Valentin neveu Mise à jour décembre 2018
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1921, Légion d'honneur

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Monsieur Valentin Cabanat, lieutenant d’Artillerie au 1er régiment d’Aérostation est informé par arrêté ministériel du 16 mars 1921,… Croix de chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’honneur lui a été concédée.

Rue des Vignes à Semur en Auxois

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Services successifs
Blessures

Le 18 septembre 1914 à Varennes (Meuse) atteint par éclats d'obus à la partie supérieure de la fesse gauche, guérison sans complication.

Citations

Lettres du front

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Le 19 août 1918,

Cher oncle et chère tante et chère bonne maman

Prosper n'a peut-être devancé en vain… ces jours-ci. J'ai eu le plaisir de passer deux jours avec lui. Je lui ai trouvé une mine superbe. Il est frais rasé, il est beaucoup mieux qu'avec sa barbe naissante. Il a tout à fait bonne allure de jeune sous-lieutenant.

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Son capitaine actuel est un de mes camarades de Blois que je connais depuis 15 ou 16 ans.

J'ai fait avec Prosper une bonne promenade à cheval. Nous avons causé longtemps. Il rappelait le souvenir de l’année dernière à pareille époque, il était en vacances.

Il ne se fait pas de mauvais sang, il envisage sans peur la possibilité de faire encore un an de guerre. Il prétend qu'il n'a jamais été aussi heureux et il souhaite de mener toujours une vie mouvementée et pleine d’imprévu.

Moi-même je suis en très bonne santé, le moral est bon et pourvu que les civils tiennent, nous sommes sûrs de tenir.

Tout le monde envisage la campagne d’hiver comme très possible. Nous avons passé un hiver, nous en passerons bien un autre, surtout, nous pourrons nous servir des connaissances résultant de l’expérience. A mon avis, nous ne serons pas trop malheureux.

Et vous, comment allez-vous ? Vous préparez vous aussi pour la campagne d’hiver ? L’année prochaine, en été, nous irons, Prosper et moi vous raconter des histoires du fron.

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Le 19 août 1915,

Cher oncle, chère tante, chère bonne maman,

Jean Coderch est retrouvé, vous le savez probablement. Ma tante Louise m'a écrit qu'il était en Saxe. Il a encore de la chance de s'en tirer à si bon compte.

Bien le bonjour tante Justine et à mes cousines Marthe et Thérèse.

Bien affectueusement

Valentin Cabanat

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Envoi de Valentin Cabanat, 118 artillerie lourde, 3e groupe de 105 longs, secteur 150

4 novembre 1916,

Chère tante, chère bonne maman, chère Justine,

Je deviens un habitué de l’arrière. Sitôt mon stage fini ; le groupe a été envoyé au repos. Je suis à Dury, sud d’Amiens dans un petit village très gentil.

Je reçois votre lettre dans le château que j'habite avec le chef d’escadron. C'est chic d’être adjoint au commandant ; on est toujours bien logé. Le château est habité, il a l’aspect d’une maison civilisée, civilisée veut dire, je crois, habitée par des civils, c'est du moins la définition qu'on peut lui donner, les bottes raisonnent moins sur des tapis que sur du parquet.

Il y a des tentures partout, l’éclairage électrique. J'ai l’eau dans ma chambre, un lit avec des draps à jour et brodés, c'est plus agréable que la guitoune du front. J'en profite pendant que j'y suis, je vous réponds que mon lit ne chôme pas, je l’utilise au maximum.

Nous sommes ici jusqu'au 12 officiellement, nous aurons peut-être quelques jours de prolongation, c'est à souhaiter. Reprendre le bled avec la boue, ce n'est pas souriant.

Les permissions sont avancées avec le repos, mon tour viendrait fin novembre. Si Prosper est là à ce moment, je serais heureux de le voir. Je vous ai demandé son adresse exacte, vous avez oublié de me la donner sur votre dernière lettre. Je suis très heureux de le savoir en bonne santé. Je voudrais le savoir dans un autre endroit qu'à Verdun.

