Nous savons
que Léon (19 février 1847 - le 5 août 1863) est mort à l’âge de 16 ans
qu'il a fait sa scolarité dans deux collèges, ce qui nous vaut la correspondance de cette page
1856, Sainte Barbe des champs à Fontenay aux roses, Léon Alfroy, consigné dimanche 30 novembre.
Il n'est vraiment pas possible de laisser sortir cet élève avec de pareilles notes.
Le 2 novembre 1856
Ma chère mère,
Tu pourras être contente de la manière dont je t'ai quitté. Jeudi, il n'y a eu personne de notre classe au séquestre et monsieur Guérard pourra être content. Je jour que je t'ai quitté, j'ai été bien malade la nuit et j'ai vomi ce qui m'a beaucoup soulagé.
On est plus content de moi, chère mère ; écrit à Marianne pour moi et envoie moi son adresse pour que je lui écrive. Ainsi je ne vais donc pas me faire coller pour dimanche ; pense quel chagrin tu auras, ainsi que Paul et Auguste. Chère mère, écrit bien à ce qu’on l’on vienne me voir dimanche. Je fais quelque progrès ce qui m'avance beaucoup.
Chère mère, pense bien à me donner des nouvelles de papa, et la réponse de ta lettre sitôt que tu l’auras reçue. Adieu chère mère, souhaite le bonjour à M. et Mme Midorge ainsi qu’à Alix, M. et Mme ,Dumée et Moreau.
Adieu chère mère, je t'embrasse de tout mon cœur ainsi que petit père.
Ton fils bien dévoué.
Alfroy Léon
Le 6 novembre 1853
Ma chère mère,
Chère mère, tu dois être contente de la manière dont je t'ai quitté. J'ai trouvé mes sucres d’orges bien bons. Nous avons reçu des… latins de M. Guérard hier. Nous jouons au manège parce qu’il fait trop froid maintenant. Mme Gabriel est bien bon pour moi. J'ai aussi oublié de te dire tandis que j'étais à Lieusaint que Mme Jule te remerciait beaucoup parce que je lui avais donné son portrait.
Chère mère, je regrette infiniment de ne pas avoir vu mes petits amis tandis que j'étais chez nous, mais à Noël, j'espère bien que je les verrai tous. Je ne m'ennuie presque pas, donne-moi la réponse tout de suite, tu sais combien ça me fait plaisir et combien j'y tiens. Nous allons le soir en sortant du réfectoire en étude parce qu’il fait trop noir pour y rester. J'espère que je suis… pour t'écrire et j'y prends plaisir. J'espère que je te donne assez de détail, tu pourras être contente. Chère mère, dans mes compositions, je suis le vingtième de l’…
Adieu chère mère, je t'embrasse de tout mon cœur, souhaite le bonjour à M. et à Mme Midorge et à M. et Mme Dumée, Alix,…
Adieu chère mère, je t'embrasse de tout mon cœur ainsi que petit père.
Ton fils bien dévoué
Alfroy Léon
Le Havre, 18 août 18…
Mon cher père,
Quelle journée délicieuse je viens de passer pour la première fois de ma vie, j'ai vu des vaisseaux, j'ai vu la mer, et mieux que tout cela, je me suis baigné. L’eau est délicieuse, mais ce qu’il y a d’ennuyeux, c'est que les vagues sont un peu fortes et qu’elles vous renvoient des galets qui ne vous font pas trop de bien.
Ce soir après diner, nous avons été faire une promenade délicieuse sur la jetée, nous avons vu arriver deux superbes paquebots ainsi qu’un magnifique trois mats, et nous avons vu partir un bateau pécheur et un superbe brick.
Tu ne sais pas l’effet que la mer me produit, j'y cours, et j'aperçois un vaisseau, là j'en vois un autre, j'y cours aussi ainsi de suite, tu vois, ça n'en finit plus, je suis très fatigué et franchement je ne suis pas fâché de me coucher.
Au revoir bon père, embrasse bien Fernand, dis-lui que je lui rapporte quelque chose. Tu feras mes compliments à ces dames, tu leur diras que je m'amuse bien. Samedi, j'ai visité Le Havre, dimanche je visite Etretat, lundi Trouville et je reviens ce soir.
