Journal 1915 Mise à jour avril 2019
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janvier 1915, c'est pour être utilisé comme date de ce document
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1er janvier 1915 – P.C. à Reminghelot le matin seulement. Triste jour, pluvieux et froid. C'est un début bien maussade pour une armée qui doit apporter le succès définitif aux armées françaises et alliées. Car j'espère que tout sera fini en juillet.

2 janvier – C'est la période de repos devant par ordre. Dupré prendra le service de 9 heures à 12 heures après la relève des 24 heures. Nous décidons Cave et moi de prendre d’abord le service le matin et ne faire la relève qu’à midi. Grand émoi du commandement.

3 janvier – Ce matin quand j'arrive à 9 heures prendre mon service, discussion avec Dupré qui n'est pas satisfait de notre arrangement. Mauvais temps, rien à signaler.

4 janvier – Pluie, l’on parle de renforts anglais qui vont nous relever. Ils commencent par la 32e.

5 janvier – Pluie, connaissance du sapeur téléphoniste Verley de Verley Decroix & Cie de Lille. Un peu de finance pour changer. Le P.C. est relevé de Reminghelot et rentrera à Poperinge. Visite à Ypres à cheval. Ville déserte. Quelques civils qui rasent les murs. Peu de militaires. Boutiques fermées et toutes les maisons ont les volets clos. Nombreuses maisons éventrées, à certains endroits, tas de ruines. Les halles en ruines. L’église Saint-Martin aussi. Impression de tristesse, d’abandon et de dévastation. C'est lamentable et on en revient l’âme accablée de tant de vandalisme sans raison.

7 janvier – P.C. et Q.G. de Poperinge – Les Anglais ont complétement relevé la 32e qui cantonne aux environs. Les nouvelles côté Russe redeviennent favorable. L’été de la Victoire finale s'accentue dans nos esprits.

8 janvier – Le général reçoit la croix de commandeur. Devic, Tesseydre chevalier. Pas de galons pour personne. Promenade à Dunkerque. Visite à la Banque où l’on fait des démarches pour reprendre seulement les territoriaux. Dujardin, Adrian, Malinand. C'est Bastide qui m'y conduit. Arrêt à Proven. Toujours nuits calmes, rien à signaler.

9 janvier – Nous reprenons le service à nous deux, Cave et moi.

13 janvier – Photo faite par Bastide. Botrel le barde breton vient apporter aux soldats du front la bonne parole et la bonne chanson. C'est le demi-repos et pourtant ce temps-là, l’on s'organise, l’on fait des expériences de grappin arrache fil de fer, de cheddite, de canon lance-grenade, etc.

14 janvier – Pluie pour changer, l’on s'organise ; les soldats reçoivent des peaux de moutons par tranchées, de bottes imperméables.

15 janvier – Remise de la croix de commandeur à Grossetti par d’Urbal. Ma jument havane s'étant cabrée s'est renversée su moi. Épaule gauche foulée, jambe rien, grâce au terrain mou.

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16-17 janvier – Deux jours de lit pour calmer douleur de l’épaule froissée et rhume. Visite de Joffre, d’Urbal, Dubois et général anglais, Foch, Houblon, du Tram, Watore, Devic, Palliès.

26 janvier – Beau temps, rien à signaler

27-28 janvier – Temps froid

29-30 janvier – Discussion sur la fin de campagne. Devic parle de l’Allemagne de l’Allemagne affamée et dépourvue de matières premières, sans munitions, réduite à la paix. Moi je prévois la Roumanie et l’Italie peut-être entrant en jeu. L’Autriche signant la paix et attaque de l’Allemagne par le sud par les forces alliées : Russie, Serbes, Roumains, Italiens et peut-être France, d’où défaite des Boches et traité. Arrivée du lieutenant Cana, adjudant au commandant du Q.G..

31 décembre – Neige, Caze nommé capitaine. Vu de Lavaissière, Séjourné. À 15 heures prise de 50 m de tranchées. Le général ne peut avoir confirmation que le lendemain matin après avoir passé la nuit au P.C. du général Xardel . Colère.

Sans doute général Sébastien Xardel.

1er février – L’on se prépare au départ. La 31e est relevée cette nuit par les Anglais qui déjà envahissent le cantonnement.

2 février – Départ du Q.G. pour Pernes près de Saint-Pol. Je fais mes adieux aux Diericx, mes hôtes de la grande place. Je fais la permanence. Les Anglais arrivent dans leurs grands autobus londoniens à impérial. Nous partons dans les autobus parisiens. Arrivée à Pernes à la nuit. Nombreux convois anglais à Hazebrouck, Lillers. Troupes indiennes, beaux types.

3 février – Pernes – Petit bourg près du centre minier de Bruay-la-Buissière. Logé chez marchand de vin Videlaine, bon lit, le Corps d’Armée est au repos.

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4 février – Perm – Beau temps, le corps non encore rassemblé l’on parle de se transporter plus au sud. Et pourtant les hommes ont besoin de repos.

5 et 6 février – Perm – Beau temps, nous sommes dans la Xe armée, général Maud’huy. La 32e est partie, nous suivons demain en 2 échelon.

7 – 8 février – Aujourd’hui 8, je quitte Perm en auto vers 14 heures. Beau temps pour la saison, air vif, en route pour Doullens.

9 – 10 – Doullens – Q.G., nous repartons demain pour Saint- Fuscien, les journaux disent que la Bulgarie marcherait contre nous, cela complique la situation ? Qu’en sortira-t-il ?

11 – 12 – Saint-Fuscien – Maison d’été de l’archevêque. Il fait froid. Visite de ruines l’après-midi.

Montdidier

13 février – Montdidier – Q.G. à l’hôtel de ville. Ville assez coquette, vieux porches. Mairie neuve et élégante. C'est le repos. En attendant les Russes reculent sur les lacs Mazurie et en Bucovine. Espérons que c'est la dernière fois.

14 février – La 63e brigade est mise à la disposition de la IIe armée. Période de repos complet. Très bonne chambre. La salle de bains.

16 février – Mardi-gras, qui le dirait ? Très beau temps, environs agréables et boisés. Beau pays de cheval.

17 février – Ici c'est le vrai repos. Plus de bruit de canon ni de bombes.

18 février – Vaccination anti-typhique. Ballade à Amiens, 38 km.

19 février – Reçois ma nouvelle vareuse, couleur tricolore. Taille fine bombardière.

20 février – Montdidier – À 9 heures, l’on apprend que le Q.G. moins les services (secteur santé, trésor) par le lendemain matin. C'est rapide. Les officiers d’E.M. partent en auto. Moi, par le train avec Dupré.

21 février – Embarquement. 9 heures, train bondé. On tasse des trainards (Cave, Vergnes). Départ 12 heures. Arrivons le soir à 6 heures à Noisy-le-Sec. C'est un peu émotionnant de passer si près de Paris, des siens, sans pouvoir passer 1 ou 2 heures ensemble. Continuons jusqu’à Épernay.

22 février – Arrivés à 1 heure, pas trop de difficultés de débarquement malgré manque de lumière car l’on débarque à quai. À 3 heures, après avoir secoué les portes et fait du bruit, je peux pénétrer chez Peltereau – Villeneuve, 44 rue du commerce. Bonne chambre. Suis de service jusqu’à midi. Popote chez Claude Chaudron. Belle demeure, simple de lignes, luxueusement meublée, salle à manger imposante Henri II. À 25 nous y sommes au large. Flots de Moët et Chandon "White star".

Épernay

23 février – Q.G. Épernay – Visite des caves de Moët et Chandon, double étage, 20 km de voutes, 20 millions de bouteilles. Se met en bouteille en mai-juin. Puis se décante pendant 3 mois. Ne sort qu’au bout de deux ans. Malgré guerre en vend 5 000 bouteilles par jour. La 31 D.I. vient nous y rejoindre.

24 février – La 48e D.I. vient nous rejoindre. Nous allons avec Bastide à la DES à Savigny. Visite de Reims. Très froid, neige. Belle vue de la montagne de Reims sur Épernay. Nous partons pour la IVe Armée, vers Chalons demain. Nuit mouvementée.

25 février – Départ pour Lépine. Fait le cantonnement à Matougues. Incident avec la 80e qui veut me prendre mon cantonnement. Tout se tasse. Arrivée à Lépine. Beau mais froid. Traversée de Chalons sur Marne plein de monde et de mouvement.

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26 février – Q.G. de Lépine – Beau temps, froid vif. Rassemblement de tous les chefs de corps pour aller étudier terrain de future action. Enterrement aviateurs tués avant-hier dans expérience de vol nocturne. Affluence devant l’église curieuse pendant que les aéros volent autour du clocher. L’on va tenter un coup de force de ce côté où l’on va réunir plus de 6 corps d’armée, 11 C.C., des divisions d’infanterie du bataillon de marche. Puisse-t-il réussir ?

27 février – Q.G. de Lépine – Visite à Patte, inspecteur à Chalons sur Marne. M'a raconté la fuite de Plocq qui n'avait laissé personne à la Succursale. Malgré cela, les Boches ne sont pas entrés. La caisse avait été évacuée.

28 février – Les officiers du génie et artillerie veulent étudier le terrain futur de l’action. Le général Grossetti prépare avec minutie son attaque. Le succès est c'est une Armée pour lui. J'ai retrouvé Paul Fourgassié de Villefranche.

1er mars – L’on se prépare à l’attaque sur le front de Prunay-Souain (25 km) avec 4 régiments d’artillerie, de 220, 120, 155, puis tout à coup à 23 heures, ordre du G.Q.G. de surseoir aux opérations. Grande agitation d’ordres contraires. Que se passe-t-il ? Tempête de neige.

Souain-Perthes-lès-Hurlus aujourd’hui

2 mars – Q.G. de Lépine – À la recherche des batteries lourdes à travers le camp de Chalons. Des avions font des reconnaissances sur les lignes ennemies. Aucune agitation semble-t-il.

3 mars – Notre général va visiter les tranchées. Trouve que c'est très calme. La 1ère attaque sera portée un peu plus sur la droite. Nouveaux emplacements pour l’artillerie. Le front sera plus restreint.

4 mars – Général Grossetti regrette que le G.Q.G. ne lui ait pas laissé déclencher la 1ère attaque car il croit qu’il tenait le succès.

5 mars – Q.G. de Lépine – L’on attend le succès du côté des Dardanelles et Joffre craignant trop de pertes recule l’attaque de notre front.

6 mars – L’attaque est décidée sur le bois Sabot, on prépare le P.C. à Suippes.

7 mars – Ce matin, au jour, attaque préparée par artillerie. Attaque déclenchée à 10 heures. La 63e brigade prend pied dans le bois sur la croupe. Quelques prisonniers. Le mauvais temps paralyse notre offensive. Les deux bataillons qui ont attaqué ont pris quelques centaines de mètres de tranchées en bordure du bois. Pertes assez fortes en officiers. Colonel Rauch blessé.

