presque plus ne sachant ou se trouvent ses fantassins et déclencher la contre-attaque avant que les Boches n'aient eu le temps de s'organiser car après c'est trop tard et inutile. Que faire ? Dès que l’on sent une attaque imminente, ce qui se reconnait facilement aux tirs ennemis, contre batterie aussitôt et aussi abondamment que les Boches les tranchées d’où l’attaque doit sortir et non les batteries ennemies.
Une patrouille de la 89e D.I. ayant traversé l’Aisne à la nage et étant restée toute la journée cachée dans les herbes ramène dans la nuit deux prisonniers. Récompense – citation et 200 francs par prisonniers. Ces petits coups de main sans façon d’artillerie, sans représentant d’État-major réussissent bien mieux et coutent moins cher.
25 juin – Plusieurs coup de main tentés soit par la 31, soit par la 32e à grand renfort de 58 et de 75 n'aboutissent à rien, les patrouilles ayant été éventées.
A Verdun, les Boches ont tenté un très puissant coup avec 6 divisions dit-on et tir d’artillerie de pilonnage. Effrayant. Ils s'emparent des ouvrages de Thiaumont et arrivent jusqu’à Fleury, à 6 km de Verdun sur la rive droite.
Depuis quelques jours l’on parle du départ du C.A. pour la Somme où se trouve une masse d’attaque française qui doit appuyer l’attaque anglaise.
28 juin – L’on prétend que sur le front Anglais à d’Ypres à la Somme il y aurait 60 divisions prêtes à l’offensive. Les Français auraient 25 division, les Boches en auraient sur le même front une quarantaine ce qui nous donnerait une grande supériorité numérique.
Depuis le 25 les permissions sont supprimées – aussi nous attendons d’un instant à l’autre l’offensive franco-anglaise qui doit déterminer la fin de la campagne.
En Russie, les prisonniers s'élèveraient à 200 000 hommes. La Grèce après notre ultimatum, Dimitrios Gounaris est remplacé par Aléxandros Zaïmis, chambre dissoute, armée démobilisée.
Les Autrichiens abandonnent leur offensive sur le front Italien et ... crient victoire.
Le 12e corps va débarquer sur nos derrières, est-ce lui qui doit nous relever ?
Sur le front anglais, les communiqués parlent d’une grande activité d’artillerie et de l’attaque de nombreuses patrouilles. Dans notre secteur, quelques concentrations d’artillerie révèlent seuls notre peu d’activité.
29 juin – L’on entend dans le lointain le roulement de tambour continu de la préparation d’artillerie sur la Somme.
Le temps très nuageux avec vent gêne et empêche les observations aériennes.
30 juin – Les Russes s'approchent de Kolomia et font 20 000 prisonniers de plus. Sur notre front, rien encore ?
1er juillet – L’attaque franco-anglaise se déclenche au sur et au nord de la Somme, menée chez nous par le 20e C.A., le 1er C.C., le 35e C.A..
Nous prenons les premières lignes, les Anglais progressent sur leur front d’attaque.
2 juillet – Nous continuons notre avancée sur les 2e lignes où nous prenons pieds en plusieurs points.
3 juillet – Notre avance continue, surtout au sud de la Somme où nous prenons toutes les 2e lignes avec 10 batteries dont 5 de gros calibre.
4 juillet – Nous avons pris Flaucourt – Buscourt et en fin de journée le communiqué dit que les chasseurs d’Afrique ont reconnu les villages de Belloy en Santerre, etc... occupés par l’ennemi.
Au nord de la Somme, les Anglais dit-on ont eu à subir de très grosses contre-attaques. Ils s'emparent néanmoins de Ovillers-la-Boisselle.
A Verdun, la lutte continue et les Boches auraient repris Thiaumont pour la 3e fois.
5 juillet – Notre relève par le 12e C.A. retour de Verdun est confirmée. Nous serons à la disposition du G.Q.G. de la région de Dormans. A notre droite se trouve la 48e D.I., disponible aussi.
L’on dit que dans la Somme la prise des premières lignes jusqu’à la deuxième n'a couté que 3 blessés à un régiment du corps colonial tellement les Boches avaient été abrutis par notre préparation ?
8 juillet – La relève par le 12e C.A. s'effectue par un temps de chien. Nous laissons en place la 89e DT qui va étendre son secteur. Le 12e C.A. prend le secteur avec une seule division, la 23e D.I.. Le Q.G. s'évacue en deux jours pour échange avec les éléments du 12e C.A.. J'assure la permanence jusqu’à demain.
9 juillet – Installation à Dormans. Pour combien de temps ? A Damary se trouve le 7e C.A. où je retrouve le capitaine Diami, retour de Verdun où ils étaient depuis le mois de février.
10 juillet – Nos progrès dans la Somme se sont développés normalement à 1 km de Péronne et nous occupons Biaches. Dans le nord de la Somme en liaison avec les Anglais nous progressons plus lentement car les Boches ont accumulé leurs réserves dans ce coin-là, mais pourtant nos progrès sont sensibles.