Voilà l’hiver, les coups durs vont diminuer, on ne peut pas marcher dans 1 mètre de boue. Armer des batteries lourdes devient un problème insoluble par mauvais terrain. Les Boches sont logés à la même enseigne que nous à ce sujet-là. Il faut s'armer de patience pour passer l’hiver. Ne vous faites pas de sang pour nous, le moral est bon, ne pas s'en faire, on les aura mais ce sera long.

J'attends une lettre de tante Louise, je leur ai écrit quand j'étais à l’école d'antenne.

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Tant mieux si vous prenez l’hiver par le bon bout, vous n'aurez pas besoin d’aller faire du service en campagne, ce n'est pour vous qu'une question de feu et de bourrelets aux fenêtres, il ne faut pas se négliger, tout est là. Quand il fait mauvais, vous n'avez pas besoin de sortir. L’été qui suivra la guerre, nous oublierons tous les mauvais moments passés pendant la durée des hostilités.

Un affectueux souvenir, mes cousines et tante Juste.

Je vous embrasse toutes très bien affectueusement.

Valentin Cabanat

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Secteur 150, le 15 septembre 1916

Chère tante, chère bonne maman, chère Justine

J'ai reçu coup sur coup votre lettre et celle de Ninine. Cette dernière m'a donné l’impression qu'elle avait été dictée par vous et m'a prouvé une fois de plus vos aimables intentions à mon égard. J'ai reçu aussi une lettre de Prosper dans laquelle il raconte les principaux faits de sa courte permission.

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Il a eu le bonheur en si peu de temps de voir toute la famille ; il en est très heureux. Pour mon compte personnel, je suis dans la même région mais nous avançons tous les jours. J'en suis en un mois à mon troisième poste de commandement et toujours vers l’avant, c'est beau. J'ai vu hier tous les camarades de mon ancienne batterie. Je me suis renseigné, la division de Prosper n'est pas encore en vue. Quand nous pourrons nous voir, ce sera un plaisir. La guerre se continue, petit à petit, il devient même inutile d’en parler. Ici, nous avons l’impression de la guerre de mouvement comme on la faisait au début, mais avec des moyens beaucoup plus puissants.

Je suis toujours en parfaite santé, mon travail me laisse beaucoup de loisirs. J'ai l’entreprise des constructions. Je fais la reconnaissance du P.C. Je dirige les travaux et quand nous l’occupons, c'est le repos presque complet pour moi. Le commandant est très gentil pour ses adjoints. J'ai des camarades charmants, tout va pour le mieux dans ce monde si bouleversé. Sous les beaux jours, votre santé se maintient-elle au bon ? J'espère que oui.

Pour la question de ma visite, … je l’avais faite sans rien dire à personne ; je n'oublie jamais que j'ai dans la famille de l’oncle Joseph une bonne place près du foyer. Je n'ai jamais pris part aux discussions, j'ai toujours eu trop d’affection pour eux tous, pour les manquer en quoi que ce soit.

Bien le bonjour à tante Juste et à mes cousines. J'aurais d’autres histoires à leur raconter à ma prochaine permission.

Bien affectueusement à vous

Valentin Cabanat

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27 décembre 1916

Chère tante, chère bonne-maman, chère tant Justine

Je ne sais pas si je m'y prends assez tôt pour vous faire parvenir mes vœux, avec la censure de Narbonne on ne sait jamais sur quel pied danser. Je vous souhaite une bonne et une heureuse année, une bonne santé et pour la satisfaction morale, la fin aussi prochaine que possible de cette horrible guerre. La fin des hostilités, en nous libérant, adoucira beaucoup votre vie en supprimant cette torture morale si aigue et très pénible parce que continue depuis si longtemps.

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Je suis rentré de permission le 19 au petit jour après un voyage long et assez pénible. Deux nuits en chemin de fait sont bien longues. J'ai eu la chance de retrouver mon groupe au repos au même endroit. Je n'ai pas eu la peine de me mettre à sa recherche à travers le bled de la Somme. Je crois que le commandement nous gâte en nous maintenant au repos un temps aussi prolongé.

Je souhaite que cette bonne vie dure encore une partie de l’hiver, la mauvaise saison étant particulièrement pénible sur le front.