8 mars – La nuit est calme, contre-attaque repoussée vers 8 heures, l’on s'organise. Il neige. État des pertes, 250 environ dont 5 officiers. Nous progressons quelques peu dans l’après-midi.

89 mars – Q.G. de Lépine – Nos troupes subissent dans le bois de Sabot une violente canonnade. Beaucoup de pertes au 143e. On parle de 40% des effectifs engagés. C'est beaucoup pour le résultat obtenu. Il fait très froid, moins dix ce matin.

10 mars – Changement de Q.G., nous allons à Somme-Bionne, c'est le bled. Deux brigades sont avec nous, 62e et 63e. C'est la fin du groupement Grossetti qui au fond n'a rien fait. Dans le bois Sabot on a perdu 8 officiers tués, 13 blessés, 1 200 hommes des 15e et 143e, blessés, tués ou disparus. C'est beaucoup trop pour le résultat obtenu. Les ordres de mouvement ne sont partis qu’à 3 heures du matin, froid et neige.

11 mars – Q.G. de Somme-Bionne – Notre C.A. a 75 000 rationnaires et 25 000 chevaux. Ai vu Frédéric Maury. Le général Gouraud déjeune avec nous. Nous couchons sur la paille dans notre bureau. Dégel et boue épaisse. Grande densité de troupes dans les bivouacs et cantonnements.

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Laval

P.C. à Laval tenu par les officiers de l’E.M., difficultés de la transmission des ordres à cause de leur multiplicité.

12 mars – Q.G. Somme-Bionne – P.C. Laval – C'est aujourd’hui que nous attaquons à l’est de la côte 146 vers la ferme Beauséjour. Nous recevons la fameuse circulaire du G.Q.G. : Notre victoire est certaine. Depuis quelques semaines déjà personne n'en doute sur le front aux Dardanelles. Nous continuons à progresser . Il y a de l’optimisme dans l’air. Notre action aujourd’hui a été à peu près nulle.

13 mars – Nous continuons l’attaque. Progrès peu sensibles. Les Allemands contre-attaquent et se défendent vigoureusement. Leur artillerie riposte. Le soir à 22 heures avant de quitter le P.C. une grosse marmite tombe à quelques mètres de moi et tue trois marocains et en blesse six. Notre auto est couverte de terre et de moellons.

14 mars – Canonnade très violente pour préparer notre attaque qui se déclenche à midi. On avance quelque peu. Mais on a de plus en plus l’impression que les Allemands sont en force et que nous ne pourrons percer. Nous faisons des prisonniers assez nombreux chaque jour. Notre seul avantage actuellement c'est que nous avons l’initiative de l’attaque.

15 mars – Il fait beau, 14 attaques et prenons… 80 mètres de tranchées. Nous progressons de 20 mètres !! Les Allemands bombardent violement nos tranchées. Blessés assez nombreux eut égard de notre avance. Dans une tranchée boche, que l’on a prise ce matin, on y trouve 200 cadavres que l’on utilise pour faire le parapet. Aujourd’hui, de nombreuses contre-attaques ont été repoussées et nous avons progressé légèrement.

16 mars – À minuit et à 5 heures très violentes canonnades. Dans la journée, prise du bois Jaune-Brûlé par la 48e D.I.. La 31e échoue dans l’attaque du fortin qui défend le ravin des cuisines au nord du 196. Nous avons tiré plus de 20 000 obus. Général Grossetti très content de l’entrain de ses troupes dans l’attaque.

17 mars – Une forte attaque repoussée ce matin par la 170e à la baïonnette. Prisonniers, blessés. Très beau temps. Journée calme, l’on se fortifie sur le terrain acquis. Le général couche à son P.C.. La 81e a perdu plus de 900 hommes ces jours-ci.

18 mars – Reprise de l’attaque à 16 heures 30 par la 31e sur le Fortin qui défend le ravin des cuisines. Très forte préparation par l’artillerie pendant ¾ d’heures. Il me semble que l’action de nos canons serait plus efficace si des observateurs d’artillerie étaient dans les tranchées de 1ère ligne avec beaucoup de liaisons téléphoniques pour pouvoir régler le tir avec précision. Et cela ne se fait pas toujours, et avec des liaisons précaires. L’attaque n'a donné que peu de résultats.

19 mars – Une contre-attaque prend quelques bouts de tranchées au 342 près du Bois oblique et du ravin des cuisines. Malgré canonnade intense les Boches tiennent leurs positions et contre-attaquent avec vigueur. Nos succès d’aujourd’hui sont purement défensifs. Quelques canons ont éclaté, 300 coups seulement au lieu de 15 000. L’on a tiré en 7 jours plus de 105 000 obus.

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20 mars – Q.G. Somme-Bionne – P.C. Laval – Le 81e vient à la rescousse du 342e qui a perdu des tranchées et 500 hommes. Il ne lui reste plus que 1 000 hommes. Mais les contre-attaques ne réussissent pas car il manque des cadres. Le 81 a perdu 17 officiers et 52 sous-officiers.

21 mars – Très beau, c'est calme. Nos contre-attaques de cette nuit n'ont pas réussi. L’on nous enlève la 1ère brigade, le 2e C.A. et la 48. Nous allons rester avec nos seuls éléments pour défendre le terrain requis. Nos succès de ce côté-ci sont médiocres car n'ayant pu prendre le ravin des Cuisines très fortifié et nous n'avons pu acquérir des vues sur l’autre versant pour nous tirs d’artillerie.

22 mars – Le 342e a perdu beaucoup plus de tranchées qu’on ne le croyait. Il est vrai qu’il n'est commandé que par un capitaine et 10 lieutenants ou sous-officiers. Grossetti va essayer de mettre L’AL sur le ravin des Cuisines et de s'en emparer. Très beau temps. Le 81e s'est emparé de 100 m de tranchées après bombardement et s'y est maintenu.

23 mars – Vers 1 heure, bombardement du poste de commandement. 15 obus de 130, 4 tués et 7 blessés, 10 chevaux. Pendant que je soigne un blessé, un obus tombe sur le toit de la popote. J'y vais croyant trouver des morts, j'ouvre la porte avec précaution et émotion. Rien heureusement, l’obus est tombé à 3 mètres de l’autre côté du mur et a tué 4 chevaux et un homme du 142 arrivé de la veille et qui était venu voir des copains. Une seconde attaque du 81e du côté du bois Oblique échoue, heureusement prise de Premsol.

24 mars – Calme, un peu de canonnade, rien à signaler.

25 mars – Reprise des tranchées perdues par le 142e par quelques volontaires. Un 105 a éclaté.

26 mars – De nombreux renforts arrivent. Bataillons de marche fondus dans les régiments. 700 cavaliers, officiers et sous-officiers versés dans l’infanterie.

27 mars – Le 17e corps s'en va et nous occupons une partie de ses tranchées. C'est nous qui allons rester dans ce sale pays de Champagne Pouilleuse.

28 mars – Visite de Poincaré sur le front. On le conduit jusqu’à la côte 165 (le Balen). Un peu de bombardement sur Laval avec des gros noirs. J'étais resté à Somme-Bionne.

29 mars – Calme sur le front, avons eu un peu de fusillade et de canonnade. Le matin dans un article, on parle du héros de Beauséjour. Dans un autre, il raconte l’héroïsme de la prise du bois Sabot. Tout cela fait par le 16e, troupes venues du midi, tant dénoncées et tant discréditées.

30 mars – Rien à signaler, neige.

1er avril – Q.G. de Somme-Bionne, P.C. de Laval – Mission en auto à Épernay. Beau temps, 65 km en 1 heure 10. Cela fait du bien de se retremper dans un peu de civilisation. Calme sur tout le front.

2 avril – Le poste de commandement continue à être bombardé. Plusieurs obus sont tombés à proximité sur la place, devant la popote. Un homme du 143 a été tué au moment où il allait s'abriter dans une cave. L’on va reconstituer le 322e dissous depuis Bayonne. Les régiments sont renforcés par des hommes venant de différents recrutements autres que ceux du midi. Il n'y aura donc plus de régiments exclusivement du midi qui avait la mauvaise presse. Ordre de blâme au 342e qui ne devra plus déployer son drapeau jusqu’à ce qu’ils aient racheté la lâcheté de leurs camarades.

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3 avril – Il pleut, nous touchons des lits. Calme sur le front. La 32e va à Somme-Suippes. La 31e à Saint-Jean.

4 avril – Pâques. Temps triste. Il pleut, canonnade intermittente. Fusillade mais pas d’attaque d’infanterie.

5 avril – Course à Sainte-Menehould, pluie.

6 avril – Bombardement du P.C. vers Saint-Jean. Sur le front, canonnade, lancement de bombes, fusillades. Depuis le début, 50 000 hommes tués, blessés, malades ou disparus dans le C.A..

7 avril – Tout le monde se plaint que les familles ne reçoivent pas les correspondances depuis 8 jours. L’on parle d’une action vers Saint-Mifried et la Woëvre. Est-ce pour cela que l’on retarde et arrête les lettres.

8 avril – Canonnade assez active sur le front. L’on s'occupe à refaire des tranchées démolies par pluie persistante de ces jours-ci et à organiser des centres de résistance.

9 avril – Les coloniaux nos voisins à Hans perdent un petit bout de tranchée au nord de Beauséjour.

10 avril – La tranchée perdue est reprise et l’offensive allemande sur notre front semble arrêtée. Toujours canonnade, fusillade, lancement de bombes aux tranchées de première ligne. Ce nous coûte une moyenne de 100 hommes tués ou blessés. Pluie.

11 avril – Petites causes, grands effets. Le général avoue à table qu’il va si tôt à son P.C. parce qu’il y trouve des WC à peu près confortables !! Jouin trouve qu’elle est bien bonne. Front assez calme.

12 avril – Je vais au P.C. à cheval. Très beau temps dans la matinée. Aéroplanes, ballons, draken . Rien à signaler.

Ballon d’observation français.

13 avril – P.C. de Laval – Nous faisons du 70 de moyenne avec la Mors. À partir de demain le P.C. à Laval est supprimé. Le général avec les officiers se rendra soit à 152 soit au Balcon.

14 avril – Je mets ma jument au dressage.

15 avril – Calme sur le front.

16 avril – Les Allemands font sauter des mines sous le 80e, sapeurs ensevelis, tranchées bouleversées. Mais nous pouvons occuper une seconde ligne, un peu en arrière et les Allemands n'occupent pas les entonnoirs formés par les mines. Le colonel Emery avait reçu des félicitations pour la tenue des tranchées de son secteur.

17 avril – Général Grossetti reçoit les félicitations de l’Armée Foch pour sa conduite sur le front de l’Yser et au 16e C.A.. Des batteries lourdes de 155 partent pour l’Orient.

18 avril – Toujours beau temps. Tous les jours, entre les deux lignes l’on trouve des cadavres d’hommes tombés depuis plus d’un mois et en complète putréfaction.