Les Russes marchent superbement et après les Autrichiens, ils enfoncent les Boches. Ils avancent rapidement sur Rovel, nœud très important de chemin de fer.
11 juillet – Ordre d’embarquement pour la 32e D.I. qui part pour Verdun. Irons-nous la rejoindre ? Nous préférerions aller dans la Somme où l’on espère faire la percée, alors qu’à Verdun l’on parait devoir se confiner dans une guerre défensive beaucoup moins intéressante.
L’E.M. du 7e C.A. quitte Damery avec la 48e D.I. pour la Somme. Je vois défiler les tirailleurs marocains à Épernay où je passe l’après-midi, musique en tête, nouba.
12 juillet – Dormans – Je profite de ma liaison avec l’armée pour passer à Reims visiter la cathédrale. Pour se venger d’un coup de main réussi dans la nuit, les Boches ont envoyé quelques obus de gros calibre vers la ville et la cathédrale. L’un d’eux et c'est le premier a percé la voute qui est pourtant épaisse de 55 centimètres. De nombreux débris de pierre jonchent le sol. De loin, la cathédrale se dresse toujours superbe au-dessus de la ville, mais en s'approchant que de ruines irréparables au grand portail. De nombreuses sculptures sont ébréchées, brisées, anéanties par la chaleur de l’incendie de l’échafaudage dressé contre la façade ouest. Cet un acte de vandalisme inqualifiable sur un monument chef d’œuvre du passé vous remplit le cœur de tristesse. Je ramasse quelques débris de vitraux du 13e siècle, tombés dans la nuit même par suite du bombardement.
13-14-15 juillet – Dormans – Nous attendons l’ordre d’embarquement que nous recevons enfin dans l’après-midi du samedi. C'est pour l’est de Verdun, en Argonne.
16 juillet – Le général pressé de partir prend les devants suivis de presque tout le Q.G.. Départ précipité en auto. Les hommes et le matériel, ainsi que le reste du Q.G. s'embarquent en trois trains dans l’après-midi. Je reste à la permanence avec le capitaine Hemetout, Rivière, Peyré, Cambex.
17-18 juillet – Nous restons à Dormans, à nous raser, à surveiller l’embarquement de la 31e D.I. et du ENE. Nous savons vaguement que le C.A. est installé aux environs de Revigny-sur-Ornain.
19 juillet – Départ en auto avec capitaine Rivière et Popaul par Épernay ou nous déjeunons, Chalons, Aulnay-l’Aître, Revigny-sur-Ornain.
Là, le régulateur nous apprend que le Q.G. est à Laheycourt.
Dans toute la région les villages sont en grande partie brulés par les armées du Konprinz lors de leur repli après la Marne.
Nous arrivons vers 17 heures. Le Q.G. est assez bien installé dans une maison face à la mairie brulée.
20 juillet – Laheycourt – Nous devons relever dans le secteur au nord-est de Verdun, là où les Allemands attaquent si fortement, autour de Souville et de Tavannes. Aujourd’hui, le général qui est allé en reconnaissance a été jusqu’à Souville. Pays chaotique. Des trous d’obus profonds de 3 à 4 mètres couvrant de grands espaces de terrain. Les bois n'existent plus. La limousine du général est criblée d’éclats d’obus pendant qu’il déjeunait hors de la voiture. Les nouvelles de tous les fronts sont excellentes et même à Verdun nous faisons 300 prisonniers. Sur le secteur de la Somme, 3 000 prisonniers et nombreux matériels. Les Russes attaquent dans le nord, à Riga.
21-25 juillet – Le général continue la visite de son futur secteur. Il se plaire à faire remarquer qu’il est allé en des endroits où aucun général n'était allé. Il devient encombrant pour le général Mangin, qui commandant encore le secteur D, voit d’un mauvais œil ces visites exagérées. Grossetti croit forcer la main au commandement en faisant engager de ses ENE, hussards, génie, GBC. Mais Mangin qui progresse depuis quelques jours aux environs de Thiaumont veut profiter de ses succès et ne pas lâcher les profits de son commandement. L’on dit même qu’il a préparé une forte attaque pour la fin du mois sur Fleury.
25 juillet – Nous n'allons plus à regret remplacer le 12e C.A.. À la réunion des généraux à Souilly ce matin 29 où assistaient Joffre, Pétain, Nivelle, etc. il a été décidé que Grossetti remplacerait le général Hallouin du 5e C.A. à Rarécourt. Ce corps se trouvait dans le même coin depuis 22 mois. C'est le secteur de l’Argonne en pleine forêt. À quoi sert cette agitation de mauvais aloi qui voulait devancer les évènements et s'imposer à Mangin. Grossetti est furieux, lui qui avait sa page d’histoire, on a l’air de le mettre au rencart, après cela, il ne lui reste plus que Limoges, ville où vont les généraux dégommés, etc.