Vous avez peut-être Prosper parmi vous ? J'ai eu jusqu'au dernier jour l’espoir de le voir à son passage à Perpignan. Il était écrit que nous n'aurions pas le bonheur de nous voir, c'est toujours de la faute de la guerre.

Nous venons de passer les fêtes de Noël, nous avons profité du repos pour fêter cet anniversaire un peu mieux qu'on le fait en position.

Un infirmier du groupe nous a dit la messe de Minuit dans l’église du village que nous occupons. La cérémonie fut très belle, un grand nombre d’artistes du groupe avaient prêtés leur concours pour la partie chant, c'était très bien.

Ici, c'est l’hiver dans toute son horreur. Il pleut tous les jours, une boue visqueuse règne dans le pays, c'est gras, c'est humide, c'est dégoutant. Ce n'est cependant rien en comparaison de l’humidité dont souffrent nos pauvres fantassins.

Enfin, Dieu fait bien… fait ce qu'il conserve et il conserve bien. Espérons avec son aide, la fin prochaine de ces tortures physiques et morales. Je suis sûr que Prosper appréciera autant que moi son court séjour parmi vous et ne regrettera qu'une chose, c'est de na pas avoir une prolongation de quelques jours lui permettant de passer l’hiver au sec.

Soyez assez aimable pour présenter mes vœux à tante Juste et mes cousines.

Bien affectueusement à vous.

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3 avril 1917

Chère tante, chère bonne-maman, chère Justine

Je reçois presque en même temps une lettre de Prosper et la vôtre. Toutes les deux m'annoncent cette bonne Juste malade. Je suis un peu rassuré par celle de Prosper qui me dit qu'il y a un mieux sensible le jour de son départ. J'espère qu'avec les beaux jours la convalescence ne sera pas longue et que l’été replâtrera ses poumons pour de longues années. Bonne-maman prête son concours pour donner à la maison l’allure d’un hôpital temporaire, on n'a pas toujours 20 ans ! Il ne faut pas lui dire, elle serait capable de se fâcher.

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Le soleil du mois de juillet sera le meilleur baume sur ses douleurs.

Prosper est très heureux de sa bonne permission, il n'est pas enthousiasmé des gens de Prats. La grande majorité des indigènes a bien mauvais esprit.

Je vous prie de m'excuser si je ne vous ai pas parlé du colis de suite, je vous avais laissées longtemps sans nouvelles.

Je suis bien content de votre consentement pour Prosper, il sera bien plus heureux dans l’aviation sans courir plus de risques. Il y a de longs temps morts loin des lignes qu'on passe bien plus agréablement que dans la boue des tranchées.

Je suis bien content de mon nouveau filon, je voudrais bien en voir un pareil à Prosper.

Je reçois des nouvelles d’Avignon, Papa a pris ses dispositions pour planter des pommes de terre. Les crises me font rire. On parle de cultiver les fortifications, les plats de salade sur la fenêtre. On ferait bien mieux de cultiver toute la terre des champs qui restent incultes parce qu'il n'y a personne. Ces terres rendraient certainement plus que les pots de fleurs de toutes les fenêtres.

Nous en finirons bien un jour, je ne sais pas lequel mais ça viendra, soyons patients.

Pour ma permission, je crois que je vais tirer la langue un petit moment lorsque les circonstances seront plus favorables. En ce moment-là, je serai moins pressé et je pourrais plus facilement l’allonger de quelques jours.

Je suis toujours en très bonne santé, pas besoin de s'inquiéter pour moi.

Bonne santé pour mes tantes.

Bien affectueusement à vous

Valentin Cabanat

70e compagnie d’aérostier, secteur postal 223

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29 avril 1917

Chère tante, chère bonne maman, chère Justine

J'ai reçu hier seulement votre colis. Il a mis un temps pour venir, c'est effrayant. Je vous remercie vivement, il est arrivé en très bon état et m'a fait un vif plaisir. Après une période où nous avons mangé du singe et de biscuit plusieurs jours de suite comme aux temps les plus durs du début de la campagne.

