Nous savons :
22 octobre 1822, naissance à Tulle, voir aussi le résumé qu’en fait son père dans ses Carnets,
6 septembre 1840, Chirurgien élève,
1 avril 1845, Docteur en médecine de la faculté de Paris, voir aussi une lettre de 1841 : Louis vient dans son travail de la pleurésie en tête de la liste de tous ceux qui ont concouru avec lui
,
1847 – 1858, 11 années de service en Algérie, voir aussi la lettre de 1857 : ou pour espèce de dédommagement on l’a nommé de 1re classe
,
12 février 1858, sous-directeur de l’École de santé militaire de Strasbourg, il est décrit :
Celui-ci avait de grandes qualités de commandement, de sang-froid, de courage et de compétence, mais il était pointilliste et manquait certainement d’humour et de doigté. Aussi était-il très brocardé. Il fut le « héros » d’une autre caricature de la même série que celle sur Cauvet. Rouis avait émis la prétention d’accaparer des locaux de l’École de Pharmacie. Le dessin le représente y arrivant à la tête de ses élèves. Cauvet le suit.
Le premier élève médecin du peloton est Bleicher, futur professeur et directeur de l’École de Nancy. Les professeurs reçoivent les militaires : Kirschleger est à genoux, Jacquemin présente les clés sur un plateau et Oberlin et Schlagdenhauffen se tiennent respectueusement en arrière. Pourtant, Rouis n’oubliera pas l’École de Santé, dont il sera aussi directeur intérimaire, et il publiera sur son histoire, en 1898, un volumineux ouvrage qui reste encore aujourd’hui, d’après Héran, une source remarquable d’informations.
(Pierre Abrude) 1993 L’Hôpital militaire Sédillot de Nancy et le médecin inspecteur Charles-Emmanuel Sédillot. Revue d’histoire de la pharmacie, 81e année, N. 297, pp. 195-204. via Persée
Le directeur était secondé par un sous-directeur, ce fut le médecin principal Rouis qui occupa ce poste. D’après l’un de ses anciens élèves, Rouis a été « l’âme un peu inquiète » de cette institution. Grâce à son ouvrage sur l’histoire de l’École, il demeure sa mémoire.
Bertrand Kleider et Jean-Yves Pabst (2005) L’École impériale du Service de santé militaire de Strasbourg(1856-1870), Revue d’histoire de la pharmacie, 93e année, N. 345, pp. 61-72. via Persée
14 mars 1859, 37 ans, marié à Saint-Dié (Vosges) avec mademoiselle Léonie Jérôme,
Chevalier de la Légion d'Honneur le 28 décembre 1859 , Officier, 8 février 1871 (probablement à la suite de sa conduite pendant le siège de Strasbourg à l’école de Santé militaire),
Par décret du 8 février 1871, médecin principal de première classe,
Nommé à Grenoble,
Admis à la retraite le 10 octobre 1878,
Don de sa collection de livres médicaux anciens au fond ancien de la bibliothèque de l’École de Santé de Lyon
Depuis 1981, elle est à Bron dans la Salle d’Honneur du rez-de-chaussée du bâtiment de commandement.
Une étiquette dans chaque ouvrage en rappelle l’origine.
12 juin 1908, décès à l’âge de 85 ans à Saint-Dié.
Voici la liste des ouvrages publiés par Jean-Louis Rouis :
En Algérie, d’après MM. Rouis et Laveran, les Français du Nord et les individus appartenant aux races septentrionales (c’est-à-dire les descendants des Belges, des Germains, des Scandinaves, etc.) seraient deux fois plus prédisposés aux abcès du foie, dans le rapport de 138 à 71, que les Français du Midi et les individus de race méridionale (c’est-à-dire les descendants des peuples ibériens).