Au revoir, je t'embrasse de tout mon cœur, ton fils dévoué,
Léon Alfroy
Bonsoir mon petit Fernand,
Es-tu bien sage et écoutes-tu bien ton papa. Nous sommes au… mon petit homme dans une grande chambre à trois lits, hôtel de Bordeaux, rue de la gaffe. Fier Léo t’a acheté un petit bateau bien gentil et puis des petits coquillages. Tu seras bien content de tout cela. Nous avons pris un bain de mer avec Léo et Lisa qui ont tous deux la bouche et les yeux tous vaillants, c’est des bailleur more somme et l’année prochaine je t’emmènerai. Il y a beaucoup de petits totos et des petites tototes qui s’amusent au bord de la mer à chercher des coquilles. Tu diras à Papa Alfroy que les moissons ne sont seulement pas coupées par ici. On fauche les blés, mais le pays est bien beau depuis Rouen que j’ai vu en passant et qui est bien remuant.
Tu lui diras aussi que fier Léo, le bailleux ne veut pas quitter le bord de l’eau, il a des cailloux pleins les poches. Il ne veut pas se coucher. Je vais le fouetter. Tu l’embrasseras bien pour nous ton petit papa et tu lui diras que puisqu’il ne m’a pas écrit dans son voyage, je ne lui écris pas à lui. Tu m’enverras chercher mon petit toto mardi à 10 heures 20 du soir car je ne sais pas trop à quelle heure nous revenons.
Léo t’embrasse bien ainsi que la choupette, tu diras à la mère Aglaé qu’on lui rapporte quelque chose et à tout le monde aussi. Je t’embrasse sur tes deux belles joues bien fort et de tout mon cœur. Ta petite mère qui t’aime bien.
Valentine Alfroy
Ce 21 novembre,
Chère mère
Je ne suis pas bien sûr d’être consigné, mais par hasard si je l’étais, je t'engagerais à venir me vois parce que j'ai un exemption à te donner. Tu m'as dit que si j'étais malade que je te le dise. Je ne le suis presque plus, j'ai mal à la lèvre, le dentiste est venu et il m'a dit que j'avais deux dents à nettoyer.
J'ai eu bien peur que l’on m'en arrache. On a composé dernièrement en écriture et j'ai été seizième avec une exemption.
Mère, le soir que je suis sorti avec Charles était crotté jusqu’aux genoux et le lendemain je me suis donné la peine de le brosser.
J'ai déjà été à confesse, le professeur de gymnastique l’appelle M. Veroles.
Adieu chère mère, tâche de consoler mon pauvre petit père qui me fait beaucoup de peine.
Tu m'as demandé si l’on n'avait changé de place, mais on ne m'en a pas changé. Notre professeur a été bien malade et il a eu le…
Adieu chère mère, je t'embrasse de tout mon cœur ainsi que ce cher petit père qui me fait beaucoup de peine. Je t'en prie, chère mère, pardonne-moi de ma faute, adieu chère mère.
Alfroy
Le 2 novembre 1856
Mon cher ange,
Tu as dû recevoir ma lettre assez à temps dimanche pour ne pas m'attendre. Je ne t'avais pas promis et tu sais que raisonnablement je ne puis toujours voyager constamment. Ton petit père doit aller à Paris, c'est lui qui ira te chercher et qui te ramènera près de moi, je ne suis pas très bien portante sans pourtant être malade et ce voyage m'aurait encore fatiguée. Nous apprenons au beau petit Fernand à prononcer ton nom.
Il le bégaie déjà d’une façon toute comique et il t'amusera. Il parait que les prix de Pâques ne t'ont pas mieux réussi que ceux de la fin de l’année car tu m'aurais vite annoncé cette bonne nouvelle si tu avais été couronné.
Nous avons reçu le bulletin trimestriel qui est très bon cette fois, c'est le premier qui soit autant en ta faveur. Tu as tout assez bien et un bien, mais à l’écriture tu as un affreuse écriture de la main de M. Guérard et il n'a pas tort car tu écris bien mal.
Petit père a été content de tes progrès et il tient toujours le cheval à ta disposition si tu n'es pas en retenue. Courage donc l’ami, travaille bien.
Adieu cher ange, à samedi, j'irai te chercher au chemin de fer. Nous t'embrassons tous de tout cœur.
Valentine Alfroy
29 avril 58
Paris, le 7 janvier 1859
Ma chère mère,
Tu ne m'en voudras pas j'espère, parce que je t'écris sur une feuille de papier à lettre comme celle-ci mais je n'en n'ai pas d’autres.
