Geneviève Mise à jour février 2019
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    Refonte de la page, ajout des photos des années 60-70, ajout des souvenirs d'Isabelle
  • juillet 2017
    Création de la page

Années 40

1939, Laborantine

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Je soussigné docteur P. Rigaud, médecin… certifie que Mlle de Bonne a rempli à l’Hôpital complémentaire des Beaux-Arts de Toulouse du mois de septembre 1939 au mois d’août 1940, période pendant laquelle j'étais médecin chef de cet établissement les fonctions de laborantine.

J'avais organisé pour les hospitalisés un service social dont je l’avais chargée. Par son travail, sa compréhension et son dévouement, elle m'a rendu dans cette fonction d’inappréciables services.

1940-1942, Service social des Hôpitaux

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Je soussigné certifie avoir eu sous mes ordres comme secrétaire Mlle Geneviève de Bonne depuis août 1940 à avril 1942 dans différents hôpitaux de Toulouse et n'avoir eu qu'à me louer de ses services intelligents et dévoués. Je puis même assurer que cette personne a montré pendant cette période de réelles aptitudes pour s'occuper d’une façon toute désintéressée des Œuvres Sociales.

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Copie des notes que j'ai délivrées à Mlle de Bonne au mois de juillet 1942 alors qu'elle était employée comme secrétaire à la Pharmacie de l’Hôpital complémentaire des Beaux-Arts ou j'étais chef de service :

Personne de haute valeur intellectuelle et morale, sachant s'adapter à toutes circonstances avec une conscience et une compréhension du devoir au-dessus de tout éloge. A rempli les fonctions de Secrétaire depuis le début de la mobilisation à la satisfaction pleine et entière de tous ses chefs de service. Mérite une récompense particulière pour son dévouement. A de plus de réelles aptitudes pour remplir le rôle de Préparatrice.

Mademoiselle de Bonne a continué ses fonctions jusqu'au 15 avril 1942 et n'a voulu s'en départir qu'avec mon autorisation.

1942, Secrétaire du comité d'Assistance Sociale

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Je soussigné, Trésorier du comité départemental d’Assistance, certifie que Mlle de Bonne a assuré depuis le 25 avril 1942 les fonctions de Secrétaire du comité dont effectivement elle a organisé les services sociaux et assumé, en fait, la direction avec une compétence avisée et un dévouement absolu, allant bien souvent jusqu'à l’abnégation et au désintéressement.

Par son esprit éminemment social et son activité, elle était l’âme et la cheville ouvrière du Comité.

1942, Secours National

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Je soussigné Mme Baudoin, présidente du comité départemental d’assistance de la Haute-Garonne, atteste avoir eu sous ma direction, Mlle de Bonne depuis avril 1942 pour assurer le service social de notre œuvre.

Très intelligente, fine psychologue, elle a toujours rempli sa tâche délicate avec beaucoup de tact.

Ferme devant les imposteurs, elle aide matériellement et moralement, avec un sens social judicieux et un inlassable dévouement, toutes les situations momentanément difficiles.

Au point de vue administratif, elle est l’ordre et la régularité même et ses écritures sont toujours rigoureusement à jour.

Elle a été particulièrement remarquable dans l’organisation du service social des prisons où elle a à son actif plusieurs cas de redressement moral.

Je considère Mlle de Bonne comme une femme supérieure, digne en toute circonstance de la plus large confiance.

1943, Assistante sociale à la prison Saint-Michel

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Attestation

Je soussigné Mlle Feugère, Assistante sociale départementale de la Délégation de la Haute-Garonne, certifie que Mlle de Bonne fait fonction d’Assistante sociale à la Prison Saint-Michel à Toulouse depuis 1943.

Actuellement son temps est presque exclusivement réservé à ce service qu'elle assume d’une façon absolument parfaite à la satisfaction générale avec un dévouement, un tact et un esprit de justice qui font l’admiration de tous.

Bien que ne possédant pas de diplôme d’assistante sociale, Mlle de Bonne a mis sur pied, avec intelligence, un véritable service social sachant s'entourer des conseils des personnes plus compétentes…

Mlle de Bonne a d’ailleurs exposé très simplement la marche actuelle de son Service au congrès régional de l’Entr'aide Française et son rapport a été publié dans le N° des Pages sociales d’avril.