30-31 juillet – Tous les environs ont leurs villages plus ou moins brulés. Les églises et les mairies ainsi que les principales habitations ont été particulièrement visées. C'est la désolation partout, et pourtant la population paisible, continue aussi bien que possible, la culture des champs. Actuellement la fenaison bat son plein, aidée par la main d’œuvre militaire.
En Orient, les Russes continuent à avancer merveilleusement. Brody est pris. En quelques jours depuis le 16 juillet, ils font 80 000 prisonniers et plusieurs centaines de canons sont recueillis. En Arménie, ils prennent Erzindjan.
L’on suppose que la Roumanie va se joindre aux alliés dès que les moissons seront finies.
Les Serbes repoussent les avant-gardes bulgares sur les frontières grecques après moins d’un an, l’armée serbe reconstitué, n'est-ce pas un symbole de foi dans l’avenir.
1er aout – Nous partons demain pour Rarécourt où nous allons prendre les consignes du 5e C.A.. Les officiers d’Etat-major seront à Rarécourt, les services à Beaulieu.
2 août – Rarécourt – Depuis trois semaines qu’il n'a pas plus, les chemins couverts de poussière rappellent les routes du Bas-Languedoc. Je rejoins par Givry, Passavant, Futeau à travers l’Argonne.
2 août – Rarécourt – Très chaud, beaucoup de poussière. La 32 reste à notre disposition pour entrer en secteur dans le groupement Z qui va comprendre 71e, 125e, 32e. La 31e est engagée au groupe D entre Thiaumont et Fleury.
Au 5e corps, je retrouve mon ami Jacques Pallain et le capitaine Barbet-Massin avec qui j'ai chassé chez les Rouliot, ainsi que le fils Lasserre. Rarécourt, petit village intact, non bombardé et assez propre sur le bord de l’Aire ; électricité dans les maisons.
Le 5e corps se trouve depuis 22 mois dans le secteur, très bien organisé et où il se fait autour de Vauquois une lutte de mine intense. Les tranchées étant assez près les unes des autres, les pertes journalières sont assez élevées. Comme autrefois pour nous sur le front de Champagne, 50 tués ou blessés par jour.
Voici la fin de la deuxième année de guerre. Dans ses souhaits aux troupes, le Kaiser a baissé le ton ; il ne parle plus de conquêtes, de vaincre tous ses ennemis ; sa bouche prononce plutôt les mots de résistance, de défense de la patrie, de mauvais jours à supporter vaillamment. Il n'est pas rassuré, il doit sentir un vent de défaite se lever. De notre côté c'est nous qui maintenant avons l’initiative de l’attaque. Tous les alliés sont arrivés à l’unité de front par une offensive commune. Les Anglais redoublent d’efforts et leurs usines augmentent chaque jour leur production. Les Russes continuent leur poussée victorieuse. Jusqu’aux Serbes qui reprennent l’offensive. Aussi notre mentalité se transforme ; nous parlons de représailles à exercer contre les bourreaux de Lille, contre les assassins du capitaine au long cour anglais, etc. et Polybe dans le Figaro résume l’opinion ne disant qu’il faut supprimer la dynastie des Hohenzollern pour avoir la tranquillité en Europe. Pour cela, il faut un écrasement complet et une autre campagne d’hiver est nécessaire pour arriver à semblable résultat. Je ne crois pas qu’avant l’hiver l’on arrive à une victoire absolue car les Boches lutteront jusqu’à épuisement sur leurs positions actuelles et malgré leurs forces en diminutions ils sont encore très forts et redoutables.
Et pourtant cette machine guerrière formidablement montée peut craquer tout d’un coup, dès que les Boches auront la sensation bien nette de leur irrémédiable défaite.
À l’aube de la 3e année, nous pouvons répéter avec Joffre la victoire est certaine, voici son ordre du jour :
Soldats de la République, votre troisième année de guerre commence. Depuis deux ans vous soutenez sans faiblir le poids d’une lutte implacable. Vous avez fait échouer tous les plans de nos ennemis ; vous les avez vaincus sur la Marne, vous les avez arrêtés sur l’Yser, battus en Artois et en Champagne pendant qu’ils cherchaient vainement la victoire dans les plaines de Russie. Puis votre résistance victorieuse dans une bataille de 5 mois a brisé l’effort allemand devant Verdun.
Grâce à votre vaillance opiniâtre les armées de nos alliés ont pu forger les armes dont nos ennemis sentent aujourd’hui le poids sur tous les fronts. Le moment approche où sous notre poussée commune, s'effondrera la puissance militaire allemande. Soldats de France, vous pouvez être fiers de l’œuvre que vous avez accomplie déjà ! Vous êtes décidés à l’accomplir jusqu’au bout, la Victoire est certaine !
Joseph Joffre
Fin de la 2e année.
Après deux ans de guerre.