19-20 avril – Le beau temps continue et tout le monde est réjoui de ce peu de soleil qui sèche la boue. Sur le front de la 32e un peu d’activité. Quelques mines sautent de notre côté mais sans attaque allemande.

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Dans la journée, quelques bombardements locaux mais avec peu d’intensité. Il semble que l’on attende le résultat d’une partie qui se joue ailleurs. Les journaux sont vides de nouvelles à sensation.

21 avril – Toujours pas de pluie. Sur le front, c'est la guerre des mines. Du côté de la 32e les Boches montrent de l’activité et nous font sauter de nombreuses tranchées. La 31e a trouvé des bombes non éclatées ayant 1m10 de hauteur et de 0.40 de diamètre.

22 avril – Le général Grossetti est nommé divisionnaire à titre définitif. Le Gallais nommé général. Chaque jour nous suivons des yeux quelques tirs sur avions, mais jamais encore je n'en ai vu descendre par nos canons.

Sans doute Alexandre Le Gallais

23 avril – Temps froid, assez calme sur le front, les Boches nous envoient des photos représentant des prisonniers français dans leurs cantonnements. Un aéro boche a laissé tomber dans nos lignes un numéro de la Gazette des Ardennes, imprimé en français et pourri de mensonges.

24 avril – Intendant Poltier, homme très droit, très affable pour tous, aplanissant toutes les difficultés nous quitte pour la Xe armée. Remplacé par un Lévy.

25 avril – Il souffle sur le Q.G. un vent d’évacuation sur tout le 1er bureau. Les Boches ont essayé en vain plusieurs attaques sur le Fortin colonial sans succès. Sur notre front, pas d’attaque mais canonnade, bombes, mitrailleuses, guerre de tranchées, surtout vers la 142.

26 avril – Très beau temps, chaud, rien à signaler. Je parie deux bouteilles de Champagne avec Bazille de Montpellier au 1er hussard qu’en mai il y aura dû nouveau.

27 avril – Très beau, depuis quelques jours les Boches avaient préparé une attaque sur le trapèze tenu par la 142e. Mines, grosses bombes de 0.45 et 1.10 de haut, bombardement, etc. Le matin, l’on avait remarqué de nombreux passages faits dans leurs réseaux. Après préparation par artillerie, ver 16 heures 30, ils s'emparent de nos tranchées qui semblaient abandonnées à cause du bombardement. Presque tout le trapèze d’où l’on avait des vues sur leurs bivouacs du ravin de la Goutte est entre leurs mains. La contre-attaque de la nuit ne nous rend que quelques mètres de tranchées.

28 avril – P.C. à Laval pour le général et les 2 officiers qui l’accompagnent. Très beau temps chaud. La contre-attaque échoue faute de grenades. Conférence de Langle, Gouraud, Grossetti. Il faut reprendre ce qui a été perdu.

29 avril – Beau temps. 31 km 500 en 27 minutes. L’on progresse légèrement au Trapèze. Aux Dardanelles, nos corps d’expédition ont débarqué. Le Léon Gambetta est coulé. L’effort Boche de ces jours-ci sur plusieurs points du front, Yser, Champagne, Éparges, Alsace est enrayé et nous les repoussons avec beaucoup de pertes et de prisonniers pour eux.30 avril

Beau temps, nous ne progressons que très peu dans la reprise du Trapèze. Notre attaque de la nuit ne réussit pas. Les Boches ont bombardé Dunkerque. Quel cran ! Par contre, l’on parle de la prise de Gallipoli. Il y a bon dans la pipe !

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1er mai – Beau temps

Chalons, 3 jours de permission

2-3-4 mai – Séjour à Chalons – Quarante-huit heures de permission. Je retrouve Denise. Nous causons longuement de ce pauvre Yves, de l’organisation de la vie future de Denise ; le… Pichon vient passer l’après-midi avec nous. Denise très bien accueillie chez les Paul, charmant ménage de fonctionnaires de la Banque.

5 mai – Je rentre de permission à 10 heures, rien de nouveau sur le front. Nos attaques sur le Trapèze n'ont pas réussi.

6 mai – Temps orageux. Quelques changements dans l’E.M.. Capitaine de Metz-Noblat évacué, capitaine de Widerspach passe à la DES après sa permission. Le capitaine Mendigal passe au 1er bureau. Devic au 3e à son retour de permission. Capitaine Blanchard nouveau, venant de la 31e D.I. passe au 3e. Un peu de lassitude. Le général lui-même, mécontent des moyens dont il dispose pour l’effort qu’on lui demande parle de s'en aller.

7 mai – Beau, orageux. Une mine que nous faisons éclater sur le front du 80e ne produit aucun effet. Rien à signaler.

8 mai – Cave en permission. J'ai pris le service depuis 3 jours et un mal de tête ne me quitte pas.

9 mai – Rien de nouveau. Lusitania coulé. Guerre de sauvages et effroyable.

10 mai – Une mine boche saute sans faire trop de dégâts dans nos tranchées. Toujours beau temps. Il fait dans ce pays ci comme une sorte de vent d’Autan.

11 mai – Nuit calme, peu de canonnade et de fusillade. Du côté d’Arras, beaucoup de succès, grand incendie jusqu’à minuit.

12 mai – Pas d’attaque sur notre front. Les Boches nous sortent quelques bombes nouvelles. Ils en ont de toutes les formes et de tous les calibres. Quel matériel n'ont-ils pas ? L’Italie recule encore et tergiverse. Ils ont peur de recevoir une pilée dès le début et ne trouve sans doute pas l’ennemi pas suffisamment abattu.

13 mai – Toujours beau temps, Ascension. Grossetti est parti à 3 heures pour visiter les tranchées du Trapèze. Journée calme. Dans les champs, les paysans qui restent labourent et sèment. On leur prête même de la main d’œuvre militaire.

14 mai – Pluie, rien de nouveau. Dupré revenant des tranchées a constaté le peu d’entrain à s'organiser et à améliorer la sécurité des tranchées. Les fantassins trouvent que c'est le rôle du génie. Pourtant certaines parties de tranchées pourraient service de modèle étant très bien organisées.

15 mai – Beau temps, frais. En Italie, démission du cabinet Salandra. Ils sont capables de ne pas sortir de leur neutralité et d’accepter les propositions de l’Autriche.

16 mai – Beau temps aujourd’hui dimanche. 2e concert donné par les soldats. Programme varié, plein d’entrain. Bastide me photographie avec ma jument Havane.

17 mai – Pluie. Sainte-Menehould où je trouve à la IIIe armée (Sarrail) André Pallain, René Varin, Vernier. Rien de nouveau.

18 mai – Les coloniaux attaqués samedi soir ont repris leurs tranchées et fait plus de 300 prisonniers dont quelques officiers.

Somme-Bionne

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Toute cette troupe traverse Somme-Bionne encadrée par des chasseurs d’Afrique. Grand mélange d’hommes forts et malingres. Ensembles bonne impression.

19 mai – Temps gris. On continue la guerre de mines, sapes, contre-sapes, camouflets L’on dit que l’ennemi détruits les commencements. Songerait-il à reculer ?

Pour neutraliser les travaux adverses, le défenseur peut utiliser à son tour la mine, ou mieux encore, le camouflet. On pousse une galerie vers la sienne, et au plus vite, on charge et on bourre. Si l’opération a été bien préparée (charge d’explosifs optimale en fonction de la distance de l’adversaire, discrétion des travaux, calcul de la distance par rapport au sol…), aucun effet extérieur ne se fait sentir : pas de gerbe de terre ni d’entonnoir ne sont à craindre. Le camouflet écrase la galerie ennemie qui ne peut plus avancer dans la terre désagrégée. L’agresseur est obligé de la reprendre en arrière et de côté.
Source : Souterrains et vestiges.

20 mai – Bonnes nouvelles, d’Italie, séance de la chambre mémorable, c'est la guerre.

21 mai – Sur le front, c'est beaucoup calme, peu d’artillerie, toujours des bombes et grenades qui blessent ou tuent une cinquantaine d’hommes chaque jour dans les deux D.I..

22 mai – Rien de nouveau, c'est très calme et l’on n'entend plus le canon dans la journée.

23 mai – J'ai gagné les bouteilles de Champagne avec Bazille. L’Italie se mobilise et entre en guerre contre l’Autriche. Beau temps.

24 mai – Chaud, le corps colonial s'n va, nous le relevons en partie. La IIIe armée, l’autre partie.

25 mai – Beau temps, nous envoyons chez les Boches une proclamation les informant de la déclaration de guerre italienne.

26 mai – De plus en plus la guerre de tranchées avec bombes, pétards, etc. Toujours une cinquantaine mis hors de combat par jour.

27 mai – Des avions boches nous rendent visite de bonne heure. Premiers succès italiens qui occupent les points importants de la frontière. Pourvu qu’ils n'aillent pas trop vite et qu’ils ne tombent pas sur un bec comme nous à Bisping .

Au soir du 18 août, le 16e corps est en liaison avec la 1ère armée vers Diane-Capelle. La 31e division sous les ordres du général Vidal, a pour mission de déboucher des bois de Colmery et du Mühlwald et de forcer le canal des Salines. Elle attaque vigoureusement mais la partie est inégale : les Allemands invisibles, bien abrités dans des positions bétonnées préparées d’avance et garnies d’une puissante artillerie, opposaient une résistance acharnée.

Malgré les efforts des artilleurs du 56e commandés par le colonel Sentis, malgré des prodigues de valeur du 142e R.I. que le général de Castelnau appelle à cette occasion le Régiment des Braves, la progression est arrêtée ; le colonel Lamolle, le lieutenant-colonel Rouhan, 34 officiers et 1.200 hommes de ce régiment sont tués.
Source : Jadier.

18 mai – Somme-Bionne – Beau temps, rencontre du capitaine Brochet des Zouaves blessé le même jour que Yves. Il me raconte ce qu’ils ont fait jusqu’au 20 septembre : Charleroi – Guise – La Fère Champenoise.

29 mai – Invite Dautheville à déjeuner. Me parle du matériel énorme dépensé par les Boches : fusées, bombes, etc. tandis que nous, nous n'avons presque rien pour riposter. Matériel boche bien fabriqué, beaucoup de fusées éclairantes.

31 mai – Depuis quelques jours, l’on a l’impression que les Boches vont se retirer, basé sur l’absence d’AL, moins de tir d’artillerie sur les tranchées et seulement avec du 77. Tirs très violents sur nos avions qui cherchent à les survoler. Moins de trains de ravitaillement. Suspension des permissions. Le commandant Juvin nomme à Rabat auprès du résident général. Messe en plein air au milieu du groupe. Bastide malade d’un accès d’appendicite va nous quitter, évacué. C'est un bon camarade qui s'en va.

1er juin

Les Boches nous envoient la réponse à notre facture de ses jours-ci. J'en ai la copie, c'est bête et d’esprit lourd. Rien de nouveau.