Le Service Social de la Prison à Toulouse a fait ses preuves ; son utilité et les résultats obtenus ne sont contestés par personne. Commence petitement en 1943, il a pris une ampleur dont nous ne pouvons que nous réjouir. Il reste encore beaucoup à faire et les projets d’amélioration et de création sont multiples.

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A la Libération, le Secours National devient l'Entr'aide Française qui sera supprimé à son tour en 1949 lorsque l'Etat reprendra à sa charge les Services Sociaux.

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6 septembre 1946

Chère Mademoiselle

Nous apprenons par M. Hautier que vous êtes agrées par le Ministère de la Justice et affectée à dater du 1er octobre à la prison de Toulouse…

Nous tenons à vous dire, avant votre départ, combien nous vous sommes reconnaissants du travail si dévoué et si généreux que vous avez effectué au service de notre Œuvre. Nous ne doutons pas que vous restiez fidèlement attachée à l’Entr'Aide Française, avec laquelle vous aurez d’ailleurs maintes occasions de collaborer.

Nous savons que vous allez vers une mission qui vous attire tout particulièrement et nous souhaitons que vous ayez la résistance suffisante pour faire face à cette lourde tâche.

Il nous sera toujours agréable… sentiments très affectueux.

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Je soussignée Céline Lhotte, Assistante chef de l’administration Pénitentiaire, certifie connaître Mlle de Bonne qui fait fonction d’Assistante sociale aux Prisons de Toulouse depuis la création du Service Social des Prisons.

Mlle de Bonne à de rares aptitudes professionnelles ; nous avons toutes, à maintes occasions puisé auprès d’elle des avis précieux concernant une technique qui peut s'appuyer sur ancien passé.

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Mlle de Bonne mérite amplement une équivalence de diplôme d’Etat. Je suis prête à le confirmer oralement si nécessaire

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Chère madame,

C'est bien mal venir vous exprimer combien j'ai été profondément touchée par l’amabilité de votre lettre que de venir si tardivement vous le dire. Je suis contente d’être désignée pour remplir la lourde tâche du service des détenus, service qui me tient tellement à cœur depuis que l’ai commencé voilà plus de trois ans.

Mais c'est avec un très profond regret que je quitte l’Entr'Aide où j'ai été toujours entourée de tellement de compréhension, et où j'ai noué de véritables amitiés qui je l’espère dureront malgré mon départ. J'aurais par mon travail même des rapports très fréquents avec la délégation, que je ne quitte d’ailleurs pas tout à fait car Mme Léon et Mlle Feugère ont bien voulu m'offrir de garder ma permanence dans les locaux du 3e de la rue Croix-Baragnon, les services pénitentiaires ont accepté et, de ce fait, je pourrai continuer à travailler dans la bonne atmosphère de camaraderie qui règne dans la Haute-Garonne.

Je pourrai aussi continuer à profiter de la compétence de mes compagnes, et aussi de leurs conseils car, spécialement dans mon service, il y a souvent des cas si compliqués que l’on a besoin de ne pas prendre seule la responsabilité de les résoudre.

Je m'inquiète un peu de l’examen de récupération car je sais combien j'ai de choses à apprendre et je n'ai aucune illusion sur mon peu de savoir. Je sais aussi que mon travail me prend tellement que je dispose de peu de temps pour pouvoir le préparer.

Je n'oublierai jamais, chère madame, combien vous avez toujours été aimablement compréhensive pour moi et je vous demande de me permettre de vous remercier en vous exprimant mes sentiments les plus respectueux.

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Lettre à donateur américain

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nous nous mettons à leur disposition pour nous mettre en rapport avec leur famille et pour accomplir toutes les démarches qui peuvent dépanner ces derniers. Nous devons même écrire de nombreuses lettres pour leur trouver du travail à leur sortie. Tout ce se traduit pour nous par un volumineux courrier impossible à tenir à jour sans une machine à écrire. Nous souhaiterions que ce bref aperçu de notre tâche puisse vous aider à apprécier toute la profonde reconnaissance que nous vouons à votre nation une fois de plus si secourable pour soulager les misères de mon pays.

