Denise

« Malheur de malheur ! » disais-tu, Denise, déambulant dans les couloirs de Villefranche ; l’âge commençait vraiment à peser sur ton esprit . J'ai encore le souvenir de quelque partie de Nain jaune sur la table devant la fenêtre de la salle à manger, j'avais sept ans et c'était il y a bien longtemps.

Tu passeras d’ailleurs ta dernière année de vie dans une maison, ta belle-sœur Geneviève, même aidée, ne pouvait vraiment plus te garder à Villefranche.

Nous savons :

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Septembre 1904, lettre Denisor

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Mademoiselle de Langautier, Grand hôtel de l’Amirauté, Vichy.

Mademoiselle,

Je regrette de ne pouvoir vous envoyer mes vœux de Kléber, mais les… de Tanger où nous sommes… mois… oublier de le prendre.

Respectueuses salutations.

Denisor

Avec Yves de Kermabon

1907 – Lettre de Louis à Denise

Texte complet de la lettre de Louis.

J'en arrive enfin à la question qui doit t'intéresser le plus en ce moment et à laquelle tu dois penser sans cesse.

Les renseignements obtenus de K. sont très bons au point de vue militaire aussi qu’au point de vue moral. La situation de famille même sans fortune ne peut qu’être honorable. Ce Raffit, même aussi négligent, peut le savoir sans peine. Ainsi donc, ma chère petite Denise, en dehors des chances de bonheur inhérentes au caractère du conjoint futur, à sa bonne humeur, à sa bonté, tu as ce que tu désirais et qui n'est pas à dédaigner non plus, la particule. Grâce à elle, même sans trop de fortune, l’on est admis dans toute la bonne société. Il suffit que vous l’ayez pour que beaucoup de salons réputés très fermés vous soient ouverts. Dans une vie de garnison, c'est beaucoup. D’un autre côté, l’armée offre des avantages qui compensent un peu le côté pécuniaire de la situation. Ce M. de K. est un officier d’avenir, en tout cas, sorti de Saint-Cyr et ayant de nombreuses campagnes à son actif. Au Tonkin, il était chef d’une mission géographique où il a été apprécié. Il se pourrait fort bien qu’il rentre au service géographique de l’armée à Paris et alors c'est un peu de l’existence parisienne qui, même modeste, a ses charmes.

De plus, je te répète ce que j'ai déjà écrit à maman, la question d’âge en pareil cas n'est pas un obstacle. Un homme actif et vigoureux comme on l’a dépeint est encore très bien conservé à plus de 55 ans. Cela fait 15 ans de jeunesse pour ainsi dire. À ce moment, tu auras 40 ans environ et assurément tu trouveras encore fort bien ton mari, et la différence d’âge sera beaucoup moins sensible entre vous deux.

Si tu peux réussir dans ce mariage : si tes charmes, ta situation de fortune conviennent au prétendant, fais-le. Je ne crois pas que tu puisses trouver mieux. Bonne situation, gaité, santé.

En tous les cas, je ne le mets même pas en ligne de compte avec le fils Mabric qui n'a pas de situation, pas de fortune, pas de nom. Il n'a que la jeunesse pour lui, et à mon avis, si peu de différence d’âge; c'est souvent la brouille et les discussions plus tard. L’on n'a pas encore passé l’âge des folies.

Je ne dis pas pour cela qu’il ne fasse plus y songer ; si, une fois rentré en France, je pourrais discuter la chose avec vous, si le … échouait, mais de beaucoup de K. est préférable.

Voilà, ma petite Sined ce que mon affection pour toi me conseille de t'écrire. J'ai toujours cherché à faire ton bonheur. Je crois que tu y touches, tu brûles, comme l’on dit quand on est gosse et que l’on joue à certains jeu d’objets cachés.

J'espère que la prochaine lettre va m'annoncer l’heureuse issue de votre première rencontre et si vous vous plaisez mutuellement, allez-y carrément sans toutefois en faire grand éclat ni l'annoncer sur tous les toits tant que tout n'est pas entièrement fixé. Nous avons tant de jaloux.

1907 - Lettre de Louis à Louise

Texte complet de la Lettre de Louis

Je suis très heureux de toutes les bonnes nouvelles que j'apprends. C'est à peine si dans le dernier courrier j'ai pu t'envoyer quelques mots à la hâte sur une carte postale. Mais quoique laconique, c'était t'indiquer que ces pourparlers m'enchantaient et que je serais heureux de les voir aboutir.