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Les saucissons et le boudin ont apporté un agréable changement à l’ordinaire. Le coup de feu est apaisé, nous avons repris une vie un peu plus calme et beaucoup plus régulière.

Je reçois une lettre de Prosper du 9 avril, il me dit qu'il est dans les environs. Il y était ce jour-là ? Je ne vois personne portant ses écussons, peut être le bureau du colonel seul est-il là ? Je vais faire des recherches et nous aurons sans doute le plaisir de nous voir.

La saison devient de plus en plus agréable. Les arbres s'obstinent à ne pas verdir. Les malheureux ont tant souffert, ils sont décapités, arrachés par des milliers de plaies, ils se demandent si c'est bien la peine de pousser de nouvelles feuilles pour les voir tomber comme les précédentes. Nous avons l’avantage de manger de superbes salades de pissenlits et de… c'est un vrai régal quand on est privé depuis longtemps.

Je suis toujours en parfaite santé, la vie à la campagne a du bon. Je ne vois pas du tout arriver ma permission. Je m'attends à la voir se déclencher d’un seul coup en quelques jours. Elle sera toujours bien venue.

La maladie de cette bonne Justine est-elle finie ? Je souhaite que oui, voilà le printemps, les beaux jours viendront à Prats comme ailleurs, il faut l’espérer, et avec eux, la santé et la bonne humeur.

Je ne vous dis rien de la bataille, ma lettre risquerait d’être censurée et puis je n'aime pas parler de ces vilaines choses. Vous constatez comme moi la réduction des manchettes sur les grands quotidiens, jamais plus je ne serai optimiste, je resterai toujours patient et résigné.

Bien affectueusement à vous trois.

Valentin Cabanat

70e Compagnie d’aérostiers, secteur postal 77 – Remarquez le changement de secteur postal.

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Septembre 1917,

Chère tante, chère bonne maman, chère Justine

Je vous prie de ne pas faire attention à mon écriture, j'ai un bobo au radius droit, le pansement me gêne beaucoup pour tenir mon porte-plume. Je regrette beaucoup de vous avoir fait attendre de mes nouvelles. Votre lettre m'a rappelé mes devoirs. Je vois que vous connaissez peu ma puissance à produire de la prose.

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Je m'en accuse, j'attends toujours à la dernière minute pour écrire, le moindre motif me semble bon pour remettre à un autre jour l’accomplissement de cette petite mission.

Votre lettre m'a fait bien plaisir, je suis heureux de vous savoir en bonne santé. Vous avez assez de soucis moraux sans être malades par-dessus le marché.

Je n'ai pas de nouvelles de Prosper, vous m'en avez donné, j'en ai eu beaucoup de plaisir. Je me doutais qu'il était en ligne puisqu'il était convenu que s'il restait au repos, il me convoquerait auprès de lui. Tout arrive, il suffit d’attendre, nous finirons bien par nous trouver. La paix elle-même arrivera à son heure.

C'est un fait prouvé par l’expérience, il n'y a pas d’exemple de pluie qui n'ait cessé ; alors attendons avec beaucoup de patiente.

Je suis sans nouvelles d’Onzain, je sais la piste peu praticable, je ne crains pas une incursion des sous-marins Boches dans ces parages. Je suis toujours en parfaite santé, mon coin, jadis très agité, est devenu d’un seul coup d’un calme reposant. Mon unité est au repos sur place, on envisage la possibilité d’aller plus en arrière. Je vais tâcher d’obtenir 48 heures pour aller faire un tour à Onzain, c'est facile à exécuter. Je ne leur écris pas ce projet, ça porte malheur et le projet rate, j'en ai fait l’expérience l’hiver dernier.

Conservez une bonne santé et armez-vous de beaucoup de patiente. A bientôt le plaisir de voir Prosper. Votre neveu et petit-fils qui vous embrasse.

Valentin Cabanat

70e compagnie d’aérostiers, secteur postal 102

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6 mars 1918

Chère tante, chère bonne maman, chère Justine

Je suis toujours vivant et en très bonne santé. Les apparences et l’absence de nouvelles pourraient faire croire le contraire. Ma permission s'est terminée dans de très bonnes conditions, je suis revenu dans mon château.