L’Entr'Aide Française… une machine à écrire Hermès que vous aviez eu la généreuse pensée d’offrir pour nos services de la prison.

Nous ne saurions vous exprimer combien votre don nous est précieux, et toute l’aide et la simplification qu'il apporte à notre travail.

La prison de Toulouse contient à peu près régulièrement 800 détenus dont nous avons à nous occuper. Le but de l’internement est essentiellement l’amendement et le reclassement du condamné, celui-ci ne doit pas se sentir réprouvé mais simplement un puni que nous devons aider à reprendre sa place dans la Société. De ce fait, votre rôle étant moral avant tout…

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Curriculum vitae

Nom : Geneviève de Bonne

Date de naissance : 3 janvier 1901 à Toulouse

Adresse : 11 rue Darquié à Toulouse

Etudes : secondaires sans examen, connaissances en dactylographie et en comptabilité.

Activité antérieures :

  • de 1939 à 1942 a travaillé à l’Hôpital complémentaire des Beaux-Arts à Toulouse, puis à l’hôpital complémentaire Saint-Stanislas et à l’hôpital Caffarelli.

  • en 1942, auxiliaire sociale au Comité départemental d’assistance, relai du Secours National.

  • en février 1943, chargée par le Secours National du service social de la prison Saint-Michel.

  • actuellement : auxiliaire sociale à l’Entr'aide Française presque entièrement affectée au service social de la prison.

1946, Une réalisation du service social des prisons

Votre rapport Une réalisation du service social des prisons, a été publié dans Pages sociales, n° du 16 mars 1946, pages 24 à 27» ce qui vous vaudra bien plus tard d’être citée dans le livre Introduction to Social Welfare

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1947, Rapport sur la situation dans les prisons

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Ministère de la Justice
Direction régionale des services pénitentiaires
Service social de la prison Saint-Michel

Toulouse, juillet 1947

L’augmentation effroyable de la délinquance due à la guerre, les innombrables infractions aux réglementations économiques, ont peuplé les prisons d’une clientèle nombreuse, fort différente de la lamentable cohorte des périodes tranquilles. Leurs peines sont en général assez courtes pour des fautes n'entachant pas la moralité, et c'est là une catégorie qui reprend aisément ses anciennes occupations.

Nous avons également ceux que l’on peut appeler les "valeurs mortes", c’est-à-dire l’éternel troupeau des clochards, des sans-abris qui seront toujours le lot habituel des prisons de grande ville. Ceux-là, malgré nos efforts préféreront toujours le marché noir, le vol, la mendicité ou même des métiers moins avouables. Ils ont un appétit de liberté dont ils sont incapables de faire usage ; ce qu'ils veulent, c'est le cinéma, le café, la sortie avec des camarades du "milieu". Contre cet état d’esprit, il y a bien peu de choses à tenter et pour beaucoup que nous voyons revenir, tous nos efforts sont restés vains.

Le grand problème du reclassement se pose avec acuité pour ceux qui ont vraiment le désir sincère de ne pas retomber dans la faute qui les a menés derrière les barreaux. Le placement de ceux-là est vraiment une question sociale ayant une incidence directe sur la sécurité publique.

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En effet, une société qui ne peut assurer le travail aux sortants de prison assume la lourde responsabilité de les vouer à un état de misère qui lui suscite autant d’ennemis de plus en plus révoltés, de plus en plus irréductibles, de plus en plus dangereux. Ne serait-il pas opportun, au lieu de négocier l’importation massive de main d’œuvre étrangère d’envisager l’utilisation prioritaire des français sortant annuellement des prisons ?

Nous avons le devoir de procurer leur chance de relèvement à ceux qui en manifestent le désir sincère, quels que soient les déboires à redouter. Devoir de solidarité nationale dans l’intérêt bien compris de la collectivité. Nous demanderions à être aidés par l’Etat qui pourrait assurer des emplois aux prisonniers libérés par une législation appropriée, assujétissant à cet effet les entreprises pour un pourcentage donné.