3 aout – Nous quittons le repos de Laheycourt pour relever le 5e C.A. dans son secteur d’Avrecourt – Vauquois – Four de Paris où il se trouve depuis la Marne. A l’E.M. je retrouve Pallain Jacques et Barbet-Massin, tous deux capitaines. Nous prenons le commandement de la 9e D.I., 130e – 71e D.I.
6 août – Rarécourt – Général Grossetti prend effectivement le commandement du groupe Z.
Q.G. à la mairie, j'habite en bordure des près une maison tranquille, presque en dehors du village. C'était du reste la chambre de Pallain qui me laisse différentes améliorations, poêle, tables, etc. C'est chez Mme Beauguitte.
Le secteur est tranquille sauf une guerre de mine très active.
11 août – Je pars en permission après un intervalle de 4 mois 1/2. J'apprends la mort à Verdun de mon camarade Cazalis de Fondouce qui avait épousé Mlle Thomas-Pietri ?
20 août – Retour de permission après séjour à Paris et dans le midi. Inquiet de la santé de maman qui empire chaque jour. Je suis arrivé en plein crise diabétique accompagnée de furonculose – avec fatigue générale. Les récoltes sont bonnes, le blé se vend 26 fr 40 – prix établi par l’Etat.
Les agriculteurs se plaignent du manque de bras. Quelques métairies sont fermées, la main d’œuvre hors de prix. L’on se plaint d’être mal secondé par le gouvernement qui ne pas renvoyer les hommes nécessaires aux dépiquaisons ou autres travaux, forgerons, bourreliers, etc. Tout le monde accepte une nouvelle campagne d’hiver avec assez de résignation... les civils tiennent bon.
Pendant mon congé, le 31e D.I. s'était distinguée à Verdun. Le 96e infanterie avait repris Thiaumont. La 61e brigade avait été citée à l’ordre de l’Armée.
La 32e a repris Fleury et sera probablement citée. L’ascendant moral du fantassin sur l’ennemi est définitivement pris. Le Boche n'est plus redouté. Seules encore les grosses marmites et les tirs de barrage arrêtent l’élan de nos poilus. Que deviendra-t-il si le front boche est repoussé un jour ?
L’accord Roumain est signé dit-on de tous côtés avant la fin du mois. La Roumanie sera à nos côtés. L’offensive commence sur le front de Salonique et l’armée Sarrail entre en contact avec les Germano-Bulgares.
Dans la Somme, notre progression est continue lente mais sure. Le G.Q.G. prétend que la bataille de la Somme n'est qu’un épisode et que pour septembre il se prépare d’autres offensives. Patientons et continuons à avoir confiance, la victoire arrive à grands pas.
25 août – Visite ces jours-ci d’officiers neutres. L’officier qui les accompagnait fumait beaucoup alors l’un deux lui dit : Vous fumez beaucoup, l’on voit que vous êtes un vrai fumoir. Alors un Suédois qui était à côté el reprit et dit : Ce n'est pas fumoir qu’il faut dire mais fumiste !
Chaque jour l’on attend de grands événements promis sur le front de Salonique? Les journaux les annoncent pour lundi prochain, 28 ?
Les allemands manquent d’hommes, certaines de leurs divisions sont réduites à 3 divisions. Nous aussi.
La 31e D.I. après avoir perdu environ 50% de ses effectifs engagés (4 300 environ).
28 août - Rarécourt – Un message de l’Armée nous apprend à 14 h : L’Italie qui jusqu’à présent était en guerre avec l’Autriche a déclaré la guerre à l’Allemagne. La Roumanie de son côté a déclaré la guerre à l’Autriche. Nous apprenons cette bonne nouvelle aux Boches, en envoyant le soir à 21h des fusées rouges et vertes sur tout notre côté du front, en faisant battre aux champs et en tirant une salve de 4 coups par pièce en criant vive la Roumanie. C'est une nouvelle phase de la guerre qui commence ; c'est la dernière.
31 août – Cette intervention de la Roumanie jette le désarroi chez les Boches. Le chef de l’E.M. Falkenhayn, le partisan de l’offensive sur Verdun est destitué et remplacé par l’idole populaire, celui qui doit tout sauver de son génie, le gros Hindenburg. À cause du mauvais temps, les communications sont laconiques et rien de se passe sur notre front.
Si nous ne nous remuons pas énergiquement il est à craindre que les Boches prélèvent une masse de manœuvre sur notre front pour aller battre les Russes !
Nous ne connaissons rien de la situation nouvelle orientale et attendons le communiqué des premières opérations.