2 juin – Nous continuons la guerre de mines et chaque jour, quelque fourneau saute, sans pour cela nous faire gagner du terrain. Pour rester ainsi dans l’inactivité nos premières lignes de tranchées sont trop près des Boches car toute la journée et surtout à certaines heures variables, c'est le jet de bombes et objets divers. Bastide est évacué en auto sanitaire. Peut-être Goupil va le remplacer.

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3 juin – Somme-Bionne – Beau temps, le Q.G. de la 31e va à Hans. Reprise de Przemyśl  par les Boches, d’assaut disent-ils dans leurs communiqués. Nos journaux n'en parlent pas et le laissent à peine pressentir.

Le siège de Przemyśl a été l’un des sièges les plus importants de la Première Guerre mondiale et une défaite sévère de l’Autriche-Hongrie. Le siège a commencé le 16 septembre 1914 et a été brièvement suspendu le 11 octobre du fait d’une offensive austro-hongroise. Le siège a repris le 9 novembre jusqu’au 22 mars 1915, date à laquelle la garnison autrichienne s'est rendue. Au total, le siège aura duré 133 jours. À cette occasion, les Russes capturent l’ensemble de la garnison, soit 9 généraux, 2 600 officiers et 170 000 simples soldats. Ce succès est cependant éphémère, puisque, rapidement après le lancement de l’offensive de printemps, les austro-allemands reconquièrent la ville le 3 juin 1915 par des unités bavaroises.
Source : Wikipedia

4 juin – Chaque jour, les Boches nous envoient des factures. Aujourd’hui un long de 5 pages est recueilli devant la tranchée planté au bout d’un piquet et mis en évidence. Pauvre France, dit-il. Le rouleau compresseur russe est changé à l’état de vielle ferraille. Ils ont plus de 1 200 000 russes prisonniers. Les Anglais sont nos pires ennemis. Les Italiens de faibles adversaires qui ne vont pas tarder à être battus. Notre offensive à Souchez est brisée et nulle comme résultat par rapport à nos pertes et nos efforts, etc.

Il est vrai que les Anglais sont en grève au lieu des fabriquer des obus à outrance et il est étonnant qu’ayant la liberté des mers, notre supériorité en obus ne soit pas devenue écrasante. L’on dit dans nos journaux que les Boches n'ont plus de cuivre, de plomb, etc. et ils prodiguent leurs munitions. De même, cette fameuse campagne française sur la famine en Allemagne. Nous voici en juin et bientôt les récoltes vont permettre la soudure et l’Allemagne à ce point de vue-là pourra tenir longtemps encore. Alors ? Qui trompe-t-on ? Pourtant, l’Italie qui neutre pouvait se faire une opinion a marché de notre côté ! Certains jours, la vérité est difficile à trouver !

5 juin – Beau temps, Cave souffrant. Je le remplace. Nouveau commandant venant de l’aviation, monsieur de Lagonterie mis au 2e bureau.

6 juin – Très chaud.

7 juin – Semblant d’attaque ce matin avec préparation d’artillerie sur le front 16e C.A.. Pour empêcher sans doute transport de forces du côté de Soisson où nous avons remporté hier un succès et où nous envoyons le corps colonial. Les Boches envoient sur nos tranchées des bombes de 100 kg, heureusement tombant à côté.

8 juin – Le résultat de notre canonnade est de peu d’effet. Les Boches ne semblant pas garnir les tranchées de 1ère ligne. Leur riposte est faible en 77, presque nulle en 105 et 155.

9 juin – L’on nous enlève encore deux régiments que l’on remplace par de la territoriale. Front calme. Le soir, plusieurs mines sautent en face de nos tranchées. Les Boches occupent les entonnoirs. Vers 196 à la 31e à la suite de 2 violentes contre-attaques, nous reprenons presque toute la totalité du terrain perdu. Troupes beaucoup d’entrain. Blessés relativement nombreux. À la 155e, les Allemands occupent une partie de l’entonnoir. Il nous a manqué des munitions pour le 58e qui ne sont arrivés que ce matin à 8 heures. De même, l’artillerie n'avait plus à sa disposition que des obus suspects qui auraient dû être retirés de la circulation ! Cette attaque semblait une réponse à la nôtre du 7.

10 juin – De la pays, campagne très active sur la crise des munitions. De même en Angleterre. Il est pénible de constater que l’on a mis 11 mois pour s'apercevoir que nous ne fabriquions pas d’une façon assez intensive. Les Boches, pendant ce temps fabriquaient jour et nuit des munitions et des canons.

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C'est le secret de leur victoire en Galicie. Et dire que l’opinion publique croyait à notre supériorité sur ce chapitre.

11 juin – À l’attaque de 196 de l’autre pour les Boches sont restés maître de quelques éléments de tranchées qui étaient pour ainsi dire inexistants, démolis complétement par les bombes et mines.

12 juin – Les Boches montrent de l’activité vers 196 et s'organisent fortement défendus par bons tireurs, bombes, canons revolver. Le général de Langle veut reprendre quelques mètres perdus. Pourquoi sacrifier des hommes pour reprendre un bout de terrain bouleversé dans un secteur purement défensif. Dupré raconte que les tranchées sont pleines de mouches, grosses, noires, désagréables. Que fait-on de ces belles circulaires qui préconisent la lutte contre les mouches ? Il semble que dans les tranchées, l’on n'utilise pas assez de désinfectant de toutes sortes.

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13 juin – Le général Grossetti rentre de permission en tempêtant, donne ordre de reprendre le terrain perdu. Le 2e bataillon du 96 défile dans l’après-midi à travers Somme-Bionne comme un troupeau d’hommes presque ivres. Il est vrai qu’il y a une compagnie qui n'a plus d’officiers.

14 juin – L’attaque sur 196 déclenchée à 3 heures par quelques sections ne réussit qu’à reprendre quelques mètres de tranchée. Mais sur 6 tués, il y a 2 officiers et 15 blessés. Le général de Langle est venu lui-même conférer ce matin à 7 heures avec le général Grossetti.

15 juin – Reprise de l’attaque. Légers progrès, quelques mètres. L’on va organiser ce peu de terrain. Cela nous coûte 300 à 400 hommes.

16 juin – Somme-Bionne – Beau temps continue, soirées fraiches. Reconnaissances de Dupré à 186. Citation. Enquête pour savoir la fausseté des premiers rapports disant que rien n'avait été perdu. Ne donne aucun résultat.

17 juin – Successeur de Bastide, le lieutenant Wolffsheim, Polack ? La nuit on est encore occupé de 196 où l’on a réoccupé quelques mètres de tranchées. Trente tués, autant de blessés. Ordre de continuer la progression et de réoccuper la ligne des puits est donné par Grossetti.

18 juin – Un territorial du 109e se rend aux Boches.

On continue à progresser à la sape vers 196 où l’on rétablit peu à peu les anciennes tranchées. Cinq Boches polonais et alsaciens se rendent à nous. À ce qu’ils racontent, ils redoutent de leur côté une attaque aux gaz asphyxiants. Mortueux raconte que l’on a descendu un Albatros triplace. Progression lente du côté d’Arras

20 juin – Cormouls vient me voir, canonnade sur l’Aisne.

21 juin – Nouvelle circulaire de Joffre au sujet de l’emploi de la cavalerie. Elle doit suivre de près l’infanterie de façon à s'élancer dès que les tranchées sont forcées. Les régiments de corps doivent tenter l’expérience ? Réussite douteuse. Première difficulté, de traverser à cheval la zone de tranchées, deuxièmement efficacité des tirs de barrage de l’artillerie, etc.

22 juin – La canonnade continue ce matin, très vie du côté de l’Aisne, Argonne. Les Allemands poussent de ce côté-là.

23 juin – On forme trois groupes d’armées : Nord, Centre, Est. Foch, de Castelnau, Dubail : IV, V, IV forment un groupe des armées du centre. Sur le front, guerre de tranchées, bombes, grenades, mines, 70 à 80 blessés ou tués chaque jour.

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24 juin – Somme-Bionne – Pluie d’orage. Sur le front de la 32e D.I., une mine énorme (20 mètres de profondeur, 50 à 60 mètres de long) a sauté ensevelissant plusieurs soldats.

25 juin – Pluvieux. Thierry, l’Économiste européen reproche aux Anglais d’avoir plutôt cherché à prendre la suprématie du commerce extérieur qu’à fabriquer des munitions de guerre ; il a raison et c'est une des causes pour laquelle la guerre se prolongera peut-être une année de plus.

26 juin – Colère des catholiques contre Benoit XV qui ne désapprouve pas les crimes allemands. Prise de Lemberg par les Russes.

27 juin – Quelques obus sur Somme-Tourbe

28 juin – Le général Le Gallais est envoyé aux bains, remplacé par le colonel Beyel de l’AL.

29 juin – Rien de nouveau. Quelques obus sur Somme-Tourbe, Meunier nommé général de brigade.

1er juillet – Du nouveau, circulaire pour organiser les 2e lignes. Nous nous organisons en secteurs sous la surveillance d’un officier d’E.M.. Du côté de l’Argonne le Kronprinz fait une forte attaque, canonnade violente le soir.

2 juillet – Des obus asphyxiants sur nos batteries les ont paralysées. Première ligne de tranchées prises vers le front de Paris. Canonnade dans le lointain le soir et la journée.

3 juillet – L’action semble terminée du côté d’Arras dont on a ramené les DC.

4 juillet – Chaude journée, front calme. Le capitaine Vergès nommé lieutenant-colonel.

5-6 juillet – Somme-Bionne – Rien à signaler, l’on continue organisation des tranchées de 2e ligne à 50 – 100 mètres de la première. Elles doivent être inviolables et résister à toutes les tentatives. Ce n'est guère un indice d’attaque générale de notre part et c'est plutôt l’action défensive, presque passive. Pourtant, en grand secret, le 3e bureau prépare des projets d’attaque pour un ou plusieurs C.A..

7 juillet – Enfin l’on nous accorde des permissions de 8 jours. Cela laisse envisager une prolongation de la campagne.

8 juillet – La nuit, des projecteurs boches fouillent le ciel à la recherche des avions de bombardement français.

9 juillet – Le capitaine Blanchard va au 3e bureau de l’Armée. Le capitaine de Metz-Noblat nous revient.

10 juillet – Les Boches ont attaqué hier soir à 22 heures. L’on téléphone de la 62e brigade que tout est rentré dans le calme. Le matin à 4 heures, le général Vidal me réveille et me prie de dire au général Grossetti que la tranchée Crochet est prise et qu’il a donné des ordres de contre-attaque au colonel Beuvelot.

11 juillet – La tranchée est prise, reprise. Les Boches cette nuit y établissent un poste d’écoute. Mais l’on a fait deux prisonniers. Cette action coute 250 hommes environ. Bien inutilement, cette tranchée avait été abandonnée depuis avril. La mine qui s'y trouvait n'a pas jouée. On aurait dû la combler ?

12-13 juillet – Temps frais, rien à signaler.

14 juillet – Journée calme et pluvieuse. Pas de réjouissances. Simplement un concert le soir.