Au lieu de cela, chez bien des employeurs, nous nous heurtons maintenant à la demande de casier judiciaire qui annihile nos placements. La plupart des entreprises estiment agir sainement, quand elles refusent par principe l’embauche de tout individu sortant de nos services, sans se préoccuper du sort qui attend un être sans ressource et souvent chargé de famille auquel tout travail est systématiquement refusé. Il faudrait arriver à faire admettre que celui qui a expié sa faute, peut légitiment considérer qu'il a droit à la vie, c’est-à-dire au travail qui lui redonnera sa place dans la société.

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Il ne doit plus être considéré comme un sujet de réprobation, le privant de tous moyens d’existence et le rejetant impitoyablement sur le chemin du crime.

De nombreuses démarches à l’Office du travail, dans différentes entreprises, aux Services agricoles qualifiés nous permettent d’être pourtant rarement prises de court, et il est bien rare que nous laissions sans travail un sortant vraiment décidé à reprendre sa vie honorablement, et que nous avons pu suivre durant sa peine.

L’action de reclassement est une œuvre de prudence et de justice qui ne peut s'exercer utilement que si nous faisons un large crédit de confiance à ceux à qui nous nous intéressons. Parfois, nous pouvons noter de belles réussites ; témoins deux jeunes garçons de 19 ans appartenant à de bonnes familles et ayant commis deux vols dans la même semaine pour se procurer l’argent nécessaire à un achat de vestiaire. Mis en liberté provisoire pour leur première affaire, nous leur trouvons du travail, nous obtenons que la liberté soit maintenue pour la 2e affaire. Ils se conduisent très bien. Au jour du jugement ils ont simplement six mois avec sursis. Nous continuons à les suivre, leur place s'améliore, ils marchent très droit A l’heure actuelle, l’un aide sa mère veuve à faire vivre 4 frères, l’autre s'est marié, il gagne 14 000 francs, sa femme dactylo dans la même usine à 9 000 francs. Le ménage s'entend bien et le soir, le jeune mari confectionne des aquariums qu'il vend de 10 à 30 000 francs. Ils ont une véritable aisance, leur intérieur est l’objet de tous leurs soins, ils continuent à nous traiter en amie et à venir souvent à notre permanence.

Une jeune femme, condamnée à 6 mois pour avortement, placée à sa sortie ; soutenue et encouragée par nous, gagne maintenant très bien sa vie. Malgré le divorce demandé par son mari, elle s'occupe impeccablement de ses deux enfants et mène une vie des plus dignes malgré son jeune âge.

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Un jeune garçon placé à la campagne a épousé la fille de son patron, et quand nous le revoyons, il ne peut même plus comprendre comment il a pu commettre l’acte qui l’avait mené en prison.

Des ouvriers spécialisés que nous avons pu reclasser honorablement n'ont plus jamais failli, ayant repris un standard de vie normale.

Pour de véritables gangsters ou de fortes têtes, nous avons obtenu des engagements à la Légion Etrangère. Des amitiés personnelles nous lient à plusieurs officiers de cette arme d’élite, ce qui nous permet de recommander spécialement tel ou tel jeune qui ne nous parait plus adapté à la vie normale et qui peut trouver là à canaliser un esprit d’aventure et de barouf. Plusieurs expériences ont échoué et abouti à des désertions, mais par ailleurs, nous pouvons nous enorgueillir d’un jeune qui a déjà gagné ses premiers galons avec une belle citation.

Le reclassement des femmes est la tâche la plus ardue de notre service. Que faire de ces malheureuses sans spécialité, sans abris. Dépourvues de certificats de travail, elles voient toutes les portes se fermer devant elles. Que leur reste-t-il à part le vol et la prostitution ? Que faire pour des vicieuses invétérées ou pour des voleuses récidivistes ? Leur paresse est sans égale et la détention les abaisse et les dégrade encore plus que les hommes. Les places que l’on peut leur trouver à la sortie, femme de ménage dans un intérieur bourgeois ou elles côtoient les heureux de la terre, plongeuse, laveuse, comment leur redonner le gout d'une vie propre et honnête avec des moyens aussi peu intéressants.