Cette fois-ci, en même temps que ta lettre, je reçois un mot du commandant Karcher, avec tous les renseignements sur le bonhomme, il a dû te les faire parvenir.

C'est fois-ci on ne peut plus l’accuser de parti-pris et de jalousie. Je me souviens de ces propos tenus par Denise au sujet de mauvais renseignements obtenus sur certain candidat, qui pourtant n'était que roturier. Je suis heureux de voir aujourd’hui que c'était l’exacte vérité, telle qu’un ami peut l’obtenir d’un autre ami.

Il est même à se féliciter d’avoir un ami aussi dévoué qui puisse nous donner d’aussi précis renseignements. En tout cas, cette fois-ci, tout s'y trouve, moral, physique, santé, caractère. Tout est excellent et ces renseignements ne font que corroborer ceux du général Marin.

La question d’âge n'en n'est pas une. La différence n'est pas tellement exagérée qu’elle soit un obstacle à une semblable union. Une femme a du reste beaucoup plus de chances de bonheur avec un mari qui est son ainé de quelques années. D’abord elle trouve en lui un homme qui connait la vie qui peut la diriger et la protéger. Et puis à cet âge-là si un homme fonde un foyer, c'est pour être heureux chez lui avec sa femme et ses enfants. Dans ce cas-là, il faut bien peu de chose à la femme pour se faire adorer, pour être maîtresse incontestée, surtout comme Denis on a quelques atouts dans son jeu.

En un mot, ce parti me sourit beaucoup et si l’entrevue marche à souhait, je désire du fond du cœur la réussite de ce projet. J'y souscrit des deux mains et je serai en France pour accompagner Denise en cette douce circonstance.

Ps: je trouve le receveur des finances un peu trop mûr et pas même bon pour la soif.

1909, Mariage

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La Gazette de France, 29 juillet 1909

On vient de célébrer, en l’église de Villefranche de Lauragais, le mariage de M. de Kermabon, capitaine au 1er zouaves, chevalier de la légion d’honneur, avec Mlle Denise de Langautier, fille du commandant de Langautier, décédé.

Les témoins du marié étaient : le colonel du 1er zouaves et M. René de Kermabon, médecin-major au 41e d’infanterie, son frère ; ceux de la jeune mariée étaient : M. de Langautier, son frère, et M. Calès, ancien maire de Villefranche, conseiller général, son beau-frère.

Album des trois ans de vie commune

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Septembre 1914, Avis disparition Yves de Kermabon

Le capitaine de zouaves Yves de Kermabon, devenu notre compatriote par son mariage avec Mlle Denise de Langautier est tombé, l’un des premiers, sur le champ de bataille de l’Aisne.

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Chevalier de la Légion d’honneur depuis plusieurs années pour sa belle conduite dans les expéditions coloniales auxquelles il avait pris une part des plus brillantes, le vaillant capitaine a été cité à l’ordre de la …e division et dans les reliques de sa famille, la Croix de guerre viendra s'ajouter à la Croix d’honneur pour perpétuer sa mémoire et magnifier son courage.

En 1907
4 ans en Tunisie, 4 ans en Algérie, 3 ans en Indochine

Voici d’ailleurs les motifs vraiment exceptionnels de sa citation à l’ordre. Nous nous garderions d’y ajouter un seul mot qui ne pourrait qu’en déflorer la haute signification :

Le capitaine de Kermabon Yves, du 1er régiment de marche de zouaves.

Officier de grande valeur, capitaine adjoint au chef de corps, a donné le plus exemple de courage et d’énergie, assurant la liaison entre les diverses unités du régiment et la brigade, parcourant la ligne de feu sous un bombardement violent.

S'est particulièrement distingué dans les combats du début de la campagne de Belgique, sur la Marne et le 15 septembre, au Godet.

Le 20 septembre a été tué au poste de combat du chef de corps sur le plateau de Craonne.