15 juillet – Le colonel Vergès dit l’isolé s'en va et remplacé par le commandant Delin. Dans l’Argonne, les Boches avec leurs gaz asphyxiants nous prennent 2 500 prisonniers. Par contre notre contre-attaque d’hier nous coute très cher pour peu de résultats.

Et nous, qu’attendons-nous pour faire une 2e ligne défensive loin des deux premières et fortement défensive ? Beaucoup de paperasserie et peu de résultats depuis 4 mois que nous sommes dans cette région.

16 juillet – Temps pluvieux

17 juillet – Rien à signaler, les Boches bombardent les villages voisins avec obus incendiaires : Suippes-Somme, Tourbe, Courtine, Vienne-la-ville, Maffrécourt institutrice est blessée.

19-20-21 juillet – RAS Enfin l’on travaille activement à préparer une 2e et 3e ligne de repli. Le front est divisé en secteurs dirigé par un officier de l’E.M.

22 juillet – Le 1er CAC revient à notre disposition. Le 2e CAC étant avec le 4e C.A..

23-24 juillet – Les Boches font exploser plusieurs mines au Bois… Nos tranchées de 1ère ligne et de 2e ligne sont détruites sur 100 mètres environ. 150 hommes ensevelis. Ce qui démontre que la 2e ligne dite de secteur est trop près de la 1ère et cela parce que notre général ne veut pas établir entre les parallèles des boyaux de communications.

25-26-27 – Nous recevons de tous côtés des territoriaux et des travailleurs. L’on travaille à organiser…

Paris – Villefranche – Sète

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28 juillet – Je pars en permission – Paris – Villefranche – Sète – 4 jours plus 4 jours de délais. C'est peu et pourtant il me semble que l’année qui vient de se terminer n'existe plus. J'en oublie les fatigues, les dangers, la longueur. Je suis tout métamorphosé et c'est avec une nouvelle ardeur que je commence la 2e année.

Pendant mon congé, prise de Varsovie. Mais les armées Russes étant intactes et les Boches ne faisant aucun butin militaire, les alliés ne s'alarment pas trop de ce recul Russe.

6-7-8 août – De grands boyaux de communication sont faits vers la première ligne depuis le parallèle Saint-Jean-sur-Tourbe. On creuse des abris de tous côtés. L’on créé des voies étroites, des emplacements de batteries, etc.

À partir du 10, toutes nos lettres remises ouvertes seront lues par la censure. Anomalie puisque les permissions ne sont pas supprimées.

9-10 août – Le 1er CAC nous quitte pour remplacer à droite le 15e C.A.. Les travaux entrepris par lui sont laissés inachevés.

11-12 août – Nous quittons la IVe Armée et formons avec le 14e, 11e la IIe Armée sous les ordres de Pétain. Ancien professeur à l’école de Guerre, énergique, froid, homme supérieur dit-on. On va le voir à l’œuvre.

13 août – Cave part en permission. Partout l’on continue à s'organiser. Construction d’emplacements de batteries, abris pour les troupes. Castelnau insiste de très près sur la liaison entre nos troupes et les services aéronautiques – ballon et avion. Entre dans le détail d’organisation par ses circulaires.

14 août – À nouveau nous n'avons plus à économiser nos munitions de 75. C'est inouï le matériel d’artillerie dont nous allons disposer. La Quadruple Entente essaie de former une union Balkanique. Les neutres doivent se déclarer pour où contre. La Grèce avec la Roumanie hésite à se prononcer. Les Austro-Boches menacent d’invasion nouvelle la Serbie. Les Russes continuent à reculer en résistant.

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15-16-17 – Nous possédons maintenant de nombreux engins de tranchées. Mortiers de 150, canons…, obusiers Cellerier, obusier pneumatique Dormoy-Château, arbalètes d’Imphy, des canons de tranchées de 37 et 58, les bombes que l’on envoie sont de 16 et 50 kg.

18 août – Les corps voisins 14e et 11e prennent notre place. L’on se resserre, l’on se tasse en profondeur. Partout dans les bois des bivouacs. Le Q.G. du 14e C.A. est à Somme-Tourbe où il n'existe plus une maison. Grand mouvement sur les routes, des convois de TR, d’autos, de camions autos.

Terrible guerre que l’on fait. À côté des engins modernes terriblement perfectionnés et meurtriers (mitrailleuses, canons lourds et de campagne, etc.) l’on est obligé d’employer des armes primitives. Une circulaire du 13 août signée Janin, aide-major général dit : les pistolets automatiques devront être utilisés par les soldats dans la guerre de tranchée concurremment avec les couteaux à cran d’arrêt et les couteaux de boucher ! Avec les gaz asphyxiants, les jets de liquide enflammés des Boches, les mines souterraines chargées à plus de 3 000 kg de cheddite, etc. La gamme des engins de destruction est complète.

19 août – Depuis plusieurs jours les Boches sont plus tranquilles ; mais ils travaillent à se retrancher, à augmenter leurs fils de fer, etc.

Nous avons entrepris la construction de 40 boyaux de 6 K répartis sur l’ensemble du front de Suippes à Massiges. Sans compter les pistes transformées en route, les lignes de chemin de fer de 0m60, les lignes téléphoniques, etc.

De plus le pays n'ayant pas d’eau, l’on est obligé de transporter de l’eau potable à la gare de Ram. 250 hectolitres en wagons citernes qui est réparti aux différents centres d’eau par des camions autoporteurs de muids et tonneaux.

20-26 – Les routes sont sillonnées de nombreux convois d’auto transportant des troupes ou du matériel. Un énorme matériel de rondins, rations, fourrage, rails, obus est débarqué à Valmy et Somme-Tourbe.

L’on continue dans notre secteur le creusement de boyaux de communication vers l’avant. De nombreuses unités territoriales viennent construire des emplacements de batteries lourdes qui débarquent peu à peu : 155 court, 120 long, obusiers de 270 de forteresse. L’on prévoit 1 batterie par 100 mètres de front ennemi à battre et à démolir.

De nouveaux ballons sphériques et draken viennent dans notre secteur ainsi que de nouvelles escadrilles. Tout le monde s'agite utilement.

Creusement de boyaux

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Bivouacs

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Transport de l’eau

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Vie quotidienne

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Ballon d’observation

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Ravitaillement

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Artillerie

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Somme-Tourbe, ambulances

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Valmy, parc d’aviation

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20-26 – Les routes sont sillonnées de nombreux convois d’auto transportant des troupes ou du matériel. Un énorme matériel de rondins, rations, fourrage, rails, obus est débarqué à Valmy et Somme-Tourbe.

L’on continue dans notre secteur le creusement de boyaux de communication vers l’avant. De nombreuses unités territoriales viennent construire des emplacements de batteries lourdes qui débarquent peu à peu : 155 court, 120 long, obusiers de 270 de forteresse. L’on prévoit 1 batterie par 100 mètres de front ennemi à battre et à démolir.

De nouveaux ballons sphériques et draken viennent dans notre secteur ainsi que de nouvelles escadrilles. Tout le monde s'agite utilement.

27 août – Aujourd’hui conseil entre Joffre – Pétain et nos 3 divisionnaires Vidal, Bouchez, Lanquetot et Grossetti.

Pendant que nous préparons notre offensive patiemment, les Russes continuent à reculer. À Paris l’on envisage sérieusement une action Austro-Boche au secours de la Turquie. Les Balkaniques hésitent toujours et la Bulgarie ne se décider pas encore pour nous ? Malgré la déclaration de guerre de l’Italie à la Turquie.

De Rodez qui rentre du Conseil Général dit que nous n'atteindrons notre production maximum en obus qu’en Janvier et parle de la création d’un régiment d’Artillerie Lourde à la place du régiment de corps. Le gouvernement n'espère la fin de la guerre qu’en juillet 1916. C'est encore bien loin. En janvier, il me semble qu’il y aura dû nouveau car la machine Boche craquera d’un seul coup au premier revers, et j'espère beaucoup au coup de chien que nous leur préparons.

28 août – Somme-Bionne – La gare de Valmy est bombardée par deux taubes. 20 tués et d’autres blessés. Malgré les ordres de l’AGAC les nôtres arrivent trop tard.

29 août – Somme-Bionne – Photos du ravin de Beauséjour. L’AL continue à arriver. Dans une batterie de pièces de 100, je retrouve comme automobiliste Raymond Estèbe.

30 août – Pluies, froid. Grande activité sur les routes.

1er septembre – M. Delmas est évacué. Le nouveau chef, le lieutenant-colonel Lavigne. Delville, officier de cavalerie arrive.

2 septembre – Le 20e C.A. nous relève demain. Aujourd’hui le G.Q.G. du 20e C.A. arrive pour visite le cantonnement et pénètre dans notre chambre sans s'excuser. Enguelade. Capitaine Tavernier, sans particule. L’on pas besoin d’une particule pour être bien élevé. Je lui réponds. L’on n'a pas besoin d’une particule pour être bien élevé. Départ regretté du lieutenant-colonel Jacquet. Notre camarade Bastide vient nous voir avant de prendre son service au 11e C.A.. Évacué depuis 3 mois, il va se retrouver au même endroit.

3 septembre – Départ pour Gizaucourt – Je suis de permanence à Somme. Logés au château, beau parc, arbres centenaires, jolies perspectives gazonnées. Malheureusement, il pleut.

4 septembre – Gizaucourt – C'est le repos complet, loin du bruit des convois nombreux et poussiéreux. Le parc pour y fumer en rêvant. Nous ne savons plus ce qui se prépare n'étant plus dans la zone active.

6 septembre – Toute la matinée très forte canonnade vers l’Argonne. C'est comme un orage lointain et nous arrive assourdi. Ici par contre, c'est le grand calme.

Dans l’offensive qui se prépare nous disposons d’une grande quantité de canons de tous modèles. Comme artillerie de campagne et tirs contre les tranchées du 75, 155 court, 220 et 270 comme canons lourds, 95, 100, 105, 120, 155. Des canons de tranchées de 58 et de 240.

7 septembre – Les permissions d’abord supprimées sont rétablies jusqu’au 18 dernière limite. Vraisemblablement, l’offensive n'aura pas lieu avant cette date. Hier, réunion des généraux à Chalons.

8 septembre – Belle journée, Castelnau précise les missions des avions et les départages en avions de chasse, de réglage, de reconnaissance. Il veut qu’il y ait continuellement en l’air un avion de chasse. Le capitaine de Lagonterie a pris hier le 3e bureau en remplacement du commandant Maure se disant fatigué ?

9 septembre – Très beau. Vais voir l’escadrille Caudron qui se trouve près de nous. Photographie d’appareils à deux hélices Caudron qui peuvent s'élever à 2 000 mètres en 10 minutes. Certains appareils Boches du secteur vis-à-vis sont encore plus rapides et hier un appareil est rentré quelque peu troué par des balles de mitrailleuses.