Gustave Lagneau (1869) De quelques recherches anthropologiques sur les conscrits et les soldats. In : Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris,ii Série. Tome 4, pp. 572-600. via Persée
Mon cher Cousin Rouis
Je réponds à votre lettre que j’ai reçue fin décembre, voici une nouvelle année qui est commencée, jusqu’alors nous n’avons pas eu de grand froid dans notre payse, nous n’avons pas eu de neige jusqu’à présent depuis quelques nous avons assez de beau temps.
Je vous remercie de vouloir bien vous souvenir de moi, car je pense souvent à vous et à votre famille, je souhaiterai que votre demoiselle que sa santé soit bien meilleure afin que vous ne soyez pas obligé de vous déplacer tous les ans. Jusqu’à présent je me porte assez bien pour mon âge, je vais avoir le 1er mars prochain 74 ans.
J’espère vivre tranquille avec mes petites rentes, vu que je suis pas habitué à faire beaucoup de frais, sans cela je me trouverai bien restreint, car mes enfants m’ont mis dans une triste situation, car pour moi, c’est une grande perte de plus de cent mille francs et que si ils avaient été plus francs et plus confiants envers moi et qu’ils m’eussent confié leur position, aujourd’hui je me serai bien gardé de faire ce que j’ai fait pour eux, j’ai beau vouloir m’occuper pour me distraire, je ne fais que penser à cette malheureuse affaire. Vous, mon cousin, vous avez le bonheur de voir votre fils bien placé. C’est malheureux que votre demoiselle n’ait pas de santé, mais moi je n’ai aucune satisfaction, j’ai ma fille que son mari tient une ferme dans les environs de Reims en location qu’ils avaient auparavant à eux appartenant, je ne sais s'il pourra continuer à la faire valoir, car c’est de pauvre terre ; c’est ce qui fait que ça me donne de l’inquiétude.
Je vois que votre fils a changé de pays et que vous avez le bonheur d’être grand-père d’un garçon de 11 mois. Je vois que vous avez été hotté de votre portefeuille. C’est fort heureux qu’il n’y en eût pas d’avantage. C’est toujours une perte de 200 francs.
Vous me demandez des renseignements sur la famille. Mon grand-père Demarest Jean François, né à La Fère est décédé à Chauny, le 26 avril 1825, à l’âge de 80 ans, veuf de Gérardine Lem né à Liège, Belgique. Elle est décédée à La Fère, je crois que c’était en 1810, car mes parents se sont mariés fin décembre 1811 et sa mère était morte quand ils se sont mariés.
J’espère bien, mon cher cousin, que j’aurais le plaisir de vous voir dans le courant de l’été, si vous pouvez amener avec vous votre demoiselle, ça me fera plaisir de faire sa connaissance.
Je vous prie d’accepter les vœux que je forme pour vous et pour votre famille et je désire que votre demoiselle que sa santé soit meilleure.
En attendant le plaisir de vous voir, mon cher cousin, je vous prie de recevoir mes sentiments les plus affectueux.
Mon cher Cousin Rouis
Je reçois ce matin par le chemin de fer le pli postal recommandé renfermant le portrait de notre grand-père M. Demarest qui est arrivé en très bon état vu que vous l’aviez bien emballé, vous me demandez que je vous donne l’âge et les prénoms de notre oncle décédé à Limoges, je viens de voir sur une lettre qu’il avait adressé à ma sœur Félicie Loiseaux vue qu’elle lui faisait part de son mariage avec M. Beaumé et elle l’invitait à venir à sa noce qui aurait lieu dans le courant d’avril 1833. Il lui avait répondu qu’étant receveur d’octroi à Limoges, il ne pouvait s’absenter vu qu’il avait des jaloux et des ennemis et qu’il pourrait perdre sa place en profitant de son absence, et qu’il la remercie beaucoup. S'il était venu, il aurait le bonheur de voir ses deux sœurs, ma mère et la vôtre qui est venue à la noce avec votre frère Alphonse. Et je présume que c’est peut-être bien peu de temps après qu’il a été assassiné et noyé.