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Par ailleurs, les placer dans une usine ou on n'obtiendra d’elles aucun rendement, vendeuses si elles n'ont pas le vestiaire convenable, couturières si elles ne savent pas tenir une aiguille ? En plus de tout cela, pas de logement à leur offrir. Reconnaissons qu'il faut une âme bien trempée pour supporter tous ces obstacles, et nos clientes n'ont pas en général cette âme bien trempée… aussi que de chutes lamentables… que de retour au vice qui permet une vie facile.

Pour la femme en effet, la prostitution offre des avantages pécuniaires que pas un métier honnête ne pourra donner, et nous sommes sans armes pour lutter efficacement contre cela. Problème encore accru depuis la fermeture des Maisons dont les pensionnaires nous reviennent maintenant pour racolage. Nous ne pouvons que noter avec humilité le peu de succès que nos efforts ont rencontré jusqu'ici auprès de ces femmes. Pour l’une d’elle que nous avions cru susceptible de redressement, nous avions écrit à l’Abri Languedocien qui avait bien voulu nous réserver une place, mais la prise en charge des frais de séjours par la Préfecture n'avait pu être faite en temps utile malgré nos efforts. La femme libérée avait été placée grâce à l’Entra'aide Française dans une salle d’un hôpital désaffecté ou son hébergement devait durer 10 jours ; pour permettre de terminer le dossier, pendant le même temps la Croix-Rouge avait accepté de nous donner gratuitement des bons repas. Nous pensions que tout était parfait… mais la femme a du trouve seule une solution meilleure car depuis sa libération elle a disparu nous laissant avec notre dossier si péniblement constitué…

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Ouvrons un paragraphe spécial pour les jeunes mineurs moins nombreux qu'autrefois. Leur placement est en général bien difficile. Notre liaison avec les Services Sociaux spécialisés des Tribunaux pour enfants nous enlève la responsabilité complète de leur reclassement puisque toute action est toujours entreprise d’un commun accord avec les Assistantes spécialisées de ce service. Placements dans les centres ou les maisons de redressement laissant place à beaucoup d’inquiétudes pour l’avenir bien compromis de ces jeunes dévoyés.

Depuis le 15 juin commence à fonctionner à la prison Saint-Michel le Service de Psychiatrie demandé par les Tribunaux. Nous ne pouvons encore noter les résultats de cet essai qui sera d’un gros intérêt pour nous au point de vue reclassement puisque tous les anormaux nous seront signalés . Quelle solution sera prise pour eux ? L’avenir nous l’apprendra…

Signalons la Commission Postpénale de surveillance des détenus. Nous avons les meilleurs rapports avec cet organisme qui nous convie à chaque séance trimestrielle et veut bien examiner avec bienveillance les cas que nous présentons. C'est ainsi qu'un jeune homme condamné à un an pour avortement vient de trouver une place intéressante de comptable grâce à cette commission.

L’œuvre des visiteurs de prisons commence à fonctionner. L’aide de ces bonnes volontés nous est utile, nous avons des rapports hebdomadaires avec eux et ils ont pu nous fournir quelques places. Espérons que leur ardeur ne se ralentira pas au contact des déceptions et qu'ils continueront à nous aider à reclasser dans la communauté laborieuse ceux que les circonstances en ont momentanément écartés.

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Le problème du reclassement est si complexe que pour mieux le pénétrer nous le diviserons en plusieurs parties :

  1. Vie en prison

  2. Travail en dehors pendant la détention

  3. Interdictions de séjour

  4. Logement

Vie en prison

Nous pouvons reconnaître que le régime des prisons tel qu'il est encore en France et malgré toutes les améliorations que l’on ne cesse d’y apporter est encore bien défectueux. Les prévenus qui subissent parfois une prévention longue de plusieurs mois pendant laquelle ils prennent l’habitude de ne rien faire tout au long de la journée ne peuvent que s'abêtir, se dégrader et s'abaisser. Nous disons ne rien faire, mais malgré cette inaction ne pouvons-nous penser avec inquiétude à tout ce qui peut se murmurer et s'infiltrer comme mauvais conseils durant ces heures interminables ?