Charles est venu me voir hier soir, il m'a apporté une boite de couleurs de deux sous et il m'a dit qu’il mettrait mes étrennes là-bas à Lieusaint et comme il doit aller chez nous avec M. Whoil c'est Pauline qui me fera sortir.
Je ne m'ennuie pas, je me porte très bien, mes lèvres sont guéries.
Adieu, je ne puis pas t'en dire plus, envoie-moi un gros paquet de papier à lettres, pas d’enveloppes car j'en ai.
Embrasse bien papa et Fernand de ma part ainsi qu'Alix.
Quant à toi, mille baisers, adieu, ton fils adoré
Alfroy
Envoie moi du papier à lettre des couleurs que je vais t'indiquer : du blanc, du rose, du bleu, adieu encore et bon baiser
Mon cher ange,
Au lieu de visite tu n'auras que ma lettre pour fiche de consolation. Je n'ai pas vu Charles et n'ai pu lui de t'aller voir, tu sais du reste combien il est occupé à son théâtre, il vaut donc mieux ne pas l'ennuyer maintenant. Plus tard, quand il sera plus libre, il sait bien que tu aimes les visites et si ça lui est agréable il ira te voir, ne compte donc su personne. J'ai écrit à M. Molliard pour savoir l'heure à laquelle je pourrais t'envoyer chercher pour le mariage de Pauline.
J'attends la réponse, sitôt que je l'aurai, je te l'écrirai. J'ai consulté mon almanach, sais-tu cher petit que tu vas avoir 3 sorties presque successives, d'abord ta sortie de dimanche prochain, puis celle de la sainte Barbe le 4 décembre et celle de Noël, puis le jour de l'an, il faut donc travailler pour rattraper tout ce temps perdu. Je serai si fière, petit ami, si chaque fois que je demande des nouvelles de tes progrès on me réponde comme lundi dernier, ça va bien. Ton petit père est bien heureux de ta bonne conduite, aussi il ne gronde plus quand il s'agit de te faire sortir.
Je compte sur une lettre de toi ce soir, écris moi aussi dimanche soir. Je suis bien contente quand j'… tes lettres. Adresse-toi à ton petit père et pas toujours à moi.
Ton petit Fernand est bien beau, si tu voyais comme il est gai et toujours de bonne humeur. Il est seulement bien colère et bien exigeant, tu étais d’un caractère plus doux.
Toute la maison pense à toi, adieu mon enfant chéri, je t'embrasse mille fois.
Valentine
Mon cher enfant,
J'ai un tardé à t'écrire mais le jardin en est la cause, ton petit père a fait planter tout ce qui restait et j'étais bien aise d’être là pour donner mon avis, enfin il est à peu près fini. Tu le trouveras très beau lorsque tu viendras samedi prochain. J'irai te chercher et nous reviendrons à la campagne le soir même. Dis-moi, cher ange, si tu as plus de temps pour ton piano. Je ne voudrais pas non plus que l’on te priva de récréations.
Dis-moi donc les heures auxquelles tu étudies et si tu as aussi le temps de jouer ce qui est nécessaire à ta santé. Nous t'attendons ici pour baptiser les salles du jardin, il y en aura une portant ton nom et l’autre celui de ce monsieur Fernand. Le petit amour va très bien, il est gai, sa petite indisposition n'a pas eu de suite et il a deux grosses dents prêtes à percer ; elles le seront probablement lorsque tu viendras.
J'attends une lettre de toi mon ami ces jours-ci. J'embrasse le beau petit camarade pour toi. Petit père est content de ta bonne conduite, il t'envoie un gros baiser de campagne sur tes petites joues fraiches.
Adieu petit enfant, travaille bien, je t'embrasse mille mille mille fois.
Valentine
Ma petite mère,
je ne suis pas sorti samedi car Charles n'a pas reçu la lettre assez à temps, mais je suis sorti dimanche matin, j'ai déjeuné chez Charles puis je suis allé à l’hippodrome où j'ai vu le ballet des lanciers, le triomphe de Mazeppa et l’attaque du château et je suis revenu en calèche ; le soir j'ai diné chez Charles et ensuite j'ai été à Beaumarchais.
Ton état m'inquiète beaucoup et ce matin j'ai pleuré mais j'ai été un peu rassuré et j'espère que ça ira mieux. Je vais tâcher de bien me conduire pour te voir samedi et t'embrasser ainsi que Fernand et papa.