Quand à l’âge, je ne puis vous le donner. J’ai pu trouver dans les papiers que j’ai à la maison. Il se nomme Sébastien Gérard Demarest dans le papier que j’ai trouvé, j’ai vu que mon grand-père Demarest avait eu d’un premier mariage une fille nommée Élisabeth Jeanne Demarest, née à Paris le 11 mai 1774, décédée, épouse de Louis Quentin Grébert, marchand épicier demeurant à Saint-Quentin et que ladite dame Demarest était fille de Jean François Demarest, Marchand à La Fère et de feux Marguerite Denise Hubert qu’elle n’avait point laissé d’enfant et que ses héritiers sont savoir :
Sébastien Gérard Demarest au 8e régiment,
Jacques François Marie Demarest, ouvrier dans la compagnie et que ma mère m’avait dit qu’il avait péri à Vérone étant malade à l’hôpital et qu’il avait été jeté à la rivière pour faire la place aux autres soldats blessés,
Jeanne Catherine Demarest ma mère,
Jeanne Charlotte Demarest votre mère.
Mais je n’ai jamais eu connaissance que mes parents eurent hérités de leur sœur ainée qui n’était que sœur de père et bon de mère. Voilà tout ce que je puis vous dire à ce sujet, et pour la lettre laissé à son mari.
J’espère mon cher cousin avoir le plaisir de vous revoir l’an prochain, mais faites en sorte de venir accompagné de votre demoiselle que j’aurai été flatté de faire sa connaissance. J’espère que vous êtes remis de vos fatigues de voyage.
Vous présenterez mes respects à votre demoiselle de ma part.
Je fini ma lettre, mon cher cousin et je suis pour la vie votre tout dévoué cousin.
Ps : j’ai le portrait fait à la silhouette de la sœur ainée de notre mère qui est Madame Grébert.
Le 14 novembre 1860 , le médecin-major Jean-Louis Rouis, jusqu’alors adjoint à la direction, est nommé sous-directeur de l’Ecole impériale du Service de santé militaire de Strasbourg.
En fait, il sera le véritable directeur de l’Ecole ; car le directeur en titre, le médecin-inspecteur Charles Sédillot, pris par ses trois autres fonctions de professeur de clinique chirurgicale à la Faculté de médecine et de directeur de deux services chirurgicaux, l’un à l’hôpital militaire, l’autre à l’hôpital civil, était en pratique absent. C’est à Rouis, sauf dans les grandes occasions, qu’avaient affaire les élèves.
Jean-Louis Rouis (1822-1908) était docteur en médecine de Paris ; il avait soutenu sa thèse : Des fractures des articulations en général, le 1er avril 1845. Contrairement à ce qui a été dit sur lui, il n’était point un médecin militaire de bureau de garnison : pendant dix ans, de 1847 à 1857, il avait fait de la clinique quotidienne en Algérie, dans les ambulances et les hôpitaux militaires. On a prétendu aussi qu’il était flagorneur à l’égard du pouvoir civil or en 1848, il avait ouvertement manifesté sa préférence pour le général Cavaignac, concurrent malheureux du Prince président à l’élection pour la présidence de la République et qui, républicain farouche, avait désapprouvé jusqu’à sa mort le coup d’Etat du 2 décembre.
En 1898, retraité, Rouis publiera un volumineux ouvrage de plus de 700 pages, qui prouve l’attachement qu’il avait pour son ancienne Ecole : Histoire de l’Ecole impériale du Service de santé militaire, instituée en 1856 à Strasbourg ; elle reste la source principale des historiens, la rigueur d’information et la précision en sont remarquables.
Après la capitulation de Strasbourg le 27 septembre 1870, lors de l’Occupation de la ville par l’armée allemande, Rouis fera preuve, nous apprend Jean Valentiny, « de remarquables qualités de commandement, de sang-froid et de courage », dans une cité en proie la démoralisation et même au pillage.