2 septembre – Les Roumains ont envahi la Transylvanie par tous ses cols, ont pris Brasso. Il fut un temps pas très éloigné où le militarisme prussien faisait le matamore en Europe. Il se représentait comme l’envoyé de Dieu, chargé de dominer les autres peuples, de leur imposer l’idéal allemand et de leur conférer les bienfaits de la civilisation allemande auprès de quoi la leur n'était qu’une pitoyable barbarie. Aujourd’hui, tout cela est bien changé. Il ne fait plus la matamore, mais il va quémandant la sympathie, il se défend contre un ignominieuse agression et défend les neutres contre la tyrannie des ambitions et du navalisme anglais. Que de désillusions sous ce changement ! Les espoirs ne sont pas réalisés ; l’inquiétude a fait place à la certitude du succès et on demande au peuple allemand d’accepter les souffrances non pour que les Hohenzollern règnent sur l’Europe mais pour qu’ils continuent à régner sur une Allemagne appauvrie et affaiblie. Ils ne parlent plus de victoires remportées mais simplement de résistance acharnée qu’ils opposent aux armées alliées. Ce ne sont plus eux qui ont l’initiative de la manœuvre ; ils ne font que se défendre. De là à la défaite complète, il n'y a qu’un pas. Encore un effort et nous le franchiront.
2 septembre – Les Russes traversent la Dobroudja. L’on ne sait pas encore si la Bulgarie a déclaré la guerre à la Roumanie quoique l’agence Wolff semble l’affirmer. En Grèce, les évènements se précipitent, la révolution a éclaté en Macédoine et la flotte franco-anglaise est embossée devant le Pirée. Enfin, les Russes reprenant leurs succès vers Lemburg annoncent 15 000 prisonniers.
Sur notre front, rien d’important. Hier soir les Boches énervés ont déclenché plusieurs tirs de barrage vers Verdun. Le ciel en était tout éclairé. La capitaine Delmas passe au premier bureau. Depuis trois jours nous avons remporté de magnifiques succès dans la Somme où nous avons fait près de 8 000 prisonniers. Les Boches annoncent que la préparation d’artillerie a dépassé tout ce que nous imaginions.
Les Grecs acceptent nos conditions (télégraphes, expulsion des embochés et surveillance de l’espionnage) et la mobilisation est décrétée en Macédoine. Le roi Constantin est encore hésitant. Quant à Sarrail, toujours dans l’inaction. L’on commence à se demander ce qu’il attend ? La Bulgarie a déclaré la guerre aux Roumains et marche vers la Dobroudja avec un corps turc. Les Roumains progressent en Transylvanie et ont pris Drsorva. L’angoisse est grande en Bochie.
Ici la 91e division est relevée par la 31e de retour de Verdun depuis 3 semaines et un peu retapée. Le colonel Gauter prend le commandement de l’infanterie de la division, la 632e ayant été dissous, ainsi que la 61e brigade.
Un aviateur anglais a abattu un Zeppelin lors de la tournée du 13 mastodonte sur les côtes anglaises. Arrivée à l’E.M. du commandant Mellot que l’on met au 1er bureau.
De plus en plus dans les journaux boches l’on parle d’un recul stratégique pour raccourcir les fronts et avoir une masse de manœuvre à opposer aux Roumains. Hindenburg a la confiance du peuple et peut seul lui faire accepter cette première reculade sans trop de démoralisation. Les Bulgares s'emparent de Turtukeï sur le Danube, pendant que les Roumains poussent sur la Transylvanie et que les Russes poussent vers Halisez. À Salonique rien de nouveau. Les journaux semblent dire que Gouraud remplacerait Sarrail. D’après le capitaine de Grosville, le général Gouraud serait un homme ordinaire mais très aimable, ayant table ouverte et recevant beaucoup de civils ! Les évènements sont souvent meilleurs juges que les hommes. Le temps se maintient au beau et permet la continuation de l’offensive pour la paix.
12 septembre – Dans les Balkans, l’action roumaine semble mal engagée. Pendant que les Roumains conquièrent des gages en Transylvanie, les Bulgares allemands s'emparent des têtes de pont de la Dobroudja, TurtukeÏ et Silistrie. Il semblait que les Bulgares ne pourraient tenir contre les efforts des alliés et des Roumains et ce sont eux qui prennent une sérieuse offensive, jusqu’à présent victorieuse. Cela crée un léger malaise.
Sur la Somme, les Anglais prennent Guichy. Les Boches reconnaissent dans leurs journaux que notre préparation d’artillerie dépasse tout ce que l’on peut imaginer et pourtant nous n'avançons que pas à pas. Ribot dépose le projet d’un nouvel emprunt.
16 septembre – L’emprunt a été voté à l’unanimité. Notre dette s'est augmentée depuis le début de 37 milliards, en plus il y a la dette remboursable après la guerre et la dette étrangère. C'est effrayant. À quel taux sera l’argent après le paiement de toutes ces dettes formidables ?
Nos gains sur la Somme deviennent importants. Les Boches lâchent le sol français peu à peu. Combles entouré au nord et au sud ne tardera pas à tomber ; nous débordons Péronne par le Nord. Et le meilleur c'est que malgré leurs violentes contre-attaques les Boches ne peuvent reprendre le terrain perdu. La Gazette de l’Allemagne du Sud dit : les combats continuent et on ne peut juger encore s'il sera nécessaire de retirer les troupes allemandes sur des positions plus arrières.» Il y aura du bon ce jour-là.