10 septembre – Beau. Les quelques prisonniers que le 1er CAC a pu faire disent que les Boches ne se sont pas renforcés et qu’ils ne s'attendent à rien. Presque pas de mesures contre les gaz asphyxiants, à peine un tampon. Pas plus d’artillerie que d’habitude. Ils doivent avoir une confiance absolue en la puissance de leurs retranchements.

11-12-13 septembre – Beau. L’offensive semble être retardée jusqu’au 20. Les permissionnaires ne rentrant que le 18 dernier délai. Ai vu en gare de Villers en Argonne un magnifique train blindé de 6 canons de 95, admirablement maquillé. Depuis que le tsar est devenu généralissime, il y a comme une reprise de leurs succès et ils annoncent quelques heureuses actions du côté de Tarnopol dans le seul.

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14 septembre – Il pleut. Espérons que ce ne sera que passager et que ce mauvais temps n'entrave pas notre offensive future.

15 septembre – Le temps gris mai beau. Toute la journée une très intense canonnade vers notre ancien front. Cela ne se calme qu’à la nuit. À cheval jusqu’à Somme-Tourbe, coteaux dénudés, sans habitation, aucune verdure.

16 septembre – Même temps pas froid. L’on n'entend aujourd’hui aucun bruit de canon. C'est le calme tranquille. Peut-être précurseur d’un grand coup. L’AGAC transporte son P.C. à Auve à partir d’aujourd’hui. C''est là que se fera la liaison journalière.

J'ai une grande confiance dans la réussite de notre attaque. Préparée cette fois-ci avec méthode par Pétain, sans hâte fébrile ni précipitation ; quand tout le matériel se mettre en action, ce sera formidable et si le tir a été bien réglé précédemment par nos avions de réglage. L’effet sera décisif. Par contre, les Boches ne croient pas à notre succès ainsi que le témoigne cet article.

17 septembre – Canonnade jour et nuit

18 septembre – Beau temps, le général Joffre vient voir tous les chefs de corps réunis au château :

Poussez ferme et ne laissez pas le temps aux Boches de se reformer. Soyez tranquille, ce n'est pas seulement sur ce front que l’on attaquera,

dit-il à tous à qui il parle familièrement. Joffre a le visage souriant et dans ses yeux cachés par d’épais sourcils blancs, luit la certitude du succès final :

Le moment du où et quand je voudrais

semble arrivé et tout en lui révèle une tranquille confiance,

Au revoir messieurs, fait-il dans un geste amical, je compte sur vous, il vous faudra dû cœur et des jambes.

La canonnade continue et chacun de nous vivant dans l’attente et l’énervement de ces grands évènements voudrait être vieux de quelques jours de plus.

19-20 septembre – Beau, canonnade continue. Fait typique de la mentalité française, il y a dans les formations sanitaires des médecins et ambulanciers suisses. Ces derniers doivent chaque semaine faire un rapport à leur État-major sur ce qu’ils ont vu et font. … cet E.M. est au mieux avec l’attaché militaire allemand à Berne, et alors on nous prescrit d’agir avec prudence avec les Suisses, de les surveiller discrètement, etc. Pourquoi ne pas les prier poliment de rester chez eux ? N'avons-nous pas en France assez de médecins ?

21 septembre – Évacuation des capitaines Ruinat et Devic remplacé par Rivière du 9e artillerie. J'accompagne Ruinat jusqu’à Vitry-le-François. Je traverse Revigny-Sommeilles et d’autres villages de la vallée de l’… et de la Sau… détruits en partie on en totalité même.

Visite de Joffre

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22 septembre – Beau temps. N-3 jour de l’attaque. Préparation par l’artillerie, 11 saucisses en l’air du sur notre front. Depuis minuit ce sont de continuelles bouffées de bruit de canons que le vent nous apporte. De temps à autre, les vitres tremblent.

23 septembre – N-2, Nous participerons à l’attaque en appuyant soit le 20e soit le 1er CAC selon les événements. Continuation du bombardement.

24 septembre – N-1, beau temps. La 32e sera à disposition du 1er CAC pour attaquer après coup Gratreuil et les côtes du nord et de l’est. La 31e seule restera en réserve d’Armée entre Valmy et Somme-Bionne.

P.C. de Hans

25 septembre – P.C. de Hans – Le grand jour est arrivé. Il crachine comme l’on dit dans le pays. Vent d’ouest. L’heure de l’attaque est inconnue et sera communiquée verbalement. Ce sera après 8 heures et il n'y aura pas auparavant de préparation intensive par l’artillerie afin d’éviter les tirs de barrage.

L’attaque sera générale sur tout le front et formidable. Il y aura engagé 103 divisions, 2 000 pièces d’artillerie lourde et 3 000 d’artillerie de campagne. 35 D.I. avec Castelnau, de Langle de Cary, Franchet d’Esperey, Pétain, Humbert, 18 avec Foch et 13 aux Anglais, 15 divisions de cavalerie dont 5 anglaises, enfin en réserve 12 divisions d’infanterie et armée Belge. C'est énorme ; à Arras l’on avait engagé que 15 D.I. et 300 pièces d’AL. Aussi Joffre a pleine confiance et le 23 septembre il l’a proclamé en ces termes :

Soldats de la République, après des mois d’attente qui nous ont permis d’augmenter nos forces et nos ressources tandis que l’adversaire usait les siennes, l’heure est venue de l’attaque pour vaincre et ajouter de nouvelles pages de gloire à celles de la Marne et des Flandres, des Vosges et d’Arras. Derrière le barrage de fer et de feu déchaîné grâce au labeur des usines de France où vos frères ont nuit et jour travaillé pour vous, vous irez à l’assaut tous ensemble sur tout le front en étroite union avec les armées de nos alliés. Votre élan sera irrésistible, il vous portera d’un premier effort jusqu’aux batteries de l’adversaire au-delà des lignes fortifiées qu’il vous oppose. Vous ne lui laisserez ni trêve ni repose jusqu’à l’achèvement de la victoire. Allez-y de plein cœur pour la délivrance du sol de la patrie, pour le triomphe du droit et de la liberté.

Gizaucourt

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25 septembre – C'est Cave qui est au P.C.. Je suis resté à Gizaucourt et ne me morfonds de ne rien faire ni de ne rien savoir. Il pleut et le vent d’ouest n'est pas rassurant.

- 10 heures, l’on dit que nous avons pris 2 doigts de la main et que l’artillerie sur certains points avancerait.

- 12 heures, toute la ligne serait prise sauf en 196 que le 20e C.A. n'a pu forcer et du côté de la Main-de-Massiges

- 16 heures, l’on serait dit-on à Somme-Py et Cernay, Dormois. Le régiment de corps du 11e aurait même dépassé les lignes et irait de l’avant ? Qu’y-a-t-il de vrai dans tout ça ?

À 16 heures, le 14e C.A. avait dépassé la route de Souain-La Hure et poursuivrait son offensive vers arbre 193.

Le 11e C.A. a progressé par sa division de gauche (22e) dont un bataillon a franchi la route de Souain-La Hure à l’ouest de La Hure et l’autre attaque La Hure par le sud. Sa division de droite n'a pu réaliser qu’une faible avance. Le 20e C.A. attaque la Butte de Mesnil par sa division de gauche, sa division de droite a atteint le front Corne N-E du bois au nord de la Butte de Mesnil - Maison de Champagne et poursuit son offensive sur l’ouvrage de la Défaite.

Le 1er CAC est engagé sur le front 199-191 au nord de la ville de Tourbe… À gauche de la IIe Armée, le 2 CHC a ouvert une brèche vers la ferme de Navarin que le 6e C.A. a mission d’élargir.

Le corps de cavalerie se tiendra prêt à profiter éventuellement de la brèche ouverte dans leur IVe armée vers le ferme de Navarin pour gagner le terrain libre et concourir au débouché de la IIe armée.

Il a plu toute la journée, je couche à Gizaucourt. Dans la nuit, contrordre pour la 2e partie ce qui fait travailler jusqu’à 3 heures Givry au lieu de Valmy à cause de renforts qui doivent arriver. Agitation au Q.G. avec beaucoup d’hésitation.

26 septembre – Le temps est couvert mais assez beau. Il ne pleut pas. Rien de nouveau que je sache. Belle journée, le soir, télégraphe de Joffre. Succès en Artois. En Champagne 1ère lignes percées 25 km sur 3 km de profondeur. 18 000 prisonniers en tout, 30 canons. Sur notre front la Main-de-Massiges tournée par la 64e brigade. Combats vers 196 et la butte du Mesnil. Prise du Trou Bricot. Il pleut toute la nuit, couche à Gizaucourt.

27 septembre – Groupement Grossetti reformé à la 3e D.I. et nous nous engageons entre 14e et 11e C.A. vers Hurlus, notre nouveau P.C. à l’occasion. Peu de progrès sur le front. Dans la nuit, nouveau changement. La 31e reste avec le 14e C.A. et la 16e D.I.C avec le 14e C.A.. Seule la 3e D.I. qui débarque est laissée à Grossetti. Le P.C. ne sera pas demain à Hurlus où Pailles est allé passer la nuit.

28 septembre – Somme-Tourbe – Où nous remplaçons le 11e C.A. dans des baraquements nouvellement construits. Le corps de cavalerie est retiré à l’arrière en attendant la percée ? Le capitaine Diarin de la 31e dit que l’on est arrêté dans les tranchées de 2e ligne dont les fils de fer intacts sont infranchissables à cause des mitrailleuses sans très forte préparation d’artillerie ! Les Boches ripostent plus vivement et font de nombreux tirs de barrage. Semblent même préparer une contre-attaque venant de la butte du Mesnil. Ce soir, il pleut très fort après une très belle journée. Les journaux annoncent 20 000 prisonniers et 70 canons.

Hurlus

29-30 septembre – P.C. de Hurlus – Départ 4 heures, j'en suit, l’auto dérape et s'embourbe souvent. Arrivons au petit jour vers Hurlus en ruine. Il ne reste plus qu’une maison presque sans toit, sans portes ni fenêtres. C'est là notre P.C.. L’on y gele à cause des courants d’air et l’on s'entasse une vingtaine, officiers et secrétaires ans 2 pièces dont une est réservée au général.

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À notre arrivée, 2 marmites qui encadrent notre maison fait dire au général je ne puis venir à Hurlus sans être immédiatement salué. Je fais évacuer quelques artilleurs d’une batterie de 120 de trous creusés dans le remblai et là s'installent Artillerie, Génie. La batterie de mortier nous claque toute la journée dans les oreilles et arrache les toiles que l’on a mise en guise de vitres. Arrêt de l’offensive que l’on reprendra après le repos des troupes et une autre préparation de l’artillerie. Le général et quelques officiers restent au P.C. et couchent dans les trous creusés dans la craie sur de la paille.

1er octobre – Je reste à Somme-Tourbe. Fatigué, je dors. Apprends la mort de Dautheville, mon collègue de la Banque, tué le 29 septembre. Je l’écris à Cormouls. Visite de Boutrouille retrouvé dans les bois près de la Sable.

