De nos familles féodales, il nous reste des emplacements perchés d’où ils pouvaient surveiller et voir venir.
Lieux perdus dans les piémonts, la puissance de leurs seigneurs n'était pas bien grande et la mémoire de leurs hauts faits s'est perdue depuis longtemps.
La famille de Montlezun est intéressante par sa permanence dans notre histoire et le pont vertigineux qu’elle nous propose entre l’antiquité romaine avec Flavia Romana, arrière-petite-fille de Tibère II, les Wisigoth maîtres de l’Espagne, le moyen âge et la guerre de cent ans, les guerres de religions, le xviiie et la noblesse désargentée.
La vision plus classique de l’ancien régime, considérait plutôt l’ancienneté du lignage Montlezun et son origine dans les duc de Gascogne. Ce sont ces derniers qui permettent de remonter la lignée agnatique jusqu’à un prince Wisigoth du vie siècle.
L’apogée est atteinte à cette époque avec Leovigildo, roi des Wisigoth et empereur d’Espagne. La conquête arabe termine en 711 le royaume Wisigoth, et nos garçons se replient d’abord dans le Pays basque puis en Gascogne dont ils deviennent Duc.
À partir de là, commence la litanie des puinés qui deviennent d’Astarac, Montlezun-Pardiac, Montlezun-Campagne. Leur histoire est celle des seigneurs ordinaires, qui vivent avec leur temps, c’est-à-dire répondent aux convocations de leurs roi, rendent quelques services et commettent quelques exactions, voire des meurtres. Ils finissent ensuite par recevoir rémission de leur roi. L’un d'eux est réputé s’être bien conduit au combat, mais le récit en a été perdu, c’est dire s’il a dû frapper les esprits. Au xiiie et xive ils auront les moyens de bâtir des petits châteaux qui devinrent les ruines que nous connaissons aujourd’hui.
Leur fortune reste conséquente jusqu’au xviie, il n’y a pas de trace de leurs revenus, seulement de certains mariages bien dotés.
Lorsque les deux jeunes messieurs de Montlezun montèrent dans les carrosses du Roi, le comte d’Artois dit, en riant, à Monsieur : « Mais, mon frère, il me semble que cela serait à nous à demander à « ces messieurs de monter dans les carrosses » ; faisant de cette sorte et d’après leur généalogie allusion à une ancienneté de noblesse que la maison de France elle-même ne pouvait établir. »
Hélas ! Il ne restait à ces MM. de Montlezun que cela de leur grandeur passée. Je ne sais ce qui avait préparé et consommé leur ruine, mais elle était totale. Cette famille, dans un état très voisin du besoin, habitait un logement fort mesquin, à l’entresol d’un hôtel garni de la rue du Mail, et vivait de la manière la plus économique, pour ne pas en dire davantage. Je me rappelle un jour que Mme de Montlezun avait un mantelet de soie noire déchiré : le comte s’en aperçut, ou plutôt ne put dissimuler qu’il s’en apercevait ; son orgueil en souffrit au point de lui faire dire tout haut :
– Madame, quel mantelet avez-vous là ?
– Quelque mantelet que je porte, il ne peut faire oublier que je suis la comtesse de Montlezun.
Malgré tout ce que cette réponse avait de fier ou de digne, comme on voudra, moi, présent et à peine âgé de quinze ans, je n’en rougis pas moins pour eux du sujet de l’apostrophe et de la réplique.
Général Thiebault
Les Auriol Langautier qui les rejoignent à ce moment n’y gagneront ni gloire, ni fortune.
La lignée trouve son origine au ixe siècle dans les Wisigoth présents à Barcelone où elle occupe une position de tout premier plan. Vers 1050, l’un des puinés vint tenter l’aventure de ce côté des Pyrénées et finit par s’installer à Marquefave au sud de Toulouse.
Vers 1200, ils relèvent le nom de Villemur apportée par une femme et jugé plus prestigieux et à la génération suivante, ils reçoivent la seigneurie de Pailhes à côté de Pamiers.
Ils vont ensuite prendre une part active à tous les conflits locaux du moyen âge et aux guerres de religions ce qui leur vaudra la reconnaissance d’Henri IV.