Il faudrait pouvoir arriver à tirer de chacun le plus de bénéfice de ces dispositions naturelles. La plupart de nos irréguliers s'ils ne sont pas des débiles mentaux au sens propre du terme, sont des retardés, des paresseux. Ils ont souvent échoué dans la vie à cause de leur paresse, et la société sous prétexte de les punir et de les redresser leur impose pendant des mois cette même paresse avec en plus une promiscuité qui ne peut être que nocive.

Il y a là une bien grave erreur et un danger réel. Pour certains, la prison ne serait vraiment une pénitence que si on les obligeait à fournir un travail quelconque.

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Nous connaissons bien toutes les difficultés rencontrées pour trouver des entreprises qui acceptent d’utiliser la main d’œuvre souvent si mauvaise de nos prisons, et pourtant notre rêve à toutes ne serait-il pas de transformer nos maisons d’arrêt en ruches bourdonnantes d’activité, au lieu de ne rencontrer que des visages sans expressions ou des individus vautrés dans la terrible inaction si pernicieuse à tous ?

Le problème du reclassement ne pourra être sérieusement entrepris et mené à bien que lorsque nous aurons préparé pour la sortie des êtres que le travail et la discipline auront formé.

Travail au dehors pendant la détention

Une très intéressante et nouvelle expérience tentée depuis peu et consistant à envoyer des prisonniers en cours de peine exécuter des travaux dans des chantiers forestiers ou des chantiers vicinaux a paru donner de très bons résultats. Nous avons eu ainsi plusieurs équipes pour la coupe des bois en Ariège. Les prisonniers sont heureux de ce travail fait en plein air et qui leur permet de gagner un peu d’argent à envoyer à leur famille. Leur condition de vie est assurée avec une nourriture suffisante pour pouvoir mener à bien des travaux pénibles. Le logement se fait par dortoir dans des baraquements. Aucune tentative d’évasion et plusieurs détenus se sont reclassés d’eux-mêmes dans la profession. Nous souhaitons l’expansion de cette formule qui nous parait donner vraiment de très bons résultats.

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Interdiction de séjour

L’interdiction de séjour ne permettant pas le retour dans le foyer normal et le relèvement dans le cadre familial est une arme à double tranchant et qui est vraiment un cas d’espèce.

Pour certains, il est meilleur d’être éloigné du milieu habituel des camarades qui peut les entrainer, pour d’autres, il est plus difficile de se refaire une vie dans une ville totalement inconnue et sans appui. Difficulté aussi pour nous qui ne pouvons plus les suivre tant au point de vue moral que matériel. Nous ne sommes plus là pour relever un courage défaillant, ou pour aider à franchir un mauvais pas.

Du Congrès d’Etudes que nous nous vivons actuellement, il pourrait peut-être sortir une entraide entre nous, nous permettant de solliciter une collègue d’une autre région pour lui demander, soit de trouver du travail, soit de s'intéresser à un ancien détenu que nous craignons de lancer seul dans la vie, après l’avoir suivi tout au long de sa peine.

Je crois que nous pourrions ainsi former un réseau à mailles serrées nous permettant d’encadrer et de suivre ceux qui ont bien voulu placer leur confiance en nous.

Logement

Nous arrivons bien à trouver du travail mais ce que nous sommes impuissantes à retrouver c'est le logement. Question cruciale et sans remède pour le moment dans notre région surpeuplée et ou rien n'est prévu dans ce sens. L’asile de nuit lui-même ne fonctionne pas régulièrement. Il faut pour y être admis des papiers en règle que bien souvent ne possèdent pas nos détenus ; et cet abri ne dure que quelques jours.

La création d’un foyer, si simple soit-il, où puissent se réfugier les individus errants serait vraiment indispensable mais nul ne parait songer à cette œuvre.

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Il est quasi impossible de demander à un manœuvre ayant fourni un gros effort musculaire toute la journée de ne pas avoir de toit pour reposer sa tête, surtout pendant la période hivernale. Par ailleurs une personne sortant sans argent et qui commence un travail ne peut être payée avant plusieurs jours et ne peut prétendre de ce fait aller dans un hôtel ou le prix de la chambre sera toujours demandé journellement.