Adieu chère mère, je t'embrasse de tout cœur et soigne toi bien, ton fils chéri,
Léon Alfroy
dimanche 11 mai 1857
Je suis bien allé samedi à 4 heures ½ le chercher mais on m'a dit qu'il n'arriverait que le dimanche matin, nous arrivons de l'hippodrome.
Nous allons diner et de là, aller voir l’… du tour de France. J'ai reçu ta lettre hier samedi à 7 heures. J'en ai fait part à Thierry, tout fait présager un prompt rétablissement, mais pour Dieu, pas d’imprudences ! Nous avons notre Mougine pour ce soir, nos pastilles de menthes pour demain. À 7 heures tout le monde sera sur le pont et à 8 heures on sera rentré au collège.
Toute la famille me charge de vous dire bien des choses de sa part.
Charles
Dimanche, 7 heures du soir
Paris, collège Sainte Barbe, le 7 octobre 1858
Ma chère bonne mère
Je t'écris un petit mot qu'il faut que tu viennes absolument dimanche si tu ne veux pas que je sois consigné le dimanche en huit. Je vais te dire pourquoi, il faut que tu m'achètes des cahiers de texte cartonnés pour écrire certains auteurs latins comme Phèdre, Cornelius et des proses et deux autres pour mes textes de compositions grecque et latine. Cette chose nous a été dite par notre professeur de classe qui le veut absolument ; puis tu penseras à me rapporter un buvard en cuir qui est dans le grenier où était l’ancien fruitier ; il est sur une tablette à côté du tambour. Pense à cela je t'en prie qui me sera très utile en classe pour mettre mes copies, sans cela je les perdrai et je les recommencerai à la salle aux haricots comme dit Eugène. Je te donne rendez-vous à 9 heures précises, chez madame Luque.
Je t'attendrai jusqu'à 9 heures 1/2, si tu ne viens pas, tu me feras coffrer et ce sera par ta faute. Apporte de l’argent pour m'acheter un canif car ils sont permis. J'ai beaucoup d’amis, tes travaux sont rudes, dix fois pire qu'à Fontenay. Nous travaillons sans cesse mais en revanche tu verras au lieu de ce que j'étais avant un barbiste gentil aimable obéissant. En classe, je suis à côté de Pille…
Ainsi, pense à ce que je t'ai dit.
Adieu, je t'embrase bien ainsi que papa, Fernand, mon oncle, ma tante Valentine et Alix. Souhaite bien le bonjour à Rosalie et Aglaé, M. le curé, M. D…, M. J…
Le barbiste Léon Alfroy
À dimanche 9 heures du matin et ne manques pas car tu verras
Le 16 juillet 1857,
Ma chère mère,
Je t'écris ce petit mot pour te dire que je n'ai pas encore reçu l’autorisation pour me faire continuer mes répétitions. Je me porte bien, nous avons été à la fête et je me suis bien amusé. Je me souviens de ce que tu m'as dit. Tu te rappelles que papa voulait venir me voir mais tu as préféré venir et je voudrais bien que papa vint dimanche 19 juillet 1857 parce que j'ai quelque chose à lui dire. Ecris une lettre tu sais pourquoi à M. Clouet et à Mme Gabrielle, ça vaudrait bien mieux.
Adieu chère mère, je t'embrasse de tout cœur ainsi que papa et petit frère, ton fils dévoué,
Léon Alfroy
Pense à me rapporter ma navette, mon fil et mon moule.
Ce jeudi, 12 août 1857,
Ma chère mère,
J'ai été 11e en thème, j'ai été en retenue mardi, mercredi, jeudi mais je n'ai pas été en retenue au séquestre, mes maîtres sont assez contents de moi. Mme Aman qui est au vestiaire m'a dit que tu m'envoies un gilet parce que le mien est tout déchiré. On a retrouvé mon cache-nez. Je me porte bien, je ne crois pas être consigné pour dimanche. Ecris à M. Cugny pour qu'il ne me fasse pas arracher les dents.
Dis à Mme Laverdes qu'elle ne s'en aille pas encore. Dis-moi si Fernand et papa vont bien.
Adieu chère mère, je t'embrasse de tout mon cœur ainsi que Fernand et papa.