Il terminera sa carrière en 1878, comme médecin en chef de l’hôpital militaire de Grenoble.
Loin d’avoir des idées étroites, comme une légende maligne née dans les murs de l’Ecole a voulu le faire croire, Rouis n’avait nullement l’état d’esprit borné qu’on prête traditionnellement aux adjudants de caserne. En 1903, âgé de 81 ans, il écrira une Histoire médicale de la province d’Alger pendant la période d’occupation de l’Algérie (1830-1854) ; et il sera un spécialiste des coquillages, tant actuels que fossiles ; à sa mort, il en laissera 15 000 pièces.
Rouis dirigea l’Ecole dans des conditions les plus inconfortables, et par malchance il manquait probablement de doigté, certainement humour... L’excessive sévérité d’une réglementation tatillonne (pour le seul régime des élèves, le règlement de 1864 ne comporte pas moins de 91 articles, et instruction complémentaire de 1865 en a 165 !) ; l’incompréhension de Rouis, qui appliquait les dispositions de celui-ci à la lettre ; la promiscuité avec les étudiants civils libres de leur temps ; le régime libéral dont bénéficiaient leurs aînés n’ayant pu être casernés, tout cela explique que les élèves de l’Ecole militaire faisaient de temps à autre parler d’eux dans la population leur pardonnait des facéties innocentes, telle – entre autres – celle de décrocher le long serpent de laiton qui servait (et sert toujours) d’enseigne à une droguerie de la rue des Hallebardes, puis de le nicher dans un arbre de la place Broglie ou de le déposer sur le gazon du parc des Contades, afin d’effrayer les bonnes d’enfant matinales... Cependant, de temps à autre une brusque poussée de fièvre agitait les élèves, exaspérés par la rigueur pointilliste de Rouis et cela malgré l’indulgence embarrassée de Sédillot et surtout de Colmant (qui succéda à Sédillot en janvier 1869 comme directeur de l’Ecole).
Rouis était copieusement brocardé ; l’un de ses anciens subordonnés décrit comme l’homme le plus caricaturé, chansonné et même honni, qui existât jamais ». Cependant, certains élèves allèrent jusqu’à la désobéissance et même jusqu’à la désertion à Kehl, ce qui manqua de créer un incident diplomatique. La propagande anti-bonapartiste s’en mêla avait le péché originel d’avoir été formée par l’Empire !), ainsi qu’un répétiteur de l’Ecole qui était en même temps agrégé de chirurgie à la Faculté : Charles Sarazin. Après Hippolyte Larrey eût alerté sur les insuffisances de l’Intendance dans l’exécution du service de santé en campagne pendant la guerre d’Ita1ie ( 1859), Sarazin avait tiré, lui, les enseignements de la guerre de Sécession (1861-1865) et surtout de la guerre austro-prussienne (1866), concluant que le Service de santé militaire français était mal adapté aux conditions de la guerre moderne ; avec autant de courage que d’imprudence, il tentait d’orienter l’enseignement strasbourgeois de la chirurgie militaire vers une plus grande efficacité (la tragédie de 1870 allait bientôt donner raison à Sarazin). Mais Rouis, toujours à l’affût d’un complot, parla de « déclamations d’un répétiteur de chirurgie, prêchant l’insurrection contre l’administration supérieure de La guerre »...
Oublieux des tracasseries et des quolibets, Rouis restera jusqu’à sa mort très attaché à ses anciens subordonnés ; il conclura son ouvrage sur l’histoire de l’Ecole, en évoquant les « souvenirs inaltérables » de la mission de celle-ci, de 1856 à 1870. « Ces souvenirs étaient ceux que cette mission avait imprimés dans Le cœur des élèves qui s’y étaient formés ».
Le médecin principal en retraite Jean-Louis Rouis mourra à Saint-Dié, le 12 juin 1908.
J. Héran