Question doublement angoissante pour les femmes qui malheureusement peuvent si facilement trouver un hébergement non seulement gratuit mais encore rémunérateur…

Cette terrible angoisse du logement nous fait souvent proposer des travaux agricoles, car nous avons ainsi la certitude que dès le premier jour logement et nourriture seront assurés. La formule la plus heureuse serait la maison de semi-liberté servant de transition entre la vie captive et la vie libre.

Notre service commencé en 1943 nous permet par son recul de voir les résultats obtenus. Bien des déchets, bien des tristesses ont défilé sous nos yeux. Nous avons pu déployer beaucoup de patience et d’obstination dans des périodes particulièrement difficiles.

Malgré cela, nous gardons intacte la flamme de l’espérance dans le redressement possible, flamme qui ne doit jamais vaciller si nous voulons continuer de faire œuvre utile dans la profession que nous avons choisie. N'oublions pas que la confiance que nous accordons largement est parfois le levier qui donne la force de lutter.

1949, demande de dispense pour la formation d'assistante sociale

Vous ne vouliez pas passer cet examen ! Crainte réelle ou simulée, vous en avez en tout cas parlé absolument à la terre entière et Annie se rappelle très bien ces angoisses que vous partagiez avec Henriette.

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Toulouse, le 10 mars 1949

Monsieur le Ministre

J'ai l’honneur d’attirer votre bienveillante attention sur ma situation.

Ayant été embauchée en septembre 1939 comme aide laboratoire à l’Hôpital complémentaire des Beaux-Arts, j'ai été chargé par le Médecin-chef, le Dr. Rigaud de m'occuper en même temps du service social des blessés.

Prise ensuite au Comité Départemental d’Assistance de la Haute-Garonne, relais du Secours National, j'ai dirigé cet organisme de 1942 à 1945 en qualité d’assistance sociale.

En 1945, cette œuvre ayant été dissoute, un poste analogue m'a été donné à l’Entr'aide Française.

Dès le 1er février 1943, j'avais été chargée à mi-temps du service social de la prison Saint-Michel, et le Ministère de la Justice m'a incorporée définitivement le 1er octobre 1946, dans ces fonctions que j'assure encore actuellement.

J'ai fourni un dossier complet avec attestations de tous mes chefs de service de l’activité énoncée ci-dessus, en vue de pouvoir passer un examen de récupération d’assistance sociale en application de la Loi du 8 avril 1946.

Malgré les états de service indiqués, j'ai été admise seulement à l’article 2 avec autorisation d’exercer comme auxiliaire sociale.

Par ailleurs, j'ai dû subir en juin 1948, une grave intervention chirurgicale à la colonne vertébrale, rendue plus sérieuse par l’excès de fatigue causé par mon lourd service de la prison. Une amélioration m'est promise, à condition de ne pas faire de surmenage actuellement comme en fait foi le certificat médical ci-joint.

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Le 21 février j'ai passé l’examen d’entrée à l’Ecole d’assistantes sociales réservé aux bénéficiaires de l’article 2, et j'ai été classée première avec les notes suivantes : composition française 13, question sociale : 18.

Née le 3 janvier 1901, j'ai 48 ans et je ne puis espérer mon diplôme qu'à 50 ans avec les deux années d’études qui nous sont demandées.

L’obtention de ce diplôme, avec la tension d’esprit des études reprises à mon âge et la fatigue des stages me semble gravement préjudiciable pour ma santé, car je dois assurer en même temps le service social de la prison qui comprend environ 700 détenus et une centaine de familles de surveillants.

Par ailleurs, ma situation pécuniaire ne me permet pas d’envisager la cessation d’une activité rémunérée pendant deux ans. J'ai commencé mes études n'ayant pas encore d’accord avec l’Administration Pénitentiaire et j'ignore encore quelle sera ma situation pendant ce laps de temps.

Devant l’exposé rigoureusement exact de ma situation, je viens vous demander Monsieur le Ministre, s'il ne serait pas possible d’obtenir une révision de mon dossier me permettant d’exercer à titre définitif pour les quelques années qui sont encore devant moi, m'enlevant ainsi un lourd souci auquel je suis en proie actuellement et qui peut avoir de graves conséquences pour mon état général.