Jeanne est au xviie la seule héritière et apporte sa seigneurie aux Montlezun.
En 1097, Pierre-Raymond, le premier qui nous est connu, se distingue au siège d’Antioche où Raymond de Toulouse l’avait mis à la tête de l’avant-garde avec le vicomte de Castillon. Par la suite, il mourra de la peste.
Nos Hautpoul depuis leur petit rocher à Hautpoul au-dessus de Mazamet sont alors chevaliers au service des seigneurs de Carcassonne ou de Béziers.
En 1212, Izarn d’Hautpoul trouve la mort lors de la prise de son château par les Albigeois menés par Simon de Montfort.
Leurs successeurs vont rester dans ce petit périmètre au nord de Carcassonne.
Pour un motif encore à déterminer, ils obtiendront en 1734 un jugement de maintenu avec un titre de Marquis d’Hautpoul et nous laissent dans les archives des jugements à propos de vols de moutons ou de foin par leurs métayers.
Au xviiie Jean-Henri fera carrière au régiment Royal-Picardie avant de fonder foyer avec Anne de Foucaud et de s'installer à Versailles juste avant la révolution.
C'est autour de 1344 que nous trouvons les premières traces de Bernard de Bonne en albigeois. Vers 1361, il est juge criminel de Carcassonne et devient lieutenant principal du sénéchal de Carcassonne et de Béziers. Nommé chevalier, l’année avant sa mort, il s'est marié trois fois et son testament est celui d’un homme important dans son temps.
Son fils Philippe est en 1401 juge mage à Toulouse. Pressé d’intervenir pour calmer une sédition menée par l’université de Toulouse, il ne peut maîtriser la foule et trouve la mort.
Ses successeurs s'installeront dans de petits pays autour de Castres, comme Missècle dont nous avons des photos et traverserons les siècles dans un parfait anonymat, se contentant de diriger des compagnies d'hommes d'armes pour intervenir localement, ce qui fut notamment le cas pendant les guerres de religion.
Début xviie Sébastien fait un riche mariage qui l’amène à Saint Martin dans l’Aveyron à côté Cassagnes-Bégonhès où la famille restera pour les cinq générations suivantes.
C'est à cette époque que la famille tentera d'améliorer radicalement son lignage en s'inventant une parenté avec François de Bonne nommé duc de Lesdiguières par Henri iv ; ce qui la conduira à abandonner l'ours des armes médiévales de Bernard pour le lion de François !
C'est un fait acquis, il n'y a pas dans l’histoire des de Bonne de faits d’armes, de coup politiques, de réussite financière à même d’assurer la renommée de la famille. Bernard de Bonne vers 1890 avait même commencé un grand cahier pour les y rassembler, il est désespérément vide.
Nos ancêtres du xviie, forts des principes qui ont toujours mené l’aristocratie, n'avaient aucun scrupule et n'ont pas hésité à s'inventer un ascendant dans François de Bonne, duc de Lesdiguères. Comme on dit, ça en impose, mais c'est impossible puisque François est sans postérité male.
A la suite de quoi, fin xixe toutes nos familles de Bonne avaient dans leur salon de petit tableautins représentant François. A ceux qui leur faisaient remarquer la difficulté généalogique, ils opposaient l’argument imparable de la similitude des blasons. Plus personne n'imaginait plus que cette similitude était en fait une appropriation du xviie.
La Révolution enverra Justin sur les chemins de l’Emigration. En rentrant, il épouse Antoinette de Saint-Martial qui décèdera très vite (elle n'avait que 21 ans).
Justin, puis Casimir et enfin Bernard trouveront dans les demoiselles Pigot, Sahuqué et Lamarque les fortunes qui leur faisaient défaut au détriment du compte de leurs quartiers de noblesse, mais comme le disait Casimir : Quant à sa noblesse, j’en ai assez pour deux et je tiens fort peu à cet apport matrimonial.
Joseph (pour nous un lointain cousin) trouvera la mort en septembre 1915 et terminera tout espoir de poursuite du lignage mâle, mais c'est Bernard (notre aïeul) qui le terminera dans les faits à sa mort en 1940.