Note de Pétain disant que l’échec de l’attaque de la 2e ligne est due en grande partie aux artilleurs qui ne se sont pas portés dans les tranchées de 1ère ligne.

2 octobre – P.C. Hurlus – Temps froid, il a gelé mais beau temps. Chaud dans la journée. Nombreux avions, réglages d’artillerie. Les lettres n'arrivent plus aux familles depuis le 20.

3 octobre – Déjeuner avec Boutrouille sous la tente dans son bivouac de la Sable. Dupré nommé lieutenant-colonel, capitaine Richert nommé à l’E.M. remplace Devic.

4 octobre – Froid et beau, dans la nuit, un obus de 77 a tapé sur la fenêtre du bureau. Pas de casse. Des éclats sont entrés dans la pièce. Je fais améliorer les cagnas du P.C.. Grande préparation de l’attaque de 2e ligne par l’artillerie. Canonnade incessante sur les positions Boches, butte de Mesnil, Tahure, Vistule. Le général rentre le soir à Somme-Tourbe après 4 nuits passées au P.C. et dans quelles conditions !

5 octobre – Le P.C. bombardé par des obus lacrymogènes. Tout le monde avec masque et lunettes. Pas de dégâts. Continuation de la préparation d’artillerie pour l’attaque de demain.

6 octobre – P.C. de Hurlus – Poste d’observation au bois NO de Perthes

Souain-Perthes-lès-Hurlus
Nous progressons vers Tahure et la butte que le XIe corps occupe dans l’après-midi, ainsi que la Brosse à Dents. Notre corps arrêté par des fils de fer à contre pente devant les tranchées de la Vistule. La canonnade fait rage surtout vers 16 heures. 250 prisonniers sont conduits à notre P.C. où je les photographie. Temps gris. Quelques 77 et 105 tombent autour de nous à la nuit.

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7 octobre – Nous consolidons nos positions et le soir nous attaquons sur Tahure et la Butte que nous prenons.

8 octobre – Très beau. Le 11e corps s'aperçoit à 11 heures que le Trapèze est évacué. La veille au soir, les Boches avait violemment attaqué la Mamelle sud et repris la place d’Armes, probablement pour permettre l’évacuation du Trapèze presque encerclé auparavant. N'attaquons pas et préparons par artillerie avec observateurs sur la butte de Tahure, l’attaque sur la Vistule.

Ce ne sont que des affaires locales. La grande offensive est arrêtée et nous organisons le terrain conquis. Les munitions sont réglementées. L’attention est peut-être dès à présent nos efforts se portent vers les Balkans où nous commençons à débarquer à Salonique, la Bulgarie n'ayant pas répondu à l’ultimatum russe. La Grèce et la Roumanie restent neutres.

9 octobre – Cette nuit, les Boches bombardent Tahure à moitié démoli et occupé par la 3e D.I. depuis hier. Pas de contre-attaque d’infanterie. À gauche, vers la Main de Massiges, les efforts semblent aussi arrêtés et le 1er CAC n'a plus de P.C.. Le colonel Emery du 80e a été blessé hier. Contre ordre de Grossetti, la 31e D.I. attaque la Vistule malgré les avis de Vidal à cause des fils de fer non détruits et est repoussée. Le général Vidal écœuré de se voir ainsi traité par Grossetti se fait évacuer.

10 octobre – Journée assez calme. Peu de canonnade, Pétain vient dans P.C. pour régler le différend Vidal – Grossetti. Encore un coup de Gros… dit-il. Le pauvre Vidal pleure d’être obligé de quitter la division qu’il commande depuis le début. Scène vaudevillesque à l’arrivée des parlementaires chargés d’inspecter les postes de secours du front. Grossetti leur démontre tout le danger qu’il y a d’aller plus avant. Danger d’une marmite. Il ne tient qu’à moi de vous faire arroser ; je n'ai qu’à déclencher le tir de mon artillerie et la riposte ne sera pas longue à venir. Mais je ne veux pas. Le chef d’E.M. leur dit vous avez reçu une mission, c'est le peuple qui vous envoie ici. Vous devez donc l’accomplir jusqu’au bout. Quand j'ai une mission, je ne regarde pas le risque d’être tué. Or ma peau vaut bien la vôtre, alors ? Et puis, devant l’hésitation des députés (Laurain, Charles Bernard, etc.) il va chercher son appareil photo en disant non, c'est trop drôle, ce sera un cliché pour mes électeurs. Enfin, après vote, ils repartent pour des postes de secours moins dangereux.

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Visite d’un commandant italien. Retour d’une escadrille de bombardement, 17 avions se détachent en blanc sur le ciel bleu.

11 octobre – Somme-Tourbe – P.C. de Hurlus Le C.A. se reforme à l’arrière avec la 32e qui nous est rendue. Allons-nous quitter la région ? Nous l’espérons tous. Arrivée de Corny.

12 octobre – Beau. Canonnade habituelle. Au P.C. nous passons notre temps à regarder tomber les gros noirs sur la crête en avant du moulin de Perthus, à suivre le vol au milieu des avions, au milieu du bruit des batteries de 155, de 120, de 75 qui nous environnent et qui tirent toute la journée. De temps à autre, l’on entend le bruit spécial d’arrivée d’obus et d’éclats qui sifflent dans l’air comme un gros bourdonnement.

13 octobre – Beau, l’on organise le terrain conquis. L’offensive est définitivement arrêtée. Pourquoi ce brusque arrêt dans la victoire ? La Ve armée au nord de l’Aisne, qui avait fait les mêmes travaux que nous n'a pas attaqué. Est-ce l’action à prévoir dans les Balkans et les stocks de munitions nécessaires à un nouveau front qui nous arrête ici ? En tous cas, depuis plusieurs jours nous sommes rationnés à nouveau pour les munitions de l’AL.

14 octobre – Le 14e C.A. va partir et nous allons nous étendre sur son secteur. C'est donc notre corps qui va passer l’hiver en Champagne où il se trouve déjà depuis 8 mois ? Triste perspective et n'est-ce pas une cause de dépression morale ?

Sommes-Suippes – Morlon-200

15 octobre – Somme-Tourbe – Demain, l’on sera à Sommes-Suippes, au P.C. du Morlon-200

16 octobre – Somme-Suippes – Personne au Q.G. sauf Peyré. Installation à la mairie et au presbytère. Je couche avec Cave dans la salle des délibérations où nous ne sommes pas mal. Beau temps.

17 octobre – Bribert s'en va, Maure le remplace pour dit-il capitaine Richer à la suite d’une algarade avec le général Grossetti se fait évacuer.

18 octobre – Général Vidal est remplacé par le général Cadoudal, nomme de caractère dit-on mais très précautionneux contre les obus.

19 octobre – Les Boches s'organisent plaçant des fils de fer, creusent des tranchées et des boyaux de communication comme nous du reste. En cas d’offensive, notre effort sera donc à recommencer en entier, avec cette différence en plus, c'est que l’on a reconnu que les fils de fer à contre pente étaient restés intacts et que les Boches en profiteront pour en mettre le plus possible, chaque fois que le terrain le leur permettra et dans cette région, c'est presque partout.

20 octobre – Poli part dans l’aviation. Nous ne sommes plus nombreux du début. Au 80e plus de capitaine, quelques lieutenants et surtout des sous-lieutenants pour commander des compagnies réduites à 100 hommes.

21 octobre – Je vais à Morlon-200 le matin. Avons repris pied dans une corne du bois X19 perdue ces jours-ci. Cette position est difficile à tenir à cause de sa situation en saillant dans les lignes Boches, est-elle bien nécessaire en arrière des lignes de la Vistule que nous n'avons pu forcer.

22 octobre – Une belle action du 11e C.A. après une minutieuse préparation d’artillerie s'empare de la courtine à l’est du Trapèze.

23 octobre – Les Boches reprennent le centre de la courtine. Je vais au Trou Bricot et les marmites pleuvent au milieu des bois pleins de l’échos de leurs éclatements et du bruit de nos batteries qui répondent vigoureusement. Visite de la tranchée de Hambourg anciennement Boche. Un ancien poste de commandement d’un chef de bataillon sert de poste à un général de brigade. Très bien installé à l’intérieur avec des chaises et des fauteuils volés dans les villages voisins, des banquettes d’angles. Cause longuement avec le colonel Gautier un peu dégouté de la manière de commander de Grossetti qui ne change pas de tactique suivant les circonstances et le terrain.

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Après le 23, au lieu de continuer des attaques par vagues successives sur des positions non reconnues, il fallait, s'adaptant aux circonstances, progresser par petits paquets et tourner les fortes positions par infiltration quitte ensuite à appuyer fortement toutes les progressions constatées. C'est la tactique de l’utilisation du terrain qui doit laisser toute initiative aux chefs de corps.

26 octobre – Plus de P.C. au Morlon-200 depuis hier. Un peu de pluie, boue épaisse et collante.

27 octobre – Le lieutenant-colonel Wary va commander le 54e, le colonel Dupré part à la DES de Bar le Duc.

28 octobre – Guy devient chef de l’E.M., le commandant Vidé des cuirassiers commande le Q.G.. La 3e D.I. nous quitte. Reste les 31e, 32e, 15e D.I..

29 octobre – Le général demande du repos pour ses troupes très fatiguées et dont les vides ne sont pas comblés et où il manque des cadres surtout des commandants de compagnies. Il désirerait aussi changer de région car la Champagne Pouilleuse n'est pas très agréable vue des yeux du midi.

31 octobre – Le canon tonne toujours très fort ce matin. Ce sont les Boches qui avec des obus asphyxiants bombardent la butte de la Hure et les tranchées du 11e C.A. vers la droite. Dans l’après-midi le bombardement redouble d’intensité. Les communications téléphoniques coupées l’on s'attend à une attaque vers 16 heures. Le général Grossetti et Pétain sont au Morlon200. Dans la nuit, on apprend que toute la butte de Tahure a été reprise jusqu’aux environs du village. 10 compagnies du 80e ont disparues, prisonnières ou asphyxiées. À gauche, 2 compagnies du 342 accrochées. Le 3e bureau part dans la nuit au P.C..

31 octobre – P.C. Morlon-200 avec section du courrier. Nuit agitée. Grossetti prépare une attaque mais pas au petit jour comme le voudrait le général Bouchez. Le 96e est alerté. Un déserteur Boches dit que l’attaque a été menée par 3 régiments. Du ballon qui est à la côte 204 l’on avait nettement vu dès 15 heures l’allongement des tirs boches jusqu’aux abords de Tahure et ne l’avait dit à personne.

Notre contre-attaque regagne environ 500 mètres et le 96e s'établit au nord du ravin 149 à moitié chemin du ravin et du bois des Mûres.