Novembre 1914, lettre de Louis

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10 novembre 14

Ma chère petite Sined

J'ai reçu ces jours-ci deux lettres envoyées d’Asnières. Je comprends ton grand désespoir et je partage ta douleur affreuse. J'ai bien pensé à toi pendant ton triste voyage et malgré les heures douloureuses que tu as vécues. Je suis persuadé que tu en as rapporté du réconfort de sentir autour de toi la sympathie de tous en même qu’une affection très réelle et très sincère pour ton bien cher Yves. Ma grande chérie, le seul remède à ta douleur c'est le temps seul qui peu à peu atténuera son acuité et sa morsure brûlante pour laisser place à un souvenir moins amère de l'être aimé dont tu seras fière de pouvoir parler avec amour.

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Et puis, chère Denise, tu dois sentir que tu n'es pas seule ni abandonnée dans la vie ; nous t'entourerons de notre affection plus que par le passé, si c'était chose possible et tu sais fort bien que je suis encore là et que tant que j'existerai tu auras un appui tendrement affectueux et toujours fidèle pour te conduire parmi les écueils de la vie.

Pendant que tu étais à Paris, j'étais moi-même assez près car nous avons séjourné une huitaine de jours dans la région de Compiègne – Villers-Cotterêts – Soisson et j'ai même failli profiter d’une auto pour aller jusqu’à Paris.

Actuellement, nous sommes aux environs d’Ypres en Belgique et la bataille fait rage depuis notre débarquement. À peine descendus du train, nos troupes ont été transportées en autos dans les tranchées sur le champs de bataille et depuis plus de 10 jours nos admirables soldats résistent victorieusement aux attaques acharnées des Allemands pour percer nos lignes et arriver à Dunkerque.

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Jamais depuis le commencement de la guerre je n'avais entendu une aussi furieuse canonnade. Toute la journée les vitres tremblent et même la nuit quelquefois nous n'avons aucun répit. Quand revenu dans le calme de la paix, on lira les exploits de nos troupes dans ces contrées et la lutte gigantesque qu’elles auront livrées, l’on sera émerveillé, car si nous avons des Belges et des Anglais avec nous, nous sommes obligés de ne compter que sur nos propres forces, les Anglais n'étant pas toujours disposés à soutenir nos attaques ou à défendre leurs positions.

Une preuve que c'est une lutte à outrance et où il faut des caractères bien trempés, c'est que ces jours-ci, le haut commandement sentant des lenteurs et des hésitations dans le commandement de notre corps d’armée a nommé un autre général en remplacement du général Taverna. C'est le général Grossetti qui nous commande depuis deux jours. De ce fait, Caze n'est plus officier d’ordonnance et je ne sais encore quelles fonctions on va lui donner.

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Le chef d’état-major a aussi été changé et cela, personne ne s'en plaindra car avec lui, l’on vivrait dans une agitation perpétuelle.

J'ai reçu toutes les lettres de Jeanne et par elle j'ai su dans le détail de tout ce que vous saviez. J'ai lu aussi l’article du Lauragais tout à fait dans la note. Quant au passe-montagne que Jeanne me faisait, je lui ai écrit de le garder pour l’instant car j'en ai un que j'ai acheté à Nancy et dont je me sers actuellement.

Depuis quelques jours, le froid se fait plus vif et nous sommes réellement en hiver. Tous les jours un brouillard intense, froid et humide qui dure toute la journée. Mais tu sais bien que l’on s'habitue même aux plus mauvaises choses.

J'ai reçu hier une lettre de Mme de Ginesty qui me demande avec anxiété de la renseigner sur le sort de son fils. Je vais essayer de lui donner quelque espoir, mais je crains bien que son fils ne soit mort dans ces terribles journées du 20 – 21 août qui sont encore un cauchemar présent à ma mémoire.

Nous voilà aiguillés pour une campagne d’hiver si les Russes peuvent envahir la Silésie et pénétrés réellement en Allemagne, ce qu’ils n'ont pas encore fait, les Allemands seront obligés de réduire leur front de notre côté et ils se retireront sur un front plus étroit et quitteront le territoire français. Quel soulagement ce jour-là !

Repose-toi comme toujours sur ma bonne affection qui continuera à te guider dans la vie et reçois mes biens tendres baisers. Ne m'oublie pas auprès de maman et Jeanne.

Avec Henry Debray

Nouvel album pour la quinzaine d’année qu’a duré le ménage, interrompu, une seconde fois, par la mort du mari peu après le début de sa retraite. De beaux jours se préparaient pourtant avec l’installation à Villefranche dans une partie qu’il venait de faire aménager pour eux.

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Années 60

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