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J'ai trouvé à mon arrivée une longue lettre de tante Louise. Marie-Louise a faille se trouver à Paris lors du raid des Gothas. Leurs cousine Morin leur a écrit, sa lettre, me dit notre tante, parait écrite sous le coup d’une violente émotion. J'ai eu une carte de Prosper me promettant une longue lettre. Comme il n'est pas beaucoup plus épistolaire que moi, je crains d’avoir longtemps à attendre sa longue missive. Je vais quand même lui répondre.

L’hiver que nous croyions fini a repris ces jours derniers. Par deux fois, nous avons eu des chutes de neige. C'est plus froid mais moins dangereux que des bombes ou des obus.

J'ai trouvé ici, en rentrant, des camarades officiers américains. Ils sont avec nous pour leur instruction militaire. Nous arrivons à causer, moitié en français moitié en anglais, on fait des gestes, des dessins, c'est très amusant. Ces braves gens ont un moral excellent. C'est très bien, quand on examine de près leur situation. Ils ne comptent pas avoir de permission avant la fin de la guerre. Ils reçoivent des lettres vielles de deux mois, et tout ça pour la cause du droit et de la liberté.

Avez-vous vu Prosper en permission ces temps derniers ? Il est peut-être parmi vous en ce moment.

Bonne santé et ne vous faites pas trop de mauvais sang.

Je vous embrasse toutes trois.

Valentin Cabanat

70e compagnie d’aérostiers – secteur postal 181

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20 mars 1918

Chère tante, chère bonne maman, chère Justine

Je vous écris, encoure sous la bonne impression de la visite de Prosper. Le front Est est petit, nous avons passé une partie du dimanche ensemble.

Je ne l’avais pas encore vu dans son uniforme de chasseur. Il est très bien ainsi, il a complétement oublié le temps où il était biffin.

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Il compte partir en permission à la fin de son cours, vous l’aurez à Prats à la fin du mois. Il m'a dit que vous n'aviez rien reçu de moi depuis ma permission, j'en suis surpris, je vous ai écrit une fois, en même temps qu'à la bande de Louise.

J'ai reçu hier une lettre de tante Louise, elle attend Madeleine en vacances à Pâques. Els sont inquiets sur le sort de Jean, ils ont une lettre de décembre, et rien encore de 1918. Madeleine n'est pas en sureté à Saint-Bessis, au premier raid, il est tombé deux bombes dans le parc du pensionnat. J'ai appris la mort de tante Antoinette. J'ai su quel mauvais temps vous avez subi pour aller à son enterrement. La pauvre femme aura bien souffert pendant les deux dernières années de sa vie. J'ai écrit à Thérèse n'ayant pas l’adresse exacte de Valentin.

Papa est à Avignon avec un gamin de 16 ans, c'est malheureux à son âge d’être si pauvre en personnel. Je crois qu'on va lui envoyer un territorial en sursis pour quatre mois.

Je vais très bien pour le moment, J'ai été attaqué dernièrement, le boche s'est tenu trop loin. J'ai été cité à l’ordre du corps d’armée, c'est une banane de plus comme dit Prosper.

Que devenez-vous à Prats ? Nous avons ici un mois de mars délicieux, s'il fait aussi beau là-bas, les feuilles doivent pousser. Vous allez passer quelques moments agréables avec Prosper. Je lui ai donné la commande pour l’électricité du 2e étage. Je pense qu'il me fera ce petit travail, il vous apporte du fil.

Bonne santé et bonne permission pour Prosper.

Je vous embrasse affectueusement toutes les trois.

Valentin Cabanat

70e compagnie d’aérostiers – secteur postal 181

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3 juillet 1918

Chère tante, chère bonne maman, chère Justine

J'ai reçu votre lettre et votre carte. Je ne changerai pas, je serai toujours aussi paresseux pour écrire. Je pense souvent à vous, mais je remets de jour en jour pour vous écrire.

Je n'ai pas vu Prosper mais je l’ai entendu au téléphone. Il va certainement très bien.