J'ajoute que j'avoue avoir été quelque peu étonnée en voyant quelques-unes de mes collègues n'ayant pas mes états de service, admises à passer l’examen de récupération, et qui bénéficient ainsi du titre et des avantages.

Avec l’expression de toute ma reconnaissance, veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération.

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…vous appelez mon attention sur Mlle de Bonne qui souhaiterait obtenir l’autorisation définitive d’exercer les fonctions d’auxiliaire sociale sans subir les épreuves de l’examen du 20 octobre 1954.

…il n'est pas possible de donner une suite favorable à la requête de Mlle de Bonne…

Je vous précise d’autre part, qu'étant donné les aptitudes de l’intéressé, il ne me parait pas à craindre qu'elle soit éliminée aux épreuves de cet examen qui ont pour but de faire appel aux connaissances générales des candidates en matière de service social et à leur expérience professionnelle.

En conséquence, je ne puis que conseiller à Mlle de Bonne, si elle ne l’a déjà fait, de se mettre en rapport avec M. le Directeur départemental… en regrettant vivement que les termes impératifs du décret ne permettent pas d’accueillir votre requête.

Années 50

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Je soussignée J. Hertevent, assistante sociale chef des Etablissements Pénitentiaires atteste que Mlle Geneviève de Bonne, demeurant 2 rue Darquier à Toulouse est employée par la Ministère de la Justice au Service Social des prisons en qualité d’Auxiliaire Sociale.

Du 1er octobre 1942 au 1er octobre 1946, elle a été détachée dans ses fonctions par l’Entr'aide Française.

Depuis le 1er octobre 1946, elle appartient directement, en qualité d’agent contractuel, au Ministère de la Justice.

Elle a été employée de façon constante depuis le 1er octobre 1942 à la Maison d’Arrêt de Toulouse où elle a assuré, seule, le service social.

Sa culture générale, sa vive intelligence et sa riche expérience du Service Social en font un sujet d’élite. Sa technique de travail social et du service spécialisé qu'elle assure actuellement nous permette de la considérer non pas comme une auxiliaire mais comme une assistante sociale de premier plan.

Ses capacités professionnelles jointes à ses qualités morales et à sa haute valeur humaine lui ont unaniment acquis l’estime de ses chefs et celle des usagers.

Il est particulièrement agréable d’avoir à lui rendre ce témoignage.

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Evaluations professionnelles

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  1. Mlle de Bonne est une Assistante Sociale connaissant bien son métier. Sa maturité, ses qualités de cœur et son dévouement la font apprécier de la P.P. et du personnel. Elle entretient d’excellentes relations avec les autres…

  2. Très bonne Assistante Sociale, intelligente et très dévouée est bien appréciée de la P.P. et du personnel de l’établissement auquel elle se dévoue sans compter.

  3. Très bonne assistante sociale faisant preuve d’un dévouement et d’une activité sans relâche. Assure seule son service dans de très bonnes conditions malgré une très importante population pénale.

  4. Excellente assistante sociale très dévouée, connaissant bien son travail, donne entière satisfaction.

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24 octobre 1955

Je soussigné, certifie que Mlle de Bonne qui depuis 1943 s'occupait déjà du service social des prisons au titre du comité départemental d’assistance relai du Secours National, a été ensuite Assistante Sociale à l’Entr'Aide Française, chargée essentiellement du même service.

A partir du 1 avril 1946, elle a été prise en charge par les Services Pénitentiaires.

Pendant la période où elle faisait partie du personnel de l’Entr'Aide Française, j'ai pu apprécier ses grandes qualités.

Elle s'est particulièrement consacrée à l’assistance des mineures, femmes enceintes ou jeunes mères, aux relations avec les familles des détenus, au reclassement des libérés, [elle] méritait la confiance de l’Administration Pénitentiaire dont elle a su respecter les nécessaires prérogatives.

Dans toutes les tâches qui lui ont été confiées et auxquelles elle s'est profondément dévouée, elle a fait preuve d’une vive intelligence et de beaucoup de tact, unissant le sens de la justice à une grande générosité de cœur, ses études et rapports étaient souvent remarquables.