1er novembre – Pétain n'est pas d’avis de reprendre la lutte et que ce serait des sacrifices. Pour une fois que l’on ne travaille pas pour le communiqué ! Grossetti assez ému de cet échec, d’autant plus que le corps voisin (11e C.A.) a repoussé les contre-attaques allemandes annonçant 1 200 prisonniers dont 22 officiers. Le colonel Planté du 80e qui arrivait de la Marne a perdu d’un seul coup son régiment. C'était le premier combat qu’il voyait. Quelle situation pour cet officier ! Je passe toute la journée au Merlon. Rentrons le soir. Vers 15 heures, une vingtaine d’obus tombent sur le P.C., mais à 7 ou 8 mètres sous terre, nous nous amusons à compter les secousses qui séparent les éclatements.

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2 novembre – Pas de P.C.. Jour des morts. Je vais accomplir un pieux pèlerinage au champ des morts. Ils sont là, alignés, un millier de tumulus avec une croix de bois portant le nom. Des soldats creusent de nouvelles tombes. Pluie et boue.

4 novembre – Emplettes à Chalons. Les Boches ont attaqué violement le secteur de Massiges, mais en grande partie repoussés. La 32e est mise au repos pour se reformer. La 15e D.I. la remplace.

5 novembre – Arrivée de Desouches, capitaine aut. Nouveau gouvernement qui avec Briand et Gallieni semble vouloir agir : La paix, pas la victoire, telle doit être le levier de tout ministère français. Par victoire, j'entends l’écrasement du militarisme allemand. Nous envoyons des troupes à Salonique, et peut-être, si nous y allons en force, y trouverons-nous la liberté de manœuvres que sur le front occidental nous n'avons plus. Ne l’ai-je pas dit depuis janvier que la fin de la guerre viendrait par là.

6-7 novembre – Temps maussade. Les Boches se servent en vain de jets de liquides enflammés. Peu de résultats, car ces jets sont aussi dangereux pour ceux qui les lancent.

8 novembre – Visite de Poincaré. Rapide, sans décorum. Un coup d’œil précipité et il repart dans son auto, avec de Castelnau et Pétain assis devant sur lui sur le strapontin.

9 novembre – Calme sur le front. En Grèce, nouveau ministère mais toujours neutralité.

10 novembre – Dans la nuit, violente attaque sur K2 défendu par 15e D.I.. Les Boches s'emparent d’éléments de tranchées. Général Collos se plaint de la mauvaise qualité des grenades qui n'éclatent pas, paralysant la défense. Les journaux disent que 3 C.A. allemands sont revenus de Russie sur notre front. Avons trouvé documents Boches sur l’attaque du 30 sur Tahure. Réglage d’artillerie semble fait avec plus de précision que de notre côté. Division d’observation terrestre et observation aérienne. Chez nous, beaucoup de bluff de la part des aviateurs, surtout dans le tir de contre-batterie. Le jour de l’attaque sur Tahure, Pinard envoyé en reconnaissance n'avait remarqué rien d’anormal. Il manque de liaison entre aviation et E.M. et les aviateurs devraient vivre près de nous au lieu de ne vivre qu’entre eux.

11 novembre – Personne ne voulant commencer la liste des permissions je me décide et pars le 1er.

Paris – Villefranche – Sète

12-19 novembre – Permission, Paris – Villefranche – Sète

20 décembre – Rien de nouveau. L’on organise les bivouacs des différents camps au nord de Somme-Suippe.

21 novembre – Grand émoi parmi les secrétaires qui doivent être remplacés par des R.A.T. avant le 15 janvier.

Une fois leur temps dans l’armée d’active achevé, les conscrits deviennent des réservistes pour une durée qui est, depuis 1913, de 11 années. Ensuite, ils sont incorporés pour 7 années dans l’Armée Territoriale destinée à des missions plus statiques et moins exposées. Enfin ils passent dans la Réserve de l’armée Territoriale pour 7 nouvelles années. Ils peuvent être utilisés pour compléter les rangs des régiments de territoriaux ou à des fonctions plus éloignées du front comme le service des places fortes. Source : Le parcours du combattant de 14-18

22 novembre – L’on parle parmi les cuistots de mettre le C.A. au repos. L’on dit même que nous irions dans une région meilleure au nord de Paris.

23 novembre – Cinquante kilomètres à cheval dans le brouillard pour ne pas rencontrer Paul à Dampierre le château.

24-26 novembre – Somme-Suippe – Le C.A. devient à 4 D.I. avec l’adjonction de la 22e D.I., le secteur s'agrandit jusqu’à la butte de Mesnil.

27 novembre – Froid mais soleil. Nombreuses lettres des Rochas au sujet de Jules qu’ils préféreraient derrière un tour que dans le 142e infanterie. Le lieutenant-colonel Tisseyre remplace le colonel Guy du 34e.

28 novembre – Moins 10 dans la nuit, temps clair. Très froid, visite d’officiers japonais. La 32e D.I. s'en va dans la région du 11e corps à Épernay.

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29 novembre – Il pleut. Le dégel oblige de suspendre la circulation, les chemins étant transformés en sol mouvant.

30 novembre – Temps humide, boue. Les nouvelles balkaniques ne s'améliorent pas. L’on cause trop et l’on n'agit pas assez. La Serbie envahie, les Austro-Boches vont-ils se retourner contre nous et nous jeter à la mer ?

Tisseyre, sous-chef de l’état-major arrive aujourd’hui.

1er décembre – Rien à signaler, pluie persistante, chemins défoncés, ravitaillement impossible.

2-3-4 décembre – Relève de la 15e D.I. par 2. Diner plantureux de la sainte Barbe

5 décembre – Temps très doux, secteur calme.6 décembre

Canonnade violente à notre gauche dans la soirée et dans la nuit. Pas de conséquences.

7 décembre – Les Boches attaquent sur le 6e C.A. et prennent des éléments de tranchées.

8 décembre – La canonnade continue à la faveur d’une pluie torrentielle près de 193 par les Boches, défendue par 31e.

9-10-11 décembre – Somme-Suippes – Pluie, boue. Notre artillerie bombarde 193 et prépare le terrain pour une contre-attaque.

12 décembre – Très mauvais. Pluie et neige. La canonnade continue violente, les Boches nous canonnant aussi.

Attaque à 18 heures. On prend pied dans 193. Les Boches repoussent les assaillants. À minuit, nouvelle attaque qui échoue. Hommes fatigués n'ayant pas dormis depuis plusieurs nuits. Attaque de deux compagnies seulement. Tranchées de 193 détruites. Terrain bouleversé et boueux. Attaques vaines 122 et 322

13 décembre – Beau. Les régiments ont un peu de repos, car de repos soi-disant, ils doivent construire des camps de repos ou réparer les routes, ce qui n'est guère pour des combattants une bonne préparation à l’attaque.

14 décembre – Froid. À Salonique, les alliés décidés de rester, battent en retraite depuis quelques jours poussés par les Bulgares. Les Grecs sous notre menace cèdent à nos demandes.

15 décembre – Je visite à cheval des camps qui figurent pompeusement sur un plan tiré à plusieurs exemplaires depuis deux mois. À voir le plan, cela dénote d’un esprit de méthode et d’organisation. En réalité, les chevaux sont sans abris, le matériel harnais, obus sans couvert, les hommes dans des trous couverts de toiles de tentes. Et partout, boue épaisse de plusieurs centimètres où ma jument enfonce profondément. Et aujourd’hui il fait beau (camp des Crapouillots, des Artilleurs, de Castres, du Veau Crevé, de la Dispute). Je rencontre Boutrouille.

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13 décembre – Dégel. Visite de Langle de Cary nommé à la tête du groupe d’armées. Taille moyenne, sec. Des propos aimables mais peu énergiques. On nous promet du repos.

17-21 décembre – La 31e est très fatiguée et a besoin d’un réel repos pour se reformer.

21 décembre – Pour recompléter ses cadres très déterminés. En Grèce nous nous fortifions dans Salonique, les Bulgares s'étant arrêté aux frontières hellènes. L’on parle d’une offensive allemande vers l’Égypte ? Les journaux parlent beaucoup de la baisse du Mark, - 19%. L’on dit aussi qu’il y a des émeutes à Berlin au sujet de la cherté de la vie, et pour demander la paix. Est-ce bien vrai ?

22 décembre – De plus en plus l’on s'organise contre les attaques au gaz que les Boches font sous trois formes. 1°, émission de nappes chlorées, 2° bombardement par obus lacrymogènes ou suffocants, 3° par obus à oxychlorure de carbone . D’assez nombreux soldats sont morts asphyxiés. Notre ancien sous-chef Emery est mort ainsi empoisonné par les gaz.

dénommé aussi phosgène.

23 décembre – Rien de nouveau, tirs continuels d’artillerie. La relève de la 31e se fait sans incident, le temps étant épouvantable. Pluie, neige, boue. C'est la 151e qui vient remplacer la 31e et c'est le 11e corps qui prend notre place.

L’emprunt a produit 14 milliards 300 millions dont 60% en argent et bons du trésor. C'est très beau, mais comme l’on dépense plus de 2 milliards par mois, cela ne peut nous conduire bien loin. L’on se demande ce que les Boches vont faire ? Comment soutiendront-ils l’enthousiasme de leur peuple s'ils n'ont plus de victoires à annoncer. L’on parle d’invasion de l’Égypte, d’occupation de l’Albanie, de prise de Salonique ? Ci-contre, les pronostics du colonel Harrison qui en juillet paraissaient assez vraisemblables.

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24 décembre. – Cette fois c'est sérieux, nous partons. Le 11e corps s'installe à Saint-Rémy et la 153e D.I. vient à la place de la 31e avec ce pauvre Devic qui avait quitté l’E.M. pour fuir la Champagne.

25 décembre – Je n'ai même pas pu assister à la messe de minuit. Il n'y en avait pas ? Je ne sais pourquoi. Hier soir, néanmoins nous avons gueuletonné. Le chef de l’E.M., Lavigne, Delville aiment un bon vin et un bon pâté, les huitres et Polack notre chef popote le soigne.

26 décembre – La relève se fait sans incident.

27 décembre – Je suis de permanence. Retrouve au 11e corps, un camarade de lycée Chaumont. À midi, départ, déjeuner à Chalons, à la Haute Mère Dieu, restaurant plein d’officiers, vins excellents, … pâtisserie Basset Lulu. Visite aux Paul. Arrivée à Damery à 17 heures.

28 décembre – Q.G. de Damery – On s'installe dans une grande maison avec un jardin. C'est le repos. Le pays est joli, propre, soigné. Sur tous les coteaux, Venteuil, Boursault de la vigne et toujours de la vigne, sans perdre un pouce de terrain jusqu’au bord des chemins qui souvent surplombent en terrasse.

29 décembre – C'est la vie de château. La popote est dans le salon. Il y a même une salle de billard. Bridge quelque fois le soir après diner quand il n'y a rien à faire (Parmard, Desouches, Paliès, Mau…)

Le temps est doux, assez beau. Jument indisponible m'empêche d’explorer les environs.

31 décembre – Permission de diner à Épernay. Hôtel de la Cloche (Paliès, Mendigeal, Teyssèdre et moi). Je termine fort dignement l’année et en commence une autre gaiement (Laure Ferent)