Souhaite bien le bonjour à tout le monde et à madame Laverdes. Ton fils ainé
Léon Alfroy
Je fais tout mon possible pour sortir dimanche, tu n'y viendras par pour rien je l’espère. Mon cher petit père pourra être satisfait de mon travail et d’après ce que dit mon professeur, je pense que je t'ai mis assez de détail et si je ne t'en ai pas assez mis, tu me le diras sur ta lettre. Pense bien à me l’envoyer parce que tu sais combien j'y tiens.
Adieu chère mère, la perte de mon pauvre oncle Jules me fais beaucoup de peine. Adieu chère mère, je t'embrasse de tout mon cœur ainsi que petit père. Souhaite le bonjour à M. et Mme Midorge, …
Adieu chère mère, je t'embrasse tout mon cœur ainsi que petit père, ton fils bien dévoué,
Alfroy Léon
et dimanche pour sur
Ce lundi 12 juillet
Ma chère mère
Je me doutais bien que tu ne viendrais pas me voir mais ce n'est pas là qu'est le sujet de ma lettre. Tu sais que c'est la fête de Fontenay aux Roses et que je n'ai pas d’argent et je serais bien aise que tu m'en envoyasses. Ecris moi immédiatement et mets de l’argent dedans, c’est-à-dire 3 ou 4 francs ou bien écris à madame Gabriel qu'elle me les donne, mais j'aimerais mieux que tu le misses dans la lettre. Tu me diras si Fernand est sevré et si la nourrice est en allé car je voudrais lui faire commencer un épervier si elle y est, dis-moi qu'elle le commence tout de suite car elle me ferait bien plaisir. Hier je n'étais pas en retenue et j'ai aucune exemption pour mes notes de classe et d’études.
Je me porte bien, madame Clovis est malade et monsieur Clovis te souhaite le bonjour.
Dieu t'embrasse bien ainsi que papa, ton fils ainé
Alfroy
et samedi à 3 heures précises
Mon bon ange,
Je ne t'ai pas écrit hier parce que j'ai été bien occupée après notre petit Fernand, il est malade depuis 3 jours de la grippe, il a été bien malade, il est mieux aujourd’hui, la fièvre la quitté, il n'a plus que mal à la gorge et il est bien plus gai mais j'ai été bien inquiète.
J'espère mon ami que tu travailles bien et que pour me remettre de mes tourments de ton petit frère tu ne te feras pas mettre en retenue dimanche.
Tu ne voudrais pas ajouter ce chagrin à celui que j'ai eu. J'y compte bien, n'est-ce pas mon chéri. J'attends ta lettre avec impatience, ton papa va bien, il doit aller à Paris pour ses affaires.
Bien, j'ai retrouvé une exemption, je te l’envoie peut-être te servira-t-elle. Je compte bien sur toi pour dimanche, j'irai te chercher moi-même si petit Fernand continue à bien aller.
Nous t'embrassons tous de tout cœur.
Valentine
Ma bonne petite mère,
Le bruit court dans le lycée que nous aurons un congé samedi à propos de la nomination du nouvel archevêque. Je souhaite que le bruit se réalise, mais en attendant, j'en doute fort. Toujours est-il que je t'attends samedi à 1h ou à 4h pour allocuter le père Lesage. Dans ce moment, je suis tout à la poésie, mes muses m'ont entraîné, je gravis sans cesse le Parnasse, et comme dit Boileau,
je vais rêver dans le double vallon.
Je viens de mettre envers la dispute de Tauvel et d’Alfroy Duguet, j'en ai fait 6 couplets et le refrain que j'ai fait, 7, sur l’air de tout ce que je vous dis.
Je suis en train de faire une autre pièce de vers intitulée Son rêve. Fernand en est le sujet. Tu vois que je marche. Je te soumettrai tous ces essais. Fais-tu tondre le cheval ? Je n'ai pas encore vu Mme Thierry. Je vais lui écrire pour lui donner des nouvelles de Toto.
Tu sais que les Saint-Cyriens sont tous licenciés car le typhus s'est mis dans l’école et ces deux jours, 50 élèves sont tombés malades. Ah que je serais content, et je dirais toujours avec Boileau
Il vaut mieux à jamais me bannir de ce lieu, je me retire donc, adieu Paris, adieu.
En attendant cette bienheureuse contagion, je vous embrasse tous, adieu, adieu.
Léon Alfroy
Fais tondre mon cheval, à samedi 1h.
18 octobre 1862, Lycée Charlemagne à Paris, Certificat d’examen de Grammaire pour Léon Alfroy.