Dans la Somme, nous avons la supériorité en artillerie et surtout en aviation et chaque jour nous abattons plusieurs avions boches.
Les Anglais se sont servis ces jours-ci de camions cuirassés ; bateau de guerre, chenille, cheval de Troie même, voici les noms variés qu’on donne à ces engins et qui les décrivent mieux que la censure ne permet de le faire;
26 septembre – Ici, toujours rien. L’on supprime les munitions de 100, 120, 155. Il n'y a plus rien à faire sans gros canons. Dans la Somme, notre offensive enlève brillamment Combles – Thiepval. L’on dit que les Anglais ont conduit très brillamment leur offensive, non seulement comme courage, mais au point de vue tactique.
Dans Combles, l’on aurait employé des obus spéciaux à l’acide cyanhydrique et aussi trouve-t-on d’après les journaux de nombreux cadavres.
Au G.Q.G., le 25 septembre 1916
Le général commandant en chef à M. le général commandant de l’Armée à Souilly
Sur la demande du Ministre, le lieutenant de Langautier, Louis, classe 1898, E.M. du 16e C.A. sera détaché du 1er octobre au 30 novembre pour être mis comme agent de la banque de France à la disposition de son administration pendant la période de l’emprunt.
Je vous prie d’assurer sa mise en route sans passer par le dépôt.
p.o., le lieutenant-colonel chef du 1er Bureau
Signé Mélot
Q.G. du groupement, le 28 septembre 1916,
Le général Grossetti commandant le Groupement Z à M. le Général commandant la 2e armée – Personnel –
Objet : Au sujet de la désignation d’un officier de remplacement du lieutenant de Langautier remis à la disposition de la banque de France
Par décision du général commandant en chef, en date du 25 septembre 1916, le lieutenant de Langautier, de l’état-major du 16e C.A., a été remis à la disposition du directeur de la banque de France pour une durée deux mois.
Le travail qui incombe à l’état-major, en raison de l’étendue du secteur, et du nombre d’unités diverses qui lui sont rattachées, ne permet pas de se priver aussi longtemps d’un officier.
J'ai l’honneur, en conséquence, de vous demander de vouloir bien affecter un officier à l’état-major du 16e C.A.. Je serais heureux d’y voir venir le capitaine Levaillant, actuellement affecté en surnombre à l’état-major de la 28e D.I.
Signé Grossetti
VU et TRANSMIS
Ci-joint avis du général commandant la 28e D.I. du général commandant le groupement.
Il semble que le capitaine Levaillant, en surnombre à la 28e D.I. pourrait être détaché pendant deux mois à l’état-major du 16e C.A., pendant l’absence du lieutenant de Langautier, si cet officier ne peut être remplacé par un officier disponible au G.Q.G..
Au Q.G., le 2 octobre 1916
Le général commandant la 2e armée, p.o. le chef d’état-major, signé de Baresout
*
DECISION DU GENERAL COMMANDANT en CHEF
Le capitaine Levaillant, de l’état-major de la 28e D.I. sera détaché à l’état-major du 16e C.A., pendant l’absence du lieutenant de Langautier.
Au G.Q.G., le 4 octobre 1916
p.o. le lieutenant-colonel chef du 1er bureau, signé BEL
27 septembre – Dans le courrier ce soir, j'ai la surprise de trouver un ordre du ministre de la guerre me mettant à la disposition de la Banque pendant deux mois pour faire l’emprunt. Je vais à Sète remplacer le directeur, M. Paris, absent depuis près de deux mois.
28 septembre – Avant mon départ, le général furieux de me voir m'embusquer à l’intérieur demande mon remplacement, et me fait des adieux très froids. Cela me laisse un peu d’écœurement après 26 mois de campagne passés presque entièrement sous ses ordres et alors qu’il m'a proposé n°1 pour passer capitaine.
Démobilisé deux mois.
Nomination au grade de capitaine.
29 septembre – Démobilisé à Sète, je reviens à Paris au bureau Lafayette pour surveiller l’émission de l’emprunt, et vers le 10 novembre, je pars en tournée d’inspection à Marseille. Entre temps, j'étais nommé capitaine par décret du 24 octobre. Quelques jours après, je recevais une lettre de félicitation du général Grossetti me disant qu’il serait heureux de me voir reprendre ma place à son E.M..
3 décembre – Rarécourt – À la fin de mon sursis, je rejoins l’E.M. qui se trouvait dans la même situation qu’à mon départ. Je trouve un nouveau chef d’E.M., le lieutenant-colonel Moreigne.
À part cela, rien de nouveau depuis deux mois, le groupe Z ayant toujours 5 D.I. dont la 71e.
Extrait du journal officiel du 31 octobre 1916
ARTILLERIE, promotions et mutations, réserve et armée de territoriale.