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Je suis tout seul comme officier à la compagnie. Je ne peux pas m'absenter ou bien il faudrait un temps épouvantable ce n'est que dans ce cas que le ballon est sûr de…

Votre lettre me disait la maladie de bonne maman. Je pense qu'elle mieux avec les beaux jours. Les organes sont encore sains, elle prendra le dessus sans grande difficulté.

Tante Louise m'écrit qu'oncle Joseph est malade, il est affaibli, maigri, il ne va pas du tout, c'est grâce aux bons soins dont on l’entoure qu'on lui donne de l’air bien portant. Ils n'ont pas l’espoir de voir Jean échangé de suite, les prisonniers de 1914 sont tellement nombreux que son tour sera très retardé ?

Je pars en permission dans quelques jours, si elles ne sont pas supprimées de nouveau. On ne sait jamais sur quel pied danser.

Papa est la famille sont rentrés à Perpignan depuis le 27 juin. Je n'ai pas encore de lettre de Perpignan, la dernière d’Avignon me disait qu'ils étaient contents de la saison, jamais on n'aurait eu un pareil chiffre pendant la guerre. Je crois que papa sera bien fatigué après une saison pareille. J'ai hâte d’y aller en permission pour le voir.

Je suis en parfaite santé, j'ai demandé à quitter l’observation, je suis officier de manœuvre, c'est un peu plus tenu mais beaucoup plus sûr, surtout à présent où le boche attaque tous les jours les ballons.

Je vous prie de m'excuser si j'ai mis si longtemps à vous répondre, le cœur y est, la plume se décide beaucoup plus lentement.

A ma permission, j'irai vous voir, je compte trouver la maisonnée en bonne santé, ainsi que Thérèse Coderch, rappelez-moi au bon souvenir de tante Juste et des cousines.

Une grosse embrassade.

Valentin Cabanat

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La Maison Dieu, le 10 juillet 1918

Chère oncle, chère tante, chère bonne maman

Le temps passe tellement vite au front que j'ai oublié de vous écrire. Je viens de m'apercevoir tout d’un coup qu'il y a huit jours j'étais avec Prosper et je n'ai pas pris un moment pour vous en parler.

Nous étions ensemble le 4 juillet dernier, je suis allé le dénicher aux cotés de… dans son village négre.

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Je l’ai trouvé en très bonne santé, il a une barbe déjà respectable qui lui donne tout à fait l’allure d’un poilu, d’un vrai poilu de la guerre actuelle.

J'ai été présenté aux officiers de sa compagnie. Ces messieurs sont très bien et ont un extérieur très sympathique. Il est dans une bonne compagnie et me parait satisfait du sort qui lui était réservé. J'ai pris rendez-vous pour le 15. A tous les repos nous pourrons nous voir, je monte à cheval et en un temps de trot nous sommes ensemble. C'est un plaisir pour tous les deux de passer quelques heures pendant lesquelles nous causons de la famille et de la possibilité de rentrer ensemble faire un tour à Prats. J'ai vu aussi Jean Coderch. Pour lui, ce n'est pas facile. Il fait partie de la même division que moi, nous sommes souvent plus près que Prosper et moi. Jean se porte comme un charme, il prend la guerre comme il faut la prendre, c’est-à-dire par le bon côté.

Nous admettons tous ici la possibilité d’une future campagne d’hiver sans nous affoler pour si peu. Nous sommes habitués à la guerre à présent, c'est presque notre vie normale. Nous sommes arrivés à une habilité remarquables pour nous installer quelque part. On dort bien partout, bon appétit. La santé est très bonne, le moral excellent que voulez-vous de mieux ?

Conservez-vous en bonne santé, bien le bonjour à mes cousines et à ma tante Juste.

Bien affectueusement à vous.

Valentin Cabanat

45e artillerie, 3e groupe, 9e batterie – secteur postal 59

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Ne vous en faites pas pour moi. Nous aurons les Boches, c'est un fait indiscutable mais il faut aller doucement, ces… se défendent bien, leurs positions sont solides et ils occupent solidement.

Ah une triste nouvelle. Jean Coderch est disparu depuis l’attaque du 13 juillet.

