Nos Auriol sont bien, dès le xvie siècle, des bourgeois du Lauragais. Installés à Loubens-Lauragais, portés par l’économie du pastel, ce sont six générations de marchands, qui s’associent, investissent, administrent leur cité, prennent des risques pour gagner leur vie et assurer l’avenir de leurs enfants. Deux siècles de labeurs pour une belle continuité qui est loin d’être courante et qui inscrit les Auriol au rang des anciennes familles.
Maintenant, il y a aussi Langautier, c’est-à-dire une belle métairie à deux paires et d’un seul tenant dont les contours n'ont pas bougés depuis le haut moyen-âge et sont toujours visible sur le cadastre.
La propriété foncière s’organise autour de 4 types de terre : les circuits de terre d’un seul tenant, les champs, les vignes et les près. La surface moyenne des circuits de terre est d’environ 20 ha, soit une borde à 2 paires de bœufs. Les propriétaires qui parviennent à ce niveau sont rares. Le plus grand nombre arrive difficilement à réunir suffisamment de terres pour une paire de labourage (autour de 12 ha). Accéder au circuit de terre est signe à la fois de consécration sociale et d’efficacité économique.
Roger Maguer (2003) De la cocagne au blé via PyréGraph
La seigneurie c'est parce que Langautier appartient quand Bertrand l'achète à une famille Foucaud dont les premières traces apparaissent au xiiie du côté de Gaillac. Au xviie, c'est Germain de Foucaud qui se présente seigneur de Langautier et de Mouzens, c’est-à-dire dans la langage moderne que l’ancien maître est en fait propriétaire de deux métairies, c'est dire si ses revenus sont limités. Son fils Guérin, dernier seigneur de Langautier, finira par être obligé de céder sa borde à nos Auriol.
Un siècle plus tard pour les deux générations du xviiie, Langautier devient la porte d’entrée dans le temps des vanités qui a remplacé celui où les seigneuries avaient de la consistance :
Que dire de l’usurpation ??
On a souvent dit que l’usurpation était l’une des plus fortes bases des sociétés : cela est profondément vrai en la matière qui nous occupe. Combien trouvera-t-on […] de familles aristocratiques, et non des moindres, dont le seul titre de noblesse est de s’être imposées aux contemporains !!
Nous avons vu que rien ne distinguait extérieurement le gentilhomme des roturiers possesseurs de fiefs. Une fois pourvu d’un titre seigneurial, le bourgeois riche et qui savait imposer sa valeur personnelle s’alliait à la noblesse qui se solidarisait avec lui. Tous n’y réussissaient pas.
Mais, en définitive, la consécration par les pairs restait la seule règle qui permettait, à défaut d’origine, de reconnaître un gentilhomme d’un usurpateur.
Jean Ramière de Fortanier Les droits seigneuriaux dans la sénéchaussée et comté de Lauragais (1553-1789)
« Au gré des ventes ou des partages [dans la société du Lauragais au xviiie], les seigneuries ont perdu toute consistance ; bien rares sont celles qui appartiennent à d’anciennes familles ; au mieux il s’agit de bourgeois enrichis et anoblis, mais plus souvent encore de paysans parvenus, intendant ou régisseurs prenant la place de leurs anciens maîtres. Au temps des privilèges a succédé le temps des vanités. »
Paul Ourliac (1981 ) préface à la réédition de 1981 du livre de Jean Ramière de Fortanier, op. cit.
Jugez par vous-même :
Retenir :
Les maisons
Loubens, au moins depuis Jean en 1500, Arnaud en 1538, et par Jean achète une maison et un pâturage en 1577, Bertrand décède dans sa maison d’En-Faysset, Jean-Pierre achète une maison en 1709 ;
Langautier, acquisition par Bertrand en 1632, puis y vivront Marie de Puybusque et ses filles jusqu’à la révolution, Joseph un moment puis Henriette la fille d’Antoine au xixe ;
En Bermond entre Langautier et En Baysse, acquise par Henriette en 1783 ;
Vendine, acquise par Bertrand, Pierre s’y est marié en 1660, Antoine y habitait à la Révolution avec Henriette ;
Les métairies :
Langautier à Auriac, acquisition par Bertrand en 1632, deux paires de bœufs, plus une paire de vaches, une de génisses et une paire de taureaux, deux juments ; elle a (ainsi qu’En Baysse qui suit) appartenue à Jeanne en indivision avec son neveu Joseph puis à sa sœur Victoire qui l’a ensuite transmise à Henriette la fille d’Antoine ;
En Baysse à La Salvetat (48 000 livres), acquise par Bertrand, deux paires de bœufs, plus une paire de vaches, une de génisses et une paire de taureaux, une jument et un poulain ;
En Clos à Vendine ;
La Calèche et Les Bruzes à Bannières (10 000 livres) ;
? à Loubens (20 000 livres) ;
Louis de Langautier s’est intéressé en 1950 aux Auriol de l’époque médiévale. Il n’a cependant, pas plus que les Auriol du xviiie, jamais trouvé le chaînon manquant entre ceux-ci et nos Auriol de Loubens.
Marcellin et Albert sont très probablement de la génération qui a adopté ces armes oubliées ; ils les feront graver ou dessiner un peu partout ; Louis, puis Jean les porteront sur une chevalière en platine ; elle est aujourd’hui bien rangée dans une boite chez Grégoire pour définitivement clore le temps des vanités.