Par décret du Président de la République en date du 24 octobre 1916, rendu sur le rapport du ministère de la Guerre, sont promus dans le cadre des officiers de réserve d’artillerie aux grades ci-après et par décision ministérielle du même jour sont maintenus dans leur affectation actuelle, savoir : au grade de Capitaine, le lieutenant : M. Pebernad de Langautier du service d’état-major du 16e Corps d’Armée.
Au G.Q.G., le 2 novembre 1916, p.o. le sous-chef d’état-major, signé Henneton.
La veille de ma rentrée un avion de réglage du F50 avait été démoli par un Foker, et une grosse mine boche avait sauté à la Fille-morte tuant une vingtaine d’hommes.
Temps neigeux, beaucoup de boue, au point de vue général, qu’avons-nous fait ? Dans la Somme, l’offensive semble arrêtée, du moins dans l’expectation. À Verdun, nous avons repris Vaux et Douaumont avec des pertes minimes sans que les Boches ne réagissent. Dans les Balkans, les Roumains sont battus, la Valachie envahie, Bucarest pris bientôt. L’effort russe ne se manifeste que lentement. En Grèce, le guet-apens d’Athènes nous ouvre les yeux sur les agissements de Constantin. Mais comment allons-nous y répondre ?
Crises de gouvernement en Russie ou Trepoff remplace Sturmer à la présidence du conseil ; en Angleterre où Lloyd Georges veut donner plus d’activité à la guerre et où l’amiral Beattle remplace le temporisateur Jellieve ; enfin en France où les séances secrètes de la Chambre laissent transpirer une crise du commandement.
L’Allemagne a voté le service obligatoire pour tous ; c'est un effort de toute la nation qui commence ; sera-t-il le dernier ?
Et nous, que faisons-nous ? Je commence à croire que la guerre durera deux ans de plus pour n'avoir pas fait dès le début l’effort nécessaire pour une guerre de longue durée. Nous avons fait la guerre de six mois en six mois. Pourtant, certains journaux neutres commencent à parler de partie nulle et d’impossibilité d’arriver à une victoire décisive par les armes. Moi, j'y crois encore lorsque nous pourrons sur trois ou quatre points faire le même effort que sur la Somme.
6 décembre – Le canon tonne violemment vers la côte 304 où l’on signale de nombreuses fusées ?
7 décembre – Ce sont les Boches qui ont attaqué et pris quelques éléments de tranchées avancées dans le secteur voisin A.B.C (général Delétoille). Le radio allemand annonce la chute de Bucarest. De quoi réchauffer par des victoires faciles sur un adversaire peu au courant de la guerre moderne l’enthousiasme réfrigéré de la nation allemande. C'est Makensen seul qui conduit les armées ennemies. Est-ce que Falkenhayn ne préparerait pas un coup contre notre corps expéditionnaire ? Les Grecs sont à craindre dans notre dos et sur nos voies de communication. Constantin pour s'agiter ainsi doit s'être entendu avec les Boches. Décidemment dans les Balkans nous ne réussissons aucune de nos combinaisons, il est vrai, mal conçues.
Et pendant ce temps-là, sur notre front, rien depuis plusieurs semaines ; les Anglais relèvent la 6e armée au nord de la Somme ; c'est tout et c'est peu. Il est vrai que le temps ne s'y prête guère !
10 décembre – Journée de cafard !
11 décembre – Une mine boche saute à Vauquoit, une quarantaine d’hommes sont ensevelis tout d’abord. Après 48 heures d’efforts, l’on en retire la moitié vivants.
13 décembre – Les journaux nous apportent la constitution d’un nouveau ministère dans lequel entre trois hommes nouveaux dont Lyautey et Herriot. En même temps, les Boches offrent la paix mais sans annoncer sur quelles bases. Tous les journaux sont unanimes à dire que c'est un piège, et je crois avec eux que c'est parce qu’ils redoutent l’avenir et qu’ils voudraient bien réaliser leurs victoires. Et puis, ne veulent-ils pas pouvoir dire à leurs nationaux affamés et aux vieux si vous souffrez, ce n'est plus notre faute, vous luttez pour votre existence.
Attendons les réponses officielles à de semblables propositions.
Nivelle remplace Joffre ! Le choix dit-on aurait pu être plus heureux, Nivelle ne donnant pas l’impression d’une grande envergure ! Peut-être va-t-il se révéler homme très supérieur ! Et Pétain que devient-il ? Les journaux n'en disent rien. Pourquoi ne pas nommer Joffre maréchal ? N'a-t-il pas mérité ce titre qui aurait sauvegardé un peu sa déchéance aux yeux du peuple. Voici quelques extraits des journaux.
15 décembre – Rarécourt – À 14 heures nous apprenons que l’attaque préparée depuis plusieurs jours au nord de Verdun a été très bien réussie. Déclenchée ce matin à 10 heures elle est arrivée d’un premier bond à reprendre la cote du Poivre avec Vacherauville, Louvement, les cotes 347-378, les ouvrages de Lorient et d’Hardeumont. C'est une belle réponse aux propositions louches des empires centraux.