Il était… que sa compagnie toute entière était disparue. Je me suis renseigné, ils sont

… J'ai

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fatigué sera durement éprouvé. J'ai de bonnes nouvelles de Prosper, il n'y a rien eu de son côté le 13. J'ai envie de m'arrêter. Ma lettre vous épatera peut être mais ce soir, je suis en verve et puis j'ai du plaisir à vous écrire et vous encourager.

Bien le bonjour aux naturels de dépôt.

Votre fils qui vous embrasse.

Valentin Cabanat

Secteur 59

Ah! j'oubliais, j'ai reçu hier des nouvelles d’Alice. Il parait qu'Albert est fatigué par le travail. C'est beau, il y a…

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Auch, le 12 janvier 1946

Chère tante Thérèse,

Nous avons été bien touchés par la mort de cette pauvre tante Justine. Nous la savions frêle et agitée mais nous ne nous attendions pas à cette triste nouvelle. Votre télégramme m'a été transmis par téléphone à Condom, je suis rentré à Auch de justesse pour envoyer le mien. Le lendemain, je partais en cours à Mirande.

Je vous souhaite, puisque désormais vous êtes seule, une bonne et heureuse année, en bonne santé surtout et de la réussite à la Coste.

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Chez nous, ça ne va pas, je suis surmené depuis deux mois, pas par le travail mais par la vie que je mène dans ma famille. La mère d’Elise est morte le 17 décembre. Elise était déjà très souffrante, elle a aggravé son cas en allant chez sa mère, depuis elle garde le lit avec bronchite, albumine, colibacilles. Elle s'est levée un peu cet après-midi pour la première fois. Comme elle était d’un secours impossible chez elle, c'est moi qui suis allé y coucher sans me déshabiller dans la chambre de la malade qui criait toute la nuit. J'étais là pour aider une religieuse de veille le cas échéant.

La nuit du lundi, elle est morte et je lui ai rendu les derniers devoirs en lui fermant les yeux et en l’habillant. C'est pour cela que je m'étais fait nommer à Auch.

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Elise garde le lit, j'ai loué une femme qui peut faire la cuisine de 11h à 4h, le reste, je le fais après mon bureau. Il est vrai que l’été je travaille le jardin aux mêmes heures.

Les enfants vont bien. Roger est à Toulouse à la SNCF, Martine est étudiante en droit en 1ère année à Toulouse.

Vous nous écrirez comment est morte cette pauvre tante Justine. Elle était si pieuse, elle aura droit à la considération du bon Dieu.

Comment allez-vous organiser ?

Si Prosper et sa famille sont auprès de vous comme je le suppose, rappelez-les à notre bon souvenir.

Je vous laisse, je pars du bureau faire l’infirmier et le cuisinier. Toute la famille vous embrasse bien affectueusement.

Bons baisers de votre

Valentin

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Auch, le 6 janvier 1947

Bien cher tous

J'ai beau me remuer, je suis toujours en retard pour vous envoyer mes vœux.

Je vous souhaite une bonne et heureuse année, une bonne santé et beaucoup de réussite dans vos entreprises extra-administratives.

Je suppose que tante Thérèse est auprès de vous et bien ainsi. Je ne lui envoie pas mes vœux à Prats. Je lui souhaite une bonne santé lui permettant d’ajouter une nouvelle année, en attendant les suivantes, à son âge déjà impressionnant.

Pour Lilette et Annie, beaucoup de succès scolaires. Marthon avait été collée à l’oral de son examen de Juillet, elle a été reçue en octobre et est élève de 2e année de licence à Toulouse. Elle est bien installée, Roger lui a trouvé une bonne chambre vers le marché des Carmes et elle prend ses repas à la maison des étudiants. Elle est venue passer les vacances de Noël dans un état de santé resplendissant.

Où en est Lilette de ses études ? Nous n'avons pas eu de nouvelles depuis l’épreuve du bac Juillet.

Je me plais à vos croire en bonne santé malgré la vague de froid qui a sévi en décembre. J'ai pensé à vos grandes pièces que vous devez avoir du mal à tenir chaudes.

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Je m'organise dans la solitude, la première épreuve a duré du départ de Mathieu aux vacances de Noël, soit 40 jours environ, tempérés par quelques visites de Roger le dimanche. Marthau a son retour m'a trouvé très bonne mine et je constate que j'ai pris un peu de poids.