Ce soir une troupe de comédiens doit venir distraire les poilus et nous sommes prêts à les accueillir joyeusement.
Hier message de l’armée que je vais porter au général à la représentation nous annonce à 22 heures : 9 000 prisonniers dont plus de 250 officiers, 80 canons. C'est une belle victoire.
16 décembre – La troupe de théâtre aux armées a apporté un peu de détente et de distraction parmi nous, d’autant plus que nous étions sous l’impression de la victoire de Verdun qui est un bel adieu de Nivelle à la IIe armée. C'est le général Guillaumat du 1er C.A. qui le remplace.
Hier avec les comédiens, nous avons sablé le champagne assez tard.
17 décembre – Visite de Guillaumat à Grossetti.
18 décembre – Le succès de Verdun se précisé avec plus de 11 000 prisonniers, 285 officiers, 40 mitrailleuses, etc. Nous apprenons avec peine que le capitaine aviateur de Beauchamp, le héros du raid en Allemagne à Munich vient de se tuer devant Verdun.
23 décembre – Wilson remet une note aux belligérants leur demandant d’exposer leurs buts de guerre. Dans sa note, il nous confond avec les Boches comme s'il avait tout oublié des crimes allemands depuis deux ans. Nos buts sont simples, chasser l’ennemi hors de notre territoire et rétablissement des petites nations opprimées. Après on verra. Cette démarche confondant le pirate et la victime dans une même formule est inopportune en ce moment et ne peut que faire le jeu des Boches. Wilson n'en sortira pas grandi.
Je déjeune avec Aubry à Chalon. Il parie que la guerre sera finie dans trois mois. Moi non.
24 décembre – Le général avec les chefs de l’E.M., capitaine Roton, Colonel Lauty et Beyel sont partis pour deux jours à la Ve armée où l’on prépare une grosse offensive. C'est encore le meilleur moyen d’assurer la paix.
En Roumanie, les Boches continuent à progresser mais beaucoup plus lentement. On espère que les Russo-Roumains pourront tenir derrière le Sireth.
Les journaux parlent de nouveau depuis quelques jours de la grande disette allemande. Est-ce pour nous faire prendre patiente et nous faire croire à l’épuisement boche ? Bourreurs de cranes.
26 décembre – Depuis une quinzaine la presse française pousse un cri d’alarme au sujet de la violation de la Suisse et d’une offensive Boche sur la vallée de la Savoie, le Creusot et la région Lyonnaise. Nos dirigeants doivent connaître le fond de ces alarmes? Quels coupables s'ils ne prenaient pas, à tout hasard, toutes les précautions utiles !
29 décembre – Lyautey est arrivé. Il prend la direction énergiquement. Il fait nommer Joffre maréchal de France et lui retire son commandement ; les armées d’Orient dépendent du ministère de la Guerre.
111e Firmin notre payeur principal depuis le début nous quitte pour passer à la IIe armée. Homme dévoué et ponctuel nous regrettons son affabilité. Le sous-intendant Bouscasse et le docteur Vallet sont partis ces jours-ci. Ce sont des éléments du début qui disparaissent.
Téry dans l’Œuvre, Enguerrant dans l’Echo de Paris ont signalé depuis longtemps l’importance du bassin de Briey d’où les Boches tirent une grosse partie de leur fer. Pourquoi n'a-t-on pas fait une offensive dans cette direction ? Et pourquoi avec nos avions nous ne bombardons pas jusqu’à démolition tous les puits de mines de cette région ?
30 décembre - L’Œuvre fait remarquer que le comité de guerre n'a d’autre conseiller technique que le ministre de la guerre, dont l’autorité s'étend sur les deux commandants en chef, du nord et nord-est et de l’Orient. Il n'y a plus de généralissime unique. Ceci posé, dit-on, tressons des couronnes, jetons des fleurs, des honneurs de charges, des dignités que ceux qui en veulent les ramassent. La France plus allègre ne pense qu’à l’avenir.
Pétain reste au GAC – groupement centre – Castelnau prend GAN. Aujourd’hui, entrevue de Pétain, Guillaumat et Grossetti – sans aucun apparat. Ils arrivent en auto avec leur officier d’ordonnance. Aucun piquet d’honneur.
31 décembre – Cette nuit accidentellement saute une mine française à Vauquois envelissant 4 sergents et 16 hommes du génie.
Ces jours-ci les Boches ont attaqué sur 304 et la Mort-Homme appartenant aux groupement ABC (Delétoille). Ils ont pris quelques mètres de tranchée et fait des prisonniers. Les compte-rendu français ont passé sous silence ces petits évènements peu favorables à Guillaumat, et surtout pour ne pas ternir l’effet produit par le succès de l’offensive de Nivelle au-delà de Douaumont.
Nous terminons gaiement l’année par un excellent diner commandé par notre popotier Bazille et préparé par Clavel, propriétaire du Cheval Blanc à Agde.