Pendant le travail je ne souffre pas trop mais quand je rentre à la maison je trouve que c'est bien grand et bien froid sans la présence de ma chère Elise.

Les enfants sont venus auprès de moi pendant les vacances de Noël, Marthau est restée 15 jours, elle est repartie hier après-midi. Roger avec les facilités de déplacement venait le dimanche et les jours de Noël et du premier janvier. Il gravite autour de Toulouse. Il finit un intérim à Albi ce qui lui permet d’aller faire quelques voyages à Castres. Nous sommes restés de Castres malgré l’éloignement. Quand il vient à Auch, c'est pour se livrer à des travaux méticuleux sur des appareils de radio, il visse et dévisse, ajuste, soude des centaines de petites pièces ; je ne lui connais que deux amours, l’électricité et la règle à calcul.

Le jardin me laisse des loisirs, il est vrai que le jour serait trop court pour pouvoir se livrer à la culture potagère en hiver. Mes lapins prospèrent et nous en mangeons souvent. Il faut bien que je m'attache à quelque chose sur cette terre. Je suis encore heureux d’avoir des enfants qui vont bien. Si Marthau avait un autre caractère je m'estimerai privilégié dans mon malheur.

Je vous quitte, donnez-moi de vos nouvelles.

Les enfants ont souvent pensé à vous, mais ils ne sont pas plus épistoliers que leur… père. Heureusement que nos sentiments ne sont pas exclusivement entretenus par le courrier.

Bien affectueusement à vous tous.

Valentin Cabanat

116 rue de Metz, Auch

Je ne me rappelle plus le nom de votre place ? Jean ??

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13 juin 1917

Chère tante, chère bonne-maman, chère Justine

J'arrive de permission, vous allez m'en vouloir de n'être pas monté jusqu'à Prats. Je vais vous exposer la situation, vous verrez que c'était impossible. D’abord, je n'avais que le minimum de 7 jours. Nous sommes dans une période où il faut rentrer juste. J'ai partagé trois jours à Avignon, 3 jours à Toulouges. Il m'a fallu une journée entière entre les deux.

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Je suis sûr que vous êtes de mon avis.

Avec la rapidité des transports, il me fallait encore un jour et demi de chemin de fer pour aller passer quelques heures près de vous. J'aurais passé tout mon temps sur les banquettes de trains. J'irai vous voir la prochaine fois. Je crois que je n'attendrai pas six mois cette fois-ci. Je vais rattraper mes deux mois de retard conformément aux idées du général en chef. Il faut prendre de l’avance, je partage son avis.

J'ai passé une bonne permission, j'ai trouvé tout mon monde en bonne santé. On m'a trouvé fort bonne mine, un peu cuit par le soleil mais ce n'est rien.

Les voyages sont particulièrement pénibles, il faut retenir ses places à Paris 3 jours d’avance. J'ai eu la chance de trouver une place assise à l’aller et au retour, il faut pour cela arriver plusieurs heures à l’avance. J'étais averti et comme un homme averti en vaut au moins vingt, je me suis arrangé. Et puis, que ne ferait-on pas pour aller en permission, je crois que j'irais à pied.

Je suis sans nouvelle de tante Louise. Je leur ai écrit deuc fois, la dernière était quelques jours avant mon départ en permission. Il doit y avoir beaucoup de travail avec les légumes frais, écossage des petit-pois, et on n'oublie, ça m'étonne cependant.

J'ai trouvé à mon arrivée une carte de Prosper. Il ne me dit jamais nettement où il est. Si je savais le point exact, je le trouverais. Je crains de perdre du temps sans le trouver alors je ne me lance pas. Je lui ai fait remarquer qu'entre nous il n'y a pas d’indiscrétion, nous perdons ainsi par pudeur de bons moments à passer ensemble.

Prats a certainement son aspect estival. Justine a-t-elle retrouvé la santé d’autrefois ?

Bien affectueusement à tous, bonne santé.

Valentin, 70e compagnie d’aérostiers, secteur postal 102